Briser la glace

Postée à l’entrée du Palais de l’Hybris, adossée contre le mur, bras croisés sur la poitrine, la Grue patiente, scrutant l’horizon de son regard d’acier. Puisque l’on n’a pas su lui dire où chercher et qu’elle n’a rien de plus pressant à faire, elle s’est installée là où elle ne risque pas de manquer l’arrivée de celui qu’elle attend. Il n’est pas courant que ce soit elle qui cherche à provoquer une discussion. Plutôt solitaire, elle se complaît dans le silence, la méditation et ses voyages. Mais elle n’est pas asociale pour autant et apprécie les échanges intéressants qu’elle peut avoir avec des êtres supérieurs comme elle, capables d’une capacité de réflexion plus avancée.

Jusqu’alors, elle n’avait pas ressenti le besoin de s’adresser au Primera Espada. Mais ses récentes réflexions l’on menée à reconsidérer ce fait. Une inquiétude, des interrogations et la prise de conscience de certaines choses ont fait pencher la balance. Des raisons égoïstes pour la plupart, mais ne le sont-ils pas tous ici à la Cámara ? Les Arrancar n’agissent que pour eux-mêmes, se servent les uns des autres lorsque cela leur permet d’assouvir leurs desseins. Les ambitions des uns rivalisent avec les ambitions des autres. Par chance, certaines peuvent au contraire se compléter et Asteria croit que cela peut être son cas avec celles de Borick.

Son attente finit par être récompensée lorsque la crinière blonde entre enfin dans son champ de vision. Civilisée, elle ne saute pas sur sa « proie ». Immobile, elle patiente jusqu’à ce qu’il soit à sa hauteur, ce qui arrive plutôt rapidement. Heureusement que l’on ne se traîne pas lentement comme des humains ici-bas.

- Primera ? Je vous attendais. Permettez que nous discutions quelques instants ? Je m’appelle Asteria Grey. Je vous sais très occupé et loin de moi l’idée de perturber vos plans, bien au contraire… Ailleurs peut-être ?

Papoter à l’entrée du Palais ne lui semble pas très approprié, mais elle s’adaptera à ce qu’il décidera. La Givrée ne laisse rien paraître au-delà de ses propos respectueux. Pas d’animosité, pas de chaleur non plus, juste la beauté glaciale qu’elle incarne à la perfection.

Il était heureux. Heureux de voir ses projets prendre enfin corps et âme. Cela prendrait le temps qu'il fallait mais il n'était pas impatient, loin de là. Après tout, c'était un travail de longue haleine que d'obtenir ce qu'on voulait au sein d'une civilisation aussi ancienne que la leur. Les Arrancars, les Hollow. Leur espérance de vie n'avait rien à voir avec celle de ces frêles humains. Tout prenait forcément plus de temps et les changements n'étaient ni aussi soudain, ni éphémère.

Son but premier était simple. Faire accuser les humains des dysfonctionnements que le Hueco Mundo connaissait depuis quelques temps. Mettre sur leur dos le fait que les gillians se mettaient à attaquer sans raison aucune les autres Arrancars, les infrastructures Hollow. Certes, ces attaques étaient de son fait. Mais personne ne connaissait son pouvoir, celui qui lui permettait d'imposer sa volonté à ces créatures faibles. En dehors de Farasha. Et il en profitait.

Perdu dans ses pensées, la voix sortit l'Immaculé de sa torpeur. Son regard se posa sur la femme qui se tenait là, à l'attendre visiblement. Il lui adressait déjà un petit sourire, l'observant quelque peu. Il n'avait jamais échangé avec elle jusque là, c'était une certitude. Remettant en place de la main l'une de ses mèches blondes qui étaient tombées devant les yeux, il répondit de façon parfaitement naturelle :

- Tu ne perturbes en rien mes plans, Asteria, et c'est même avec grand plaisir que je prendrais le temps de discuter avec toi. Suis-moi, je connais un endroit parfait pour cela.

D'un geste du bras, il invitait la jeune femme à le suivre, la devançant de quelques pas pour l'emmener dans la pièce concernée. Un endroit avec un bel ameublement, de magnifiques fauteuils confortables, richement décoré. Il fit signe d'ailleurs à Asteria de s'installer alors qu'il reprenait la parole.

