Besoin d'un coup de marteau (avec Katsuo)

Les recherches avançaient à grands pas, pour le plus grand plaisir du chef des Cups. Cela faisait maintenant des mois qu’il s’était mis en tête de percer le fonctionnement des portails permettant d’aller au Hueco Mundo et à la Soul Society. Il avait mené un très grand nombre d’expérimentations, notamment sur des Hollows pour tenter de comprendre la nature même du Reishi, la matière non physique dont ils sont constitués. Avec l’aide de plusieurs membres de l’Ultima Necat, il avait fait des découvertes sensationnelles, mais la dernière pièce du puzzle continuait de lui échapper. Il lui fallait plus de données, beaucoup plus pour tenter d’en retirer un algorithme récurrent.

D’un pas rapide, il faisait le tour de son bureau en marmonnant dans sa barbe, sous le regard blasé de son assistante. Seon était un robot aux apparences d’une jeune femme blonde au teint pâle. Très réaliste, la seule chose qui trahissait sa nature artificielle était ses yeux vides d’émotion. Des iris blancs venaient parachever son aspect robotique. L’androïde qui l’aidait au quotidien avait l’habitude de voir son maître en proie à ce qu’il appelait « une crise de réfléchitude avancée ». Lorsqu’il était dans cet état-là, il était tout à fait inutile de lui parler, tous ses neurones étant saturés par les pensées qui déferlaient dans sa tête.

-Les Hollows et leur monde sont faits de Reishi... Les Shinigamis aussi... Les âmes humaines et le reiatsu aussi... Mais le monde physique ne l’est pas.... Pourtant les deux matières interagissent...

Cela était en train de le rendre fou petit à petit. Pourquoi les Shinigamis et les Hollows se baladaient-ils dans le monde réel comme si de rien n’était ? Ils parvenaient à ouvrir des portails dimensionnels avec une simplicité déconcertante alors que le Spiritual Neon Gate créé par le Hierophant demandait une quantité d’énergie phénoménale. Il était évident qu’entrer dans notre monde semblait bien plus simple qu’en repartir. Soudain, Tanjô se mit à sautiller sur place, signe qu’une idée venait de le traverser.

Seon, son assistante, se leva en soufflant. Elle attendait de moment depuis plusieurs heures à présent.

-Vous avez trouvé quelque chose ? Je peux vous aider ?
-Ouiiii, hiahiahia ! Il me faut un analyseur à fréquence particulaire ! Je suis sûr que les êtres spirituels changent de fréquence en arrivant dans notre monde ! Le Reishi s’aligne sur la séquence primordiale du Kishi en une sorte de mimétisme. J’en mettrais ma main au feu !

Seon fit semblant de comprendre ce que cela signifiait et acquiesça après un moment. Elle demanda alors s’il avait besoin de matériel pour sa nouvelle expérience.

-Nous devrions avoir tout ce qu’il faut ici. Ce qu’il nous manque, c’est... Le talent pour le créer ! On a bien un forgeron ici, non ?
-Shinken Katsuo ? Oui, en effet, mais il est plutôt spécialisé dans les armes. Les lames, les katanas...
-Un forgeron doué doit savoir tout faire, non ? Il sait tordre et modeler du métal pour lui donner une forme voulue ?
-Je... Suppose.
-Parfait, allez me le chercher.

L’assistante s’inclina avant de sortir. Elle savait que son maître manquait de tact, mais pas pour autant de respect. Il était né il y a plus de mille ans et les bonnes manières étaient bien différentes à l’époque. Sans ajouter un mot, elle se dirigea vers les quartiers du forgeron des Cups.

Le forgeron contemple la jeune femme blonde qui lui fait face avec un rien de malaise qu’il parvient à dissimuler derrière son expression habituellement neutre. Quelque chose le dérange profondément dans l’aura de son interlocutrice mais il laisse cela de côté, n’étant de toute façon pas foncièrement d’humeur à s’attarder sur ce genre de détail sans importance. Et le fait d’être réduit au repos de par ses blessures ne l’améliorait nullement.

Il ne peut forger avec des mains dans cet état… Ces dernières soigneusement bandées demeurent douloureuse de par les brûlures infligées et il n’est pas suffisamment inconscient pour perdre l’usage de son outil de travail par impatience. Alors il ne réalise depuis son retour du Hueco Mundo que des tâches qui ne nécessitent pas un usage trop intensif de ces dernières. Ces autres blessures ne sont pas en restes, pour autant, il en ressent moins de gêne et ces dernières, dissimulées sous les pans de son kimono sombre sont invisibles à tous.

« Je vous suis. » Finit-il par répondre à l’invitation de l’étrange femme qui n’est rien d’autre que l’assistante de l’actuel King des Cups. Un ordre est un ordre.

Silencieux, il laisse la dame prendre la tête, la suivant sans émettre la moindre interrogation. Il ignore la raison pour laquelle son supérieur souhaite s’entretenir avec lui mais il le saura bien assez tôt. La question demeure dans un coin de son esprit mais ne semble nullement le troubler. Il ne doute pas que cela concernera son travail. Peut être que cela concernera la mission qu’ils ont menée au sein du Hueco Mundo et qui l’a mis dans cet état. Cette pensée assombrie ses prunelles mordorées. Il espère que cela ne concernera pas cette mission, lui qui fait son possible pour ne pas s’y attarder. Pour oublier ce qu’il s’y était déroulé.

Si seulement la simple volonté suffisait…

L’assistante le conduit jusqu’à devant son supérieur, un homme à l’apparence dénotant avec cette du revenant mais il n’en fait nul commentaire, se contentant de simplement saluer l’homme comme le ferait tout bon japonais. « Shinken Katsuo. » Une présentation simple. Neutre. Sa voix manque d’inflexion, rendant sa présence distante, presque froide malgré sa chevelure de feu et ses prunelles aux teintes solaires. « Que puis-je pour vous ? » Il n’a rien de solaire, bien au contraire, il ressemble davantage à une lame, un métal froid presque tranchant mais demeurant malgré tout respectueux. Poli. Mais laissant une étrange impression...

