Difficile de ne pas se rendre compte que l’un comme l’autre a l’esprit ailleurs ou en tout cas pas vraiment à la partie. A quoi est occupé le sien, elle aimerait bien le savoir, pouvoir lire dans ses pensées, connaître les sujets qui le préoccupent. Pense t’il à elle un peu parfois ? Pas en ce moment certainement. Avec tout ce qu’ils ont vécu dernièrement ce serait normal. Elle aussi se triture les méninge pour essayer de comprendre ce qu’il se cache derrière cette attaque. C’est d’ailleurs de ce fameux mariage qu’il parle en premier. Sa question, elle s’en souvient très bien, aussi elle opine doucement de la tête. Délicatement, elle vient replacer derrière l’oreille une mèche blanche qui s’était fait la belle à son geste. Ce sujet lui occupe l’esprit majoritairement. Il s’est passé tellement de choses… Pas que mauvaises d’ailleurs. De plus, chaque fois que leurs doigts se frôlent, elle rougit et son coeur s’emballe. Pour autant, elle ne sait pas comment réagir. Devrait-elle dire quelque chose, ou faire quelque chose ? Elle ne sait pas. On ne lui a pas appris et elle n’a pas eu d’exemple auquel elle pourrait se raccrocher. De toute façon elle ne peut pas se permettre d’avoir un geste déplacé. Imaginons qu’elle se fasse des films toute seule, ce serait trop honteux. Pour l’heure, c’est à une pluie de questions qu’elle doit répondre.
« Rien ne s’est passé comme je l’avais prévu en effet. Je vous dois d’ailleurs plus amples explications à ce sujet. Lors d’une réunion secrète, nous avons rencontré Yamashita Tsubasa. »
Elle ne précise pas à qui fait référence ce « nous » persuadée qu’il saurait faire le lien et surtout la liste de ses collègues impliqués dans cette sale affaire d’enlèvements et d’assassinat d’un noble notable.
« C’est à cette occasion que nous avons été informés du mariage entre Kamiyama Sakura et Shimura Masaru . Nous avons également appris que Seijuro se cherchait également une compagne. Il a été éconduit par votre cousine d’ailleurs. »
Pas que cela soit d’une importance capitale, mais elle avait envie de relever ce fait, ne se souvenant plus si elle en avait déjà fait mention ou pas. Il n’y a aucune jalousie de sa part dans le fait que Seijuro soit allé faire aumône à Fumiko. Mais puisque cela concerne les Ogasawara, c’est toujours bon à savoir. Heureusement d’ailleurs que cette famille n’est pas associée à la sienne. Si ses doutes envers l’intégrité du Kamiyama s’avère exact, cela jetterait opprobre sur la famille de son protégé. Autant l’éviter.
« Cela dit, je ne vois pas qui trouverai grâce à ses yeux. Peut-être devrait-elle songer à épouser son reflet dans le miroir. »
C’est gratuit, mais elle n’a toujours pas digéré cette façon qu’elle avait eu de la rabaisser lors de la soirée. Et puis peut-être que Koga y trouverait quelconque amusement à cette pensée. Cette aparté terminée, elle en revient au sujet principal.
« Vis à vis de Seijuro, étant donné qu’il est notre principal suspect, si ce n’est le seul, j’ai réfléchi à un moyen de trouver des preuves contre lui. Étant à la recherche d’une épouse, il m’est apparu opportun de proposer que Tomoe-san se rapproche de lui, le séduise afin de devenir sa fiancée et de gagner sa confiance. Par après elle aurait pu obtenir des informations, enquêter ou trouver des documents compromettants avec un peu de chance. »
Tomoe Nozomi, pas elle à la base, voilà l’idée qui était lancée. En tant qu’héritière d’une famille de haute noblesse, il était apparu à la petite – pas si petite – Akemi qu’elle ferait une candidate parfaite. Mais c’était sans prendre en compte d’autres éléments que sa discussion avec la principale intéressée aurait soulevés.
« Peu avant le mariage, elle est venue me voir afin de rediscuter de ce projet d’infiltration. Étant mise en examen depuis cette affaire de meurtre, elle a justement fait remarquer que cela paraîtrait trop suspect si c’était elle qui tentait une approche vers le Kamiyama. Elle a suggéré que ce soit moi qui accomplisse cette mission. Mon implication étant moindre… Et je… J’ai accepté. Je voulais tellement me rendre utile. J’ai l’impression de n’être qu’une spectatrice dans cette histoire et de tout subir sans pouvoir faire quoi que ce soit. »
Elle a cessé de jouer depuis quelques minutes déjà, trop occupée à se ressasser ces derniers événements. Pourquoi cela a mal tourné, comment, et qu’aurait-elle pu faire pour y remédié. Il est trop tard évidemment et elle n’a plus qu’à réfléchir à quoi faire à présent.
« J’aurai du prendre le temps de venir tout vous expliquer plus tôt. Je le regrette vraiment. »
Elle soupire.
« Je voulais simplement passer une bonne soirée avec vous. Au lieu de cela, tout n’a été que… un grand n’importe quoi. Quelque part, je suis soulagée de ne pas avoir à jouer la comédie plus longtemps. Que cette mission officieuse ait été un échec. Je souhaite contribuer à le faire payer pour ses manigances, mais pas au prix de ma dignité et de ma liberté. Maintenant que j’y pense, cela aurait pu aller bien trop loin. Vous… Vous pensiez vraiment que je m’intéressais sincèrement à lui ? »
La belle agite la main comme pour chasser une mouche, sauf que c’est cette absurdité qu’elle chasse en réalité.
« Même après ce qu’il s’est passé, je suis toujours convaincue qu’il est coupable. J’ai bien ma théorie à ce sujet… Et si je me trompe, je ne l’intéresse pas, il ne m’intéresse pas non plus, affaire classée. »
Attrapant sa tasse, elle la porte à ses lèvres et en boit quelques gorgées. Parler autant dessèche la gorge. Et encore, elle aurait tellement plus à dire, d’autres réponses à donner. Mais elle s’est un peu perdue en chemin et a oublié les questions qui lui ont été posées à l’origine. A-t-elle balayé toutes ses interrogations ? Probablement qu’elle en a soulevé d’autres.
« Aurai-je vraiment le choix ? »
Se demande-t-elle, pensive, à voix basse. Alors qu’elle contemple le plateau de jeu et déplace finalement une pièce.
« Vous en revanche, vous savez très bien vous défendre par vous même. Je n’ai pas eu besoin d’intervenir pour vous. Avez-vous réellement besoin de moi pour vous protéger ? »
Repos - Full