Le cerveau et les muscles

Les passants se retournaient en direction du magasin d’électronique d’où des voix s’élevaient. Il était évident que deux personnes ne parvenaient pas à s’entendre et le ton montait rapidement. En quelques minutes seulement, un petit attroupement de curieux s’était formé autour de la boutique. Les badauds tentaient de déterminer ce qui pouvait provoquer un tel remue-ménage. À l’intérieur, un homme aux habits d’un autre âge et dont la chevelure composée de dreadlocks traînait presque jusqu’au sol s’emparait des différents articles en rayon et les jetait par-dessus son épaule avec agacement. Le vendeur tentait désespérément de faire entendre raison au client perturbant.

-Monsieur ! Enfin, monsieur, arrêtez de tout jeter par terre !
-Un processeur AMD Ryzen 7, peuh ! Un APC Backup ? Mais que voulez-vous que je fasse de ça !? Autant frapper des silex l’un contre l’autre à ce stade !

D’un geste rageur, il envoyait les composants valdinguer en arrière sans même se soucier de ce qui pouvait s’y trouver. Le pauvre gérant jonglait avec les boîtes qu’il parvenait à rattraper avant qu’elles ne se fracassent par terre. Shikara Tanjô avait besoin de renouveler son appareillage pour un projet personnel, mais les grands pontes de l’Ultima Necat avaient refusé de le financer, sous prétexte que lui-même refusait de dire ce qu’il comptait en faire. Il avait donc décidé d’aller se fournir de lui-même, à Akihabara. Malheureusement, ce à quoi le commun des mortels avait accès en vente libre était tellement en dessous du niveau technologique de l’organisation qu’il ne trouvait pas son bonheur. Soudainement, le Fullbringer sauta sur un rayon et s’accroupit pour observer tout ce qui était présenté dans les différents couloirs. D’un cri rageur, il laissa exploser sa frustration.

-Mais bon, sang, vous n’avez rien !!! Avec quoi suis-je supposé amplifier une fréquence fondamentale quantique avec du matériel aussi bas de gamme !
-Monsieur, notre magasin propose ce qui se fait de mieux sur le marché ! Vous êtes complètement fou, je vais vous demander de sortir ou j’appelle la police !

Le King of Cups sortit son téléphone, toujours perché sur le rayonnage, et appela son assistante. Seon, l’androïde à son service décrocha et soupira. Elle lui avait pourtant dit qu’il ne pourrait rien trouver dans un magasin classique, mais ce dernier n’avait rien voulu écouter. Elle lui intima de rentrer avant que la police ne débarque et ne cherche à l’identifier. Après tout, revenu à la vie après mille ans, Tanjô n’avait pas d’identité officielle et pouvait donc se faire arrêter.

Le scientifique réfléchit en urgence. Les composants proposés dans cette boutique étaient minables, mais il pourrait éventuellement les booster en en associant plusieurs en série. C’était du bricolage de bas étage, mais ça pourrait au moins le dépanner pour ce coup-ci. D’un saut périlleux, il descendit de son perchoir et se retourna vers le vendeur.

-Bon, ça va, je vais les prendre vos pacotilles. Mettez-m’en dix de chaque, je vais me démerder.
-Je ne vous vendrai rien du tout, sortez de mon magasin, espèce de taré !
-Ça vaaaaaaaaa, je vais aller à la concurrence, si vous chipotez comme ça !

Furieux, ne voyant absolument ce que l’on pouvait reprocher à son comportement, il se dirigea d’un pas vif en direction de la sortie. Si cet imbécile ne voulait pas de son argent, d’autres boutiques tout aussi minables le prendraient avec plaisir. Alors qu’il quittait le magasin, repoussant les curieux qui continuaient à s’agglutiner, il percuta un passant. Solidement bâti, l’homme avait les cheveux rouges et l’air patibulaire. Mais Tanjô était pressé et énervé, il ne chercha donc pas à mettre les formes.

-Mais poussez-vous, espèce de microcéphale bigorexique ! Vous ne voyez pas que vous gênez !?