En attendant le retour de son assistante, Tanjô avait jeté un œil au dossier du personnel concernant Shinken Katsuo. Il avait participé à l’opération de la grande cataracte et en était rentré, ce qui était déjà signe qu’il était assez dégourdi pour ne pas tomber face à des Arrancars. C’était un Fullbringer naturel, mais un revenant lui aussi. Le laps de temps entre sa mort et sa résurrection avait toutefois été plus courte que celle du King, avec un peu de chance, le choc aura été moins violent pour lui. Bien que revenir à la vie soit probablement un évènement perturbant pour tout le monde.

La porte automatique s’ouvrit et un homme de bonne stature entra. Bien que jeune, en comparaison des forgerons que l’ancien sorcier avait pu côtoyer au Xème siècle, sa musculature ne laissait aucun doute sur sa capacité à frapper le fer. Ses cheveux étaient orange ce qui pouvait sembler original, pourtant aucune fantaisie ne se dégageait de ce garçon. Son regard était vide. Si on disait que les yeux étaient la fenêtre de l’homme, alors ce type avait dû se faire dévorer la sienne par un Hollow. Il émanait autant de chaleur de lui que d’une fiole d’azote liquide. Enfin, il n’était pas là pour ça après tout.

-Enchanté. Shikara Tanjô, même si vous devez déjà le savoir, je suis votre nouveau responsable. J’ai été assez surpris d’apprendre qu’un forgeron opérait dans notre groupe plutôt porté sur la haute technologie. Mais vos compétences pourraient potentiellement m’être très utiles.

Au-delà de l’utilité des armes blanches lorsqu’il s’agissait d’éradiquer des Hollows, de nombreuses innovations nécessitaient des parties métalliques faites sur mesure. La question était : Katsuo faisait-il ce genre de choses ou se cantonnait-il aux lames bien aiguisées ?

-Je vais être direct, j’ai besoin d’un objet assez particulier. Un analyseur de fréquence primordiale. Bien entendu, je m’occuperais de la partie analyse, mais il me faudrait un dispositif très spécial pour l’utiliser. S’agissant d’une première, aucune chaîne de montage au monde ne pourrait la mettre au point. Ce serait dans vos cordes ?

Il était évident que s’il acceptait, il lui fournirait tous les plans et les schémas nécessaires à la fabrication du dit objet. Après réflexion, il aurait sûrement été plus intelligent de préparer tout cela avant de le convoquer, mais il avait agi sous l’impulsion de son idée. C’était toujours pareil, il se laissait emporter dès qu’il pensait à quelque chose et plus grand-chose ne comptait à un tel moment.

Un acquiescement répond à la présentation de son supérieur. Il sait qu’un nouveau King avait été promu, quand bien même ignorait-il jusque-là, à quoi il pouvait bien ressembler. Son physique lui semble atypique mais rien de plus atypique que ce qu’il avait bien pu voir jusque là au sein des locaux de l’organisation, aussi ne s'attarde-t-il pas plus que cela sur son apparence. Il n’est pas là pour ça. Par ailleurs, cela ne l’avait jamais réellement intéressé, l’image qu’il renvoyait à son époque était importante dans le cadre de son travail mais l’image des autres n’avait jamais eu beaucoup d’importance à ses yeux.

Ses mots le sont davantage.

Alors il écoute, quand bien même aucune émotion particulière ne vient troubler son visage aux paroles de son supérieur. Peut être un léger froncement de sourcil trouble la neutralité de son faciès lorsque son interlocuteur s’avance sur son terrain de prédilection - qu’il est loin de maîtriser. Il n’est qu’un forgeron et n’a aucune idée de ce que peut bien être un analyseur de fréquence primordiale… Et n’est pas certain d’avoir envie de le savoir. Les scientifiques aiment parfois un peu trop la complexité, et quand bien n’est il pas stupide, il se sait plutôt éloigné de leur façon de penser.

« Si il s’agit de forger du métal et de lui donner une forme qui vous conviendra, alors la réponse est oui. » Il est forgeron, et quand bien même il est spécialisé dans les armes blanches, il n’en a pas pour autant oublié les rudiments de la forge. Par ailleurs, depuis son arrivée ici, ce n’était pas des demandes si rares, de nombreux équipements et prototypes scientifiques nécessitent des pièces sur mesure et quoi de mieux qu’avoir un forgeron sur place pour s’en occuper ? « J’aurai besoin des plans et des caractéristiques de votre… analyseur pour savoir combien de temps cela me prendra et quel métal utiliser. A moins que vous ne le sachiez déjà. » Les scientifiques peuvent être surprenant dans les connaissances qu’ils ont pu accumuler sur certain sujet annexe à leur propre domaine d’expertise.

Enfin, il a autre chose à dire sur ce propos. Quelque chose qui le dérange bien davantage et qu’il aurait préféré ne pas révéler. Sans doute n’est ce là que de la fierté mal placée mais il n’a jamais aimé révélé ses faiblesses, même dans un cadre aussi professionnel que celui là. « Par contre, je ne suis pas actuellement en capacité de forger. Je ne pourrais pas me mettre immédiatement au travail. » Il avait été soigné par les services de l’UN mais son combat n’avait pas été sans endommager férocement son corps et même eux n’avait pu faire de miracle. Parfois, le repos est la seule réponse aux maux du corps - mais peut être pas à ceux de l’esprit.