- Je suis navré de ne pas avoir encore pris le temps d'échanger avec toi jusqu'à maintenant. Alors de quoi souhaites-tu me parler, très chère ?

Elle ne dégageait aucune émotion particulière, ce qui était assez notable au sein de cet endroit. La jalousie, la colère, l'envie, l'ambition. Voici des émotions que l'Empereur ressentait souvent chez les autres. Mais pas là. Cela l'intriguait. Lui même était posé, tranquille, sans attente particulière. Juste prit par le plaisir d'échanger et de comprendre ce qu'elle désirait.

Un moment simple, en réalité.

Posé, paisible, un peu comme elle finalement, c’est ce qu’elle note à première vue maintenant qu’elle le voit de plus près. Il a cette prestance que la majorité des Arrancar ont. Ceux de la Cámara en tout cas. C’est ici que leurs similitudes commencent, nous verrons bien après où s’arrêtent-elles. Par chance, il se montre disponible tout de suite. Attendre encore n’aurait pas dérangé la Grue, après tout ici les minutes et les heures ne sont rien quand on a déjà vécu quelques siècles.

Sans ajouter un mot, elle le suit docilement dans une sorte de salon. C’est joliment aménagé, un peu comme partout dans le Palais à vrai dire, à quelques différences de style près suivant qui s’approprie la pièce. À l’invitation, elle s’installe sur le fauteuil désigné et elle l’observe tout en se posant de nombreuses questions à son sujet. La curiosité, toujours, éveille son intérêt, le plus dur par la suite étant de la garder captivée. Mais de la part d’un être tel que le Primera, elle ne se fait pas d’inquiétude, de toute façon, c’est elle qui a demandé à lui parler. Directe, elle ne compte pas y aller par quatre chemins. L’Argentée n’aime pas perdre du temps, même si elle en a à revendre, le gaspiller n’est pas dans ses habitudes.

- Merci. Jusqu’à présent, j’ai vécu tranquillement, profitant du calme et de la paix dans notre monde pour faire ce que bon me semble. Je tiens à ce que cela ne change pas, ou du moins à ne pas avoir à craindre pour ma vie à chaque instant.

Tel est son seul but, qu’elle ne cache pas. Et pour garantir cette sécurité et cette tranquillité, elle a au moins besoin de réponses. S’il le faut, elle n’hésitera pas à sortir de l’ombre également. Mais cela, c’est pour plus tard.

- Cependant, depuis quelque temps, je nourris des inquiétudes sur la pérennité de notre alliance et notre souveraineté. Peut-être infondées, mais soit. Il vaut mieux trop de prudence que pas assez de son propre avis. Que penses-tu de la situation actuelle ?

Ainsi appartenait-elle à ceux qui souhaitaient vivre en paix et qui se donnaient donc les moyens de parvenir à ce résultat. Pas une guerrière à proprement parler, du moins de prime abord. Qu'importe la nature du Hollow ou de l'Arrancar, ils étaient tous dangereux d'une manière ou d'une autre. Après entrait en ligne de compte le caractère et les ambitions de chacun. Et la Primera était aussi là pour comprendre et analyser ceux qu'il rencontrait. Ne serait-ce que pour savoir si, un jour ou l'autre, il aurait à les compter comme des ennemis potentiels.

Il était donc normal qu'elle puisse s'intéresser et s'interroger sur la situation actuelle. Il eut un sourire alors qu'elle terminait sa phrase. Elle s'était montrée franche, posant la question sans la moindre hésitation, et il devait admettre qu'il appréciait cela. L'Argentée face à lui était une belle femme. Et forte, à n'en point douter. Car ne pas se laisser déstabiliser par la présence de l'Immaculé n'était pas donné à tout le monde.

- C'est un but louable que tu as. Et je comprends les inquiétudes qui sont les tiennes. En un sens, je partage ton sentiment.

En partie. Les événements qui s'étaient déroulés au coeur même du Monde Creux avaient poussés l'Empereur à sortir de son domaine, à participer à ce spectacle qu'il n'appréciait que très peu pour devenir Espada, afin de comprendre et d'avoir du poids dans les événements à venir. Sans doute serait-il resté à l'abri si les choses n'avaient pas pris cette tournure par le passé.

- Je pense qu'une telle alliance peut avoir un effet positif seulement à court terme. Et que les pulsions des uns et des autres vont peu à peu prendre le dessus pour, fatalement, briser certains tabous. Cela est le cas pour les grands clans du Monde Creux comme de l'alliance avec ces humains d'ailleurs.

