Les rois sont de sortie

Karakura était une petite ville tranquille et sans histoire en apparence. Pourtant, il n’y a encore pas si longtemps, elle était l’épicentre de toutes les attaques de Hollow au Japon. La Soul Society devait en permanence intervenir pour repousser les envahisseurs du Hueco Mundo et les inviter gentiment à retourner d’où ils venaient ou à rejoindre l’interminable cycle des âmes en mourant. Bien que le calme soit revenu, la ville regorgeait encore des signes de ces affrontements, pour qui avait la technologie adaptée pour les voir. Tanjô avait mis au point un radar permettant de détecter des vestiges d’énergie spirituelle. Malgré les efforts de la Soul Society pour effacer les souvenirs des gens, les matières inorganiques, elles, gardaient des traces de ces afflux massifs de reiatsu.

Par pure curiosité, il avait décidé d’aller errer dans les rues de la ville pour voir de ses propres yeux à quel point la période avait pu être violente. À vrai dire, la ville de Karakura se dressait là où, il y a plus d’un millénaire, ses quartiers se trouvaient. D’une certaine façon, on pouvait dire qu’il avait passé toute sa jeunesse à Karakura, à mille ans près. C’était donc vraiment uniquement dans le but de satisfaire sa curiosité clinique qu’il était venu, pour se faire une idée de ce qui avait pu se passer en son « absence ». Chaque fois que son radar retentissait, les yeux de Tanjô s’agrandissaient. Des milliers de données apparaissaient à l’écran que lui seul aurait bien pu déchiffrer. Cela lui permettait de se faire une représentation relativement précise de ce qui s’était passé.

Ting !
-Ohhh... Intéressant... Oui, c’est prodigieux !

Bien qu’il ait déjà appris la majeure partie des évènements ayant eu lieu à Karakura, le voir par lui-même avait un charme incomparablement plus appréciable. Tout à coup, le radar se mit à s’emballer, bipant sans cesse. Il avait ressenti une très grande quantité de pression spirituelle. Tanjô se accéléra, zigzagant instinctivement entre les passants, en bousculant quelques-uns sans prendre la peine de s’arrêter, trop pressé de découvrir cette source d’énergie. Mais quelque chose n’allait pas, le radar tournait à un régime bien trop important. De la fumée noire commençait à s’en dégager. Une alarme stridente se mit à sonner et la machine grésilla quelques instants avant de s’éteindre. Le scientifique pesta en levant la tête avant de se rendre compte qu’il se trouvait juste en face d’Orias, le fullbringer en charge des Coins. Son confrère d’une certaine façon.

-Ho... C’est pour ça... Vous dégagez beaucoup trop d’énergie spirituelle mon cher Orias. Mon radar ne l’a pas supporté. Oui, ça explique... Bonjour ! Je vais devoir le rerégler pour sûr. Ou du moins baisser sa sensibilité... Ou faire en sorte qu’il néglige les pressions spirituelles trop puissantes... Que faites-vous donc dans les environs ? À moins que je ne lui fasse mémoriser la signature énergétique de tous les membres... Ça représenterait beaucoup de travail... Nous sommes bien loin du QG ! Ou alors seulement ceux ayant une énergie de plus de 2500 Pascals... Ça semble être la limite...

Le savant essayait tant bien que mal de tenir une conversation polie mais son esprit était entièrement obstrué par ses idées pour améliorer son appareil. Il avait pensé à soustraire sa propre signature pour que le radar ne la détecte pas mais n’avait même pas envisagé qu’il risquait de rencontrer d’autres personnes à forte teneur en énergie. Après tout, ce n’était pas plus mal, cela lui permettait de mettre à jour les défauts de sa création. Une fois ses pensées remises dans l’ordre, il se rendit compte que bien qu’il le connaisse de vue, c’était la première fois qu’ils se rencontraient. Il s’inclina alors.

-Enchanté, je suis Shikara Tanjô, King of Cups. Pardonnez mes manières.

« T’es qui ? ». Clairement la première chose qui peut se lire dans le regard de l’astromancien. Ce dernier se gratte le revers de la main, ne supportant pas trop les bandages qui s’y trouvent encore. Quelle idée aussi de se relancer dans un combat « pour le fun » après avoir participé à la bataille grandiose ayant permis de défendre la zone de la Grande Cataracte. Au moins, cette petite « excursion » à Karakura lui permettait de se reposer un peu. Recca avait été mandée pour une mission d’escorte au Hueco Mundo. Son Jack aussi. Il fallait bien qu’il s’occupe à son tour donc, et un rapport trouvé lui procura une mission.