De l’ennui, un profond sentiment d’ennui gagnait le colosse à la chevelure de feu dernièrement, qui avait encore du mal à se refaire à sa nouvelle vie, qui au final représentait son ancien mode de vie, mais si lointain qu’il en avait quelque peu oublié comment faire. Depuis qu’il avait quitté l’Ultima Necat sans en avertir la direction, il avait retrouvé toute sa liberté de mouvement et surtout, de pensée. Fini le Ganryū muselé par un poste et des responsabilités, retour au Kichigai violent et sauvage, agissant selon son bon vouloir et principalement, ses pulsions. Une chose qu’il savait faire, des années avant, alors qu’il sévissait dans les rues de Karakura. Mais que voulez-vous, même un lion enragé peut perdre de son mordant lorsqu’il est apprivoisé depuis trop longtemps. Ce qui expliquait le passage à vide de ces dernières semaines, enfermé dans une piaule en bordel, à picoler et sniffer de la cocaïne, accompagné de jolies femmes peu regardant sur son comportement du moment que les billets tombaient.

La musique étant une composante essentielle dans ses soirées n’ayant jamais de fin, il faisait chauffer son home-cinéma à pleine balle, les différentes baffes connectées en bluetooth, déposées aléatoirement dans son appartement ne cessant de cracher du son qu’importe que l’on soit quinze heures de l’après-midi ou cinq heures du matin. Problème, un beau matin, le home-cinéma décéda subitement. On ne sait pas trop ce qui est arrivé, mais l’ancien King entra dans une rage folle, son humeur largement accentuée par la drogue et l’alcool, même si son esprit déséquilibré n’en avait pas besoin pour être déconnant. Une des goumiches payées pour le satisfaire eut l’audace de lui faire remarquer que de vider une bouteille de rhum dessus afin de tester si l’appareil était "alcool-proof" selon les propres mots du balafré, n’avait franchement pas aidé. Furieux, il lui avait martelé la face à coups de bouteille jusqu’à la faire taire. Le corps inerte de leur copine avait suffi aux autres donzelles pour déguerpir de peur de finir dans le même état, tromal.

Brutale manière de mettre fin à une fête, le choc avait été suffisant au dégénéré pour retrouver une partie de ses esprits et décider qu’il fallait remédier au problème de son. Direction donc le quartier des geeks pour s’équiper d’un nouvel appareil, non sans oublier de déposer le cadavre de Stacy Joon Hang dans l’un des containers de la ruelle en bas de son immeuble. Couvrir ses traces ? Aucune foutue idée de ce que cela voulait dire pour le Fullbringer, aucun fun à nettoyer après son crime de toute façon. Tout juste avait-il pris la peine de nettoyer la flaque de sang que cette poufiasse de Stacy avait faite en canant.
Ainsi avait-il pris la direction de Akihabara, le quartier de l’électronique. Il savait parfaitement où se rendre, c’était là-bas après tout, sous les conseils d’Emiko, qu’il était allé se fournir tout le super matos haut de tech’ habillant son appartement. Un matos qu’il avait pris le soin d’embarquer avec lui quand il avait déménagé, sachant parfaitement que les Swords chercheraient dans son ancien chez lui dès lors qu’ils comprendraient qu’il leur avait mise à l’envers. C’était probablement déjà le cas, peut-être même bien qu’ils avaient nommé un autre glandu à sa place de King. Un qui n'aurait clairement pas les épaules, évidemment.

Petit sourire carnassier au coin des lèvres, les épaules habillées de son long manteau de fourrure, il déambulait dans les rues comme un Roi dans son royaume. S’il n’était plus le King of Swords, à ses yeux il restait King Kong. Tous ces petits merdeux ne faisaient pas le poids et il était naturel pour lui de se pavaner comme en terrain conquis, à tout moment il pouvait décider de raser le quartier sur un coup de tête. Il suffisait par exemple qu'un sale petit merdeux ne vienne lui chier dans les bottes…
— Heeein ?! Affichant un air où se mélangeait de l’incompréhension, de la suffisance et du dédain, il posa les yeux sur le microbe qui venait de le percuter. Tout juste avait-il eu assez d’impact pour faire remarquer sa présence à Ganryū. Espèce de microquoi ? Encore un de ces trouducs parlant avec un balais bien profondément coincé dans le derche… les pires d’entre tous ceux-là, des têtes à claques tout juste bonnes à vomir des mots que l’ex Chef des Swords ne pouvait pas comprendre. Et quand il ne pige pas ce qu’on lui dit, surtout si ça ressemble à une insulte, il n’aime pas ça Ganryū. — Qu’est-ce tu m’veux l’serpillère ?! Change d’trottoir ou ferme-la, j’pas ton temps. Serpillère, parce que ces cheveux ne ressemblaient à rien d’autre que cela. Le Kichigai aurait pu parier que dedans se cachaient tout un tas d’insectes et autres petites bestioles à la con ravis d’avoir un petit nid ambulant dans lequel se réfugier.

Lui adressant un regard haineux, le balafré le repoussa d’un revers de main afin d’éviter que le crasseux répande sa merde sur ses fringues. L’ambiance venait de se tendre en l’espace de quelques secondes, quelle idée de se jeter sur lui pour venir l’embrouiller aussi, ce type était complètement suicidaire…

Le colosse ne semblait pas non plus d’humeur, mais Tanjô n’en avait rien à faire. Visiblement le fait de devoir connecter plusieurs neurones provoquait une grande souffrance au macaque qui sembla avoir une absence en entendant l’insulte du scientifique. Il resta interdit quelques instants avec un air stupide et finit par repousser son assaillant de la main en le traitant de serpillère. C’était tout à fait pathétique, cet primate ressemblait à un homme de Cro-Magnon, ne suivant que ses instincts les plus primitifs. Éloigner physiquement le danger, montrer les crocs et tenter de se faire le plus impressionnant possible. Autant de stratégie de défense qu’utilisent les animaux faibles lorsqu’ils se retrouvent face à un prédateur. Au moins, cet abruti avait un bon instinct.

-Serpillère ? Wouah ! J’imagine qu’il ne fallait pas attendre plus élaboré de la part d’un babouin crasseux et qui pue l’alcool. Ça va « élaboré » ? C’est encore de ton niveau intellectuel ?

Les passants qui se bousculaient encore jusqu’à il y a peu de temps pour essayer d’observer le personnage bizarre péréfraient à présent à s’éloigner d’un pas craintif. La tension commençait à monter et même les individus de faible pression spirituelle étaient capables de ressentir qu’il ne valait mieux pas trop rester dans les parages si cela tournait réellement au vinaigre. À en juger par les cicatrices sur le visage de l’homme bourru, ce n’était pas la première fois qu’il s’embrouillait, loin de là. Et un bon combattant ne présenterait pas de telles balafres.

Soudain, un doute se mit à s’immiscer dans l’esprit du king of Cups. Il était persuadé d’avoir déjà vu ce visage coupé au couteau avec la douceur d’un doigt de pied s’explosant contre un pied de meuble. Pourtant, il ne lui semblait pas l’avoir déjà croisé. Il se souviendrait d’un tel acte de terrorisme envers sa vue, son ouïe et son odorat. Alors où pouvait-il bien l’avoir vu ? Shikara Tanjô activa sa matière grise et soudain, cela lui revint. Ce type... C’était Kichigai Ganryū. L’ancien chef des Swords à l’Ultima Necat.

Cet idiot avait décidé de s’enfuir du groupe sans laisser d’adresse, se mettant à dos une bonne partie des têtes pensantes de l’organisation. Il y a des jobs que l’on ne peut pas lâcher aussi facilement. Enfin, en théorie, car aux dernières nouvelles, aucune instruction pour le retrouver n’avait été donnée aux membres depuis sa désertion. À moins que les Swords ne veuillent régler ça en interne. En tout cas, ce n’était certainement pas le problème des Cups.

-Mais je n'hallucine pas, c’est l’ancien roi des Swords en personne. Alors c’est donc pour vivre une merveilleuse vie de clochard puant la gnôle que t’as tout plaqué ? C’est beau de voir un homme tout sacrifier pour atteindre ses rêves.

