Le projet X-Ray Ban

Le laboratoire était plongé dans le noir. La seule lumière provenait des nombreux écrans qui affichaient des lignes interminables de code qui s’enchainaient à toute vitesse. Assis devant, Tanjô agitait ses yeux de façon frénétique, lisant les balises avec autant de rapidité que s’il s’agissait d’un roman. Les heures défilaient à une vitesse folle. Depuis combien de temps n’avait-il pas dormi ? Il serait bien incapable de le dire. Il n'aurait su dire ni l’heure ni le jour. Même Seon n’osait plus venir prendre de ses nouvelles après qu’il l’ait menacé de la désactiver si elle le perturbait encore. Par moment, il levait le doigt pour interrompre le flux afin de changer un caractère, ajuster une formule ou modifier un paramètre. Puis il repartait dans sa lecture. Encore et encore. Une ligne après l'autre.

Depuis sa discussion avec le King of Sword, il s’était lancé dans un nouveau projet prioritaire. Son détecteur de reiatsu avait la capacité de scanner la fréquence fondamentale des particules environnantes et de localiser des sources de reishi au milieu du kishi qui façonnait leur monde. C’est grâce à cette merveille de technologie que l’Ultima Necat pouvait réagir lors d’une attaque de hollows ou d’une visite de shinigamis. Mais aujourd’hui, le défi était tout autre. Diminuer la portée pour augmenter la résolution. Et surtout, réduire le modèle à l’extrême. Il devait en faire... des lunettes. Le détecteur couvrait la majeure partie de la ville, mais dessinait très grossièrement l’emplacement des particules de Reishi. Il devait à présent réduire sa portée à la zone située en face de l’utilisateur, mais faire apparaître chaque particule indépendante de façon plus précise. De cette façon, même une personne dénuée de reiatsu serait en mesure de visualiser des êtres spirituels tels les hollows ou les shinigamis... Et pour cela, il y avait énormément de travail. Accélérer la cadence de balayage, supprimer les fonctions non essentielles comme l’enregistrement et l’archivage automatique, mettre en place une interface par superposition... Réduire au minimum vital. Améliorer le modèle. Encore et encore. Un tour de vis après l'autre.

Il était parti d’une caméra ultra haute résolution et la modifiait. Au lieu de capter les photons qui frappaient la lentille, elle envoyait une onde à une fréquence particulière qui rebondissait sur le Reishi uniquement et repartait vers elle comme le faisait une chauve-souris pour discerner son environnement. Il suffisait alors de faire apparaître un point rouge sur l’écran là où l’onde était revenue. Cela semblait très simple. Mais ça ne l’était pas. Le détecteur originel faisait plus de cinq mètres de long et deux mètres de haut. Il devait peser au bas mot près de trois tonnes. Certes, les lunettes auraient juste une fonction d’affichage, mais tout de même, cela demandait beaucoup d’ingénierie pour réduire un tel appareil. Mais il essayait. Encore et encore. Une pièce après l'autre.

Le scientifique faisait tout ce qu'il pouvait pour avancer le plus vite possible avant que ses nerfs ne lâchent. Il avait sur ses épaules la responsabilité de la réussite de ce projet. Les swords attendaient désespérément de pouvoir recruter des humains en masse pour pouvoir pallier à la menace grandissante. Sans ces lunettes, ils ne serviraient à rien. À quoi bon avoir des soldats s’ils ne peuvent pas localiser l’ennemi ? Ils partiraient à l’abattoir, ni plus ni moins. Les autres projets étaient en stand-by, c’était une priorité. Peu lui importait sa santé, il avait à cœur de faire progresser les capacités de l’Ultima Necat. Encore et encore. Un projet après l'autre.

La porte s’ouvrit derrière lui dans un halo de lumière très désagréable. Le king pesta, mais ne prit pas la peine de se retourner. Il savait que Seon venait s’assurer qu’il ne s’était pas encore écroulé. Sans dire un mot, la femme artificielle s’approcha et déposa un plateau avec une cafetière et une tasse. Exactement ce dont il avait besoin. Le sommeil tentait désespérément de s’emparer de lui, mais il n’avait pas le temps pour ça. Il la remercia d’un hochement de tête et se servit une tasse qu’il sirota en observant les écrans. Il allait trouver. Réfléchir. Modifier. Améliorer le modèle. Encore et encore. Une tasse après l’autre.

Les lasers s’affairaient sur une petite plaque de métal. Penché sur le microscope, Tanjô s’assurait du bon déroulement de l’opération. Les faisceaux avançaient à une vitesse extrêmement lente, creusant un sillon nanoscopique dans le support métallique. Cela faisait déjà plusieurs heures que le travail avait commencé, mais les résultats n’étaient toutefois pas visibles à l’œil nu. Et pourtant, les progrès étaient fantastiques. Le King se retenait tant bien que mal de sautiller sur sa chaise, conscient que cela pourrait ruiner la totalité de l’opération.

Ses nombreuses nuits passées à modifier le programme, l’améliorer, ajouter des fonctions et renforcer la fluidité avaient fini par payer. L’algorithme fonctionnait et il était parvenu à réduire les composants au minimum vital. La caméra haute résolution et celle infrarouge affichaient l’espace qui se trouvait en face dans toutes les conditions possible, l’émetteur et le récepteur détectaient le reiatsu et le module graphique retranscrivait la modélisation du reishi sur l’écran. Rien d’autre. Simple, efficace. Quatre lentilles aux fonctions bien distinctes qui permettraient enfin au commun des mortels de se défendre contre les envahisseurs spirituels.

Grâce aux dispositifs lasers qu’il avait conçus, il parvenait à présent à effectuer des opérations de métallurgie à l’échelle microscopique avec une précision de l'ordre du nanomètre. Il pouvait ainsi réduire les différents éléments de façon drastique en supprimant l’écart entre les composants. Justement, d’ici une heure environ, la carte graphique allait être liée au prototype de façon définitive.

Le problème restant était celui de la batterie. Pour qu’un tel appareillage fonctionne, nul besoin de reiatsu, mais d’électricité. Et cela malheureusement était impossible à comprimer. Une plus petite batterie signifiait irrémédiablement une plus petite autonomie. Et étant donné les enjeux, il était inconcevable de tomber à court d’énergie en plein milieu d’un affrontement. C’est pourquoi il avait dû modifier ses plans. Les lunettes étaient trop ambitieuses. Il fallait un minimum de volume pour être réellement efficace. Miniaturiser à ce point resterait possible, mais serait un enfer à produire à grande échelle. Ils avaient besoin d’équiper une armée, il fallait pouvoir en fabriquer en masse pour que le projet ait du sens.

C’est la raison pour laquelle il avait pris le parti du casque avec des protubérances latérales qui contiendraient deux batteries. Une standard, une de rechange en cas de besoin qui prendrait automatiquement le relais. Certes, cela était plus lourd, mais en jouant avec les matériaux de fabrication, il devrait pouvoir maintenir le tout à un poids tout à fait acceptable. Mais le casque avait d’autres avantages non négligeables. La vision était entièrement englobée, ce qui permettait une immersion parfaite. Et surtout, il ne risquait pas de tomber après un simple coup au visage. Et puis... Ça avait de la gueule !

Casque de visualisation spirituelle: