Dead boring

Le King Kong était tombé. Sa seule déception était de ne pas être de ceux ayant l’occasion de lui mettre une balle dans le crâne, histoire de le remplir un peu. Au moins, il avait fait son travail. Le King actuel lui avait demandé de le trouver, il l’avait fait et avait transmis l’information. A partir de là, sans assignation, ce n’était plus son travail.
Il serait après tout mentir que de dire qu’il avait une raison personnelle de le vouloir. Il n’avait après tout eu l’occasion que de peu le croiser. Et à défaut d’ordre ou d’affaire privée… Et bien il n’était pas le genre à faire du travail supplémentaire. C’était mauvais pour les affaires. Un peu trop et on le paierait moins que le travail réellement fourni.

Sauf que le soucis, c’était le travail qui avait suivi. Les patrouilles, ce n’était pas vraiment son truc. Et sans adversaire de valeur, trop en répéter était la plus grande source d’ennui au monde. Et une bonne façon de perdre côté forme.
D’où sa présence en ce lieu, en ce jour. Les salles d’entraînement était toujours une bonne façon de s’exercer, maintenir son corps au niveau. Non pas la Matrice. Bien qu’efficace, il avait passé suffisamment de temps à l’intérieur pour ne pas pouvoir le nier, il n’empêchait qu’il préférait la sensation du réel.
Si tout était virtuel, l’entraînement était-il réellement efficace ? Pour essayer des situations précises, à n’en pas douter. Dans le cadre du physique… Il s’agissait d’une toute autre histoire.

L’important n’était pas le détail des entraînements, mais d’en faire. Et d’en faire sérieusement.
Ce qu’il avait fait ce jour. Suite à quoi il pouvait se permettre une pause. Et, si le maintien du corps était en effet important, le soldat n’était pas exempt de vice. S’il portait sa tenue, le casque n’était pas redressé, laissant son visage libre et lui permettant ainsi de griller une cigarette lors de la pause bien méritée.
Il ne croyait pas un instant que cela aurait sa peau de toutes façons. Non pas qu’il était plus fort que ça. Simplement qu’il ne voyait pas comment il ne se retrouverait pas à mourir sur le champ de bataille avant.

L’ennui. Le pire ennemi de l’humanité, du moins, un très bon concurrent à ce titre. Alice n’aimait pas l'inactivité. Elle avait été élevée sur les principes du survivalisme, du temps perdu était le pire des gâchis. Certes, elle avait rempli une mission très récemment, mais cela faisait déjà quelques jours, cela lui laissait trop de temps libre.

Être inactif n’aidait pas à faire le tri dans sa tête. Alice était quelqu’un de stable mentalement, ne vous trompez pas, mais elle n’était pas plus forte qu'une autre. Elle avait besoin de préciser ce mois. L’incident des abominations, sa participation à un meurtre de sang-froid, elle avait besoin d’arriver à terme avec ces événements, et ne pas pouvoir procéder tout ça avec de l’activité la grignotait, la nuit, au réveil, le jour, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

S’améliorer était son seul moyen de s’alléger l’esprit. Si ses erreurs hantaient ses jours, elle se disait que les corriger au moins lui permettraient de dormir un peu plus. En attendant d’avoir une mission, c’était tout ce qu’elle faisait, presque, que ce soit dans la salle d’entrainement, sur un terrain pour du tir de précision, ou même chez soi. On pourrait parler d’obsession.

Aujourd’hui néanmoins, son choix s'est porté sur la salle d'entraînement. Récemment, elle avait eu un problème avec ses yeux, qui depuis était sous contrôle, mais en avait profité pour voir que la salle d'entraînement principale était bien mieux équipée qu’elle ne le pensait. Aujourd’hui encore, elle allait s’épuiser jusqu’au sommeil, enfin, c’était ce qui était prévu, mais l’odeur de tabac lui disait que cela n’allait peut-être pas être possible.

“[Bonjour] ? Je dérange peut-être, excusez moi …”

On pouvait fumer à l' intérieur ? Bah, pas que cela la concerne, à la limite si on parlait de boire, là peut-être elle devrait se renseigner sur la linéance de l’organisation sur la drogue liquide.

