Addicted to Pain

C’était pas toujours facile de se faire à la nouveauté. Et il fallait dire qu’il y en avait pas mal dans la vie du Kyōken dernièrement. Il y avait bien sûr eu sa progression fulgurante au sein du Gotei 13. Il lui avait répété certaines choses à ce propos d’ailleurs. Des gens qu’il connaissait pas, qui s’amusaient à jacter. Du genre « c’est pas croyable quand même, depuis quand on récompense les gros beauf à la masculinité hyper-toxique maintenant ? non mais dans quelle époque on vit ? ». Et en vrai, ça le faisait bien marrer. Bon en vrai, il n’aurait pas entendu parler de ça si c’était pas pour « Loona ». C’est que ça jactait pas mal à l’association !

Mais il n’y avait pas que ses nouvelles responsabilités pour jouer un rôle dans son sentiment. D’une certaine manière, les choses avaient évolué avec Mizuki. Bon. C’était Loona encore qui en avait profité, mais ça lui donnait matière à tergiverser maintenant. Trop réfléchir c’était pas bon pour lui, mais forcément ça avait nourrit quelques préoccupations. Mais concrètement il savait que rien de ce qui s’était passé sur terre n’avait sur le principe changé quoi que ce soit entre elle et lui.

Et c’est d’ailleurs parlant de la terre qu’on en venait à la nouvelle préoccupation en date : la peur. L’angoisse. Des choses que Kenshirō n’avait jamais vraiment ressenti. En tout cas pas à ce point. De quoi le perturber profondément. Ces choses, ces êtres, avaient causé des bouleversements auxquels il ne se serait jamais entendu, aussi fier de lui qu’il peut l’être. Alors, il avait besoin d’en revenir à un peu de basique. Alors il déboule à la Onzième Division. Haori sur le dos, on pose pas de questions. C’est lui qui demande « il est où l’vice-capitaine ? » et forcément on lui répond. Et quand il le trouvera, sur un terrain d’entraînement forcément…

- Hé Mihane ! J’suis sûr tu tapes comme une fille !

Simple, efficace...

Un sourire carnassier apparut sur son visage alors que la voix, reconnaissable entre toute, s'élevait dans les airs. Les hommes autour du colosse portaient déjà le regard vers l'homme qui approchait. Le Capitaine de la Cinquième division, qui commençait clairement à faire parler de lui. Faut dire que le bougre était maintenant à la tête de sa division alors qu'en réalité, il n'avait pas quitté les bancs de l'école depuis si longtemps. Une progression fulgurante. Mais le colosse savait cela mérité. Même si, au fond de lui, il l'avait mauvaise. Merde quoi, il était Capitaine et pas lui. Pas encore. Mais bientôt.

Alors qu'il se tournait vers lui, il fit signe aux autres de les laisser. Généralement, on ne discutait pas trop ses consignes. Attrapant sa veste, il l'enfila tout en plaçant Kaimetsu dans son dos. Quoi que, connaissant le loustic, il en aurait sans doute rapidement besoin. Ils ne s'étaient pas vus depuis un bail. Enfin, de manière "officielle" il s'entend. Quant au nom utilisé, autant dire que cela le faisait marrer.

- Tu crois que ton joli manteau va t'préserver si j'décide de t'foutre une branlée ?

Il s'approchait de lui, se marrant, pour le saluer comme il se devait. Quelques regards curieux dans leur direction mais la plupart n'osait rien dire. Faut dire qu'on ne parlait d'ordinaire pas de manière si familière à un des plus hauts représentant du Gotei. Mais ces deux là, ils se connaissaient depuis un moment. Ce titre n'avait pas changé grand chose, à part peut-être de la jalousie.

- Blague à part, qu'est-ce que tu viens foutre chez moi ? T'en avais marre des danseuses de la Cinquième, alors t'es passé voir les vrais hommes ?

Puis, à voix plus basse. Presque inquiet. Quoi que ce ne soit pas réellement le bon terme.

- Fais pas l'con, Mihane est une couverture parfaite. J'peux la réutiliser plus tard si j'ai besoin.

Puis il se redressait de nouveau. Qu'il était bon de pouvoir échanger avec lui. Pas de prise de tête. Pas de chichi. Un mec comme lui, en sommes.

Il fait dégager les autres, range Kaimetsu. « Grave erreur » qu’il se dit en laissant un sourire carnassier s’étirer. C’est qu’il s’était pointé avec une idée en tête, et que les provocations sur « Mihane » n’étaient pas vaines.

