Modern Warfare [PV Tanjo]

Les enjeux continuent d'augmenter.

L'Acuerdo, les étranges créatures se réclamant abyssaux, et même la Soul Society. L'étau se resserre sur Tokyo... Sur eux. Tôt ou tard, les Shinigamis apprendront, et alors, il faudra choisir, agir. Tôt ou tard, les Abyssaux referont surface, et il faudra être prêts. Tôt ou tard, l'Acuerdo réitérera... Et il s'agit de leur couper l'herbe sous le pied.

S'il faut défendre, Kyoya défendra. Mais le Kurosawa est King of Swords, pas King of Clubs. Pour lui, la distinction est simple : Les Clubs sont la garde royale, les Swords sont l'armée. Il peut être un protecteur, mais ça n'est pas son rôle premier.

C'est un Conquérant.

C'est le fer de lance qui ouvrira la charge, lorsque les intérêts de l'Ultima Necat devront être obtenus par la force. Il doit pouvoir être à la fois le stratège et le guerrier, l'uniforme et la lame. Il doit prendre tout les avantages qu'il puisse obtenir, peu importe le prix.

L'honneur n'existe pas. Seul la victoire compte, et l'honneur ne gagne pas de guerres.

Habillé d'un de ses nombreux costumes sombres hors de prix, il marche entre les couloirs de la section des Cups. Il a prévenu à l'avance qu'il viendrait, il est attendu. Habituellement, lorsqu'il sollicite la section scientifique, il s'adresse à Nambu. Nambu, c'est l'homme qui a supervisé les tests d'aptitude, lorsque Kyoya a intégré l'Ultima Necat. C'est aussi celui qui a dirigé l'opération, lorsque le King a reçu son Enhanced Fullbring. Sorte d'interlocuteur privilégié dans la section, le scientifique a pu constater de ses propres yeux à quel point l'actuel King of Swords est différent de l'ancien. Il a pu découvrir un homme calme, discipliné, instruit. Assez instruit même pour savoir ce qu'il veut, lorsqu'il venait ici, pour avoir des notions scientifiques plus que respectables.

Après tant de siècles dans ce monde, l'on finit par s'intéresser à tout et n'importe quoi.

Or, aujourd'hui, il ne vient pas voir Nambu. Il ne s'arrête pas à son bureau, ni à l'atelier. Il fait son chemin directement à la porte du bureau de Shikara Tanjo, le King of Cups. Arrivé là, il toque à la porte, trois fois – parce que lui il sait frapper aux portes. Il attend d'entendre la voix, puis, il entre.

- King Tanjo. Nous devions deviser de mes commandes à venir. Son visage neutre se pare d'un fin sourire, à peine perceptible. - Habituellement, je m'adresse à Nambu, pour ces projets. Mais je me suis dit que ce serait une occasion de voir ce dont l'actuel King of Cups est capable.

Tanjô était excité comme une puce. Il était en bonne voie de parvenir à mettre au point son processeur miniaturisé. Dans le but de créer des lunettes permettant de visualiser les hollows même aux personnes n’ayant pas de pression spirituelle suffisante, il devait absolument passer ce cap. Réduire la taille des composants encore et encore jusqu’à pouvoir les intégrer aux branches. Le faisceau laser rouge creusait lentement mais surement des sillons dans la minuscule plaque d’étain. En principe, on se contentait de braser les métaux pour parvenir à ce résultat, mais l’opération devenait impossible à trop petite échelle.

Alors qu’il sautillait de joie, il frappa malencontreusement dans la base du projecteur à haute densité et le rayon vacilla de son axe, traversa la pièce en embrasant tout et finit par passer sur le visage du scientifique qui poussa un hurlement de douleur. Sa face s’était vue affublée d’une profonde balafre et la plupart de ses cheveux avaient été tranchés nets par le faisceau. D’un geste rageur, il frappa contre le bouton d’urgence situé sur le mur et des filets d’eau surgirent du plafond pour arrêter l’incendie naissant.

La porte s’ouvrit et Seon passa la tête par l’embrasure.

-Tout va bien, monsieur ? Mon dieu, mais que s’est-il passé ?

Elle pointa du doigt le visage de son chef. La chair brûlée avait vraiment un mauvais aspect.

-Rien, t’occupes. J’ai ripé.
-Vous n’avez pas oublié votre rendez-vous avec monsieur Kurosawa ?

Tanjô écarquilla les yeux. Mais quelle heure pouvait-il bien être ? Il n’en avait pas la moindre idée, trop occupé à améliorer son prototype. Il sortit du laboratoire privé et entra dans son bureau pour tenter de se sécher. La procédure anti-incendie l’avait trempé jusqu’à l’os. On ne pouvait pas critiquer l’efficacité, au moins.

-Bien sûr sue non, je n’ai pas oublié. Il doit arriver quand ?
* toc toc toc *
-Et merde... Entrez !

Se saisissant rapidement d’une serviette, il se frotta en vitesse le visage. Le King of Sword. C’était la première fois que son homologue mettait les pieds dans ses quartiers. Le cups espérait qu’il ne venait pas déjà s’enquérir de l’avancée des lunettes. Ces choses-là prenaient du temps. Mais non, il venait visiblement avec d’autres commandes.

-He bien, c’est trop d’honneur que vous me faites. Si vous venez en personne me solliciter, j’imagine que vous n’escomptez pas vous enquérir d’un simple lance-pierre. Dites-moi tout.

Petit à petit, la balafre de Tanjô disparaissait et ses cheveux repoussaient. La curiosité sur les attentes de Kyoya commença à s’emparer de lui.

- Vos collaborateurs font-ils dans la conception de lance-pierre anti-Hollow?

Il ne sourit pas, tête penchée sur le côté, question dans le regard. Pour être précis : son visage ne sourit pas, mais son esprit oui.