Leurs activités étaient surtout centrées sur Tokyo, l’actuel Jūreichi, mais il était su que longtemps, cette ville de Karakura avait occupé cette position du point géographique concentrant le plus d’énergie spirituelle. Sans doute le recrutement de Fullbringer et Quincy par l’Ultima Necat, localisés au sein du palais impérial, avaient joué un rôle dans la migration de ce point… Toujours est-il que, comme partout ailleurs, il y avait ici aussi des gens qui mourraient, laissant leurs âmes qui devaient être rapatriées à la Soul Society pour un Shinigami sans quoi des Hollow viendraient les grignoter. Cela causait forcément des troubles, et en tant que Coins, il lui revenait de nettoyer.

Bon, c’était loin de son cadre habituel, mais en banlieue de Tokyo, tout mouvement notable dans la région impliquait qu’il devrait enquêter. La raison de sa présence ici, donc, mais on en était toujours aux présentations là, woh, du calme le cerveau !

- Salut et félicité, Roi des Coupes. De toute évidence je n’ai pas nécessité à me présenter. C’est vous qui avez remplacé Junichiro, alors ? Vous savez ce qu’il est devenu, ou bien… ?

Lui non plus ne savait pas. Il avait eu pas mal à faire, et passé un bon moment à soigner ses blessures. Forcément il avait loupé quelques étapes. Il demande tout cela accroupi. Position dans laquelle son interlocuteur l’avait trouvé, et le roux n’avait pas pris la peine d’en changer pour se redresser. Il inspectait quelque chose, sur quoi il reporta son attention d’ailleurs.

- Ce que je fais là, hein ? Je vous retournerais bien la question, « mon cher » ! Héhé, mais regardez plutôt ! Pour le commun des mortels, c’est juste l’usure du chemin ! Un mélange de terre et de poussière qui prend des formes aléatoires et auxquelles personne ne prête attention. Mais si l’on y regarde de plus près… quel genre de bestiole pose ce genre de trace de pas ?

L’œil expérimenté y verrait alors sans doute une sorte de sabot, mais qu’aucun cheval ne serait assez grand pour reproduire. Et d’un point de vue énergétique… oh… Orias frotte la terre de son doigt, se le carre en bouche…

- C’est récent, c’est très récent !

Sur la piste d’un Hollow, vraiment ?

EV : 655=>1405/2100
EP : 437=>1187/1200
ES : 637=>1387/1400

Évidemment, l’astromancien n’avait pas la moindre idée de qui était son interlocuteur. Si Shikara Tanjô s’était fait un plaisir de lire les rapports de toutes les missions de l’Ultima Necat auxquels il avait accès depuis sa nouvelle nomination, et connaissait donc tous les membres d’une certaine façon, ce n’était pas forcément le cas de tous. Cela expliqua l’expression surprise qui s’était dessinée sur le visage d’Orias lorsque le scientifique s’était adressé à lui comme s’ils étaient de vieilles connaissances.

Perdu à nouveau dans ses réflexions sur la façon optimale de régler son radar à reiatsu, Tanjô sortit un tournevis de sa poche et commença à bricoler tout en écoutant son interlocuteur. Ce dernier faisait référence à Junichiro, celui qui occupait le poste de King of Cups avant lui. Un grand esprit, sans nul doute, mais avec une approche de la science bien trop terre à terre à son goût. Créer, expérimenter, tester et repousser les limites de la compréhension humaine sur le monde qui les entoure, voilà à quoi servait la science. Junichiro n’utilisait ses cellules grises que pour optimiser et renforcer l’Ultima Necat et combattre les Hollows. Un objectif un peu trop faible à son goût. Tanjô se mit à maugréer tout en continuant à bricoler.

-Junichiro... Ce petit arriviste qui devait sa place aux relations de son père ? Non, là c’est un peu trop... Voilà, c’est mieux. Il n’a pas eu les épaules pour le poste, voilà tout. Et si je relève la sensibilité de 25 % ? Moui, 25 %. Entre sa cuillère en argent dans la bouche... Tu vas rentrer, oui ? ... et ses pistons dans la fondation Memento... Alleeeeeeezzz.... Il n’a tout simplement pas assumé sa responsabilité. BINGO !

La vis qui résistait au scientifique avait fini par céder à entrer là où elle devait être. Le radar se ralluma instantanément et se remit à émettre un petit bip régulier. Enfin, la pression spirituelle d’Orias avait été supprimée des données et le petit appareil ne s’affolait plus en sa présence. Ce n’est qu’une fois ce problème réglé que Tanjô finit par relever la tête pour constater que le King of Coins était accroupi, en train d’observer le chemin de terre. Il avait l'air particulièrement intéressé par des traces laissées dans la poussière et qui prenaient une forme qui ne semblaient pas naturelle. Bien qu’habitué à pister des ennemies lorsqu’il travaillait dans l’armée de l’empereur Fujiwara no Michinaga, ses connaissances en traces d’animaux étaient assez rudimentaires. Toutefois, même un profane pouvait aisément déduire qu’aucune créature de la faune japonaise ne pouvait laisser des empreintes imposantes. Le Coin parvint même à deviner que la piste était fraîche en goûtant la terre dans laquelle celles-ci s’étaient incrustées.