Mais laissons la tentation de la bouteille de côté … Est-ce qu’elle connaissait ce fumeur ? Elle ne l’avait jamais rencontré, ça c’est sûr, mais il ressemblait à quelqu’un dont elle avait vu la photo, ou lu la description …

“Vous êtes Jabberwock ? J’étais dans la mission que votre traque a rendue possible.”

Alice était peut-être l’une des rares à lire intégralement un rapport et à déstresser avant une mission en se renseignant sur absolument tout ce qu’il contenait. Elle voyait un nom, elle cherchait à en savoir le plus possible sur cette personne avant de reprendre sa lecture. C’est comme ça qu’elle en était venu à apprendre quelques informations sur le traqueur ayant retrouvé l’ancien king of sword.

Une voix brise le silence. Toujours cigarette aux lèvres, il tourne les yeux vers l’origine de ces mots. La salle n’était certes pas privative, mais il n’était que rarement dérangé. Nombreux aussi préféraient la facilité de la matrice, cela devait jouer.
Pourtant, un rapide coup d’oeil pouvait suffire à se dire que la personne ayant pénétré la pièce à cet instant n’était pas le genre que l’on attendait dans un lieu d’entraînement. Chose dont le soldat ne se cacha pas. Du moins à sa manière.

>> Ça recrute des gamines aussi ?

Cette phrase tenait de la remarque faite à haute voix, n’étant pas adressée directement à la concernée. Ce qui ne l’empêchait pas de pouvoir l’entendre. La surprise n’était même présente, son ton étant celui du constat. Des enfants soldats, il avait eu l’occasion d’en voir. Généralement, il ne bossait pas directement avec. Non pas que cela le dérangeait, ce genre d’éthique et de morale n’ayant pas leur place dans sa ligne de métier.
Ils manquaient simplement souvent de l’aspect professionnel qu’était le sien. Encore plus que les soldats réguliers. Bien souvent, ils constituaient des poids à ses yeux, et il n’aimait pas être ralenti.

Pourtant, il avait bien retenu une chose ici. Les règles n’étaient pas les mêmes. Et il ne serait pas non plus surpris que l’organisation accepte quiconque possédait des capacités afin de pouvoir servir. Les prendre jeunes pouvait également permettre un certain endoctrinement.
Il ne s’était pas réellement penché sur les détails de ce groupe mais, comme tous, il ne serait pas surpris qu’ils aient leur part d’ombre. Cela ne le regardait pas, du moins pas tant qu’ils continuaient à le payer, mais il serait peut être de bon ton de s’y pencher pour le genre où il souhaiterait prendre le large.
Toujours avoir des cartouches dans son sac.

>> Y a assez de place pour deux si tu veux utiliser la salle.

Si cela répondait en partie à sa première remarque, nul commentaire ne fut fait sur la suite. Sa participation à l’élimination de son ancien supérieur n’avait pas grande signification pour lui. Il n’ignorait pas qu’en avaient notamment fait partie son remplacent, la Ten de section – qu’il ne connaissait pas mais son rang devait laisser présager de certaines compétences – ainsi qu’un autre King. Et même que l’un des patrons avait fini par intervenir en personne.
Alors une gamine dont il ignorait tout ? Et bien cela n’avait pas forcément beaucoup d’impact à ses yeux.

La fullbringer faisait quelques pas en avant, pour ne pas être dans le sens de la fumée à vrai dire, elle n’aimait pas particulièrement l’odeur. Puis surtout son père l’a habitué à une odeur de tabac de bien meilleure qualité, la comparaison avec ces clopinettes était aussi pertinente que de décréter que l’eau mouille.

“Cela je n’en ai aucune idée, ayant moi même vingt quatre ans. J’imagine que je ne dois pas faire mon âge.”

Elle aurait plutôt dû se taire, elle savait qu’elle devait laisser cette remarque dans l’air, mais que voulez-vous, chacun a ses complexes, son visage d’enfant en était un. Même si techniquement, d’un point de vue purement de fullbringer, elle était une nouvelle née.