Il sait que les Cups sont bons dans ce qu'ils font. King ou non, ils sont les esprits à l'origine de l'armement de demain, délivré dés aujourd'hui. Dans une guerre contre les engeances d'un autre monde, l'avantage technologique est de loin leur carte maîtresse, selon le Kurosawa. Il a vécu assez de batailles pour savoir à quel point un équipement supérieur peut faire la différence.

Kyoya remarque la blessure sur le visage de l'homme, remarque la guérison accélérée. Son regard s'y attarde un instant, mais il ne dit rien. Il n'est pas là pour ça, et ce pourquoi il s'est déplacé est plus important qu'une vague curiosité.

- Une question, dans un premier temps. Êtes vous au fait de la nature de mon pouvoir ? Au moins grossièrement. Certaines informations sur qui il est, ce qu'il est, l'Ultima y a accès. Certaines autres, non. Et même parmi ce qui figure dans les dossiers de l'organisation, tout n'est pas accessible à n'importe qui. Il y a aussi savoir si le King of Cups a simplement eu la curiosité de se renseigner ou non... - Je suis ce que l'on pourrait appeler un cas particulier. Auparavant, des gens de votre section m'ont expliqué que considérant ma constitution physique, certaines technologies expérimentales pourraient être envisagées là où elles ne fonctionneraient pas pour autrui.

Il repousse les limites de l'humanité, et grâce à ça, il peut repousser même les limites de la surhumanité. C'est là toute la beauté des sciences futuristes.

- Concernant ma commande, j'ai préparé une démonstration directe dans la Matrice. Une image vaut mille mots, parait-il. Un regard qui fixe. - Nous pouvons y aller dés maintenant.

La question de nouvel arrivant décontenança un moment le scientifique. Un lance-pierre anti-hollow ? Il avait dit ça sur le ton de l’humour, mais après tout, il était bien possible qu’une chose pareille existe. La farandole d’inventions loufoques qui étaient sorties de ces murs semblait sans fin. S’ils avaient déjà mis au point un lanceur de carte à jouer, pourquoi pas un lance-pierre ?

-Je... ne crois pas. Seon ? On a déjà fait un lance-pierre spirituel ?
-Non, monsieur.

Il se retourna vers Kyoya et haussa les épaules.

-Navré, mais non. Si c’est réellement ce que vous désirez, ça ne devrait pas être très long. Mais je m’attendais à une commande un peu plus... disons passionnante. Enfin quoique... En virant l’élastique pour un système à pression hydraulique... On pourrait envoyer des billes. Avec du poison par exemple, ou explosives... Hum...

Il n’eut pas le temps d’approfondir plus en détail cette nouvelle idée saugrenue que le King of Sword changea de sujet. Son pouvoir ? L’œil de Tanjô se mit à briller. Bien entendu qu’il en avait entendu parler. Bien que n’étant pas encore au poste de King à l’époque, il travaillait déjà activement chez les Cups et son arrivée dans l’organisation avait fait grand bruit dans le milieu scientifique. On ne parlait que de cela autour de la machine à café, chacun allant de sa propre hypothèse, personne n’ayant réellement accès aux résultats d’analyse. Mais une information avait fuité. Le nouveau King of Sword était vieux. Très, très vieux. Et pourtant il avait gardé le physique d’un jeune homme.

-Je sais que vous ne vieillissez pas ou du moins extrêmement lentement. Mis à part cela, je n’ai eu que peu d’informations. Si je devais deviner, je dirais que vous avez la capacité de renouveler indéfiniment les télomères de vos cellules, même si vous n’en avez pas réellement conscience. C’est d’ailleurs la toute première fois que je constate un fullbring entièrement passif. C’est fascinant.

Il mourrait d’envie de l’étudier de plus près. Il n’aurait besoin que de peu de chose, un morceau de muscle ou de foie. Cet organe avait la capacité de repousser, cela ne devrait pas lui poser problème. Mais son assistante l’avait prévenu qu’il serait extrêmement malpoli de lui en faire la demande. Qui plus est à un autre King. Tanjô avait râlé, mais avait fini pas accepter de refouler son envie de dissection. Visiblement il n’était pas bien vu de découper des gens, même avec leur permission.

-En revanche, je n’ai aucune idée de ce que cela vous apporte en combat. Une démonstration sera donc la bienvenue.

Ils sortirent, Kyoya ouvrant la marche. Les habitants de l’Arcānum s’inclinèrent tous sur leur passage. Il était assez rare de voir deux king déambuler ensemble dans les couloirs de l’organisation. Lorsqu’ils arrivèrent à la Matrice, Tanjô prit place et attendit. D’un claquement de doigts, il indiqua la sortie aux quelques membres qui étaient déjà présents pour s’entraîner. Ces derniers déguerpirent sans demander leur reste. Le King of Swords lui faisait l’honneur d’une démonstration de ses capacités, il ne tenait probablement pas à ce que des rumeurs sr ses pouvoirs se répandent aux quatre coins de l’Ultima Necat pour autant. Et puis, il tenait à se garder ce petit privilège par pur égoïsme également.

-Nous sommes seuls. C’est quand vous voulez.

Il le regarde, impassible, quoiqu'il y ait un clignement d'yeux, un court instant. Est-ce donc ça, le profil du scientifique trop absorbé par ses recherches pour comprendre les bases du sarcasme ? Oh, ce n'est pas la première maladresse sociale du King of Cups. Rien de vraiment problématique, en vérité. Plutôt divertissant, à sa manière. Il se demande comment un Revenant tel que lui s'est acclimaté au nouveau monde, lors de ses premiers jours.

Il est surpris de voir un Revenant à la tête de la section scientifique, maintenant qu'il y pense...

Mais il n'y pense pas bien longtemps. Comme déjà abordé : la priorité n'est pas sa curiosité, la priorité est son équipement. Alors il entame par un questionnement, savoir si l'homme sait, tout simplement. Il écoute, mains croisées derrière le dos, regard fixe.