- « Vrais hommes » ? Vrai homme enfile un bikini pour aller sur terre ?

Et de se marrer franchement. À gorge déployée, comme si c’était la vanne de l’année. Il en rajoute sans doute une couche en vrai. Règle numéro un : ne jamais leur laisser connaître ton prochain mouvement. Alors qu’il se marre, Kenshirō empoigne la poignée de son Zanpakutō de sa main gauche, et le tire verticalement. C’est son style habituel, pouce sur le pommeau, acier longeant son avant-bras, pointe vers le bas. Shinjiro réagira-t-il assez rapidement pour ne pas en être blessé ? Ce ne serait sans doute pas plus qu’une jolie entaille, rien de mortel dans tous les cas. Contrairement au coup suivant, tournoyant sur lui-même pour se donner élan et puissance, pour que le tranchant vienne cette fois à l’horizontale, visant la gorge comme Shinjiro aimait lui-même tant le faire. À ce stade, il ne doute pas qu’une lame imposante viendra s’opposer à la sienne. Le Kyōken de toujours sourire.

- Je venais voir si tu rouillais pas trop ma mignonne. Ta couverture était trop parfaite pour que je veuille pas m’assurer que t’as toujours ce qu’il faut où il faut ! Au pire, tu veux que j’coupe ce qu’y a en trop ? Héhéhé !

Son plan n’était pas tout à fait « on se tape dessus pour le fun », pourtant. Il avait d’autres choses en tête, mais une bonne dose de stress sur l’estomac à évacuer également. Et non, il suffirait pas de chier un coup, il avait déjà essayé ! Alors à y repenser, il s’assombrit, et d’une voix sérieuse ajoute :

- Sans déconner, c’était quoi ces merdes...

Le mouvement était rapide mais les réflexes du colosse l'étaient tout autant, il esquiva donc le premier mouvement de son ami. Surprit en partie, certes, mais Shinjiro savait qu'avec ce lascar là, il fallait toujours rester sur ses gardes. Des entraînements communs, ils en avaient eu de très nombreux. Au point que l'un comme l'autre se connaissaient parfaitement dans ce domaine.

Et c'est pour cette raison que le coup suivant ne lui laissa pas le choix. Alors que Kenshirō pivotait, la main du Kiryū attrapa l'une des poignées de son immense lame pour la faire venir en opposition entre la lame ennemie et sa propre gorge. Un sourire étrange apparut sur le visage du colosse.

- Hey ! C'ma technique, ça.

Preuve évidente qu'ils se connaissaient parfaitement. Quant aux railleries, elles faisaient partie du jeu qui existait entre eux. Joutes physiques s'associant toujours aux joutes verbales. Et question réparties, les deux hommes donnaient du fils à retordre à plus d'un adversaire. Le trashtalk étant une capacité innée pour ces deux lascars du Rukongai.

- C'pas avec ton cure-dent que tu vas couper quoi que ce soit. Puis t'abimerais ta lame sur l'engin, crois-moi.

Poussant sur ses jambes pour donner une impulsion à sa propre réplique, Shinjiro attrapa rapidement avec sa main libre une des autres encoches de son arme, abattant des deux mains la pointe de Kaimetsu en direction de son ami. Comme s'il souhaitait enfoncer un simple clou dans le sol. Un mouvement basique pour Kenshirō qui n'aurait aucun mal à gérer la situation. La question, quant à elle, ne fut pas une surprise le concernant. Il se posait la même question à dire vrai. Il se recula de deux pas.

- J'sais pas trop ! Mais j'déteste le sentiment que j'ai ressenti en les voyant. J'pouvais penser à rien d'autre. C'était perturbant.

Même en se reculant, il gardait une allonge suffisante. Il fit alors baisser son centre de gravité, lâchant la seconde poignée pour balancer son arme en la tenant par son extrémité, afin de faucher les jambes de son ami du plat de la lame. Aucune coupure s'il se faisait toucher. Ce n'était pas le but de la manœuvre.

- Ils ont joués avec nous...

On sentait la colère de l'Argenté.

« Tiens, y a de l’ombre ». Et ouais, c’est Kaimetsu qui se lève mon pote. Ça veut dire qu’il est temps de pousser sur ses petites jambes pour s’écarter d’un mètre ou deux. Instinctivement assez en tout cas pour que l’imposante lame du gars de la Onzième vienne s’enfoncer dans le sol entre ses pieds plutôt que de lui faire une raie au milieu, du genre plutôt définitive. Pas de grandes cabrioles, pas de contre-attaque vicieuse, sa vitesse légendaire n’avait qu’à peine été mise à profit. Pour dire à quel point ça le minait cette histoire en vrai. Si bien qu’alors que Shinjiro commençait à parler de sa propre expérience, Kenshirō perdit un peu de sa concentration et fut fauché par la prochaine manœuvre. Rien de grave heureusement, et dos au sol il proteste à peine.