Mais revenons à des préoccupations plus matérielles. A défaut de lui répondre complètement, au moins il n’avait aucun problème à partager la salle d'entraînement avec elle. C’est déjà ça dirons-nous. En vérité, elle n'aurait pas dit non à s'entraîner avec lui, et pas en dépit de lui. Ce qu’elle avait lu sur lui l’intéressait à un certain point.

Ou était-ce simplement parce que c’était un ancien militaire ? Qui sait.

“Je vois… Peut-être pourriez-vous m’aider alors. Comment on utilise les robots d'entraînement ?”

Jusque là, enfin, en dehors de ses affrontements récents, elle travaillait plutôt sa compréhension de ses pouvoirs et de ses limites, ainsi que des entraînements de tir et autres exercices physiques pour se donner une idée de ce qu’elle pouvait et ne pouvait faire. Maintenant qu’elle avait une bonne idée de ce qu’elle était capable, elle allait pouvoir entreprendre des activités plus classiques aux yeux des autres fullbringer.

Si elle arrivait à les mettre en route.

“Les détails des explications que j’ai reçu ont dû se perdre dans la traduction.”

Cela ne pouvait pas être plus compliqué à utiliser que la matrice … Ah mais elle ne sait pas utiliser la matrice. Aaaaaah merde.

“[Bon j’imagine qu’on a pas besoin de technologie pour faire des pompes]…”

Dans un premier temps, il écouta. Le mercenaire n’était pas homme de beaucoup de mots. La gamine en apparence visiblement déjà plus. Elle ne trouverait simplement que peu de répondant de la part de l’homme présent. Sauf à réussir à éveiller un intérêt chez lui. Chose n’étant pas non plus la plus évidente.
Peut-être était-ce là une question d’habitude. Ayant toujours privilégié les contrats courts, apprendre à connaître les autres n’avait jamais été utile. Cela lui permettait aussi d’éviter à devoir gérer les curieux. Ici, la situation n’était pas la même. Cela faisait maintenant plusieurs mois qu’il était sur la même mission. Les simples humains devaient d’ailleurs commencer à se dire qu’il était mort. Tant mieux, cela voudrait dire qu’il pourrait faire monter les prix à son retour.
Il tirait une nouvelle fois sur la cigarette. Dans un deuxième temps, il prit la parole.

>> J’ai l’air de la maintenance ?

L’amabilité n’était pas son fort. Cependant, une chose pouvait être notée. La réponse était faite dans la même langue que les dernières paroles de son interlocutrice. Et, tout comme son japonais, son français était sans la moindre trace d’accent.
L’avantage d’une carrière internationale. Il ne serait même pas surpris qu’elle ne s’attende pas à une telle forme dans la réponse.

>> Et c’est pas mon truc, je suis plutôt sur les anciennes méthodes. Et rien ne vaut le réel de toutes façons.

Une nouvelle réponse tempérant un peu ses paroles. Et, pour le coup, entièrement véridique. Peut-être était-ce dû au fait qu’il était encore récent dans ce monde. Une vie entière d’habitude devait jouer aussi, les communs des mortels n’ayant pas accès à une tel niveau de ressources.
Les stands de tirs à l’ancienne étaient plus son domaine. Le champ de bataille encore plus. Rien ne valait le réel, avait-il dit. Cela valait pour ça également. Rien ne formait mieux que l’expérience du terrain, la sensation du danger et l’idée de la mort planant au-dessus de sa tête.
Cette vie même qu’il avait choisi par le passé était après tout la raison pour laquelle il se trouvait ici.

Qu’était ce que ça ? Du français ne venant pas de sa bouche ? Enfin ? Depuis qu’elle était ici, elle avait l’impression que son pays avait disparu du monde. Cela l’avait fait se retourner à vitesse supersonique vers l’autre fullbringer. Mais ne restons pas concentré sur ce langage du pays des lumières. Elle qui se pensait brute de décoffrage, cet homme était à un tout autre niveau.

“[Mmh. Effectivement. Oui vous ne ressemblez pas à un technicien.]”

Ce serait plutôt le maçon ou le bucheron. Vous avez vu la taille de ses bras ? Il pourrait couper des arbres en leur donnant des larias. Mais il avait bien raison sur une chose. c’était bien plus simple de tout faire à l’ancienne !