- C’est récent, c’est très récent !
-Vraiment, vous pensez qu’un Hollow est passé récemment par ici ?

À peine eut-il fini sa phrase qu’il poussa un hurlement rageur et envoya son tournevis avec force contre le sol. Il était absolument furieux.

-Si ce que vous dîtes est vrai, cela veut dire que j’ai trop baissé la sensibilité de cette saloperie et qu’elle n’est même plus capable de détecter un Hollow qui serait passé dans la journée !

Ses cheveux se dressèrent sur sa tête et commencèrent légèrement à pousser. Mais le savant se reprit rapidement et souffla un long coup pour se calmer. Ce n’était qu’un léger contretemps. Les inventions demandent toujours un peu de mise au point pour être parfaitement opérationnelles. Il baissa les yeux sur le dispositif sur lequel des messages continuaient à s’afficher. Il leva un sourcil d’un air perplexe. Son doigt vint appuyer sur l’écran tactile et une sirène se mit à sonner. D’un geste rapide, il fit taire l’alarme.

-Ha non, pardon, je l’avais juste mis en « Muet ». Au temps pour moi, il y a bien un Hollow qui est passé.

Tanjô se frotta la tête d’un air gêné. Autant les principes fondamentaux de l’énergie spirituelle sont clairs comme de l’eau de roche pour le scientifique, autant les écrans tactiles et les interfaces les plus modernes sont encore assez obscurs. Il tendit le doigt vers un chemin qui s’éloignait légèrement de la ville. La quantité de reiatsu était plus forte par là-bas, signe que le passage du Hollow était plus récent.

-Il a dû partir par là à priori. Vous désirez le traquer ? Ce n’est pas le boulot des Shinigamis ça ?

« C’était quand même plus aisé de discuter avec lui » se laissa à penser Orias comme le nouveau Roi des Coupes tâchait de lui expliquer où était passé Junichiro. Et pour le coup il n’en savait pas vraiment plus, outre que Tanjô ne portait pas son prédécesseur dans son coeur, et que ce dernier aurait juste souhaité se mettre en retrait. Mais Orias le savait fort bien : on ne démissionne pas de l’Ultima Necat. Surtout des êtres qui en savaient trop comme les Rois et les Reines passés. La seule bonne manière de quitter l’organisation, c’était les deux pieds devant, avait-il rapidement compris. Lorsque l’on est dans le secret d’une machinerie comportant de tels rouages, le retour à la normale était une possibilité qui manquait cruellement de crédibilité.

Il n’en dit rien, opine sans conviction bien que toujours portant son sourire affable. Le contraste fut d’autant plus saisissant dès lors que le Shikara se mit à pester contre son propre matériel.

- Ahah, c’est pour ça que j’ai toujours refusé de ces machins qui font bip-bip : ça ne marche jamais ces bidules là ! Il vaut mieux en rester à ce qui a porté ses fruits depuis que le monde est monde. Des choses fiables… l’observation, l’écoute, et puis bien sûr les étoiles, ça, bon...

Il semble l’ajouter par acquis de conscience plus que par nécessité, tant c’est évident. « Bah les étoiles bien sûr mon reuf, tu connais ».

- C’est à en faire pousser les cheveux sur la tête hein ? Hum, c’est une expression ça ou pas ? C’est presque ça j’ai l’impression…

Il marque vraiment le doute, alors que l’autre tente de réparer son appareil qui se met à beugler un bref instant. Puis lui pose une question à laquelle la réponse est déjà toute trouvée.

- Comme on dit : mieux vaut la peau de l’ours d’une charrue avant les bœufs. Ça veut dire qu’on n’est jamais mieux servi que par Philomène. Un sacré bout de femme celle-là, ahah. Mais je m’égare, non ? Bref ! Tant qu’à être là, ça coûte rien de faire un peu le ménage, non ? Et puis maintenant je me demande à quoi il ressemble, ce truc.

Marque une courte pause. L’observe.

- Y a qu’à aller par là vous avez dit, hein ? Enfin ça dépend. Vous devez encore les réparer vos bidules ? Je peux peut-être aider, j’ai un certain talent à régler les problèmes !

Repos => full

Orias avait visiblement assez peu d’affinités avec les technologies, se fiant plutôt à ses sens. Cela pouvait être une façon de faire, mais les organes sensoriels pouvaient facilement être trompés. Alors qu’une machine, bien paramétrée cela va de soi, ne pouvait pas avoir tord. C’était ça la beauté de la Science. Les faits étaient exposés sous leur forme la plus pure et c’était à l’Homme de l’interpréter en utilisant sa raison et sa logique. C’était objectif.