A ses yeux, tout était lié. Et c'était aussi pour cette raison qu'il avait commencé par déclencher sa propre opération. Les attaques de hollow isolés commençaient à se multiplier. Mais il avait aussi envoyé une petite escadrille sur Terre. Afin de faire des dégâts, de commencer à placer ses propres pions.

- La Cámara est mal perçue par la plupart des autres clans. E je ne peux pas leur en vouloir réellement. Certains des nôtres affichent une telle suffisance que même moi, parfois, cela m'agace. Mais les plus hostiles de tous, ce sont ceux de Las Manadas. Il faut dire que certains de leurs plus puissants membres appartiennent eux aussi à l'Espada. Cela donnerait des ailes au plus insignifiant des insectes, si tu me passes l'expression.

Il l'observait, cherchant à déceler une émotion derrière ce masque de froideur qu'elle semblait porter plus par habitude que par envie. Si elle était comme lui, alors cela signifiait qu'elle avait passé de très nombreuses années, siècle, en solitaire. Cela n'aidait pas dans les relations avec les autres.

- Mais pour que des doutes t'assaillent de la sorte, il a du se passer quelque chose non ? Je serai curieux de savoir ce que tu penses réellement de l'Acuerdo, finalement.

S'il était l'un des outils utilisé par l'Acuerdo pour faire respecter le pacte, il n'en restait pas moins un Arrancar ancien, capable de jugement. Et d'écoute.

Tout en l’écoutant, elle enroule une mèche soyeuse de ses cheveux autour de son index. Les pulsions des uns et des autres, les membres forts de Las Manadas qui font partie de l’Espada, en fait à travers ses propos, il répond déjà à la question qu’il lui pose à la fin. Lui non plus n’est pas aveugle sur les signes évidents des changements et chamboulements à venir. Et elle n’en attendait pas moins de celui qui se fait surnommer El Emperador. Entre observateurs, il est logique finalement de remarquer les mêmes choses et de se faire des conclusions plus ou moins similaires.

- De ce que j’observe depuis que je suis revenue, ces clans qui se sont formés ne me disent rien qui vaille. Le fait de devoir faire appel à l’Espada pour temporiser les tensions en est la preuve. Les rivalités vont finir par éclater un jour ou l’autre, cela me semble inévitable. L’Acuerdo est fragile. Je n’ai pas la prétention de savoir quoi faire cependant.

Son regard d’Argent se perd dans le vide. De son temps, c’était plus calme, moins dangereux peut-être. Différent dans tous les cas. Il suffisait de s’approprier un petit bout de territoire et d’y rester sagement pour avoir la paix. Pour elle, cela n’a pas suffi à sa survie puisqu’elle a fini par trépasser, mais en y réfléchissant, il y avait tout de même une sensation de sécurité plus importante. Ou en tout cas, moins de risque de se retrouver en pleine guerre de clan. Lui peut-être savait quoi faire, du moins elle espérait qu’il ne soit pas Primera pour rien.

- Il ne s’est rien passé de particulier, ou une broutille peut-être, mais mes doutes se sont amplifiés tout au long de ces six dernières années. La vision d’un insecte essayant de s’élever en arrachant son masque, il y a peu, a été comme un déclic. Pas le premier que je voie, mais disons que ma coupe est pleine.

Bien que quasiment impassible, son regard exprime le dégoût, le désaccord avec cette pratique qu’ils subissent régulièrement dans la grande salle du Palais. Pour elle, ces êtres insignifiants ne méritent pas l’élévation ultime. Ils doivent encore faire du chemin sur la voie de l’évolution. Mais soit, elle l’a bien compris depuis le temps que pour que le clan ne se fasse pas écraser, il leur fallait de la chair à canon pour agrandir cette « armée » que l’Ayperos se plaît à former. Pour cela et certainement d’autres raison plus obscures encore.

- Quelle est ta vision du présent et de l’avenir Primera ? Si elle me convient, je suis prête à t’apporter mon aide. En l’occurrence, il me paraît déjà nécessaire que tu conserves la place qui est la tienne. Que les plus puissants de Las Manadas ne te la dérobent pas. A moins que je me trompe ?