Ce Katsuo avait quelque chose de malaisant. Il ne dégageait absolument rien, aucune émotion. Pas même un brin de curiosité sur le projet auquel il venait d’être convié. La curiosité était pourtant la principale caractéristique d’un scientifique. Sans la volonté intrinsèque de vouloir savoir plus de choses, qu’est-ce qui pousserait l’être humain à faire des recherches ? Mais lui, bien que membre des Cups, en paraissait, tout comme des autres émotions d’ailleurs. Un bloc de marbre aux contours humains. Même Seon, semblait plus émotive que l’homme en face de lui.

Enfin, du moment qu’il était en mesure d’effectuer les tâches qu’il comptait lui foncier, c’était le principal après tout. Et justement, il semblait prêt à s’exécuter, n’attendant que les caractéristiques de l’objet qui lui était demandé. Tanjô sursauta et se frappa le front du plat de la main. Les plans, bien évidemment. Même le meilleur forgeron ne risquait pas d’aller bien loin s’il ne savait pas ce qu’il devait créer.

-Juste un instant.

Il se dirigea vers son bureau et commença à ouvrir les tiroirs de façon frénétique, sortant des tas et des tas de feuilles qu’il jetait négligemment derrière lui. Petit à petit, il commençait à s’énerver. Mais où étaient-ils passés ? Il fit un signe de tête vers son assistante, mais celle-ci se contenta de hausser les épaules en secouant la tête. Saleté de robot inutile... Tanjô reprit ses recherches et releva les yeux en direction du forgeron.

-Une minute, j’arrive.

Il souleva alors les livres qui encombraient son plan de travail dans l’espoir que les feuilles manquantes ne soient en dessous. Mais toujours rien. Il se retourna en direction des étagères murales et se mit à inspecter chaque case une par une. Sans regarder son interlocuteur, il leva un doigt.

-Bougez pas hein ! Ils doivent être là. Enfin normalement... Ils peuvent pas avoir disparu... Je bossais encore dessus hier... À moins que...

Il lâcha tout ce qu’il avait dans les mains et se dirigea vers le mur. Un tableau y était suspendu sur lequel de nombreuses feuilles étaient affichées. Il arracha une poignée de documents du mur, faisant tomber tous les aimants au sol. Enfin ! Il se rapprocha de Katsuo et brandit finalement les plans du prototype. On pouvait y voir des représentations en coupe, de face et de côté de ce qui ressemblait étrangement à un trident, mais dont les pointes se rapprochaient à l’extrémité jusqu’à presque se toucher.

-Voilà ce que je recherche. L’extérieur doit être recouvert de plusieurs feuilles de zinc et d’aluminium. Pour la structure interne, vous avez carte blanche pour trouver un équilibre entre légèreté et résistance. L’objectif étant de le planter dans un hollow, il ne doit pas se briser trop facilement.

Le forgeron évoqua son état physique qui l’empêchait de travailler dans l’immédiat. D’après les rapports, il avait été confronté à des Arrancars sur la base d’extraction et ses blessures semblaient encore le faire souffrir. Tanjô ne savait pas que l’Ultima Necat accordait des ITT, mais cela pouvait tout de même se comprendre.

-Faîtes au mieux. J’ai largement assez de projets sur la table, enfin par terre à présent, pour m’occuper le temps que vous récupériez. Vous désirez que j’y jette un œil ?

Patient, le forgeron attend sans mot dire les plans de son supérieur concernant l’objet qu’il souhaite lui faire forger. Il le regarde fouiller frénétiquement chaque recoin de son bureau, laissant différents papiers choir sur le sol sans vraiment s’en préoccuper, simplement obnubilé par sa recherche. Malgré sa circonspection, le revenant reste à sa place, se contentant de juste… contempler le désastre. Les feuilles jonchent le sol, pêle-mêle, et son sens minutieux de l’organisation s'insurge silencieusement face à ce massacre. Fort heureusement, il possède suffisamment de contenance pour ne pas dévoiler à quel point ce bazar le trouble.

Conformément à la demande du king, il ne bouge pas, jusqu’à ce que quelques feuilles ne viennent voler jusqu’à lui. Un rien désappointé, il se baisse pour ramasser les quelques papiers ayant atterri près de lui pour en faire un petit tas qu’il tient entre ses doigts bandés. Ses gestes sont un peu malhabiles mais il parvient sans peine à rassembler sa petite liasse avant que le King ne finisse par revenir vers lui avec l’objet de sa quête. Le forgeron se redresse pour observer les plans, récupérant doucement le dessin de sa main libre tout en tendant les quelques papiers récupérés à son supérieur de l’autre.

Ses prunelles détaillent l’objet qu’il doit forger avec un peu plus d’intérêt. Depuis qu’il vivait en cette ère, il s’était intéressé aux différents types d’armes qui avaient été forgés dans le monde. Au début, un peu malgré lui car il s’agissait de commande d’homme de ce monde, et il avait dû s'adapter, puis finalement, il y avait pris goût et avait lui-même entamé ses propres recherches pour en apprendre plus. Les techniques de forges en elles même s’étaient perdues avec les âges, mais il avait suffisamment d’expérience et de talent dans son domaine pour en reconstituer certaines. En ce qui concernait cet objet en question, il ressemblait à une arme appelée trident, bien que la forme soit légèrement différente.

Les précisions du king sont les bienvenues. Son regard se tourne un instant vers son supérieur à ses mots avant qu’il ne repose ses yeux sur le dessin. Il comprend un peu mieux pourquoi cette structure. « J’imagine qu’une simple lance n’aurait pas l’effet escompté ? » Une lance serait plus solide au niveau de la tête, mais elle n’aurait foncièrement pas les mêmes caractéristiques. Il réfléchit avant de reprendre, toujours concentré sur les plans. « L’arme doit rester plantée dans sa cible aussi longtemps que possible et elle ne doit pas être aisée à ôter, non ? » Si c’était le cas, il peut trouver un moyen pour que cela soit plus efficace, un peu à la manière d’un harpon qui ne laisse pas s’échapper sa cible. Son regard se redresse sur son supérieur à cette demande pour obtenir sa réponse.