Enfin, il fallait de tout pour faire un monde. Chacun utilisait les moyens à sa portée pour s’en sortir dans l’existence. La science, la force, les sens, les étoiles... Les étoiles. Tanjô tiqua à ce terme. Était-il réellement en train de dialoguer avec quelqu’un qui se fiait à l’astrologie ? Il le laissa débiter un certain nombre de proverbes dont il n’avait jamais entendu parler avant de revenir en arrière.

-Vous avez bien parlé des étoiles ? Je suis confus. Vous... les considérez comme fiables ? Genre les horoscopes ?

D’un geste lent, il recula son radar pour le tenir hors de portée de l’homme face à lui. Il n'était pas question que quelqu’un qui donnait un tant soit peu de crédibilité à des prédictions de magazine télé touche à cette merveille de technologie. Il préférait s’en occuper tout seul.

-Bien aimable, je vais bien finir par trouver le réglage parfait. Oui, nous devrions y aller. Allons voir ce qui a bien pu laisser de telles empreintes.

Tout ce qu’il voulait tant que cela lui faisait oublier la simple idée de tripoter le scanner. Il utilisa un pointeur laser pour signaler la route qui s’ouvrait devant eux. Le chemin sortait légèrement de la ville et allait s’enfoncer dans un parc naturel. La piste disparaissait dans les arbres, lieu où les Hollows aimaient attendre en embuscade qu’un crétin vienne se perdre pour se repaître de leurs âmes. Deux rois ne devraient pas avoir le moindre problème face à une menace aussi risible, mais il fallait rester prudent. Un manque de vigilance pouvait être dramatique pour n’importe qui.

-Allons-y, mais restons sur nos gardes. Il est évident qu’il a du tendre un piège. S’il n’a pas attaqué directement des humains, c’est sûrement que son style de chasse est d’attendre sa proie et de lui tomber dessus quand elle ne s’y attend pas.

Orias était d’un naturel bienveillant, se montrant toujours affable. Mais là, son visage se contracta comme il foudroya son vis-à-vis du regard.

- Répète un peu pour voir !

Des relents de piraterie qui lui reviennent de son lointain passé. Il crache au sol, manifestation de son propre dégoût.

- Et pourquoi pas tirer les cartes tant qu’on y est ? « Oh, mon petit, donne-moi ta main que j’y lise les lignes », c’est ça hein ? Moi si je dois tendre la main c’est d’abord dans la tronche et… oh… Oh !

Comme s’il réalisait l’état dans lequel il s’était mis, il se redressa, ajusta un peu sa veste et souffla avant de reprendre un sourire cordial, comme si de rien n’était.

- Désolé, vieux réflexe. J’oublie parfois que cet art n’est pas à la portée de tous les esprits, et qu’il faut être doté d’une érudition supérieure pour en comprendre toute l’étendue. Ah, c’est sûr, l’Astromancie n’est pas à la portée du premier venu, et il est moins simple encore d’en saisir la complexité dès lors qu’il s’agit de ma propre version, développée des années durant. On est loin du « Scorpion troisième décan, vous allez avoir le cul qui gratte aujourd’hui », il s’agirait de doser !

Il se détourne, manière de passer à autre chose. Avec Recca, il avait appris que beaucoup de charlatans officiaient de nos jours encore. Mais en l’emmenant au musée, elle lui avait aussi permis d’entendre parler d’un homme considéré à la fois comme le plus grand scientifique et le plus grand artiste de l’Histoire ! Et cet italien, qu’est-ce qu’il faisait en plus ? De l’astromancie, eh ouais ! En faisant profiter même les Rois ! Franchement, c’était pas comparable, il n’y avait que lui pour le voir ou bien… ?

- Ah ouais, il serait caché en hauteur ? Pourtant, ses empreintes ressemblent à celles d’un cheval. Selle de cheval ? Cheval de course… course à pieds… C’est sûr, c’est un rapide. Bon, très bien, j’y vais. S’il me tombe dessus, paf, on lui montre de quelle poix on se chauffe !

Et sans attendre, se dirige vers les arbres.

-Non, mais quand je dis « tomber dessus », c’est pas au sens litté...

Il était trop tard, le bonhomme était déjà parti tête baissée. Tanjô ne le suivit pas. Debout, il continuait à tripatouiller son radar sans même faire attention à ce qu’il faisait, le regard perdu dans le vague. Il essayait d’assimiler tout ce qui venait de se passer et d’en faire quelque chose de logique que son esprit pourrait comprendre. Orias s’était énervé, avait craché par terre, puis comparé l’astrologie et la lecture des lignes de la main et puis après... Quoi ? Le scientifique secoua la tête en se rendant compte que tout ceci n’avait aucun sens. Venait-il vraiment de sous-entendre que le King of Cups manquait d’érudition ? L’ancien sorcier tapota son oreille pour activer la connexion avec son laboratoire.

