Le nombre de disques augmentait encore, alors qu’il n’avait toujours pas pleinement réalisé que d’autres avaient gardé position dans son dos, prêts à s’abattre sur lui. Tout en suite se passa si vite…
Il n’eut pas l’impression de les appeler à lui, mais les Manos de Dios vinrent se refermer sur lui, l’englobant, le protégeant, comme répondant au relâchement d’énergie qu’il avait déployé pour annuler l’effet nocif des Gillian pesant sur lui. Un instant, il avait paniqué, par peur de se faire découper en pièces. Cette mort imminente l’avait fait puiser dans ses ressources instinctivement, et il avait résonné avec l’artefact ancien sommeillant en lui.
Ce qu’il ressenti alors fut inattendu. Comme s’il n’était pas seul au creux de ces mains de pierre. « Aguarès ? » murmura-t-il alors, comme si cette sensation l’avait enfin tiré de cette volonté bestiale de se livrer à un combat sans merci. Aguarès avait été son partenaire, en une lointaine époque. Le véritable scientifique du duo, l’aventurier dont la quête avait été empruntée par Cimériès. Ce dernier avait failli y périr, dans sa soif de connaissance. La fusion de l’Alastor avec sa relique n’avait en effet pas été volontaire, et il avait fallu la maestria d’Aguarès pour empêcher qu’il n’en devienne une statue de pierre. D’une mort imminente, il avait gagné des bras d’obsidienne et des mains géantes qui venaient de le sauver, une nouvelle fois. Tout cela était donc naturellement lié pour lui, mais bien sûr il n’y eut aucune réponse à son appel. Aguarès était mort depuis longtemps, et il n’avait pas eu la chance d’être ramené, lui.
Il hoche de la tête. Comme si une chose importante venait d’être comprise, ou qu’un accord sincère était donné. Là, à l’abri des regards et des disques mortels. Le temps devait s’écouler étrangement, et paraître long pour ceux qui observaient la scène, en attente du verdict. Qu’il sorte de sa coque protectrice. Aguarès disait toujours « l’attendu n’arrive point, mais l’inattendu » lorsque Cimériès s’impatientait qu’ils ne trouvent rien dans leur quête. L’inattendu, exactement ce à quoi l’on ne se prépare jamais. Quoi de mieux que l’inattendu, donc, pour rendre ici hommage à son vieil ami sans qui il ne serait plus en vie ? « Celui-ci est pour toi... » souffle-t-il encore, en plantant sa lance devant lui.
De l’extérieur, un éclat de lumière se discerne légèrement entre les interstices des doigts de roche. Puis soudainement, lorsqu’ils s’écartent, deux Cero mordorés partent en grondant en direction de son adversaire, ses bras sombres tendus vers lui, chacun émettant l’un de ces tirs. Pas de quoi abattre Borick, lui qui venait de montrer qu’il ne manquait pas de défenses de haut niveau lui non plus, se dit-il.
- Mes excuses. Je n’ai pas été tout à fait moi-même, j’en ai peur. J’avais oublié le goût amer de la perte. Je ne m’attendais pas à ce que cela me trouble autant. Mais c’est toujours ce à quoi l’on ne s’attend pas qui se produit au final, n’est-ce pas ?
Il empoigne à nouveau sa lance, toujours sous sa forme draconique, les mains prodigieuses flottant autour de lui, prêtes à agir de nouveau.
- J’ai l’impression que nous offrons un spectacle digne à capter les foules. Quel camouflet cela serait si j’abandonnais ce combat à présent, n’est-ce pas ? Ma position de Tercera n’a pas d’importance, et je gage que nous en avons fait assez pour que l’Espada m’offre toujours une position décente.
Il secoue la tête lentement.
- Je me moque tout autant du spectacle, en vérité, qu’ils soient galvanisés ou non. Offrons-nous le respect que nous méritons. Offrons-nous cette fin que nous avons boudé lors du précédent tournoi. Offrons-nous une conclusion glorieuse. Pour une fois, j’ai moins envie de courir après l’histoire que de l’écrire...
Ponctue-t-il en se mettant en garde, prêt à continuer. Évident pourtant qu’il est sur sa fin, et qu’il ne pourra clairement plus offrir autant de résistance que ce qu’il a fait jusque là. Mais il semble avoir retrouvé sa sérénité, ainsi qu’une conviction nouvelle...