La technologie c’est cool, mais c’est trop compliqué ! Vous savez déjà à quel point c’est dur d’accepter qu’avoir un accès quasi illimité à une simulation virtuelle reproduisant la moindre de vos actions au détail et au ping près est ?

“[Je ne pourrais pas dire mieux. Surtout la technologie d’ici, je ne sais pas si c’est ça, ou les monstres que l’on affronte qui est le plus irréel.]”

Probablement les monstres, restons honnête. Les esprits et autres délire occultes sont difficilement plus facile à expliquer à un esprit n’ayant pas grandi dans cette vision du monde que la technologie. Même si on l'appelait fut un temps la magie moderne.

“[Je ne pensais pas que vous parliez français, il est impeccable chapeau bas.]”

Ou tout simplement elle n’avait pas le niveau d’accréditation nécessaire pour avoir accès à des informations plus personnelles. dans tous les cas, bavarder c’était bien, mais elle n’est pas venu taper le thé.

“[Je tente ma chance, mais quitte à partager une salle, seriez vous intéressé par un entrainement commun ? Je désespérais de trouver quelqu’un avec un passé militaire ici.]”

Deux choses à noter. La première, la moins intéressante, elle ne s’attendait en effet pas à l’entendre parler cette langue. Comme quoi, il avait bien anticipé.
La deuxième, un peu plus intéressante en vrai, elle semblait ne pas être à l’aise avec ces artifices. En fait, elle semblait encore plus ancienne école que lui. Cette crainte qu’elle semblait avoir de la technologie n’était pas partagée par le mercenaire. Bien au contraire. La première chose qu’il avait demandé n’était-elle pas la tenue qu’il portait ? Ce fleuron de technologie complétait ses capacités personnelles à la perfection et il trouverait dommage de s’en passer.
Contrairement à elle.

>> La technologie est une arme. Il faut juste savoir s’en servir de façon intelligente.

Il s’y connaissait après tout en la matière. Pas la technologie. Les armes. Elles étaient sa vie et en toute chose il voyait le potentiel d’en devenir une. Ce qui expliquait certainement ses capacités. L’ensemble de ses capacités.
Mais là encore, l’expérience parlait. Elle avait beau s’être défendue de son âge, il ne serait pas surpris qu’au final elle soit bel et bien une gamine en la matière. Une bleue lâchée sur le terrain, ayant peur des méchants monstres. Il fallait dire que même lui avait été surpris la première fois.
Jusqu’à ce que la perspective d’un tout nouveau champ de bataille ne s’ouvre à lui.

Reprenant une bouffée de tabac, il se leva, rabaissant ses lunettes de soleil sur ses yeux, plus par habitude que par nécessité. Elle avait proposé un entraînement ? Ce n’était pas forcément mais son genre, mais il doutait avoir grand-chose à perdre.

>> Pourquoi pas écoute. La pause a assez durée.

Pour être ici, elle était forcément agent au sein de l’Ultima Necat. Et donc devait avoir un minimum de capacités. Et donc devrait opposer un minimum de résistance, assez pour que l’exercice en vaille la peine.
Son long trenchcoat traînant presque sur le sol, il s’avança avant de se placer face à l’inconnue. Pas un mot supplémentaire fut prononcé. Pas la moindre amorce. Il avait donné son corps, à elle d’être prête. Son dog tag étant caché sous sa tenue, nulle manifestation fut visible alors qu’il eut recours à son fullbringer.
Il leva le bras droit, un pistolet se trouvant alors dans sa main, et se mit à ouvrir le feu. Une simple amorce. Si elle n’avait pas tête ce genre d’entraînement… Et bien il fallait être plus claire.

Il semblerait que la complète méconnaissance de la technologie ait trop transparu dans les propos d’Alice, pas que c’était faux après tout. Néanmoins, cela la faisait se sentir assez gênée de devoir avouer cela. Donc elle ne le disait pas, se contentant de se gratter l’arrière de la tête. Si elle arrivait à se concilier à la technologie extraordinaire de l’Ultima Necat, elle arriverait à progresser bien plus facilement, pas forcément plus rapidement, mais avec moins de risque pour elle.

“[On m’a souvent dit que je suis née à la mauvaise époque, c’est sans doutes le cas.]”

Mais plus important que ses problèmes, l’ace avait répondu à la positive à sa demande. Se plaçant face à elle et à une distance correcte pour la tireuse. Les hostilités allaient commencer bientôt, et sans aucun mot sans doutes, vu le comportement de cet homme. Ce n’était qu’un match d’entrainement, pas de quoi paniquer ou craindre pour sa vie, mais cela ne devait en aucun cas empêcher Alice de donner son maximum.

“[Déploiement], All eyes on you”

Ses ainées semblaient pouvoir libérer leur fullbring sans l'appeler, pour son cas et sans doutes dû au peu de temps qu’elle a passé avec, c’était presque impossible. Mais en soit, simplement dire Déploiement suffisait à le libérer, si elle parlait un peu plus, c’était pour rediriger son énergie vers ses yeux.

Le faire est une compétence qu’elle a acquise que tout récemment, et qu’elle devait impérativement essayer en condition réelle, cet entraînement fera l’affaire. Rediriger ainsi son reiryoku permettait de superposer à sa vision classique un détecteur d’âme, ou plus largement décrit, de reiryoku. Cette vision bien plus performante que la classique lui avait permis de voir l’attaque venir de loin, et de l’esquiver sans trop d’effort, quand bien même il s’agissait là d’un tir de pistolet.

Attendez … Un tir de pistolet ? Non ce n’était pas une arme normale, elle l’avait vu grâce à sa “Lunette”, il était apparu dans sa main et avait bien plus d’énergie qu’une arme normale. C’était un fullbring, ou une conséquence de son fullbring. Lui aussi était spécialisé dans les armes à feux ? Elle allait rester sur ses gardes, voir un peu de quoi il était capable avant de complètement passer à l'offensive.

Il tire. Elle esquive. La défense la plus basique était parfois la plus efficace. Face à une attaque plus sérieuse, cela n’aurait certainement pas été suffisant. Face à son pistolet, si. Il fallait bien le reconnaître. Mais il n’avait pas changé. Son combat contre son King lui avait certes enseigné l’importance de la défense, mais il restait convaincu d’une chose.
L’attaque restait prédominante pour faire tomber sa cible. Et tel était son but en cet instant. Tel devrait être celui de son opposante. Pourtant, elle ne fit preuve d’aucune intention agressive. Et ce malgré la libération de ce qui semblait être son propre pouvoir.
Un peu plus et le militaire aurait pu avoir un sourire.

L’arme qu’elle avait maintenant entre les mains était bien entendu connue du mercenaire. En théorie, il pourrait même en matérialiser une dans ses mains. Mais il n’y voyait pas le moindre intérêt. Une arme ancienne, dépassée par la modernité. Son pouvoir ne s’appelait pas « Ancient Warfare » après tout.
Entre ces mains, tel outil n’aurait pas d’utilité. Ce qui ne voulait pas dire que ce ne serait pas les cas entre celles de son opposante. « Chacun avait sa propre lame ». Plus ou moins les mots prononcés par Kyoya. Encore fallait-il l’utiliser.
Ce qu’elle ne fit pas.

Si elle ne tentait pas de lui mettre une pression, lui n’allait pas la lâcher. Sa main gauche s’écarte légèrement de son corps, une grenade à la main. Un simple mouvement afin de la lancer.
La suite est rapide. Le grenade explose, mais ne blesse pas. Un flash lumineux et bruit presque assourdissant. Une grenade faite pour contrôler les foules. Pour empêcher de se défendre. Pourra-t-elle toujours autant esquiver la prochaine attaque ? Surtout que la forme ne sera pas la même.
En coordination avec le lancer, le vétéran s’était mis en mouvement. Elle explosa à mi-chemin. Lui dévia alors sa course. Ne pas arriver totalement de face, mais légèrement sur le côté. Ne pas attaquer par l’angle attendu. Dans sa main, il ne s’agit pas d’un pistolet.
Un fusil à pompe l’a remplacé. Fidèle à son utilisateur, il ne s’agit pas d’un modèle tel qu’on a l’habitude d’en voir dans les fictions. Un exemplaire bien plus moderne. A ses yeux plus efficace.

Alors il tend le bras de nouveau. En un instant, il vise et il tire. Entre la grenade, la portée plus réduite et la dispersion, l’attaque ne pourra pas être évitée aussi facilement que la précédente. Et, bien qu’il s’agisse d’un entraînement, les blessures infligées n’auraient alors rien de factice.

Si le premier échange s’était soldé sur un non lieu, une attaque qui avait fini esquivée, la suite s'avère dors et déjà bien plus compliquée pour Alice. Ce n’est pas simplement un pistolet que pouvait faire apparaître le Jabberwock, mais également une grenade aveuglante qu’Alice a mangée de plein fouet. Elle commençait à cerner un peu mieux son pouvoir, et à quel point elle était dans la merde.

Si sa vue classique était aveuglée, elle pouvait tout de même utiliser sa “Lunette” pour voir le mouvement des âmes autour d’elle, incluant celle de son adversaire. Ce dernier n’avait pas perdu de temps, sortant d’on ne sait où un fusil à pompe comme Alice n’en avait jamais vu avant, et tirant sur cette dernière. Si grâce à un mélange d’esquive et à une barrière dressée à la hâte, elle avait pu éviter la majorité des éclats, il n’en reste pas moins que plusieurs ont trouvé leur chemin dans son corps, signant le premier sang de cet entraînement.

Était-ce parce que l’assaut de l’expert en arme moderne était trop violent qu’elle n’avait pu se défendre complètement ? Non, elle avait simplement troqué sa sécurité contre un tir supplémentaire. Sa balle favorite, la “Just one bullet”, fonçait sur le fullbringer ennemi, et ne le lâcherai pas tant qu’Alice pourrait la maintenir en circulation. C’était le seul moyen qu’elle avait de réduire la distance avec ses adversaires, ne pouvant à la fois les harceler et se protéger, elle devait laisser sa balle à tête chercheuse faire le boulot à sa place.

Le problème, c’était de rester en état de la maintenir sous les assauts de toute apparence très violents de son aîné. Est-ce qu’il pouvait ignorer son projectile plus longtemps qu’elle pouvait se défendre de ses attaques, là était toute la question. Elle le découvrira bientôt ça c'était certain.

Deux styles entièrement différentes, à n’en pas douter. De nouveau elle se défendait. En partie en tous cas. Si l’ensemble des plombs n’avaient pas touché, elle n’en sortait pas indemne. Il notait quand même l’effort effectué. Tactiquement il considérait cela comme une erreur, mais son style de combat était beaucoup plus offensif.
Marque de l’expérience également ? Il n’hésitait pas à aller au front tandis qu’elle gardait ses distances, oeuvrant à couvert. Certains le faisaient par peur de faire directement face à leurs ennemis. D’autres avaient les compétences pour être des tireurs d’élites.
Il avait certes le plus grand des respect pour ce genre de soldats, mais dans une situation de combat rapproché ou individuel, comme c’était visiblement la norme dans le monde spirituel, efficacité était grandement diminuée.

Pourtant, enfin elle fit feu. Vue son arme, une unique balle. Qu’il ne chercha même pas à esquiver, se préparant à une blessure mineure. Qui ne vint pas. Ou du moins pas réellement dans la forme attendue.
Ce qu’il senti fut plus subtil, plus lié à son énergie. Etait-ce son plan ? Epuiser son adversaire jusqu’à ce qu’il soit obligé de se rendre ? Une tactique de lâche. Contraire à sa vision des choses. Contraire à la beauté qu’il voyait dans les affrontements.
Et, surtout, à ses yeux pour le moins inefficace.

Un bond en arrière, reprenant un peu de distance. Si les deux tireurs devaient forcément avoir une préférence pour une portée plus longue, l’homme semblait être plus à l’aise en combat rapproché. Alors pourquoi creuser de nouveau l’écart.
Pour ne laisser aucune issue possible. Dans ses mains ne se trouvait nulle arme à feu, mais deux grenades. Une similaire à la précédente, bien qu’un peu plus imposante. L’autre de nature différente, mais toujours dans le contrôle des foules. Une grenade de désencerclement, projetant des projectiles durs dont l’impact, bien que non létal, était de nature à engourdir les membres touchés.
Comme attendu, il les envoya de concert, annonçant alors son attaque suivante.

Un nouveau bond en arrière, se retrouvant cette fois dos au mur, à la distance maximum possible. Contrairement à son habitude, il ne prit même pas le temps de se mettre à genou, comptant sur l’obstacle pour contenir le recul.
Car l’arme entre ses mains était d’un calibre bien différent des précédentes. Un œil profane pourrait y voir un imposant fusil sniper. Un connaisseur reconnaîtrait le genre d’arme n’étant normalement pas utilisée contre d’autres humains, mais contre des cibles fortement blindés.
Les fusils anti-matériels étaient des armes peu égalées dans leur domaine. Et pour des êtres comme eux, des armes pouvant être utilisées dans ce genre d’affrontement. Il ne prit qu’un instant à viser. A peine plus à faire feu. Au moment au son doigt appuya sur la gâchette, l’impact du tir se ressenti dans son corps, passant par son épaule, alors qu’il tentait de contenir au mieux le recul.
Du côté de la cible… Il était impossible d’encaisser un tel projectile et d’en sortir intact sans une défense conséquente. Même le King of Swords n’avait pas été en mesure, bien que l’Ace avait mit plus de forces dans cet affrontement.
Comment une bleue allait-elle gérer ?

L’expert en armes modernes n’avait même pas pris la peine de parer son attaque, ou ne semblait l’avoir senti, non plutôt il reculait encore et encore. Étrange, c’était donner un avantage à Alice ça, non ? Bah pas du tout figurez vous, car il lançait une nouvelle fois ses foutue grenades, empêchant la fullbringer de comprendre ce qu’il faisait.

Mais elle n’avait pas à attendre longtemps, car avec sa détection, elle le comprenait très vite que quoi qu’il était en train de faire, cela n’allait pas bien finir pour elle. Du tout. Est-ce que ce psychopathe venait de sortir un canon anti-matériel contre une two ?! Le bazar allait la transpercer de part en part !

Malgré avoir déployé toutes ses défenses, elle n’en avait atténuée que de moitié la puissance de l’attaque, sûrement qu’elle aurait pu s’en défendre de plus sans ces fichues grenades. Mais alors qu’elle se relevait en grinçant des dents, le projectile ayant probablement fêlé ou cassé quelques de des côtes, plutôt fêlée en fait, elle scellait son fullbring.

“[J’abandonne.]”

Elle levait les mains en l’air pour appuyer sa reddition. C’était un match d'entraînement, hors de question de finir dans un état lamentable qui l’empêcherait de participer à d’autre mission ou de continuer sa routine pour n’en tirer que très peu d’expérience. Encore un ou deux tirs de cet engin et bye bye Alice, sans façon.

“[Je vois mal ce que je pourrais apprendre en me faisant tirer dessus par ce fusil. Je ne peux pas devenir blonde sur commande, frôler la mort ne me rends pas plus forte.]”

Bon maintenant il fallait espérer qu’il ait bien reçu le message, sinon là elle était complètement à découvert. Quoique, avec sa lunette, elle devrait pouvoir éviter quelques dégâts avant de déguerpir sans demander son reste.

"[Vous êtes bien trop fort pour moi.]"

Le tir était puissant. Il en était bien conscient. L’une des armes les plus meurtrières qu’il employait. La possibilité qu’elle ne puisse ni encaisser, ni esquiver, existait. Cela aussi il en était conscient. Et il s’en moquait. Pour une très simple raison. Quelqu’un qui tomberait aussi facilement n’aurait aucune valeur et sa mort ne serait pas une perte.
Il avait tiré pour tuer. A chaque occasion. Elle était vivante. Et malgré ça, elle ne comprenait pas. Elle ne savait pas en tirer de conclusion. Se rendre consciente de la différence de niveaux était une chose. Mais, même si le soldat n’avait pas cherché à donner une leçon, considéré que cette session fut en vain était une erreur.