Un instant, le forgeron cligne des paupières, ne comprenant pas le sens des dernières paroles du King. « Y jeter un coup d'œil ? »

Tanjô se saisit du tas de feuilles que lui tendait Katsuo par pur réflexe. Il y a certains automatismes contre lesquels on ne peut rien. Lorsque quelqu’un vous tend quelque chose sans prévenir, vous le saisissez. Le scientifique regarda de quoi il s’agissait et constata qu’il s’agissait de ses propres feuilles de comptabilité du budget de l’année dernière. Pas le moindre intérêt pour la conversation en cours. Il haussa les épaules et les balança derrière lui avant de reprendre avec passion.

-Une simple lance ? Non ! Il faut pouvoir injecter un rayonnement ionisé dans un pic, qu’il passe par celui du milieu et reparte via le troisième. C’est essentiel pour activer l’analyseur. Non, cela n’aurait pas de sens. Sans les trois pics. Vraiment aucun...

Sa voix se perdit en un chuchotement à mesure qu’il réfléchissait. En réalité, l’analyseur à proprement parler serait à l’extrémité de la pointe centrale, mais il fallait effectivement qu’il soit parcouru en permanence par des cations pour pouvoir être parfaitement calibré. La forme de trident était essentielle. En revanche, il ne s’était pas posé la question que le forgeron souleva. L'arme devait-elle être difficile à ôter ?

Cela méritait réflexion. D’un côté, il serait bien pratique de pouvoir le planter dans un adversaire agité sans qu’il ne puisse le retirer le temps que l’examen se déroule. D’un autre côté, l’objet en lui-même était déjà d’une extrême complexité, même s’il n’en avait pas l’air. Modifier sa structure risquait de perturber le flux du rayonnement rendant l'outil inutile ou tout du moins baissant son efficacité.

-He bien... Je suppose que vous pensez à des crochets ou des dents inversées, quelque chose du genre. À l’origine, je comptais l’utiliser sur des hollows qui seraient paralysés par les compétences très particulières de Muzan. Mais si vous y parvenez, sans que cela ne nuise au flux, oui cela permettra d’obtenir encore plus de données face à des adversaires moins coopératifs... L’important, c’est qu’il fonctionne !

S’il y a arrivait mieux. Sinon tant pis. Mieux valait une arme qui ne s’accroche pas, mais qui remplit son rôle que l’inverse. Pendant qu’ils discutaient, l’assistante du King s’était attelée au ramassage fastidieux de tous les documents étalés sur le sol. Elle avait l’habitude. Le scientifique pointa alors son doigt en direction de Katsuo, désignant tout à tour les différentes parties du corps du forgeron.

-He bien vos blessures ! Je peux essayer de vous aider à récupérer plus rapidement. Vous avez probablement reçu les soins d’urgence, mais j’ai à ma disposition plusieurs remèdes très efficaces. SI puissants qu’ils seraient interdits dans n’importe quel commerce normal, hahaha !

En effet, Tanjô était plus ou moins spécialisé dans la guérison des plaies, ce qui lui avait valu le surnom de « L’Immortel ». Certes, cela était en grande partie dû à son fullbring, mais pas seulement. Après des années à travailler pour l'armée de l’empereur, il savait créer des médicaments absolument prodigieux.

Le forgeron ne prit pas la peine de commenter le geste de son supérieur, se contentant d’un simple coup d'œil las avant de reprendre sur le sujet qui les intéressait. Pas de lance. Il prend note des éléments complémentaires du King, acquiesçant en silence pour faire comprendre que le message est bien passé. Il s’en doutait avant même de poser la question, mais parfois, il était bon d’en savoir plus pour comprendre tant le fonctionnement de l’objet que celui du client. Plus compliqué ne veut pas forcément dire que c’est le plus adéquat, et la simplicité peut améliorer les choses. Ce qui ne sera pas le cas ici.

Un nouvel acquiescement à sa seconde réponse, puis il se met lui-même à réfléchir. Il n’est certes pas du même acabit que le scientifique face à lui, mais il n’est pas pour autant dénué de réflexion, surtout quand il s’agit de son propre domaine d’expertise. « Dans ce cas, je peux prioriser celui sans accroche dans un premier temps afin de vous permettre de valider la structure et de réaliser vos tests. Nous pourrons par la suite améliorer la structure pour qu’il soit plus efficace et réponde davantage à vos exigences. » Il laisse le silence s’étirer un peu avant de reprendre, la mine réflexive. « Ou je peux toujours travailler sur les deux modèles en parallèle, et vous pourrez choisir celui qui vous conviendra le mieux. »

Il ne semble pas gêné par cette possibilité, mais ne connaissant pas parfaitement les besoins spécifiques liés à cet analyseur, notamment lié à ce flux, il ignore si ses améliorations ne seraient pas plus un problème qu’une solution. Par ailleurs, il sait également que certains des dispositifs que les scientifiques fabriquent ici ne sont pas voués à être reproduit - ou sont beaucoup trop cher à reproduire. Dans son cas, le métal ne devrait pas être un problème mais il ignore ce qu’il en sera pour le King, car il se doute que cet objet ne sera pas seulement qu’une structure de métal.

Tout à son intérêt pour la conversation, Katsuo en oublie presque qu’il ne pourra pas se mettre au travail immédiatement, mais c’est sans compter sur la proposition du King. Ses blessures. Il y a probablement dans certaines de ses paroles, un rien de circonspection. « Quel genre de remède ? » A dire vrai, il se moque profondément de l’aspect légal des substances, si l’homme face à lui peut lui permettre de reprendre son travail plus rapidement, il ne sera pas du genre à faire la fine bouche sur les moyens. « Si ça me permet de guérir plus rapidement, je ne suis pas contre. » rajoute t-il pour qu’il ne prenne pas ombrage de sa question.