-Seon ?
-Maître ?
-Ôte-moi d’un doute... Orias, c’est bien le King of Coins ?
-Eh bien oui, vous le savez bien. C’est vraiment pour cela que vous m’appelez ?
-Et... Enfin,... je sais pas trop comment dire ça... On a des infos sur lui ?
-Évidemment, les Kings et Queens ont les fiches les plus fournies de tout l’Ultima Necat. Une information particulière ?
-Est-ce que... Il prend de la drogue ? A-t-il récemment fait des demandes pour accéder au stock du laboratoire ?
-He bien... Je ne vois rien de mentionné à ce sujet.
-Bon... On va quand même renforcer la sécurité sur la réserve de produits à potentiel hallucinogène.
-Bien maître.

Tanjô raccrocha. Il restait sceptique, ce type venait tout de même de parler de cheveux, de course à pied, de selles... Tout cela au beau milieu de sa phrase, ce n’était pas la diction d’une personne ayant pleine possession de ses moyens. Le king of Cups se remit en marche pour vérifier ce que le fan d’astronomie était en train de faire. Il fallait qu’il assure ses arrières, car s’il se contentait de surveiller les cimes des arbres, il ferait une cible de choix pour un Hollow caché dans un simple buisson. Et s’il était vraiment sous l’influence de stupéfiants, comme il le suspectait, il ne serait peut-être pas en mesure de combattre convenablement.

D’un pas rapide, il rattrapa son confrère, l’œil fixé sur l’écran, à la recherche de la créature. Jusqu’ici, il n’y avait rien. Il n’était pas impossible que la forte pression spirituelle des deux king cache la faible puissance du Hollow. Ou alors il était capable de masquer sa présence. La première option laissait penser que leur adversaire était très faible, la seconde que ce n’était pas un rigolo. Impossible de le dire à ce stade. Le chef des Coins scrutait les branches tandis que celui des Cups fixait son instrument. Aucun des deux ne regardait devant eux. Pourtant, le tas de feuilles bien vertes empilées au milieu du sentier était assez... flagrant.

Soudain, un craquement se fit entendre et le sol se déroba sous leurs pieds. Tanjô lâcha un petit cri de fillette en tombant et son radar lui échappa des mains. La chute fut rude, mais l’atterrissage le fut encore plus. L’appareil s’écrasa à côté de lui et explosa en mille morceaux ce qui lui fit encore plus mal. Il se précipita pour tenter de sauver ce qui pouvait l’être, mais il fallait se rendre à l’évidence. Il était complètement mort. Il pouvait juste récupérer le disque dur pour ne pas repartir les mains totalement vides.

-Haaaa fait chier ! Je venais de finir de le régler !!! Je vous avais dit que ce Hollow aimait les pièges. Mais je ne pensais pas à quelque chose de si... terre à terre.

Il continuait à chouiner tandis que des dizaines de petites têtes blanches apparurent aux abords du trou. Un sourire mesquin sur le visage, de nombreux petits Hollows s'étaient agglutinés pour découvrir ce que le destin leur avait amené à manger.

- Petit petit petit...

Marmonnait Orias dans une cadence litanique, en quête de son Hollow. Il ne se tracassait pas trop, de toute évidence, de son niveau de puissance ou de la menace qu’il pourrait exercer dans les environs. Le Roi des Pièces était venu jusqu’ici pour se reposer, et se changer un peu les idées. Se remettre des blessures d’un nouveau combat subit, et s’occuper en attendant que sa Reine revienne. Et clairement cela permettait assez de lui occuper l’esprit pour le moment, qu’il avait assez vagabond de toute façon. Orias encaissait mal les médications, il fallait croire, et à chaque fois qu’il se remettait d’un combat, il divaguait franchement. Enfin, encore plus que d’habitude, quoi.

Orias lève donc la tête, s’attendant à voir un très gros cheval lui tomber dessus du ciel à n’importe quel moment. C’était comme ça qu’il avait visualisé la chose. Le sol se dérobe soudainement. Sa chute n’est pas longue, composant un sol de Reishi sous ses pieds de manière assez naturelle. C’était une pratique courante pour qui souhaitait tenir un affrontement dans les airs, et le Bringer Light reposait en partie sur ce principe. Pour Orias, la manipulation des âmes était un acquis depuis longtemps, ayant poussé ces talents tant par l’apprentissage que par l’entraînement bien avant de comprendre qu’il pouvait en recevoir un pouvoir particulier en supplément. Réaction naturelle, réflexe logique. Ce que Tanjô n’avait pas assez développé, si bien qu’il tomba avec son appareil.