L’impression d’avoir face à lui une espèce de clochard de l’ancien temps ou un pouilleux de bas étage, de ceux qu’on retrouve la nuit dans les rues de la ville en bas de chez soi. L’apparence du petit merdeux ne donnait pas envie au Kichigai de lui adresser la parole, encore moins de lui accorder trop de temps et surtout pas de respirer le même air que ce connard. Un excité qui était même pas capable de reconnaître ses torts, c’était quand même lui qui venait de lui rentrer dedans parce que les poils de culs lui servant de tignasse l’empêchaient de voir où il foutait ses panards. Sacré culot d’oser se foutre en rogne alors qu’il venait de tomber sur le mauvais bougre qui n’avait pas hésité à le remettre à sa place. — J’suis pas n’importe quel babouin, connard d’merde. J’suis l’Roi des babouins, j’suis l’putain de King Kong d’la ville trou d’balle ! Il lui adressa un sourire carnassier, pour un peu il aurait tapé fort de ses poings sur son torse.
Pas la peine de répondre à sa pique, le cerveau de Ganryū étant ce qu’il était, les mots qu’il connaissait ou pas n’était pas un sujet de honte à son niveau. Il en avait bien rien à foutre de pas connaître la définition du mot bilatéral ou subsidiarité, tant qu’il pouvait te dire d’aller te faire enculer par tes grands morts. Pour autant, il n’aimait pas l’attitude du petit merdeux crasseux et arrogant, qui se permettait de lui parler comme s’il n’était rien. Probablement que ce gros gland ne l’avait pas reconnu, ne savait pas qui était réellement Ganryū, ancien King des Swords, fléau des humains, grand pourfendeur de tocards arrogants et fieffé connard.

— Mec. T’sais à qui t’causes au moins connard ? T’veux vraiment que j’t’éclate l’dentition et que j’en fasse d’dominos ? Non parce que d’petites merdes d’ton genre j’en chie par douzaine tous l’matins après l’p’tit dej’ ! Et quelque part c’était vrai. Après le grand bol de céréales trempées dans de la monster, la dizaine de tranches d’viande et une grosse assiette de riz, il ressentait souvent le besoin d’aller évacuer tout ça au milieu de la matinée.
Clairement lancé dans le jeu de la provocation menant très souvent à de la baston, il ne fallait pas compter sur l’ancien membre de l’Ultima Necat pour calmer le jeu. Après tout, il était ici chez lui, sur son territoire. Pourquoi est-ce qu’il devrait s’écraser devant le premier merdeux qui se sentait pousser des ailes ? Il était déjà prêt à le plier en deux lorsque la serpillère humaine connecta ses neurones pour faire le lien entre cet incroyable beau gosse face à lui et l'apollon qui occupait autrefois le poste de King au sein d’une organisation secrète que seuls ses membres connaissaient. Et si cet abruti fini à la pisse était en mesure de l’identifier, alors c’est qu’il était de la maison lui aussi. Enfin, le balafré en avait subtilement claqué la porte récemment, mais il partageait un lien spécial à vie avec tous ceux y ayant appartenu. Dès lors, un large sourire amusé lui déchira les lèvres. — Bingo l’balais à chiotte ! C’moi, Ganryū, King Kong, ancien King of Swords chez ces chiasses de l’Ultima Necat ! Impressionné hein ? Giah-ah-ah-ah !

Pas affolé à l’idée d’avoir été grillé par un gars d’une organisation qu’il avait déserté, il rectifia tout de même une petite chose qui le chiffonnait dans ce que l’autre venait de dire. — T’m’as l’air un peu limité toi non ? T’bosses pas chez les scientos ça c’est sûr ! Non parce que pour être clochard, ducon, ‘faut être à l’rue et c’clairement pas mon cas vu l’pognon qu’j’me suis fait chez tes maîtres ! GIAH-AH-AH-AH ! C’est qu’il avait plutôt bien été payé durant ces années chez les grands défenseurs de la terre. — Oh et tout sacrifier ? Si toute ta pute d’vie s’résume à bosser là-bas, à donner l’patte et bander sec quand ils t’donnent un ordre, mon gars t’as une bonne grosse vie d’merde ! Il éclata à nouveau de rire, crachant ouvertement à la gueule d’un type pour qui la vie se résumait à bosser pour l’Ultima. Méprisable selon lui. D’ailleurs, il ne tenait pas à s’emmerder trop longtemps de la présence d’un gars aussi peu intéressant à ses yeux, ce n’était clairement pas avec lui qu’il allait s’amuser aujourd’hui. Du moins, pas sans envoyer quelques mandales, alors autant être fixé directement. Une lueur malveillante dans le regard témoignant clairement du sérieux de ses intentions, il claqua son visage à quelques centimètres de celui de Tanjô, de sorte à ce que lui seul entende ce qu’il allait dire. — Maintenant qu’t’as percuté qui j’suis, j’suis curieux. T’vas faire quoi ? Si t’veux t’la mettre, j’suis ton gars. Ici et maint’nant, rien à foutre. Ils devaient bien avoir mis sa tête à prix ou émis un ordre de capture ou d’élimination à son égard, leur tourner le dos de la sorte ne pouvant pas rester impuni.