Jamais encore elle n’a assisté à un tournoi, ne sait pas tout à fait comment cela se déroule, comment il a obtenu sa place, comment il compte la préserver ou même s’il souhaite seulement la préserver.

Si l'Acuerdo était fragile, il ne pouvait dire le contraire, ce pacte avait tout de même eu le mérite d'éviter aux clans de se déchirer ouvertement. Ce qui aurait certainement fragilisé un peu plus les grandes puissances de ce monde. Il n'existait pas vraiment de solution parfaite de toute évidence, l'Acuerdo étant à ses yeux un pansement. Mais pendant un temps, la guerre avait cessé. Et les troupes s'étaient en partie reconstituée. Quant à l'Espada. Son rôle serait sans doute plus déterminant à l'avenir. Tout dépendrait des actions à conduire et des projets de celui qui dirigeait La Cámara.

Elle dévoilait peu à peu ce qu'elle avait en tête, les raisons l'ayant poussées aussi à se questionner de la sorte, et l'Immaculé l'écoutait religieusement. Même la partie concernant ce simple Hollow ayant cherché à arracher son masque. Il faut dire que La Cámara n'était pas des plus regardante à ce sujet, à partir du moment où les Hollow prenaient la décision d'évoluer. Une façon de faire qui déplaisait à l'Empereur mais il n'avait pas la main sur cela.

- Je partage ton dégoût, si je puis l'exprimer ainsi. Disons que pour le bien d'une cause plus grande, il faut parfois faire des sacrifices. Même si ces derniers nous déplaisent.

Ils étaient faibles et seraient les premiers éliminés en cas de conflit. Mais ils n'en avaient même pas conscience. Pour autant, il ne fallait pas mésestimer la force du nombre. Lui plus que nul autre le savait. Après tout, il s'agissait à de la base même de son propre pouvoir.

Mais alors que le sujet tombait sur l'Espada, et sur lui même, il pencha la tête légèrement sur le côté. Surpris. Amusé aussi. S'il n'était pas rare que certains viennent à lui pour essayer d'obtenir des faveurs, rares étaient ceux qui assumaient aussi ouvertement de pareils propos. La Blanche était sûre d'elle. Et il voyait déjà dans son comportement des choses intéressantes pour l'avenir.

- Tu as une vision assez juste de la situation qui est la mienne. La Primera Espada est une position précaire, dangereuse, et qui attire la convoitise. Il est évident que les Puissants de Las Manadas chercheront à un moment ou à un autre de me discréditer. Ou de tenter de me ravir cette place. Oh, je ne la céderai pas si aisément, je te le concède. Mais il est vrai que j'aurai besoin de soutien.

Et pour cela, il devait seulement la convaincre ? Non, pas seulement. Borick n'était pas là pour faire uniquement de la politique. Il avait des aspirations, des projets. Et pour cela, il se devait de préserver sa position.

- Pour répondre à tes questions, j'estime que nous sommes à la croisée des chemins. Les clans s'observent, se préparent. Certains ont placés les leurs dans l'Espada. Et l'animosité entre tous commence à se faire sentir. Seulement il ne s'agit pas là du problème le plus grand que nous ayons à affronter. Ce pacte avec les humains est une hérésie à mon sens. Ils sont protégés alors même qu'ils sont certainement la source de changements conséquents au sein de notre propre monde.

Il réajustait sa position, croisant ses doigts entre eux, observant la réaction de l'Argentée.

- S'il n'y a encore aucune réelle preuve, je ne peux m'empêcher de penser qu'ils sont la raison de l'apparition de cette Grande Cataracte. J'en ai assez de voir ces humains parcourir nos terres comme ils le font actuellement. Ou de constater que depuis plusieurs générations, des shinigamis s'estiment tellement supérieurs à nous qu'ils se servent du Monde Creux comme d'une base reculée. Il est temps pour nous de reprendre ce qui nous appartient de plein droit.

En sommes, il était temps de laisser aux Arrancars et aux Hollow le monde qui était le leur. Si les ennemis naturels disparaissaient, ou au moins étaient muselés, alors ils pourraient enfin se tourner vers leur avenir.

- Il est temps pour nos ennemis de nous craindre à nouveau.

Il avait asséner cette dernière phrase avec flegme. Et par ennemi, on pouvait y entendre humain, shinigami. Mais pas seulement...