- Bah alors mon vieux, relevez-vous ! Vous l’avez pas vu venir celle-là hein ? Comme on dit « au Royaume des aveugles, qui a vu verra, vu ? ». Enfin, en substance quoi !

Des petits Hollow s’agglutinent, se concentrent autour de lui, jetant un œil sur le King au fond du trou et celui qui flottait par dessus.

- Salut et félicité ! Haut les pattes – et les cœurs – que je puisse voir lequel d’entre vous est mon Hollow cheval ! Coopérez et il ne vous sera fait aucun mal, enfin, pour le moment !

Là à vue d’œil, aucun ne semblait correspondre niveau taille, du moins avec l’image mentale qu’il s’en faisait. Tanjô devrait rapidement pouvoir le rejoindre sans mal pour s’en débarrasser au besoin, alors pas besoin de stresser pas vrai ?

Après avoir dépouillé le disque dur des débris et l’avoir inséré dans sa poche arrière, Tanjô se releva et épousseta sa toge. En levant la tête, il constata qu’Orias n’était pas tombé. Au lieu de cela, il avait utilisé le Bringer Light pour se maintenir en l’air. Joli réflexe ! Le scientifique n’avait jamais excellé dans cette aptitude, malgré sa situation de Fullbringer. Il avait été élevé par un Quincy qui n’avait pas la moindre idée de la nature de ses dons et n’avait donc jamais pu lui enseigner de façon efficace la maitrise des âmes. Il avait appris à le faire depuis son arrivée à l’organisation, en se concentrant, mais il était vraiment nul. Certainement pas capable de l’activer en un quart de seconde pour éviter une chute comme le chef des coins venait de le faire.

-Mais personne dit ça, enfin... Attendez, je vous rejoins.

Orias flottait dans les airs avec une aisance surprenante. Pour lui, cela semblait aussi naturel que de marcher sur la terre ferme. Tanjô ne se laissa pas démonter et se concentra. Il utilisa ses capacités pour adhérer à la paroi et remonta la surface verticale. C’était bien plus simple que de se faire porter par l’air ambiant. Une fois sorti de la fosse, il constata en effet qu’aucune de ces entités ne semblait en mesure de marquer la terre de la façon dont ils l’avaient vu. Malheureusement, le radar étant hors service pour le moment, impossible de déterminer si un autre Hollow, plus grand et plus fort, se cachait dans les environs. Une bonne dizaine de sphères blanches avec de grands yeux noirs et une bouche semblant découpée au coteau les observait en rebondissant. Pourtant, ils n’attaquaient pas. Et pour cause, l’énergie qu’is dégageaient était incroyablement basse.

-C’est bizarre. Ces hollows sont ridiculement faibles, même un simple humain avec un peu de pression spirituelle pourrait en venir à bout. Peut-être que je pourrais essayer d’en capturer quelques-uns... Difficile d’imaginer qu’ils ont pu ouvrir un Garganta pour venir ici par leur seule force. Ou même juste un. J’ai la sensation qu’il y a un truc pas clair. J’ai jamais eu un Hollow vivant pour cobaye...

Partagé entre ses désirs d’expérimentation sur une créature entièrement constituée de Reishi et sa curiosité sur la situation. Afin de prouver ses dires, il tendit un doigt vers une des petites boules blanches qui sautillaient autour de lui et agrandit son ongle pour le transpercer. Le monstre poussa un petit cri et explosa presque instantanément en gouttelettes pour ne laisser qu’une flaque blanche sur le sol. Tanjô se tourna vers le fan d’astrologie et agita les bras pour souligner ses propos.

-Vous voyez ? On ne me fera pas croire que ces choses ont la capacité d’ouvrir des portails dimensionnels. Ils sont à peine plus puissants que des Plus.

D’un geste ample, le king of Cups fit tournoyer une de ses mèches de cheveux et trancha en un instant la totalité des petites bêtes. Toute la troupe éclata en une gerbe de gouttes blanches. Pas étonnant que le radar n’ait rien repéré, ils étaient bien trop faiblards. Il observa un petit peu les alentours, s’attendant à voir surgir un Hollow plus imposant dont ces petites créatures auraient été les éclaireurs. Mais rien ne vint. Après quelques secondes, il se tourna vers son confrère et haussa les épaules. Ils pouvaient visiblement reprendre leur route. Mais à peine eut-il fait un pas qu’un détail le frappa. Il s’immobilisa et se retourna doucement. Pourquoi ces petits hollows ne s’étaient pas désagrégés en Reishi comme le faisaient habituellement les habitants du monde creux à leur mort ?

En les observant, il constata que les gouttes tombées au sol glissaient lentement à travers les feuilles mortes et semblaient se rassembler.

-Orias, prenez garde, quelque chose arrive !