- Exact. Je ne vieillis pas. Il a atteint son âge idéal physique, et il n'a jamais pris une ride depuis, et n'en prendra jamais. Mais c'est plus que ça. Alors en même temps qu'ils quittent la pièce, il développe. - Pour être précis, je ne ressens pas les effets de l'âge, ni les limites du corps humain. Une pause, un songe. Parmi le commun des mortels, les athlètes finissent toujours par arriver à un stade où leurs progrès diminuent drastiquement, jusqu'à atteindre la stagnation. Un plateau qu'ils ne dépasseront jamais.

Parce que leur corps a atteint ses limites, parce que tôt ou tard, l'âge leur arrachera le fruit de leurs efforts. Il y aura les rides, puis il y a aura la force qui quitte. Puis les faiblesses, puis les réflexes qui diminuent, puis l'esprit qui perd en vivacité... Puis les maladies. Jusqu'à ce qu'un jour, le corps s'éteigne.

- Mes progrès ne diminuent pas. Je n'ai pas de limite. Il le dit de but en blanc, comme un fait vérifié. - Cela fait six siècles désormais que j'exerce mon corps régulièrement, et qu'il continue de repousser les limites.

Ce pouvoir fait de lui un diesel du monde spirituel. Il progresse lentement, mais sûrement. D'autres à l'Ultima Necat ont atteint un stade qu'il a mis des siècles à construire pour soi-même... Mais la nature de son pouvoir lui assure une certitude : tant qu'il vivra, il grandira en puissance.

- Au début de mon existence, je n'étais qu'un guerrier exceptionnel, mais humain. Le temps a fait de moi un surhomme physique. Plus fort, plus rapide, plus solide. Mes sens et mon système immunitaire sont plus développés.

Finalement, la marche les mène jusqu'au bout d'un couloir. Non loin, les portes de la salle de la Matrice.

- C'est comme vous dites. Mon pouvoir n'est pas un atout que j'active. Il fait partie de moi. C'est ma nature. Il n'a pas à invoquer la roche, pour être solide comme du métal : sa constitution est naturellement anormale. Il est solide, plus que n'importe quel homme pourrait l'être. - Ma seule limite est le temps. Je progresse aussi rapidement que le sablier veut bien me le permettre.

Arrivés dans la pièce, le Kurosawa observe le King of Cups congédier le monde dans une certaine indifférence. En ce qui le concerne, il ne cherche pas spécifiquement à cacher ce qu'il est. Alors il marche, simplement.

- Vous. Restez ici. Il fait signe à un trio de scientifiques, ceux qu'il connaît déjà. - Préparez la cuve.

Ce n'est que la question d'une poignée de minutes après ça. Kyoya se déshabille, jusqu'à finir torse nu, un sous-vêtement en guise de seul tissu pour le préserver d'une nudité totale. Sa silhouette forgée de muscles, défigurée de cicatrices, il s'avance d'un pas décidé jusque vers les escaliers de métal qui mènent au sommet de la cuve. Un sifflement, une dépressurisation, et le dispositif s'ouvre... Et il plonge.

Ce n'est pas de l'eau. C'est plus épais, plus... étrange. Le liquide est vert, un vert concentré, une transparence discrète. Au centre de la cuve, un casque pend par le bout des câbles. Il suit du regard, et il voit les câbles sortir, puis se rejoindre au dos d'un large panneau de contrôle, là où les scientifiques semblent surveiller les écrans. Un instant, il ferme les yeux. Il profite du silence parfait de la cuve pour faire le vite... Puis il nage jusqu'au casque. Il l'enfile.

Sans bruit, sans rien, il ferme les yeux. Il visualise le scénario, la scène, le paysage... Puis il rouvre les yeux.

Une terre brisée, à perte de vue. Un horizon sec, aride, un sol de roche fissurée. Il n'y a pas de relief, sinon quelques rochers de taille diverse et variée. Il se tient au milieu de la plaine rocailleuse, habillé d'un kimono bleu sombre, lame en main. En face, la horde : une nuée de simples hollows, faibles individuellement mais nombreux.

Sur les écrans de la Matrice, une retranscription de la scène, des analyses, des relevés d'énergie.

Le Kurosawa plante ses appuis dans le sol. Une inspiration, une expiration...
Puis une détonation.

La terre se soulève dans le sillage de son déplacement : dans un flash, il se rapproche des rangs de la horde. La vitesse est surhumaine, mais les relevés d'énergie n'indiquent rien. Ce n'était pas un Bringer Light... C'était la vitesse de son corps, c'était la résultante de lui qui contracte ses muscles, plie ses jambes, et entame une course dans les rangs des Hollows.

Dés lors, une tornade rouge. Dans les rangs des créatures, le sang fuse à profusion. Un bras, une jambe, un tête, un masque brisé, un corps coupé en deux. Il tue, et ils n'ont même pas le temps de réagir. Il charge, saute, et sa main se pose sur un masque : il amène le Hollow dans sa chute et brise son crâne contre le sol à la seule force de son bras. Agonisant, mais pas encore tout à fait mort, il ne lui laisse pas le luxe de mourir, et donc disparaître : il l'agrippe à l'épaule, et le lance dans les rangs de créatures d'une projection brutale. Dans son dos, un monstre prend sa chance: de longues griffes qui trouvent leur cible... Mais plutôt que d'ouvrir la peau dans une effusion de sang, l'attaque laisse quatre marques rouges sur le dos du Kurosawa... Comme s'il avait été griffé par un gros chat, tout au plus.

La créature hurle, Kyoya l'attrape par la mâchoire inférieure, les doigts dans l'ouverture du masque... Puis la ramène brutalement au sol. Il lève son autre main, et il n'y a plus Mugen. À la place, une massue métallique se forme dans l'air, trouve sa place entre ses doigts... Et il frappe, frappe à en faire trembler la terre, jusqu'à former un cratère fait de ruines et de cendres.

