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Naoki Shiori

Données Spirituelles
Grade: Vice-Capitaine de la 2ème Division
Dim 11 Sep 2022 - 1:18 - Je suis toi


Un sifflement me transperce. Ce faisant, je ressens les innombrables couches qui me couvrent et m’étouffent. Emmitouflée dans la fourrure de ces manteaux, je me surprends toujours à éprouver une sensation si glaciale. Aussi, je lève la main sous le voile de ce tabou qui m’enveloppe. Et si je me découvrais, que se passerait-il ? Cette pensée, jusqu’à maintenant, me terrorisait. Pendant de longues années, je me suis protégée. J’entendais le bourdonnement de cette distraction que je prêtais à la saturation des idées. Au centre de mon être, j’avais l’intuition d’une peur qui pouvait bien me faire tomber irrémédiablement dans l’abysse si je la regardais dans les yeux.

Seulement, pour vivre, il me faut reprendre une inspiration, ne serait-ce qu’une fois de plus. Après tout, je le ressens, mon souffle porte à son terme. Et si je ne stabilise pas ma respiration, je le sais, je m’effondrerai. C’est là ce que vient me susurrer ce bourdonnement perçant.

Alors, j’enlève une à une les couches de mon identité. Je les sors de moi-même à l’instar d’étrangères malveillantes.

Tu es la Vice-Capitaine. Tu es l’administratrice. Tu es la donneuse d’ordre. Tu es l’interrogatrice. Tu es la subordonnée. Tu es la soldate. Tu es la shinigami. Tu es la manieuse qui craint son propre sabre. Tu es la couarde. Tu es celle qui s’efface. Tu es celle qui réconfortes comme si tu priais de l’être toi-même. Or, tu disparais sitôt que la lumière t’éclaire, fuyante. Mais que fuis-tu si désespérément ?

Pour le savoir, il te faut sombrer plus profondément.

Tu es celle qui s’est laissée éblouir par le rêve d’un autre. Tu t’es construite sur ce que tes prunelles lumineuses ont trouvé bon de dévorer. Tu es l’orpheline. Tu es celle que la destinée a recueilli. Tu t’es réfugiée dans un nid douillet duquel tu as profité de la mélodie passionnée d’un être aimant. Tu es la sœur. Du moins, pensais-tu l’être auprès de ce garçon qui fit disparaître de ton expérience cette faim lancinante. Avant même de le réaliser, tu étais devenue l’amoureuse silencieuse. Tu étais cette jeune femme muette qui ne sut jamais exprimer ce qui venait peser sur son cœur. Tu étais cette joueuse qui se plaisait dans ces défis d’escrime, pauvrement armée d’un bâton de bois. Tu étais cette songeuse dont le regard transformait la réalité de scènes merveilleuses uniquement perceptible à toi-même ainsi que ton partenaire. Tu étais cette énergie discrète qui donnait à ceux que tu aimais leur force.

Qu’est-ce qui a changé pour que tu souffres autant ?

Je ne veux pas… Arrivée à cette profondeur, des fourmillements viennent saisir mes mains tremblantes. Je me relève de ma posture méditative, maladroite et désorientée. Une expression de panique sur mes traits, je perds la notion de mon environnement. Où suis-je ? Je ne reconnais pas cette terre. Je ne reconnais pas ces arbres. Je ne reconnais pas ce ciel. Où suis-je ? Je ne vois rien. Où…

– Où es-tu ?

Brusquement, je me fige à l’instant où ces mots fébriles s’échappent inconsciemment de mes lèvres. Ce faisant, le sifflement qui me prit dans la tête s’en alla pour s’intensifier au point d’enterrer le moindre autre son de mon esprit. Ne restait que ce silence. La froideur ne m’avait pas quittée. Au contraire, il s’était intensifié. Étais-je donc si glacée sous les nombreuses couvertures dont je doutais qu’ils me réchauffaient ?

– Où es-tu…

Une nouvelle fois, les mots s’évaporent d’eux-mêmes, ne mettant que plus en perspective une solitude devenue évidente. Toutes ces couches artificielles… Celles-là seulement se sont attachées à qui je côtoyais depuis le jour où j’étais sortie de cette prison. L’académie. La deuxième division. Pourquoi possédais-je ce sentiment que je ne me trouvais dans aucune de ces rencontres qui pourtant constituaient à présent mon existence ?

Ces attaches… n’avaient-elles fait que glisser sur mon entourage ?
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Naoki Shiori

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Naoki Shiori

Données Spirituelles
Grade: Vice-Capitaine de la 2ème Division
Mar 13 Sep 2022 - 1:21 - Je suis toi


Alors que j’éprouvais de plein fouet ce sentiment de manque, la mélodie de cordes pincées vint attirer mon attention dans la lisière de la forêt. Ce faisant, ma lucidité se ranimait de la prise de conscience que j’avais engagé ma méditation dans un district reculé du Rukongai. Prêtant l’oreille à cette mélopée lointaine qui traduisait une forme de mélancolie pesante, je crus dans un temps éphémère discerner une silhouette dans la pénombre des arbres. L’observant s’évanouir dans l’obscurité, je prenais sur moi de rompre l’engourdissement de mes pensées pour tenter de le rattraper.

Dans ma course, mes prunelles balançaient vivement au sein de l’environnement, leurrée par les mirages que le mouvement des feuilles jetait sur mon imagination. Bientôt, je sentis que ma respiration s’accélérait sous la pression d’une adrénaline qu’accentuait le flot d’émotions que je tentais désespérément de rejeter hors de moi. Pour cette raison, la fatigue eut tôt fait de m’arrêter à un endroit infusé d’une perdition familière. Dans la parenthèse d’un silence, le son d’une corde fit de nouveau vibrer l’atmosphère à la renaissance de ce sifflement dans ma tête.

– Tu es toujours somnambule, Shiori ?

Un homme à la longue et douce chevelure de jais, le visage délicat et le kimono élégant tout en entretenant une forme d’humilité. Cette apparence pourtant paisible suscita dans mon échine un frisson glacial. Et pour cause, cet homme, je ne le connaissais que trop bien pour la sinistre conclusion qu’il m’avait laissé la dernière fois que je m’étais investie à son service.

– … Takeuchi-sama ?

Ma stupeur vit sortir de ma mémoire des images fugaces à la source du dérèglement du calme qui me définissait d’accoutumée. Sous le coup de l’instinct, je dégainais mon sabre que je ne sortais jamais d’ordinaire. Le pointant vers cet homme que j’avais porté dans mon cœur comme un père, j’incantais un vœu meurtrier.

– Joue… Miyatsuki.

Seulement, à cette libération, rien ne se passa si ce n’était la virulence intensifiée de ce bruit strident qui inspirait à mes sens des débuts de vertiges. Nauséeuse, je faisais tomber un genou au sol et levait la main vers la bouche. Dans cet instant de faiblesse, une main venait se poser sur mon épaule, celle de cet homme.

– Tu dois te ménager. Comment veux-tu aller mieux autrement ?

Cette parole empathique et prévenante eut l’effet d’un poison foudroyant sur ma raison. Il jouait de manière incisive sur la sensibilité contradictoire qu’il m’inspirait, partagée entre haine et amour. De ces attachements tragiques à la source de la déprédation de mon âme. Serrant les dents ainsi que le manche de mon Zanpakutoh muet, un bouillonnement dans mon ventre amorcerait un geste enragé qui me forçait à le pourfendre de toutes mes forces, faisant fi de toute élégance à la faveur d’un geste qui rappelait la sauvagerie ayant pu me définir à ce moment là. Cependant, je sentis bien que je tranchais dans le vent. Chassant ma proie des yeux, je le trouvais dans mon angle mort, à quelques mètres de moi, le visage paisible.

Tandis que nos regards se rencontrèrent, un profond sentiment de désarroi me prenait à la gorge et m’empêchait de faire sortir le moindre mot de mes lèvres. Moi qui pensais naïvement ne pas le maudire… vouloir simplement qu’il m’explique… Pourquoi alors étais-je si férocement aveuglée par cette pulsion destructrice qui voulait me voir lui trancher le cou ? Les prunelles tremblantes, mon champ de vision se troublait au picotement des joues et à la montée des larmes. Le visage défiguré par une souffrance sourde, ce qui faisait la déchéance de ma dignité ne prenait que plus d’écho devant la grâce bienveillante qu’il me renvoyait. Même après tout ça… je me prenais de la pensée qu’il ne pouvait être le coupable de cette monstruosité que les faits rendaient pourtant indiscutables.

– Si tu veux me comprendre, Shiori, tu dois commencer par accepter de regarder dans les yeux ce qui t’a tuée.
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Naoki Shiori

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Naoki Shiori

Données Spirituelles
Grade: Vice-Capitaine de la 2ème Division
Mer 14 Sep 2022 - 1:22 - Je suis toi


À ces mots, j’entendais le couvert de l’instrument changer sa musicalité vers une empreinte qui s’inscrivait plus profondément en moi. La silhouette de Takeuchi s’évanouit comme il était apparu, m’évoquant la fumée évanescente des rêveries profondes. Et de tels songent me conduisirent à momentanément réaliser quels changements avaient opéré dans mon environnement. En lieu et place d’une forêt inhospitalière, je me trouvais à présent dans le ventre de la terre. Quelques bougies éclairaient faiblement ce qui m’apparaissait comme une cavité souterraine.

Une odeur ferreuse précéda l’observation des cadavres qui jonchaient le parterre minéral. Une scène si profondément incrustée dans ma mémoire que l’abattement se superposa à l’effroi. Baissant les prunelles, je vis qu’un bâton de bois reposait au sol. Un moment figée, je subissais les réminiscences que cet objet m’inspirait pour finalement prendre le parti de m’abaisser et le saisir entre mes mains.

– Je suis là.

Fermant les paupières, un vacillement venait faire vaciller mon expression. Il me fallut quelques secondes pour me relever et contempler quelle vision cruelle l’ont m’imposait. Un homme qui me tenait en garde avec son sabre. Un homme qui ne me montrait aucune haine malgré sa posture meurtrière. Un homme que j’avais aimé.

– Naoki… C’est vraiment toi ?

Paisible, il me répondait d’un sourire qui ne pouvait être celui d’un imposteur. Je le connaissais trop pour cela. Aussi, fébrilement, je lui faisais face. Cet instant… comment s’était-il joué, exactement ? Depuis ce jour, je m’étais toujours refusée à rejouer cette mélodie symbiotique que nous avions partagé. D’une inspiration, je commençais à comprendre ce que l’autrice de cette pièce de théâtre attendait de moi. Pour cette raison, je me tins en garde à mon tour. Et dans cette détermination tragique, le bois de mon épée se changea en métal.

– Je vois que tu es fin prête, j’arrive.

Alors qu’il s’avançait pour m’affronter dans un duel que je savais mortel, je me rappelais que durant toutes ces années, il avait été le fantôme que je recherchais tout ce temps. Ce pourquoi, en dépit de la tristesse qui me consumait l’âme, j’éprouvais une joie coupable à le retrouver. Dans nos passades, je me remémorais de ce que j’avais perdu. Il avait toujours possédé cette nature capable de transformer le silence en une discussion dont l’écho résonnait dans mon cœur avec une substance plus réelle que la matérialité de nos mouvements.

Chaque geste, chaque expression, chaque regard renvoyaient au récit qui nous avait lié depuis notre enfance. La première fois, je me rappelais quelles rêveries m’avaient permise de fuir une réalité si destructrice à mes fondations. Cette seconde fois, je découvrais l’envers de ses artifices. Chaque petite victoire dans cette confrontation jetait sur nos corps des blessures qui ne se refermeraient jamais pour l’un de nous deux. Nous ne jouions plus. Amusé de remarquer que cette fois, je n’étais pas dupe à son jeu de prestidigitateur, Naoki me faisait l’offrande de paroles qui m'avaient si longtemps manqué.

– Sais-tu pourquoi je te dis cette fois là que je gagnais ?

S’il ne trouvait pas d’écho à son interrogation, il me connaissait suffisamment pour deviner la pensée qui me saisit à cet instant dans l’ombre de ma concentration martiale.

– La destinée voulut que le vainqueur soit le réel perdant. Si je te tuais, alors je mourrais dans le même temps. Puisque tu m’as tué, j’ai survécu.

Tandis que je sentais la fin approcher, les larmes venaient s’écouler sur mes joues. Dans nos enchaînements, je savais quelle ouverture allait s’offrir à moi. La première fois, je n’en pris pas conscience et me laissait submerger par la tombée sinistre de ce voile d’espérance. Cette seconde fois, je la vis se dessiner distinctement devant moi. Dans cette ouverture, deux choix s’ouvraient à moi. De choix, je saisis celle où je serai la perdante. Aussi, éprouvais-je la sensation oubliée de cette lame traversant brusquement la chair de l’homme que j’aimais. Une double peine, mais au moins, étais-je récompensée d’une plus juste appréciation de cet adieu qu’il m’avait offert dans l’étreinte chaleureuse d’un corps condamné à une éternelle froideur.

– Je ne voulais pas te voir perdre...
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Naoki Shiori

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Naoki Shiori

Données Spirituelles
Grade: Vice-Capitaine de la 2ème Division
Jeu 15 Sep 2022 - 0:03 - Je suis toi


Bientôt, je sentais le poids de Naoki s’évanouir de mon être. À cet instant, je mourrais une seconde fois. Du moins, le pensais-je. Mais un quelque chose de chaleureux vint cette fois accompagner ces adieux. Doucement, le vent vint décomposer le corps de mon compagnon en un essaim de feuilles automnales, jetant sur ma chair une fraîcheur extérieure qui m’inspira l’impression de s’échapper de mon âme. Quant à l’environnement de cette grotte, il se mua à la faveur de cette forêt d’où je venais. Ou plutôt, non… Je découvrais une place de laquelle la terre avait été retournée pour m’évoquer des tombes dont le nombre me faisait deviner l’identité des âmes y reposant.

Entre mes mains, mon épée avait retrouvé l’apparence de ce bâton de bois qui cristallisait en lui les ruines de mon passé. Quant à cette musique, elle changeait à nouveau pour un ton d’une mélancolie d’une autre saveur à celle que j’avais goûté en engageant cette cérémonie que j’avais cru dans un premier temps seulement cruelle. Cependant, si d’aventure cela avait été si simple, je ne sentirais pas ces couches abandonnées de mon identité me réchauffer à nouveau. Progressivement, je les redécouvrais comme des manteaux dont je n’interrogeais plus les bienfaits. À la différence de quand je les avais ôtées, je discernais l’authenticité de chacune d’elles.

Je ne courrais plus vers l’épuisement. Dans cette pause éphémère, je me reposais au sol, devant une motte de terre qui m’inspirait une singularité ineffable. Je le sentais. Celui dont j’avais perdu la trace tenait dans un sommeil que je savais désormais paisible. Ou plutôt, son héritage s’était déporté de telle manière à continuer de m’accompagner aujourd’hui dans mes scènes de vie. Par le concours de mes expériences, je lui permettais de s’approcher chaque fois un peu plus de son rêve. Vice-Capitaine, hein ?

Sur mon visage s’esquissa un sourire triste mais paisible. Paisible, car je savais à présent qu’il était le réel vainqueur. Dans une prière, je lui vouais la plus sincère marque de reconnaissance. Ainsi, un vœu était formulé à l’attention d’un unique témoin.

– Je suis toi.

La parole rare, ces quelques mots suffisaient à capturer le fond des sentiments que je te portais. De longues minutes immobile, je finis par m’avancer plus près et ce faisant, je plantais sur ta tombe le bâton de bois que j’avais gardé à l’instar de l’arbre que tu avais singé si souvent près de cet étang.

– Naoki, tu sus toujours faire vivre ta pensée au-delà du visible. Merci. Adieu.

Deux ultimes mots qui pouvaient paraître bien avares à un spectateur. Seulement, toi-même, tu les entendais, n’est-ce-pas ? Les pensées riches d’une vie qui donnait tout leur poids. Plusieurs fois, j’entendis quelles relations conflictuelles les shinigamis pouvaient partager avec leur Zanpakutoh. Mais toi, Miyatsuki, tu ne pouvais suivre de voie si affirmée pour incarner l’ombre de mon esprit. Effacée de ton propre rituel, tu m’avais fait le cadeau de me sortir de la posture de spectatrice qui m’avait scellée dans des tourments enfouis que je ne pouvais partager à personne.

Malgré tout, même toi, tu ne pouvais accomplir de miracle. Si de telles blessures pouvaient disparaître si facilement, alors le monde ne serait pas si hideux. Seulement, dans la parenthèse d’un rituel, tu m’avais fait pincer l’instant comme tu le faisais avec les cordes de ton instrument. De cette manière, je me prenais du privilège de mêler les couches de mon identité aux saignements de mes tourments. Et de saignements, j’en trouvais dans l’écoulement de larmes bien chaleureuses devant la froideur de ce paysage autant tragique que magnifique.

La conclusion du deuil s'habillait ainsi.
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Naoki Shiori

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