Al Jera
Données Spirituelles
Grade: Novena Espada
Sam 2 Sep 2023 - 5:00 - Le souper
- "Vous comprenez pas, boss Junior..."
Comme pour faire directement écho à cette remarque, un gai sifflement d'oiseau retentit dans la tente secondaire du campement. Le passereau squelettique semble désorienté sans l'autre Fracción qui l'accompagne en tourbillon vigoureux dans les airs en temps normal. Celle-ci n'est pourtant pas loin, perchée directement au bord de la large marmite dans laquelle un plat manifestement rudimentaire bout à feu doux. Derrière le plan de cuisine sauvage se tiennent deux Hollows assez imposants, chacun atteignant facilement la hauteur de trois humains faisant la courte échelle. Leur interlocuteur supposé se retourne, une serviette tâchée sur l'épaule, l'un des deux sourcils froncés et affichant une expression boudeuse.
- "Non, en effet je comprends pas, les gars. Je mets tous les jours un peu de mon âme dans ces petits plats parce que je veux que vous soyez en forme. C'est pour vous que je fais ça, c'est important pour moi de vous voir vous développer !"
Subjugués, les deux titans restent muets pendant quelques secondes.
Venant en secours à son camarade, l'autre créature du monde des âmes damnées prend la parole à son tour, essayant d'être plus clair.
- "On doute pas d'votre bonne foi, boss Junior, vraiment pas. Mais y a des fois, on s'dit qu'y s'rait p't-être temps d'trouver un vrai cuistot, non ? Quelqu'un d'bonne foi, comme vous, mais avec des compétences en plus ?"
Comme piqué par la missive que le montre géant vient de lui envoyer, le piètre marmiton lève la main et le désigne du doigt, soufflant bruyamment du nez avant de répliquer.
- "Déjà, et j'arrête pas de vous le dire, ça sert à rien de m'appeler 'boss Junior'. C'est pas parce qu'il y a Junior dans mon nom que vous pouvez m'appeler Junior. Juste 'boss', c'est très bien ! Pourquoi vous vous compliquez la vie ?"
Son visage se révèle alors qu'un léger trait de lumière s'impose, amené par l'interstice créé par la couture supérieure de la toile de la tente. Les deux Adjuchas du clan Gorrionito s'adressent en réalité à leur meneur, qui s'improvise chef étoilé et n'en est visiblement pas à son coup d'essai. Grattant nerveusement le petit bout de masque qui lui couvre encore le haut de la joue droite et qui se prolonge plus massivement sur son flanc supérieur, l'Arrancar blond reprend.
- "Et ensuite, je vous le redis, si je prends du temps à mijoter ces délicieux ragoûts, c'est parce que ça me fait plaisir de vous nourrir ! Vous devez vous alimenter, sinon vous savez très bien ce qui vous attend. Je préfère pas le répéter, parce qu'on sait tous que c'est désagréable. Je parle de ré-gre-ss..."
Le Hollow cornu se permet d'interrompre son bienfaiteur, très soucieux de se faire comprendre.
- "Boss ju... Boss, on est tous conscients d'ça. Pas la peine d'vous fâcher. Mais on s'disait avec les copains, maintenant qu'vous êtes officiellement un des saints Espadas... ça peut aussi être l'occasion d'améliorer un p'tit peu notre mode de vie, vous pensez pas ?"
L'autre géant appuie de nouveau le propos de son ami.
- "C'est vrai c'qu'il dit, boss ju... patron. On doutait pas qu'vous gagneriez c'titre sans problème, mais on pensait qu'une fois qu'vous l'auriez eu, vous nous ramèneriez des bons p'tits plats directement d'chez les bourges d'la Cámara, ou quelqu'chose du style."
Comme s'il avait déjà oublié qu'il était offusqué au possible par cette micro-mutinerie il y a quelques minutes de cela, le visage de celui qui était devenu la Novena Espada s'éclaircit d'un coup, précédant un éclat de rire innocent, à la limite de l'infantile.
- "Des plats de la Cámara ! Il faut croire que vous les détestez seulement quand ça vous arrange, pas vrai ? Me faites pas des blagues comme ça, je vais finir par avoir une crampe aux abdos !"
Ses camarades ne le suivant pas dans son hilarité, le blondinet finit par comprendre qu'il y a un malentendu. Il réalise alors qu'il n'y a aucune plaisanterie et, ignorant les gazouillements de ses deux passereaux réagissant à son humeur, écarquille les yeux, comme émerveillé par une chose qu'il vient à peine de réaliser.