Et il se déplace, encore. Prochaine cible, prochaine arme : Le réseau de nanomachines fait son œuvre, et la massue devient une lance qu'il projette jusqu'à transpercer trois Hollows avec. Une engeance plus imposante approche, et un fléau d'arme apparaît. D'un geste habile, le Kurosawa fait tournoyer l'arme, joue de ses jambes pour esquiver les coups de la bête, puis assène frappe après frappe sur son crâne, jusqu'à le briser.

Encore un autre, tué à la Morgenstern. Un autre encore, tué au bec-de-corbin. Un mort au Kanabo, une flèche tirée à l'arc, un groupe fauché à coup de Naginata. Les armes ne cessent de changer, et il les maîtrise toutes.

- être plus fort et être mieux équipé suffit contre ce genre de Hollows de bas étage. Dans la salle de la Matrice, ils pourront entendre sa voix... Alors que les Hollows restant semblent fusionner, s'agglomérer jusqu'à former une silhouette humanoïde, mais toujours monstrueuse. Dangereuse. Un Vasto Lorde : une parodie de samurai aux air de monstre démoniaque, une armure chitineuse. Un souvenir familier.

Spoiler:

- Maintenant. La partie qui nous intéresse, pour les menaces supérieures.

Il parle, et d'un coup, le tatouage à son torse change... Le Kanji « Mugen » commence à grandir, les branches changent. Une fresque serpentine commence à se former sur tout le torse, jusqu'aux bras... Puis, une aura de Reiryoku pure, instable, se met à brûler autour du King. Pas du Reiatsu : pas une pression sur les épaules... Non. Du pur Reiryoku volatile, dangereux. Une aura verte qui détruit tout autour de Kyoya.

Mais c'est pourtant tellement plus que ça.
Tanjo le découvrira bien assez tôt.

Donc son pouvoir consistait à faire gagner de l’expérience à son corps au fur et à mesure de ses entraînements tout en conservant son âge idéal. Au summum de sa puissance physique, juste avant l’inexorable déclin causé par le passage du temps. C’était sidérant. Une capacité d’immortalité passive. Tanjô était extrêmement curieux de savoir ce que l’Enhanced Fullbring pourrait provoquer sur un tel pouvoir. Il n’allait pas tarder à le découvrir probablement.

Il constata que Kyoya désirait utiliser la cuve immersive à représentation cérébrale. Une des plus grandes merveilles que permettait la Matrice. En se plongeant dans la substance chargée à l’excès en électrolytes, il était possible d’émettre des ondes cérébrales que la machine captait pour les retranscrire informatiquement. Et inversement. La machine pouvait créer un univers que notre cerveau captait et prenait pour la réalité. Intérieurement, le King of Cups était jaloux de ne pas être à l’origine de cette innovation sans précédent.

Il s’assit et croisa les jambes, prêt à admirer le spectacle. Le chef de la section de combat avait en effet un corps qui sortait de l’ordinaire. Comme il se dévêtait, Tanjô pouvait voir toutes les cicatrices qui parsemaient son anatomie. Souvenirs d’une vie passée à se battre, elles couraient le long de ses muscles qui semblaient taillés dans le marbre.

L’écran s’alluma et le spectacle commença. Un véritable festival. Les hollows tombaient à la chaîne tandis que le combattant faisait une démonstration à la fois de sa force, de sa vitesse et de son agilité, mais surtout de son excellente maîtrise de la plupart des armes blanches que l’humain n’ait jamais créée. Les démons succombent tour à tour tandis que Kyoya tourbillonne dans la masse grouillante, semant la mort dans son sillage.

-Fiuuu... Je suis content d’être de son côté. Il ne plaisante pas quand il s’y met.

Les trois scientifiques qui étaient restés pour gérer la cuve acquiescèrent. Ils étaient pâles et transpiraient rien qu’en voyant le déferlement de violence qui avait lieu sous leurs yeux. Tanjô se leva alors et s’approcha de la plateforme de commande. Les savants s’écartèrent respectueusement.

-Vous permettez ? C’est le King of Swords quand même. Pas Joe le Rigolo.

Il se mit à pianoter sur le clavier, et sa main tourna une molette pour augmenter la puissance. Après quelques secondes, les hollows se regroupèrent, s’agglutinèrent et commencèrent à fusionner pour donner naissance à un Vasto Lorde. Tanjô fut agréablement surprit de voir que l'esprit de Kyoya avait opté pour un Samouraï comme il avait lui-même l'habitude de voir en son temps. Nostalgie quand tu nous tiens. Le sword réagit immédiatement et libéra une grande quantité de Reiryoku qui se matérialisa sous la forme d’une aura verte. L’instinct de survie, vraisemblablement. Le voici donc, le fameux pouvoir que lui avait offert Enhanced Fullbring. Tanjô se pencha vers le micro.

-Assez rigolé avec la piétaille, montrez-moi ce que vous pouvez faire véritablement. Ce n’est qu’en vous voyant à votre maximum que l’on pourra découvrir comment vous aider à évoluer encore.

Il avait été un peu vache, mais après tout ils étaient là pour ça. Il avait paramétré le Vasto Lorde au niveau d’un Espada. A priori, le meilleur combattant de l’Ultima Necat devrait être en mesure d’en venir à bout, sinon, ils avaient bien du souci à se faire. Mais cela ne sera pas une mince affaire pour autant, même pour lui.

La lame du hollow se mit à briller d’une lueur rouge et l’instant d’après, le temps d’un clignement de paupière, il fonçait déjà en direction de l’humain, le sabre collé à sa hanche. Arrivée à la hauteur de son adversaire, il frappa d’un geste large latéral. Après plusieurs passes d’armes extrêmement rapides, il sauta en arrière et trancha l’air, libérant une vague d’énergie rouge qui fondit vers Kyoya en creusant le sol sur son passage dans un fracas tonitruant.

La silhouette est familière. L'étrange familiarité de sa première fois dans la Matrice. Ce monstre aux airs de samourai monstrueux, cette impression dans son esprit. Il connaît cette chose... Ou plutôt, cette chose le connaît. Il ne se rappelle pas, mais son instinct se souvient. Il se tend, il renforce la prise sur Mugen. L'aura verdâtre gagne en intensité, son regard se concentre sur la chose. Il ignore la voix, il ignore les mots. Il n'y a que l'adversaire, l'environnement, et les paramètres qu'il a pré-enregistré dans la simulation, quelques jours avant.

Il lève la main, puis dans l'air, une forme se matérialise entre les lignes de donnée, comme un élément de code : Un disque à l'apparence futuriste, grand comme une assiette, équipé d'une caméra et de capteurs divers et variés.

- L'UFO est un engin de reconnaissance. Il fait déjà partie de mon arsenal, mais j'aimerais l'améliorer.

Tanjo ne l'a peut-être pas compris, mais la démonstration technique du King a déjà commencé.
L'UFO vole dans les airs, une vue d'ensemble sur le terrain. Et c'est à ce moment que tout commence : l'aura rouge gronde, et l'aura verte lui répond. Les deux guerriers se ruent l'un vers l'autre dans cette vitesse indiscible : Kyoya est encore plus rapide que tout à l'heure... Rapide comme un Sonido de haut niveau. Jeu de lames, joute endiablée, l'acier se rencontre, se dévie. Quelques blessures superficielles : le rouge de la peau qui coule, l'armure chitineuse qui s'ouvre. Quelques secondes seulement dans l'affrontement, et les deux guerriers semblent sur un pied d'égalité... Jusqu'à ce que le Samourai s'éloigne, pour lancer la vague rouge. La terre tremble, se brise, se sépare... Mais Kyoya n'est déjà plus là : un déplacement éclair sur le côté, et une nouveauté. Dans la main précédemment vide du Kurosawa, la poignée d'un Katana, sans la lame... Un autre déplacement, un autre coup de vent. À niveau du guerrier maudit, le dos voûté, les genoux fléchis, Le King est prêt à frapper. Une lame d'énergie rouge se forme à la base du Tsuba : Mugen et la nouvelle arme frappent de concert. Mugen fait couler le sang, la lame rouge quand à elle semble brûler... Un hurlement de douleur inhumain, la blessure de la créature fume au travers de son armure.

- Projet Hellblade. Une lame d'énergie brûlante, technologie laser. Sa bouche ne bouge pas, mais Tanjo pourra entendre la voix : tout comme il pourra voir un plan de l'arme sur un second écran, avec quelques consignes de conception. Dans le monde de la simulation, le combat continue : échanges de coups, jusqu'à ce que le Samurai commence à dégager une inquiétante énergie...

Jusqu'à ce qu'il y ait quelque chose qui change, sur le tatouage du Kurosawa. Motif serpentin qui bouge sur sa peau, les diverses lianes sautent soudainement sur le Hollow. Une multitude de têtes de serpent qui mordent, entravent, et déjà, l'aura du Samurai diminue.

- Projet Medusa. Une colonie de nanomachines alimentées par mon Reiryoku pour handicaper l'adversaire, réduire ses mouvements et son énergie.

Un autre écran, un autre plan : un gros plan sur robot microscopique, puis une silhouette similaire à celle du Kurosawa, tatouage serpentin inclus. Là encore, instructions brèves, plan sommaire conçu par un esprit sans douté versé dans les bases du concept, mais pas assez avancé dans la matière pour créer l'objet.

D'un violent coup de pied, le King repousse la créature en même temps que les liens serpentins disparaissent. C'est là qu'une autre forme apparaît depuis le vide : un second disque à l'apparence futuriste, quoique différente du premier... Et ce disque, il apparaît directement prés du torse de Kyoya. Au-dessous du disque, des crochets acérés... Soudain le disque s'enfonce dans le torse de Kyoya, les crochets creusent la peau. Puis, son aura s'agite. Un pic de puissance enregistré sur les écrans... Un transfert. Sur les traits de l'Eternel, une grimace de douleur contenue, mâchoire serrée.

- Projet Icarus. Le premier disque puise dans mon Reiryoku afin de rassembler l'énergie... Sur les écrans, les relevés s'affolent : une intense concentration d'énergie à un nouvel endroit... Dans le ciel, là où l'UFO survole le combat.

- Et la transférer vers UFO.

Un disque extérieur s'étend depuis les contours d'UFO, la taille du drone grandit... Une énergie lumineuse commence à pulser, grandir, trembler... Puis il y a la détonation : un faisceau d'énergie qui s'abat sur le Samouraï, comme un rayon de soleil qui s'abat sur la terre brûlée. Cela dure plusieurs secondes d'un long déchargement d'énergie, jusqu'à ce que le faisceau disparaisse.

Là où se tenait la cible, un cratère... Et un Hollow grièvement blessé, encore fumant. L'armure a comme fondue, la peau alien du monstre mise à nue, déformée par la brûlure excessive du dernier impact.
Il avait bien dit qu'il voulait améliorer UFO, non ?

- Je n'ai pas de plan pour celui-là. D'après mes connaissances, c'est faisable... Mais c'est vous l'expert, pas moi.

La voix ne provient pas de la Matrice, elle provient du nouvel écran, avec le visage de Kyoya. De toute évidence, toutes les dernières paroles étaient préenregistrées. Là, à l'intérieur de la simulation, le King est concentré sur son combat.

Et déjà, Mugen commence à s'investir de l'énergie de son aura.

Tanjô observe avec attention ce qui se déroule sous ses yeux. Il est évident que Kyoya est parvenu à maîtriser le simulateur de faon remarquable. Se battre en se faisant une représentation psychique était une chose, mais réussir à créer des éléments qui n’existaient pas uniquement par la force de l’imagination était d’une difficulté supérieure. Le King of Swords faisait maintenant démonstration des armes et équipements qu’il désirait posséder mais que personne n’avait encore mis au point. Une pure création de son esprit en somme.

Il démarra avec un sabre dont la lame était entièrement constituée d’énergie pure, d’un rouge flamboyant. En même temps, des plans et des croquis s’affichèrent sur un second écran. Les scientifiques qui avaient travaillé sur l’arsenal de Kyoya avaient laissé des notes et des instructions pour ces améliorations. De simples bases de réflexion, mais qui offraient des pistes intéressantes. Avec une lame pareille, intangible, impossible de se faire parer. Nul doute que c’était un avantage très intéressant en combat rapproché. Mais générer de l’énergie pure et la concentrer en un tube stable ne serait pas une mince affaire. La moindre perturbation du faisceau risquerait de tout faire exploser. Le scientifique prenait déjà des notes de certaines idées qui lui venaient.

Le second projet semblait déjà plus simple. Les nonorobots s’étaient regroupés pour former des liens solides qui entravaient les mouvements de la cible et la drainent de son énergie. Il y avait de nombreuses façons d’aborder le concept. Les machines microscopiques pouvaient utiliser l’énergie gagnée pour renforcer leurs emprises par exemple. Ou pour se répliquer, augmentant la durée durant laquelle ils pourraient contenir leur proie. Ou encore, se contenter de puiser toujours plus d’énergie à la cible pour l’affaiblir. Il allait devoir en discuter directement avec le principal intéressé pour savoir quelle direction le tentait le plus.

Malgré son expérience, Tanjô ne s’était clairement pas attendu à la troisième démonstration. Un disque qui venait creuser la chair de l’utilisateur pour puiser directement du reiryoku pur et le transférer à l’UFO avant de déclencher un tir localisé d’une puissance cataclysmique. La violence de la déflagration était ahurissante, même le Vasto Lorde n’y résista pas. Mais le sacrifice que cela nécessitait pour le mettre en place était lourd. À quel point le King of Swords était-il prêt à aller pour gagner en puissance ? L’éthique voudrait que Tanjô le mette en garde contre de telles pratiques. Heureusement que le scientifique en chef était un revenant du millénaire dernier et n’avait que faire de l’éthique. C’était tout bonnement génial ! S’il avait eu cela lors de l’attaque de Tokyo, de nombreux dégâts auraient pu être évités.

La mise en place de cette arme en revanche... Ce serait un sacré défi. La ponction en soi ne devrait pas être très compliquée, bien qu’il doive la paramétrer pour s’assurer de ne pas toucher de fonctions vitales. La canalisation en un « rayon de la mort » non plus, tant qu’il y avait assez de puissance disponible. Non, la réelle difficulté serait le transfert de l’énergie d’un disque à l’autre. Ça, ce serait un vrai challenge.

Il se tourna vers les trois scientifiques.

-Récupérez toutes les données brutes et les données annexes liées à cette simulation ainsi que les pièces jointes et transférez-les-moi. Je travaillerais dessus dans mon bureau.

Il reporta alors son attention sur l’écran. Il ne voulait pas manquer une miette de la suite, même si tout cela était déjà suffisant pour le tenir occupé pendant un moment. Il allait en falloir du café....

Il a fini par s'habituer à la Matrice.

Pas le meilleur outil pour l'entraînement purement physique... Mais pouvoir se donner à fond sans conséquences, pouvoir imaginer le champ de bataille tel qu'on le veut, les ennemis tel qu'on les conçoit... C'est une flexibilité qu'il apprécie. Par certains aspects, la Matrice se rapproche d'une forme de rêve lucide, de méditation profonde. Un état de transe supporté par la technologie moderne. C'est grâce à ce dispositif qu'il peut aujourd'hui tirer puissance et expérience en affrontant les démons d'un autre temps...

Les démons d'un passé qu'il n'a pas vécu, mais qui est néanmoins le sien.

La chose est amochée, mais pas morte. Kyoya pourrait arrêter la simulation ici. La démonstration des équipements est terminée, le reste n'est qu'accessoire. Il n'a pas besoin de combat. Pas pour la science. Pourtant ? Pourtant, peut-être qu'il en a besoin pour autre chose. Pour soi-même.

Le Samurai maudit régénère petit à petit. C'est comme si l'armure était en fait partie intégrante de son être : la Chitine se reforme, perd cet aspect fondu et brûlé pour retrouver une cohérence dans sa forme. Pire encore : l'armure se reforme, mais prend une apparence différente. Elle semble plus solide... Plus dangereuse. Un hurlement inhumain, éthéré, et un orbe d'énergie rouge commence à se former prés de la bouche du masque... Un Cero qui gagne en énergie à chaque secondes qui s'écoule. Mais il ne tire pas. Le Samurai lève sa lame, et la baigne dans l'énergie de l'orbe. Lentement, la sphère s'allonge, s'étire, puis disparaît pour être entièrement absorbée par l'arme. Une aura rouge vif entoure alors le katana, jusqu'à prolonger la lame sur un bon demi-mètre.

Kyoya observe. Et Kyoya répond.

L'aura verdâtre rugit comme en réponse au grognement du Hollow. Lentement, le Reiryoku instable s'étend, gagne en intensité et se concentre autour de Mugen. La lame du Kurosawa brille de ce vert intense. Comme un miroir, il y a ce prolongement d''environ un demi-mètre à la pointe de la lame. Un vent furieux se lève dans le sillage de la tempête d'énergie. Le ciel obscur se noircit un peu plus encore, et les éclairs commencent à s'abattre sur la terre brisée tout autour. Répétitif, le son répétitif de l'orage qui gronde remplit l'air, comme un tambour de guerre.