Il s’écarta du mur.
Dans ses mains, rien. Il avait bien entendu les mots prononcés. Il était inutile d’aller plus loin. Il n’était pas dans un contrat où les morts étaient une obligation. Continuer à tirer sur un opposant n’avait aucun intérêt. Encore plus lorsqu’ils étaient du même camp.
Les merveilles de sa tenue étaient déjà à l’oeuvre, notamment au niveau de l’épaule afin de soulager la douleur. Alors il porta les doigts à sa bouche, tentant d’attraper sa cigarette, avant de constater qu’il l’avait laisser tombée un peu plus tôt.
Tranquillement, il s’avança afin de la récupérer et la mettre dans un cendrier de poche, avant d’en sortir et allumer une nouvelle.

>> C’est que t’as rien compris. L’absence d’expérience je suppose.

Un combattante qui n’en était pas une. Une gamine qui voyait la vie en rose. Il était fort, plus qu’elle, c’était une évidence dont il n’avait pas douté. Et elle préférait s’en lamenter qu’en tirer l’expérience.
Qu’attendait-elle de cet entraînement ? Elle n’avait rien exprimé de concret. Il aurait certainement refusé le genre d’échange où le vieux maître passe son temps à expliquer les erreurs de l’élève. Ce n’était pas son genre. Ce n’était pas efficace.

>> Rien ne vaut le réel. Tu étais d’accord. Mes balles l'étaient.

Frôler la mort ne rendait pas plus fort non. Pas directement. L’expérience le faisait. Ces milliers d’affrontement auxquels il avait participé avaient fait du soldat ce qu’il était. Les pouvoirs, les renforcements physiques. Tout cela était, en un sens, accessoire à côté de ce qui comptait vraiment.
Le sens du combat forgé par la réalité, pas les situations où la vie est réellement en jeu. Il n’existait pour eux nulle meilleure leçon que cela, et même lui continuait à apprendre.

>> Cela fait un affrontement de plus à ton actif. Encore plusieurs centaines. Plusieurs milliers.

Son ton restait plus ou moins neutre. Il énonçait des faits, tout simplement. Et déjà il prenait le chemin vers la sortie. Alors qu’il lui tournait le dos, il leva le bras, la saluant ainsi.

Repos : full

Dieu merci il n’était pas totalement un psychopathe. Cela serait particulièrement gênant de devoir utiliser de nouveau la machine du king of cup, le justifier par contre ce serait la partie la plus facile. “Je me suis fait cribler de balle par l’Ace of Sword durant un entraînement”, elle était certaine que cela n’aurait pas été une première occurrence.

N’ayant plus vraiment à garder les mains en l’air, la fullbringer tatait donc ses côtes et autres blessures. Rien de trop grave normalement, même si cela aurait mis un humain normal au tapis sans problème. Bilan de cet entraînement ? Et bien, à part des blessures, elle pouvait affirmer qu’elle maîtrisait sa “Lunette” parfaitement désormais. Bon, il restait toujours le problème de sa force de frappe, elle n’était clairement pas taillée pour des combats en un contre un, mais ce n’était pas un problème qu’elle avait envie de corriger.

“[Rien compris ? Peut-être, je ne suis simplement pas masochiste au point de demander des prolongations quand j’ai compris pourquoi je ne gagnerais pas.]”

Autant l’ace était un bon adversaire, mais il n'avait clairement aucune envie de faire des phrases de plus de dix mots avec elle. C’est dommage, un retour aurait été apprécié. Il était assez évident qu’il était déçu, mais ça, c’était un donné. En dehors de la différence évidente de puissance entre les deux, le style de combat d’Alice en était clairement à ses balbutiements comparé à celui de Jabberwock. Il n’était pas défini, manquait de focus. Et pour ça oui, il fallait enchainer les combats.

“[C'est une erreur de syntaxe de ma part, je ne vois pas ce que je pourrais apprendre de plus. Vous l’aurez remarqué, je ne me bat pas assez souvent dans des conditions réelles.]”

Ses pouvoirs, ce n’était pas tant ce qu’elle voulait faire que ce qu’elle pouvait faire. Il n’y avait pas de stratégie derrière ses attaques. Comparé à la stratégie assez rodée de harcèlement de l’expert en arme moderne.

“[Mais ça viendra avec l’habitude. Merci en tout cas.]”