- "Attendez. Je peux vraiment faire ça ?"
Le statut du détenteur de Cobalto Pluma étant encore très nouveau, celui-ci n'a pas eu l'occasion de réfléchir à tout ce qu'il impliquait, bon comme mauvais. Disons aussi et surtout qu'il n'a pas pris le temps d'y réfléchir, considérant ce titre avec probablement beaucoup moins de sérieux qu'il ne le devrait. Les deux membres de la meute s'empressent de répondre par l'affirmative à cette question d'une sincérité désarmante, rappelant à leur chef qu'il est maintenant, sur le papier, l'une des figures publiques principales de l'Acuerdo.
Comme rappelé à l'ordre par une sorte d'esprit de la vie sauvage, il agrippe futilement l'une des fines poutres en bois qui soutient la tente avant de remettre ses protégés sur ce qu'il considère comme étant le droit chemin.
- "Singuill, Carcacha, j'aimerais vous dire que je comprends votre sentiment. Mais chacun son expérience de vie, je me trompe ? Je me sentirais mal si demain je me levais en vous faisant la leçon sous prétexte que j'ai vécu plus longtemps que vous. Sous cette forme, en tout cas. Je suis convaincu que j'ai autant à apprendre de vous que vous avez à apprendre de moi.
Mais c'est pas parce que Domuyo est de sortie cette nuit que c'est la porte ouverte à toutes les réclamations, vous comprenez ? Si ça tenait qu'à moi chacun d'entre vous aurait tout ce qu'il veut, mais ça tient pas qu'à moi. Je me suis vraiment appliqué sur le repas de ce soir, j'y ai mis du mien. Vous avez besoin de ces apports-là. Vous savez bien que moi, ça fait un moment que j'ai arrêté de manger des Hollows insectes."
Au moment-même où il dit cette phrase, l'Arrancar blondinet croque sans s'en rendre compte dans le crâne du petit scarabée osseux qu'il tenait dans sa main gauche. Il attrape de nouveau la grande cuillère qu'il avait plongé dans sa tambouille, et continue à mélanger dans celle-ci ce qui ressemble à une unique proie de la journée baignant dans du sang bleu et luttant encore désespérément pour sa survie.
Lorsque son second s'absente pour aller chercher des informations importantes ou des ordres du Consilio, comme aujourd'hui, il est en vérité difficile pour Al Jera de contrôler ses ardeurs. Il fait pourtant de son mieux, gardant en tête la responsabilité qu'il a malgré tout envers la quinzaine de Hollows habitant le campement. Mais comme si son instinct de chasseur se réveillait d'un coup, il fait brusquement tomber le pauvre coléoptère à moitié croqué sur le sable blanc.
Une silhouette étrange semble s'être invitée sur le campement. Une qu'il ne connaît manifestement pas du peu qu'il arrive à en distinguer. Pas encore, du moins. Après un petit moment à scruter l'ouverture donnant accès à l'extérieur de la tente, il plisse les yeux d'un coup sec et un immense sourire se dessine sur ses lèvres. D'un ton enjoué, il essaie d'attirer l'attention de l'élément perturbateur avec une phrase à mi-chemin entre le cri bestial et le chant joyeux.
- "Hé, toi ! Alors on est d'accord, il donne envie ce ragoût, hein ? Entre, viens avec nous !"
Les deux congénères de l'Espada comprennent rapidement la situation et, après un coup d'œil dans leur dos, essaient de raisonner le meneur du clan, lui rappelant qu'il s'adresse à un potentiel ennemi.
- "Hé, boss j... chef. Vous êtes sûr de c'que vous faites ? Parce qu'ça m'a vraiment tout l'air d'une intrusion, là."
L'Arrancar-passereau souffle bruyamment du nez, comme pour balayer leurs soupçons. Les siens se sont déjà envolés au moment même où il avait décidé que l'étrange ombre qui rôdait dans les environs était là pour goûter à son mets. Il réitère son invitation.
- "Hé, tu m'entends ! Viens manger ! Puisque môssieur et môssieur remettent en cause mes compétences, ça veut dire qu'il en reste plein pour toi ! Sois pas timide, viens !"
Alors qu'Alica et Alinto, les joyeux lurons accompagnant quotidiennement le blond sous forme de petits volatiles, sifflotent pour célébrer la nouvelle rencontre de leur maître, les deux titans de la meute se passent la main sur le masque, embarrassés par la situation. Voilà pourquoi ils n'aiment pas les journées sans Domuyo.