Le guerrier des hommes s'élance, rapide comme la foudre qui les entoure.
Le guerrier des monstres se rue, vif comme le feu qui se propage autour.

Le vert rencontre le rouge, et à l'impact, il y a un son qui déchire le ciel. Au-delà de l'orage, au-delà de tout. Les capteurs s'affolent, les écrans enregistrent des données instables, erratiques. Les chiffres sont excessifs. Puis, à l'écran, il y a cette grande explosion d'énergie : une colonne rouge et verte qui s'élève dans le ciel jusqu'à percer les nuages.

Sur les capteurs, les deux signatures spirituelles sont au paroxysme de leur puissance...

Puis, la simulation s'écroule sur elle-même dans un soudain fondu au noir.

Retour brutal à la réalité, Kyoya s'agit dans la cuve un court instant. Son corps est tendu, ses yeux écarquillés. Ça ne dure que quelques secondes, mais ce sont les quelques secondes d'un King of Swords plus émotif qu'il ne le montre habituellement.

Un regard de colère.
Et derrière, à peine perceptible, un fond de peur.

La dernière fois qu'il a combattu la chose, il a gagné. Il en est sûr.
Cette fois ? Cette fois... Son esprit l'a chassé avant qu'il puisse connaître le dénouement.

Comme pour lui dire qu'il aurait perdu.
Il se ressaisi rapidement. Il ôte le casque, et il nage jusqu'à la sortie de la cuve. Une serviette, quelques secondes à se sécher, puis pantalon et chemise de retour pour habiller sa silhouette. Seulement là, il s'approche de Tanjo, prés des écrans.

- Je veux une copie des relevés d'énergie, de l'enregistrement de la session et toutes les données qui la concernent. Un regard vers le trio de scientifiques. Inconsciemment, son ton est plus dur, sa mâchoire serrée. Ce n'est pas cette froideur professionnelle de d'habitude... Il y a autre chose. - Je gage que vous avez tout ce qu'il vous faut?

Son regard revient vers Tanjo.
Mais son esprit est ailleurs.

La simulation se termina dans un chaos total. Kyoya et son adversaire avaient libéré une telle quantité d’énergie que tous les capteurs avaient atteint leur capacité maximum. Les données récoltées n’étaient plus fiables et tout le monde virtuel s’effondra suite à une succession de bugs générés par des relevés incohérents. L’écran devint noir. Le King of Swords devait cacher de terribles démons dans son passé pour que son inconscient fasse surgir une créature aussi ridiculement puissante. Après des siècles passés à fouler le monde humain en repoussant les attaques des autres dimensions, le contraire en aurait été étonnant.

Le guerrier sortit de la cuve et se sécha rapidement. Il avait l’air en colère. Nul doute que cette confrontation ne s’était pas passée comme il l’avait espéré, en plus de le faire replonger dans un passé qu’il espérait sûrement oublier. Tanjô le regarda s’approcher, un air amusé sur le visage, mais il ne fit aucun commentaire. Avait-il réellement tenté de régler ses comptes avec un ancien adversaire à travers la simulation ? C’était impossible. Mémoire, imagination, visualisation... Il était évident que son esprit ne parvenait pas à se représenter ce hollow mort. Cela pouvait être une des raisons pour laquelle la simulation avait planté. Il aurait dû le battre, mais n’arrivait pas à l’imaginer vaincu. Ou l’inverse... Le scientifique n’avait pas assez de recul sur la Matrice pour le deviner sans une étude approfondie des données récoltées.

-Je n’irai pas jusqu’à dire que j’ai tout ce qu’il me faut, j’aurais besoin de précisions sur certains projets, mais...

Il pointa du doigt le visage de Kyoya et le fit tournoyer pour l’englober entièrement.

-Mon petit doigt me dit que vous n’êtes pas tout à fait en état de discuter de façon raisonnée. Vous venez de subir une épreuve psychologique.

Même si tout avait été shut-down au dernier moment, il était passé à un doigt de la mort. La sienne ou celle de cet adversaire qui semblait important à ses yeux. Dans les deux cas, cela aurait eu un impact sur son esprit. Et sa mâchoire serrée, son regard perdu dans le vague, son attitude froide... Tout cela montrait bien que l’incident n’était pas resté sans conséquence.

-Vous voulez en parler ? De ce qu’il vient de se passer, je veux dire.

- Votre petit doigt est versé en sciences pratiques, pas en sciences humaines.

Sa façon polie - quoique sèche - de dire "garde tes diagnostics pour toi, psy du dimanche".

Il ne doit pas apparaître faible, faillible, trouble et troublé. Pas ici, pas au milieu des effectifs. Que l'expérience dans la Matrice ait pu lui arracher un ton plus froid, un regard plus acéré, c'est une chose... Mais ça ne doit pas aller plus loin. Il doit être maître de ses émotions, et non pas ses émotions maître de ses actions.

- Pas spécialement. Il n'a pas spécialement envie d'en parler. - Quand je m'immerge dans la Matrice, je laisse mon imaginaire prendre les commandes, plutôt que choisir une des instances prédéfinies de la base de données. Cette créature est... Quelque chose, dans mon passé. Dans mes songes. Mais je ne sais pas quoi. Ou plutôt... - Je pense deviner, mais je ne suis pas sûr.

Il le sent, comme quelque chose qui murmure à son esprit. Le Samourai Maudit n'est autre que l'origine. Le premier Hollow, celui qui a changé sa vie avant même qu'elle commence. Celui qui a apposé son don - sa malédiction.

- Mais c'est une affaire qui ne regarde que moi. Une pause, un songe. - Il y a bien une chose dont on pourrait parler, oui. Plus tard, un jour, je réquisitionnerai la Matrice pour mon usage personnel. Seul. Je vous ferais savoir par avance, pour qu'il n'y ait pas le moindre scientifique sur place lorsque je m'y rendrais.