Toutes les traces des cadavres finirent par se rejoindre et une explosion de reiatsu retentit, faisant voler les cheveux de Tanjô vers l’arrière. L’instant d’après, un monstre à l’apparence de centaure se tenait face à eux et les braquait avec un arc.

- Bon… ça veut dire que c’est pas ce qu’on cherche alors ? Allez, c’est bon, barrez-vous les gueux !

Rien de plus que des bulles de savon qui tiraient une drôle de trogne, donc. Un petit coup d’ongle avait suffit à en faire éclater une, et elles ne semblaient pas être capable de répondre à une demande simple comme celle qu’Orias venait de poser. Bon. Lever les pattes quand on n’en a pas, c’est forcément plus compliqué, mais fallait arrêter d’être contrariant comme ça là, roh, c’est sûr ils avaient fait exprès de planquer leurs pattes pour le feinter.

Quoi qu’il en soit, Tanjô était enfin remonté à la surface de son trou – c’était bizarre dit comme ça – et l’Astromancien commençait déjà à se demander comment utiliser au mieux leurs compétences respectives pour débusquer ce qu’ils recherchaient réellement, si ces petites bubulles n’avaient pas de valeur. Pourtant s’ils avaient été piégés, c’est que ça voulait bien dire que quelque chose allait leur tomber dessus, non ? Pourquoi des bubulles ? Ces dernières éclatent d’ailleurs simultanément sur une frappe du scientifique.

Ce dernier le prévient alors, et lui lève les yeux au ciel derechef, se questionnant sur ce qui pouvait bien arriver.

- Quoi donc ? Va y avoir de l’orage ?

En tout cas un coup de tonnerre retentit rapidement. À l’instant même où l’éclair avait éclaté.

- Ah, j’ai même pas eu le temps de compter, on dirait qu’il est vraiment tout près, héhé !

L’air amusé, il se met en garde, fixant le centaure. Sans doute en rajoutait-il volontairement des caisses, en permanence, tant et si bien que la frontière se troublait. Comme un chef d’orchestre, il se courba, et effectua des gestes amples. Une main resta tendue vers leur adversaire, paume vers le haut, doigts courbés et crispés. Les mouvements du centaure ralentirent, parurent plus difficiles à réaliser. De l’autre main, il paraît encourager Tanjô à se catapulter, et ce dernier ressentirait que l’âme de l’air l’entourant l’y encourageait plus encore. De quoi surprendre leur cible, en séparant ses proies. Orias était un combattant peu mobile, aussi avait-il de quoi résister dans sa manche, se souciant peu d’être attaqué de toute évidence.

L’amoureux des étoiles était trop occupé à s’inquiéter de la météo, le nez pointé vers le ciel, pour réaliser qu’ils étaient désormais face à un hollow supérieur. Certes, ils ne devraient avoir aucun mal à s’en débarrasser, enfin de là à ne même pas le regarder, c’était un peu suicidaire. Heureusement, il finit par le remarquer avant que Tanjô ne s’agace de son air perpétuellement ahuri. Cet homme était-il réellement le King of Coins ou bien le scientifique était tombé sur un type qui lui ressemblait et il se foutait de sa gueule depuis le début ?

Il se souvint alors qu’il l’avait vu se maintenir en l’air, démontrant une maîtrise des âmes bien supérieure à la sienne. C’était donc assez peu probable qu’il s’agisse d’un type lambda. Ses doutes se dissipèrent définitivement lorsque le combat à proprement parler s’engagea. D’un simple mouvement de la main, il sembla manipuler l’air autour du centaure pour le comprimer. La peau et les poils de la créature montèrent des signes évidents de compression et ses mouvements ralentirent sensiblement. Le cups fut vraiment impressionné par la démonstration, lui n’étant clairement pas doué dans ce domaine.

-Très fort ! Pour maintenir une telle créature avec un matériau aussi insignifiant que l’air, vous devez exercer une sacrée pression. D’autant plus que l’emprise doit diminuer avec la distance. Étant donné la musculature de ce hollow, de la densité naturelle de l’air, il doit falloir au moins... HEY !

D’un seul coup, le sorcier sentit une grande force le pousser dans le dos et le propulser en l’air en direction du hollow. Il ne s’y attendait pas, il n’y était pas préparé. Quel con ! Il aurait pu le prévenir qu’il allait faire ça. N’ayant pas pris des appuis stables, le scientifique vrilla lentement durant sa chute pour finir légèrement de dos. Une flèche vint se ficher dans son omoplate gauche, lui arrachant un cri de douleur. Sous la force du projectile, il tourbillonna à grande vitesse, tantôt tête en haut, tantôt tête en bas. C’est dans cette situation grotesque qu’il frappa le centaure de plein fouet qui s’effondra à l’impact. Au dernier moment, Tanjô fit pousser tous les poils de son corps pour amortir le choc et s’en servit pour enlacer la créature et la maintenir au sol. Il se releva douloureusement en gémissant tout en gardant la bête immobilisée.