- Peuh ! Quelqu’un a joué avec mes couilles et c’était pas moi. Tu parles que ça m’chatouille un brin. Les petites bestioles… c’était du fun presque. On les a plié en deux-deux. Mais quand les autres sont sortis d’leur trou… C’était d’la trouille. À l’état pur. J’avais jamais rien ressenti de pareil. Un peu d’peur parfois, c’est bon, ça galvanise, ça prouve que t’es vivant et pas totalement con. Tant qu’il y a un truc qui tourne à peu près entre tes deux oreilles, c’est normal à certains moments quoi. Mais là… y a rien de bon à tirer de ça.

Le Kyōken plante sa lame dans le sol, assez vivement pour y prendre appui et ainsi se redresser.

- On était des expérimentations. Et nous on a tremblé comme des p’tites putes. Genre, on a eu peur d’eux, mais pour eux on n’était rien. Ça peut vouloir dire qu’une chose ça mon pote : on n’est pas encore assez fort. Et qu’est-ce qu’il nous reste à faire alors ?

Son sourire se marque à nouveau, léger, un peu forcé, mais suffisant pour induire parfaitement ce qu’il avait en tête.

- Y a plus qu’à bosser et devenir meilleurs ! Mais ça on le fait déjà. Alors j’me dis un autre truc… si on s’y met très fort tous les deux en même temps, j’pense qu’y a pas grand-chose qu’on peut pas déboîter ! Y a qu’à trouver comment le faire pour faire le plus mal possible, sans nous entre-tuer ! Pas con hein ?

On peut appeler ça un plan, non ?

Avoir peur était logique pour un soldat et Shinjiro n'était pas assez con pour dire le contraire. Il en avait connu des bonhommes qui jouaient les "imperturbables" au combat. Ils ne faisaient jamais long feu. Car ce sentiment permettait de voir les choses avec recul. Il ne fallait évidemment pas se faire dominer par cette dernière. Pour autant, cette dernière rencontre avait dépassé de loin ce qu'il avait déjà ressenti par le passé.

Terreur aurait été plus juste. Et impossible à dominer, ce qui était sans nulle doute le pire aux yeux du géant. Et de son ami. Sur ce point précis, ils se retrouvaient sur la même longueur d'onde. Ils n'avaient pas été assez forts. Et ce constat, implacable, logique, minait clairement le géant.

Alors que son pote se redressait, complétant sa propre réflexion, Shinjiro plaça sa lame sur son épaule. Frapper très fort, de manière coordonnée. A la réflexion, il n'avait pas tort. Qu'est-ce qui pourrait réellement résister à une action commune, s'ils s'y mettaient réellement ?

- 'Tain, tu sais qu'c'est pas si con ce que tu viens d'dire ?

Très souvent, on prenait ces deux là pour des idiots, oubliant bien souvent qu'ils étaient plus que cela. Des guerriers nés. Des génies du combat, pouvait-on dire. Deux façons différentes de voir les choses lorsqu'ils affrontaient leurs adversaires mais une rage commune. S'associer ? Oui. Mais comment...

- En mode Shikai ? Bankai ?

Quitte à frapper fort, restait à savoir sous quel mode. Shinjiro et Kyōken ne combattaient pas exactement de la même manière. Pour l'un, le Bankai était un apport offensif conséquent. Les lames pleuvaient. Les adversaires tombaient. Pour le second, le Bankai était plutôt un soutien défensif. Les billes de métal écrasaient, trouaient. A eux deux, ils pouvaient remplir l'espace de combat d'armes mortelles en quelques instants.

- Parce qu'en associant nos deux pouvoirs, y'a moyen de faire du sale très vite.

D'un geste, lui aussi planta finalement sa lame dans le sol, laissant cette dernière s'enfoncer quelque peu. Bras croisé, le colosse semblait réfléchir. L'idée était de frapper fort. Mais à quel moment ? Pour achever l'adversaire ? Ou au départ, pour le mettre à mal au plus vite ? Les deux idées se tenaient. Le colosse se souvenait de ces maudites créatures. La donne aurait-elle été différente avec cette technique qu'ils se devaient de créer ?