Tanjô constata avec plaisir que le forgeron avait saisi sans difficulté le dilemme qui l’occupait. La forme de la courbure avait été calculée avec une minutie extraordinaire pour optimiser le flux. Ajouter des artifices pourrait parasiter ce fragile équilibre et perturber le rayonnement. Pour autant, le fait de pouvoir l’accrocher à des adversaires belliqueux était un atout non négligeable. Katsuo proposa de créer deux prototypes, l’un lisse et l’autre avec des crochets. Il n’aurait pas osé le lui demander, réalisant bien la surcharge de travail que cela représentait. Mais s’il le proposait lui-même... Tanjo leva le pouce en souriant.

-BANCO ! Faites donc les deux ! Comme ça j’en aurais un « de voyage » pour analyser les hollows que je croiserais et un lisse qui restera ici pour les cobayes. Mais j’ai envie de vous faire confiance et de vous proposer de commencer par le cranté. Mais du coup, je vous demanderai de faire les crochets en titane. Il y a peu de chance que ce métal interagisse avec le reste, étant résistant, mais bien moins conducteur.

Cela semblait être un bon compromis. S’il ne s’agissait que de rajout autour de la structure principale sans aucune interaction, il n’y avait pas de raison que cela pose problème. À condition que le rouquin soit un aussi bon forgeron que le King l’espérait. Il ne restait plus qu’à voir le résultat.

La conversation se reporta sur sa proposition de lui apporter des soins plus poussés que ceux auxquels il avait déjà eu droit. Le tout avec un brin de méfiance malgré tout. L’homme semblait d’un naturel réservé et avait probablement un peu de mal à admettre avoir besoin d’aide. Ou pas envie que l’on lui inocule n’importe quoi. Tanjô avait pourtant un peu d’expérience dans ce domaine, il n’y avait aucune raison de douter de ses compétences en la matière.

-Ho, vous savez, j’ai tout un arsenal. Par exemple, des pilules de mon propre reiatsu qui accélère la cicatrisation de façon presque instantanée. Du reaitsu concentré pour booster votre métabolisme. Mais si vous êtes plus traditionnel, des décoctions de plantes capables d’empêcher les infections ou encore de guérir de bons nombres de maladies.

Tout dépendait évidemment des besoins en vérité. Il ne savait même pas de quel mal souffrait le maître de forge.

-Quel est le problème exactement ?

Vraisemblablement, son supérieur préfère sa seconde proposition. Le forgeron acquiesce en ce cas, prenant en compte également les informations concernant la réalisation des crochets sur le second prototype qu’il devra créer - ou premier au vu de la demande de son interlocuteur de prioriser finalement ce dernier. Il fera en sorte de ne pas le décevoir, non pas simplement car ce serait son devoir en tant que subordonné mais surtout par fierté. Il s’agit là de son travail, plus que cela, la forge est pour lui une passion que la mort n’aura su lui enlever. Marteler le fer et lui donner la forme qui conviendra le mieux à ses clients - ou ses collègues et supérieurs en l’état actuel des choses - est ce pour quoi il est ici. Les challenges que chacun est prêt à lui donner ne sont que des étapes lui permettant encore et toujours de s'améliorer.

Car il n’est pas le genre d’homme à se contenter de ses acquis, préférant de loin apprendre, encore et toujours, quitte à se mettre en difficulté.

Lorsque le sujet reprend ses blessures, le revenant écoute les réponses de son supérieur à sa question. Il hausse un sourcil, non pas dubitatif mais probablement un peu plus surpris. A vrai dire, est-ce que cela doit réellement l’étonner ? Il avait vu depuis ses cinq années d’existence en cette ère, de nombreuses choses bien différentes de ce à quoi il avait été coutumier.

Non, sans doute ne devrait-il plus être surpris par quoi que ce soit par ici.

Le problème. Le plus simple serait de lui montrer. Il dépose les plans confiés par son supérieur sur une surface non loin de lui avant de retirer les bandages de sa main gauche. Sur la peau, les marques de brulures sont encore bien présentes quand bien même sont-elles moins profondes que lors de son retour du monde creux. Une fois le bandage en partie ôté, il montre sa main blessée au king, le laissant examiner si il le désire la profondeur et la gravité de ces dernières.

« Lors de l’attaque de nos installations au Hueco Mundo, je faisais partie de l’équipe sur place. L’arrancar que j’y ai affronté m’a fait ça. » Ce n’est pas les seules brûlures qu’elle lui a fait, et en réalité sur son corps plusieurs bandages lui permettent de les dissimuler mais surtout de restreindre le frottement de ses vêtements sur ces dernières. La plupart des plaies avaient quant à elles été soignées mais son organisme avait plus de mal à régénérer de ces blessures en particulier. Son regard se fait plus trouble. Peut-être à cause de ce demi-échec. De cette faiblesse qu’il expose aux yeux de tous.

Ou peut être que cela n’a pas tant à voir avec cela…

Le forgeron déroula lentement ses bandages, laissant apparaître une peau brunie par la chaleur et craquelée par la déshydratation. Les brûlures avaient laissé des marques bien visibles dans l’épiderme. Pour que l’aspect des plaies soit aussi marqué même après qu’il soit passé entre les mains des soigneurs de l’Ultima Necat, c’était que le combat avait dû être monstrueux. Le King n’avait aucune raison de douter des capacités du personnel médical.

Il s’approcha et observa de plus près. Du feu, de toute évidence, mais imprégné d’un reiatsu malveillant. Les hollows qui lui avaient fait ça devaient être au moins des Arrancars pour que leur énergie spirituelle s’incruste à ce point dans l’organisme de Katsuo. Il n’était pas si surprenant qu’il ait du mal à cicatriser. En temps normal, le corps est en mesure de repousser le reiatsu étranger de lui-même, mais pour une raison qui lui échappait, ce n’était pas le cas ici.