-Inattendue, votre tactique... J’aimerais être prévenu la prochaine fois. J’ai failli me péter le coccyx. Bon, il se serait réparé très vite, mais quand même. Ça fait mal !

Il se frotta le postérieur en maugréant. Derrière lui, la bestiole continuait à se débattre pour tenter de se démêler de ses entraves. Le scientifique s’approcha de son partenaire de fortune et se retourna, pointant du pouce la flèche qui était toujours profondément ancrée dans son dos.

-Dîtes, ça vous dérangerait de...

D’un geste de la main, il mima le fait de la retirer.

Le plan avait fonctionné à la perfection. Bon, enfin, à quelques détails près. C’est vrai que le scientifique n’avait pas eu les réflexes dignes d’un grand combattant, et avait donc été perturbé durant une partie de l’opération. N’importe quel Sword aurait sans doute été ravi de profiter d’un tel élan mais après tout chacun ses spécialités, et en tant que Roi des Pièces il en savait quelque chose ! Et même s’il louait d’une certaine manière les capacités d’Orias, il paraissait à présent que Tanjô n’était pas tout à fait ravi de la situation pour une raison qui lui échappait.

- Allons allons… ça a fonctionné, n’est-ce pas ? Et tout l’intérêt de la stratégie reposait sur l’effet de surprise, vous m’imaginez beugler « accrochez-vous à votre slip, je vais vous catapulter » ? Non non, ç’aurait été clairement contre productif ! Et puis vous ne vous êtes pas fait mal alors… oh, si ? ah bon, bon...

Une flèche, bon, un accident est vite arrivé.

- Bon, dans votre malheur vous avez une chance ; c’est dans le coccyx que vous auriez pu l’avoir, la flèche ! On n’est jamais à l’abri d’un deuxième trou du cul, faut faire attention mon vieux !

Il attrape la flèche à pleine main, commence à tirer. Ca doit faire un mal de chien.

- J’ai connu un gars, on l’appelait Paulo. C’était un bon compagnon Paulo. Mais un jour, il s’est pris une flèche dans le genou, et quand on l’a enlevé, ça a tout arraché en dedans. Il a plus jamais pu partir à l’aventure, le pauvre… Je crois que le mieux, c’est encore de faire ressortir la flèche par devant, on casse l’arrière, paf, on sort les deux morceaux, et on cautérise direct à la lame chauffée à blanc. Vous avez pas de l’alcool sur vous des fois ?

Tout en parlant, il imposait des mouvements de va-et-vient à la flèche. Jamais assez fort pour la faire réellement bouger, mais rien qui devait être bien agréable.

- Z'allez en faire quoi de ce truc ? Ca serait pas mieux de l'achever là du coup, histoire de dire qu'on a fait notre boulot ?

Il était plus sympa que Junichiro, celui-ci. Mais est-ce qu’il tiendrait plus longtemps ? Ou bien, comme Paulo, une flèche mal sentie le priverait de son avenir souhaité et espéré ? Pas par l’extermination d’une articulation, mais qui savait de quoi était faite cette flèche, ou des propriétés qu’elle puisse posséder ?

- On n’y a pas pensé, mais c’est peut-être empoisonné ? On sait jamais hein… vous vous y connaissez en poison vous ? Heu… ouais… faites comme si j’avais pas posé la question.

C’est que c’était le King of Cups après tout. Bien sûr qu’il devait y connaître à minima un petit rayon en la matière. Ils procéderaient d’ailleurs avec cette flèche de la manière dont Tanjô le choisirait, laissant à la victime le loisir d’opter pour sa préférence, même s’il savait qu’il avait LA solution. C’était pas la première fois qu’il devait opérer ce genre de chose, la vie de pirate offre parfois quelques déconvenues. Quant au Hollow…

- Bon, à bien y réfléchir, je vais vous le laisser ! Peut-être que ça peut vous offrir un créneau pour régler votre bidule qui fonctionnait pas trop là, et puis comme ça vous procéderait de la manière dont vous souhaiterez avec cette créature. Mais hé, sérieux, butez-moi ça hein ! Qu’on ne laisse pas ça dans la nature, moi je vais aller voir si j’en trouve pas d’autres. Allez hein, au plaisir !

Et sifflotant le voilà qui s’en allait déjà, sans trop se tracasser de la suite pour son confrère. C’est qu’il n’avait pas une grande menace à gérer tout seul là, et c’était pas ce petit bobo qui irait l’empêcher de remplir sa mission. Le roux quant à lui espérait bien trouver d’autres petites choses à se mettre sous la dent pour égayer sa journée. Ah, qu’il était bon de prendre un peu l’air !

Double-post de conclusion, Tanjô n’étant plus là.