Il entend mettre cette affaire au clair... Et se servir de la Matrice comme support. Comme catalyseur. Comme un portail vers son imaginaire : comme un facilitateur vers un rêve lucide.

- Je demanderais à quelqu'un en particulier de superviser la session depuis l'extérieur. Quelqu'un de qualifié.

Qui ? Il ne compte pas le spécifier.
Mais de toute évidence, quelqu'un capable d'opérer les commandes de la Matrice, et quelqu'un à qui il fait confiance.

L’agressivité pour réponse après avoir dévoilé une faiblesse. Classique pour un homme ayant passé sa vie à se battre. Il ignorait son passé, mais il était évident, et d’autant plus à présent, que sa vie n’avait pas été un long fleuve tranquille. Mais il était prêt à parier que c’était le cas de beaucoup de monde au sein de l’organisation. Après tout, la grande majorité avait été exposée aux visions d’horreur des attaques de hollow dès leur plus jeune enfance. Qu’ils aient décidé de se battre ou de fuir cette réalité, tous y ont été confrontés, à l’exception des fullbringers artificiels minoritaires.

-Vous seriez surpris de découvrir tous les domaines d’expertises de mon petit doigt.

Ça sonnait beaucoup mieux dans sa tête qu’à haute voix. Pourtant, il ne prit pas la peine de se reprendre, maintenant que c’était sorti, il fallait garder un peu de prestance. Il préféra le laisser continuer son explication, mais Kyoya semblait désirer rester le plus vague possible sans entrer dans les détails. Tanjô soupira intérieurement. Pourquoi cette volonté à tout prix de paraître fort, sans la moindre faille ? Sa puissance était déjà hors du commun, à quoi bon en rajouter ? Enfin, il était difficile d’imaginer qu’un homme de plusieurs siècles allait changer maintenant. Il n’avait peut-être pas l’habitude d’avoir de vrais alliés. Ou alors il ne le considérait pas en tant que tel.

Il évoqua une nouvelle session dans la matrice sans donner de date ni de motifs, mais se permit de préciser qu’il voulait être seul ce jour-là et qu’il confierait la gestion à quelqu’un de qualifié. Cette dernière remarque vexa légèrement le King, car cela sous-entendait clairement que lui ne l’était pas. La déception de cette dévalorisation apparut nettement sur son visage. Juste après lui avoir demandé un service pour améliorer son équipement, c’était gonflé.

Tanjô fit un mouvement en arrière pour libérer ses jambes et posa ses mains sur ses genoux pour se relever, presque d’un bond. Il se redressa pour observer le guerrier dans les yeux, bien que celui-ci fasse une bonne tête de plus que lui.

-Bien, non pas que je me lasse de votre numéro du beau brun mystérieux plein de secrets, mais je pense qu’il va falloir que je mette au travail. Je n’ai pas eu tout ce que j’aurais aimé, mais avec ce que j’ai vu et les plans que j’ai récupérés, je devrais déjà avoir largement de quoi faire. Ho oui, les nuits vont être courtes dans les prochaines semaines. Il faut que je prévienne Seon...

Il pianota son bracelet pour envoyer un message à son assistante pour qu’elle démarre dès maintenant le téléchargement de toutes les données que les scientifiques lui avaient transférées. Mais surtout, sa mission était de refaire un stock de café.

-Quant à la Matrice, en tant que King, vous avez un accès prioritaire. Il vous suffit de la réserver pour être seul. J’ai quelques responsabilités au sein de cette organisation qui me tiennent assez éloigné des plannings d’occupations de la Matrice.

Oui, clairement, il était vexé. Mais il resta professionnel. Il n’était que le chef de la section scientifique après tout. Celui qu’on appelait quand on avait un truc à lui demander. Fabrique ça, améliore ça, mets ça au point...

-Si vous n’avez rien à ajouter, je vais prendre congé pour m’y mettre. Je vous contacterai pour de plus amples détails, si besoin.

- Hu huh.

Circonspection, sourcil haussé suite à un choix de mot pour le moins... Maladroit ? Original ? Il se demanderait presque duquel des deux il s'agit. Dans tous les cas, il a donné ses termes : il entend gérer ses problèmes seul, ou presque – avec l'assistance de quelqu'un qu'il connaît. À vrai dire, c'est simple : La problématique de ce fantôme qui l'assaille lors de ses sessions dans la Matrice est une affaire personnelle, alors naturellement, il préfère le gérer seul. Et s'il n'a pas le choix que de demander assistance, alors ce sera celle de quelqu'un de familier.

Le King of Cups est efficace, mais il n'est pas familier. Ils n'ont eu que deux conversations en à peine quelques jours, jusqu'ici.

- J'imagine que je vais vous laisser à votre numéro de scientifique fou qui parle tout seul dans sa barbe, en ce cas.

Un fin sourire de malice sur ses traits, Kyoya se détend, se détache de cette expérience désagréable dans la simulation, il y a quelques minutes. Plus tard, en temps et en heure, il confrontera la chose, réglera le problème à la source. D'ici là ? Se torturer sur la chose n'amènera rien de bon.

- Parfait. J'ai besoin que ce soit prêt avant notre déplacement au Hueco Mundo. Il y a aussi ce projet dont il a été question en huit-clos. Il a reçu l'assentiment des Arcanes Majeures, et le King of Cups fera lui aussi partie de l'expédition. Tôt, bien plus tôt qu'il n'y paraît, ces améliorations en devenir vont avoir l'occasion de se rendre utile.

Sans doute que l'on ne volera plus le sable de l'Acuerdo sans y investir le prix du sang.
Sans doute que l'on n'arrachera pas au Yermo ses habitants sans qu'ils ne se battent pour leur survie.

- Merci pour votre temps, King Shikara. À bientôt.

Et déjà il quitte la salle à son tour.