Le scientifique se recula et observa le corps de son subordonné. D’autres bandages le recouvraient. Nul doute que des plaies du même acabit devaient le parsemer des pieds à la tête. Katsuo confirma ce que pensait le sorcier. Ces blessures avaient été faîtes par des Arrancars lors de l’opération de protection des installations du Hueco Mundo.

-Je vois. Il faudra des examens plus poussés, mais selon moi, l’énergie spirituelle de cet arrancar s’est infiltrée dans votre plaie en même temps que le feu brûlait votre peau. Et pour une raison que j’ignore, vous ne parvenez pas à l’éliminer. J’ai bien l’impression que votre organisme ne le considère pas comme un corps étranger et ne le repousse pas comme il le devrait.

Bien sûr, tout cela n’était que son avis après une très rapide observation. S’il voulait un véritable diagnostic, ils allaient devoir faire des examens plus poussés. Son laboratoire avait tout ce qu’il fallait pour détecter un reiatsu de hollow s’il en avait véritablement dans l’organisme.

-Si vous voulez, nous pouvons passer dans mon labo. Je suis persuadé que votre problème n’est pas insoluble. Si mon instinct est bon, je devrais parvenir à l’expulser de force. Mais je ne vous force à rien. Avec le temps cela pourrait passer, mais cela peut-être long.

Son incapacité à travailler durant sa convalescence était tout de même embêtante. S’ils pouvaient accélérer le processus, cela pourrait être avantageux pour tout le monde.

Ses prunelles dorées restent accrochées à sa blessure, contemplant sans les voir les brûlures parsemant sa peau. Elles le restreignent chaque jour, lui rappellant sans cesse quelque chose qu’il veut pourtant oublier, l’obligeant même à demeurer inactif alors qu’ici, seule la forge lui permet d’être qui il est. A la place du chant du fer, il n’entend que des paroles qui n’ont pas de sens, des souvenirs qu’il aurait préféré faire taire à jamais.

Il aurait préféré tout oublier.

Le regard de son supérieur posé sur lui finit par le faire sortir de ses pensées, étiolant les réminiscences pour ne laisser derrière elles que le visage fermé du forgeron. Les regards posés sur lui ne le dérangent pas. Pour autant, il n’apprécie pas tant exposer ses blessures à autrui. Il a toujours eu l’habitude de se débrouiller seul, de panser ses plaies en silence et dans la solitude… Ce qui rend ces moments plus dérangeant à ses yeux. Mais si il peut faire quelque chose pour lui, si le King possède des capacités lui permettant de reprendre sa tâche alors il est prêt à faire des concessions sur ce point.

Après son examen, son supérieur reprend la parole, lui donnant sa propre analyse sur sa situation. Il se fige avant que son regard ne se trouble, s’interroge, fronçant les sourcils face à cette déduction pour le moins inattendue. Ses prunelles reviennent contempler la peau marquée, se demandant si l’explication du king est la bonne ou si autre chose - un autre chose dont il ne connaît pas la teneur - gêne sa régénération naturelle.

Pour quelle raison son organisme ne considérerait il pas l'énergie de cette arrancar comme… étrangère ? La pensée le trouble plus qu’elle ne le devrait. Heureusement, les paroles suivantes de son supérieur lui permettent de reprendre le fil de la conversation, éloignant les souvenirs. Non. Il ne veut pas attendre. « Votre proposition me convient. Je ne peux pas rester comme ça indéfiniment. » Sa voix est ferme malgré le trouble jusqu’alors visible sur son visage. Un trouble qui n’est plus, remplacé par une expression plus dure. Il n’est pas le genre d’homme à attendre tranquillement que les choses se passent si il a l’opportunité que cela se passe différemment.

Il veut que cela se passe différemment. Il ne veut plus ses marques. « Je vous suis. » Il veut reprendre sa vie et laisser tout cela derrière lui.

Visiblement, la théorie de Tanjô avait provoqué un vif instant de réflexion chez le forgeron. Une simple absence, mais qui contrastait avec l'impassibilité dont il avait preuve jusqu'ici. Son esprit sembla soudain partir loin, derrière un voile de pensées silencieuses pour finalement revenir refaire briller ses yeux qui paraissaient éteints. Le scientifique ne fit aucun commentaire, laissant à son potentiel patient le temps de peser le pour et le contre. Après un moment de silence anormalement long, Katsuo finit par accepter de se soumettre à des examens plus approfondis, tant que cela pouvait l'aider à accélérer son processus de guérison. Très bon état d'esprit. La science était là pour aider les hommes dans leur vie de tous les jours, alors pourquoi s'en priver ?

-Excellent. Venez, c'est par ici.

Il le précéda et la porte arrière de son bureau s'ouvrit automatiquement. Devant eux, son laboratoire personnel s'étendait, du moins la partie qu'il permettait aux gens de voir. La salle était séparée en deux. Dans la première moitié, sur leur gauche, différents bocaux s'étalaient et des plantes exotiques poussaient dans des serres éclairées par des lampes à UV. À droite, des cages renfermaient des animaux étranges issus de ses différentes tentatives de modifications génétiques. Il s'en servait pour mettre au point des venins aux propriétés différentes. La seconde moitié de la pièce était bourrée de divers appareils électroniques aux fonctions que lui seul connaissait. D'un geste, le King montra une section qui était particulièrement bien rangée et propre, sa section médicale. En son centre, un fauteuil incliné trônait, destiné à recevoir d'éventuels patients.

-Déshabillez-vous et installez-vous.

D'après ce qu'il avait vu, de nombreuses parcelles de son épiderme étaient touchées. L'opération n'allait pas être simple. Tournant le dos au forgeron, il commença à rassembler les divers instruments dont il aurait besoin sur sa paillasse et les désinfecta à l'éthanol avant de les stériliser grâce à un rayonnement UV. Sans se retourner, il demanda.

-Avez-vous la moindre idée de ce qui provoque cette réaction ? Ce Hollow avait-il quelque chose de particulier ? Un pouvoir spécial, peut-être ?

C'était une question en l'air. Bien que n'ayant rencontré le rouquin que depuis peu de temps, le sorcier avait bien compris qu'il n'était pas du genre faire étalage de ce qu'il pensait ou ressentait. S'il s'était passé quelque chose de vraiment important, il chercherait probablement à le minimiser ou même à éluder la question. Mais qui ne tente rien n'a rien après tout.

Il s’avance sans un mot, suivant son supérieur dans son laboratoire. Un sentiment de malaise le trouble lorsque ses prunelles détaillent les lieux. Il ne prend cela dit pas la peine de s’attarder sur les serres et encore moins sur les cages dans lesquelles sont enfermées des créatures dont il ignore tout, mais une part de lui n’apprécie pas l’endroit. Ce sont ces éléments mis bout à bout qui font qu’il ne se sent pas à sa place dans cette ère. Qu’il ne se sent pas à sa place ici. Il ferme les yeux et laisse ces pensées s’étioler.

Cela n’a pas d’importance. Ce qu’il fait ici ne regarde que lui.

Le forgeron contemple l’endroit que lui indique son supérieur. Un lieu propre, presque rutilant au milieu duquel trône un fauteuil qui lui rappelle ceux qu’il a déjà eu l’occasion de voir dans la section médical de l’Ultima Necat. Les lieux sont froids, comme la plupart des installations scientifiques de l’organisation et malgré lui, il en était devenu coutumier. Il préfère cela dit de loin sa forge qu’il avait pu suffisamment personnalisée pour s’y sentir plus à son aise. Les ordres données, le revenant obéit, ôtant son kimono dans des gestes lents avant de le plier grossièrement pour le déposer dans un endroit lui semblant adéquat.

Plusieurs bandes dissimulent sa peau et ses brûlures. Ses mains et avant bras sont les plus touchés, disparaissant sous les bandes pâles bien que l’une soit à moitié défaite à présent. Sur son torse, une autre bande le contraint, les brûlures s’étant épanouies au niveau de son cœur et un peu plus haut, semblant remonter vers sa gorge et contraignant une de ses épaules. Sur ses jambes quelques brûlures éparses bien moins profondes que celles sur ses bras ou sur son torse qu’il n’avait pas pris la peine de bander - probablement car le tissu de son kimono et leurs légèretés le dérangeait moins.

Hormis cela, son corps est parsemé de multiples cicatrices. Des blessures anciennes que son corps a régénérées, probablement suffisamment profondes pour qu’elles continuent de marquer sa peau. Des blessures d’un homme ayant mené de nombreux combats, bien loin de celles qui pourraient contraindre un simple forgeron. Il reste silencieux lorsqu’il ôte les bandes, dévoilant les brûlures avant de finir par s’installer sur le fauteuil.

Puis la question est posée. Le silence lui répond. Il réfléchit.

« Je ne sais pas. » Finit-il par avouer. Il a dû mal à croire en la théorie du king et une part de lui réfute purement et simplement cette possibilité. Est ce que ça pourrait vraiment être parce qu’il s’agit d’un morceau d’elle ? Cela lui semble tout bonnement incongru. Il ferme les yeux et les souvenirs de son affrontement reviennent caresser sa conscience. Une crispation. « Elle avait des sortes d’yeux sur elle qui lui permettaient d’enflammer ce qu’ils regardaient… je crois. » Son regard se détourne finalement, vient fixer un point qu’il ne voit pas vraiment. « Le combat était trop chaotique pour que je parvienne à me souvenir de tous les détails. »

Et probablement ne veut-il pas s’en souvenir aussi.

Katsuo ne semblait pas tout à fait à son aise au milieu de son laboratoire. Il était évident que toute cette technologie le dépassait totalement, lui le manuel, le travailleur physique, le revenu d’un ancien temps. Pourtant, Tanjô aussi était un revenant et il avait appris à s’acclimater à cette nouvelle ère. Chacun son rythme après tout. Ses yeux ne révélaient absolument rien ni surprise ni peur. Il semblait tout simplement être un élément rapporté qui n’avait rien à faire ici.

Enfin, tant qu’il faisait son travail de façon efficace, il aurait toujours une place chez les Cups. Le forgeron s’exécuta et commença à se déshabiller, révélant l’ampleur des dégâts. Les bras, le torse, la gorge, une partie des jambes... L’adversaire à l’origine de ces dégâts devait être vraiment redoutable pour être parvenu à le blesser à ce point. Et surtout, le rouquin avait une sacrée résistance pour être encore en vie. D’autres blessures, plus anciennes encore étaient clairement visibles. Ce n’était pas son premier affrontement, loin de là.

Tanjô s’approcha et se pencha sur le torse pour observer de plus près la façon dont la peau avait été brûlée. En périphérie, l’épiderme était déshydraté et craquelé comme sur n’importe quelle blessure de ce type. Au centre, la plaie était noire et la profondeur atteignait le derme réticulaire. Nu doute que les liaisons nerveuses étaient purement et simplement détruites. Pourtant, un suintement s’écoulait, signe que toutes les cellules n’étaient pas mortes. Sa théorie semblait se confirmer. La présence de reiatsu était la seule explication à la survie de certaines cellules dans une brûlure d’un tel degré. Et ce reiatsu, contre toute attente, ne semblait pas... agressif. Sinon la plaie se serait étendue. Là au contraire, l’énergie semblait le protéger d’une certaine façon, des infections notamment. Paradoxalement, elle empêchait également la cicatrisation.

Katsuo ne semblait pas pouvoir expliquer ce phénomène, le combat ne lui ayant pas laissé l’occasion d’analyser les pouvoirs adverses. Tant pis, il fallait agir. Il approcha doucement son doigt du torse du forgeron et le laissa glisser lentement le long de la blessure.