Tanjô avait vu juste, le primate sous-développé qui se tenait face à lui était bien l’ancien chef de la section d’attaque de l’Ultima Necat. Il s’était donc soustrait à ses responsabilités par pur désir de rébellion. Son esprit était encore en pleine crise d’adolescence. L’organisation n’avait pas perdu grand-chose avec le départ de ce bas de plafond. N’importe qui avec deux ou trois neurones connectés aurait quitté la ville au lieu de rester là à fanfaronner en pleine rue comme si tout était normal. S’il n’avait pas reçu d’ordre direct demandant de l’arrêter, Tanjô était certain que la remontée de sa localisation aux grands pontes accélérerait grandement le traitement du dossier « Ganryū ».

-J’ai conscience qu’essayer de t’apprendre un truc est aussi inutile que remplir un seau d’eau percé, mais sache qu’un clochard n’est pas nécessairement sans domicile. Il s’agit d’un individu exclu de la société, qui n’a pas sa place dans le monde du travail et qui se sert la plupart du temps de l’alcool comme un moyen de réconfort et d’autodestruction. Et au vu de ta description de l’Ultima Necat et de ton haleine, tu coches au moins deux de ces cases.

Le scientifique était prêt à parier au vu de l’attitude de son interlocuteur que la troisième case était également barrée d’une belle croix. C’était triste, mais il existait des personnes qui n’étaient tout simplement pas assez évoluées pour s’intégrer à la société telle qu’elle était devenue. Sur les champs de bataille, sous la bannière de l’empereur, il aurait eu sa place. Mener des hommes à la mort en tentant d’exterminer ceux en face, cela semblait bien plus dans ses cordes.

Au millénaire dernier, les colosses avides de violence étaient nombreux et Tanjô s’amusait beaucoup à les regarder partir à la boucherie. Ils étaient efficaces, mais pas assez intelligents pour savoir quand la retraite était la meilleure option. Ganryū était tout simplement né mille ans trop tard pour être dans son élément. Pourtant, il reproduisait les erreurs de ses prédécesseurs. Incapable de se rendre compte qu’il s’était mis dans une situation dont la force physique ne l’extirperait pas. Le gorille approcha son faciès simiesque et se permit une ultime provocation.

Tanjô recula vivement son visage tout en dégainant une grenade de sa ceinture.

-La vache, tu pues de la gueule !

Il tira la goupille et jeta l’objet en l’air. Un nuage violet se libéra et envahit en quelques instants les rues, sa propagation aidée par le vent qui soufflait. À son contact, les civils s’écroulèrent très rapidement, tombant les uns après les autres dans un sommeil profond. À plus de cent mètres à la ronde, toute personne ayant une faible pression spirituelle se laissa aller dans les bras de Morphée. C’était bien mieux ainsi. S’il voulait être en mesure d’utiliser ses pouvoirs sans attirer l’attention sur l’organisation, il devait avant tout s’assurer de l’absence de témoins.

-Maintenant, je vais te faire ravaler ta fierté. Tu vas pouvoir te rendre compte de la supériorité du cerveau sur les muscles.

D’un geste vif, Tanjô tendit le bras gauche devant lui. Il leva son majeur et le plia lentement pour faire signe à son adversaire d’approcher.

A la grande surprise de Tanjô, sa provocation n'eut pas l'effet escompté. Le grand gaillard se dégonfla et après un dernier geste de mépris, il tourna les talons et détala sans demander son reste. Finalement, il y avait peut-être un cerveau derrière ce tas de muscle. Il avait visiblement compris que d'une part, il avait de fortes chances de ne pas remporter ce combat, mais surtout que même s'il gagnait, il attirerait sur lui toute l'attention de son ancienne organisation. Dans les deux cas de figure, il avait tout à perdre à s'engager dans cet affrontement.

Le suivant du regard tandis qu'il s'enfuyait, Tanjô se demandait quelle était la meilleur chose à faire. Devait-il le poursuivre ? Le prendre en filature pour découvrir son point de chute ? Il finit par laisser tomber. Il n'avait reçu aucune consigne sur la marche à suivre. Il se contentera de faire un rapport pour informer en haut lieu que l'ancien king of swords se trouvait actuellement dans ce quartier. Chacun sa tâche après tout. Il avait bien plus important à faire.

Il devait encore se trouver de l'équipement valable.