-Je pense avoir une solution. Ne vous inquiétez pas si, au moment du soin, vous ressentez une atroce douleur, c’est tout à fait normal.

Sans lui laisser le temps de réagir, il projeta sa propre énergie spirituelle dans la plaie, dans le but d’expulser de force le reiatsu parasite. Le processus était éprouvant, mais nécessaire, il fallait forcer le reiatsu hollow à se décrocher. Celle du King prendrait sa place, mais Katsuo devrait parvenir à l’éliminer normalement, ce qui règlerait le problème. Une fois cela fait, ils pourraient commencer la cicatrisation à proprement parler.

Silencieux, Katsuo se laisse examiner sans mot dire. Il ne questionne pas le king sur ce qu’il perçoit, sur ce qu’il pense de sa situation. A dire vrai, son esprit n’est pas tout à fait là. Lui aussi il pense. Il réfléchit. A cette situation dans laquelle il se trouve et à cette régénération trop lente pour être normale. A ce combat dans lequel il s’est retrouvé confronté à un passé qu’il aurait préféré faire taire. A ses pouvoirs qu’elle avait déchaîné sur lui dans une rage destructrice qui lui avait même valu la perte de son unique alliée. Et lui…

Et lui…

Il s’était retrouvé là, troublé par ses souvenirs et par une image qui n’était rien de plus qu’un mirage. Les flammes étaient pourtant réelles. Ses blessures aussi. Et elles ne cessent de le tourmenter depuis. Et depuis ce combat, c’est comme si la porte de son passé qu’il avait pourtant soigneusement verrouillée s'était rouverte avec fracas. Les souvenirs sont plus vivaces. Les émotions plus présentes. Et il n’aime pas ce trouble dans lequel ils le plongent.

Au final, les plaies et les brûlures lui semblent moins contraignantes que ces fantômes du passé.

Et puis le king reprend la parole, le forgeron est en est un instant confus, le temps de revenir à l’instant présent. Un instant qui s’étiole rapidement lorsque ce dernier agit. Les termes douleurs atroces viennent se graver dans son esprit alors que son supérieur utilise sa méthode pour le “soigner”. Il laisse échapper une exclamation douleur et de surprise avant de parvenir à dompter suffisamment la souffrance causée. Les dents serrées, le corps crispé, il finit par s’acclimater assez à la douleur pour que le grondement sourd finisse par disparaître. Les yeux clos, son expression laisse deviner la douleur qu’il ressent, là où sa respiration se fait plus haletante à mesure que le traitement avance.

Pourtant il ne s’écarte pas malgré la douleur. Il ne retient pas non plus le bras de son supérieur. Il encaisse, son esprit s’engourdissant sous les signaux d’alerte que son corps ne cesse de lui renvoyer. Il lui faut plusieurs minutes pour se rendre compte que le king a cessé tant son corps et son esprit semblent plongés dans un maelstrom de souffrance qui peine à refluer. La sueur glisse sur sa peau alors que sa respiration se fait de moins en moins laborieuse.

« C’est bon …? » Sa voix est rauque et faible. La question peine à s’échapper de ses lèvres.

Ah, qu’il était agréable de pouvoir travailler sur un patient qui ne se mettait pas à gigoter dans tous les sens dès que l’on titillait légèrement ses influx nerveux. La douleur est une simple information que le corps envoie au cerveau pour lui signifier que quelque chose d’anormal et de potentiellement dangereux est en train de se produire. Seule la force mentale permettait d’ignorer ces données et de rester stoïque.

À mesure que le doigt de Tanjo avançait le long du thorax de Katsuo, son énergie s’infiltrait dans les différentes plaies pour chasser la substance spirituelle toxique. L’opération dura quelques minutes, après s’être assuré d’avoir appliqué le « traitement » sur chaque parcelle de peau brûlée. Après avoir vérifié, il leva la main, l’index toujours tendu.

-Yep ! Fini ! Alors, ce n’était pas si terrible, pas vrai ?

À vrai dire, c’était bien la première fois qu’il effectuait une telle opération. Et malgré tout ce que lui-même avait déjà subit au cours de sa longue vie, il n’avait jamais été confronté à un tel protocole. Il n’avait donc pas la moindre idée de la sensation que cela pouvait procurer. Il pouvait toutefois tabler sur le fait que l’infiltration d’un reiatsu étranger dans l’organisme devait vraisemblablement être perçue comme un empoisonnement violent. Avec tous les inconvénients qui vont avec.

Il laissa sa main retomber lentement. Son doigt était toujours figé, comme s’il pointait quelque chose. Faire déferler autant d’énergie à travers son index pendant une longue période avait totalement tétanisé ses tendons. Cela passerait probablement rapidement.

Le King sortit une paire de lunettes bardée de puces électroniques qu’il chaussa et se pencha à nouveau sur le forgeron. Plus aucune trace du reiatsu inconnu, seulement sa bonne vieille énergie qu’il reconnaitrait entre mille.

-Tout m’a l’air d’être en ordre. Vous pouvez vous rhabiller. Votre corps devrait parvenir à chasser mon énergie, car elle est classique.

Il sortit un tube de crème d’un tiroir. Cette substance avait été concentrée en reishi et devrait réagir avec sa propre énergie qui favoriserait la régénération cellulaire.

-Tenez, à appliquer le plus rapidement possible, tant que mon énergie est encore dans la plaie. Elle vous aidera à cicatriser beaucoup plus vite. Mais continuez malgré tout, même après l’expulsion de mon reiatsu. Ça... ne peut pas faire de mal.

Certes, cela ne serait pas aussi efficace que son propre fullbring, mais il devrait être sur pieds en moins d’une semaine s’il suivait le traitement avec assiduité.