Faire des sacrifices, cela elle l’entend bien. Et s’il le faut alors ainsi soit-il, mais elle prendra du recul vis à vis de cela. Avant de venir ici attendre le Primera, elle a été se changer les idées en allant se promener du côté des ruines Negal. Un petit voyage fort sympathique puisqu’elle avait fait la connaissance d’une personne fort intéressante. Mais là est une autre histoire.

Il évoque le pacte avec les humains. Pour sa part, elle n’a rien contre ces derniers qui font plus objet d’étude et de curiosité à ses yeux comme on pourrait observer des insectes dans un vivarium. Un hobby comme un autre. Par contre, s’il est vrai qu’ils sont la cause de problèmes, alors effectivement, il devient nécessaire de les chasser. Cette Grande Cataracte, elle en a un peu entendu parler, mais très peu. Trop peu. Une partie du monde qui devient flou lorsque l’on s’en rapproche, pas de quoi éveiller l’intérêt de l’Argentée.

- Les humains en liberté ça m’est égal. On leur a laissé un bout de terrain pour jouer, tant qu’ils ne viennent pas s’aventurer ici chez nous peu m’importe. Ils prennent le risque de servir de plat de résistance pour les Hollow, soit. Par contre cette histoire de Grande Cataracte, c’est autre chose. Est ce dangereux ? Courons-nous un risque particulier ?

Peut-être que lui s’est davantage intéressé à ce sujet qu’elle et dans ce cas, il ne serait pas inutile qu’elle se mettre à jour à ce niveau. Le savoir, la connaissance, elle le sait, est un grand pouvoir.

- Les Shinigami se sont faits plutôt discrets ces derniers temps non ? Mais effectivement je n’apprécie guère non plus leurs incursions dans notre monde.

La Grue n’a pas besoin de réfléchir beaucoup. Sa décision était déjà prise avant même cette rencontre. Il aurait fallu une grosse divergence de point de vue pour qu’elle revienne dessus. Or, de ce qu’elle entendait, rien ne lui paraissait choquant. Il avait des avis éclairés et des remarques légitimes. Déterminée, elle sait ce qu’elle veut. Pas très habituée aux échanges sociaux, elle n’est pas du genre à s’embarrasser de codes qui voudraient qu’elle s’emploie à la pratique des ronds de jambe ou autre. Quant au fait d’avoir le Primera en face d’elle, si elle se montre plutôt téméraire, ce n’est pas parce qu’elle ne le craint pas, mais parce qu’elle l’estime assez civilisé que pour avoir une discussion ouverte entre personnes à l’esprit évolué sans craindre que cela tourne à l’affrontement au moindre désaccord. Nous ne sommes plus des bêtes. Nous valons mieux que cela.

- Que nos ennemis nous craignent cela me convient. Tu auras mon aide le moment venu. À cette fin, as-tu des projets avouables sur lesquels je pourrais éventuellement apposer ma patte ?

Si tant est que ça l’intéresse évidemment.

- Dangereux, cela l'est assurément. Certaines âmes qui ont voulu l'observer de plus près n'en sont jamais revenu. Il faudrait l'étudier pour en connaître les risques réels mais il parait évident que ce phénomène représente un danger non négligeable pour les nôtres. Et qui sait. Peut-être même pour le Monde Creux dans son ensemble s'il venait à grossir.

Il était difficile de dire plus sur un sujet qu'il ne maîtrisait pas réellement. Seulement le danger ne pouvait être ignoré. S'il avait lui même assez peu d'informations, il savait que les Gillians qu'il avait envoyé là-bas avaient été détruits. Par ailleurs, sans doute que Melchom enquêtait aussi mais sans réelle nouvelle, il ne pouvait en être persuadé. Un sujet qu'il comptait rapidement abordé à dire vrai, ne serait-ce que pour connaître la position que devrait prendre l'Espada si la cause de cet événement était réellement ce groupe que l'on appelait Ultima Necat.

Quant aux shinigamis, il est vrai qu'ils se faisaient discrets. Mais pour avoir rencontré à plusieurs reprises certains d'entre eux, il savait qu'ils ne tarderaient pas à renvoyer des troupes. En éclaireurs. Pour savoir comment cela évoluait au sein du Hueco Mundo. Il avait perçu en eux une grande curiosité mais pas seulement. Ils devaient s'assurer que le Monde Creux ne reconstituaient pas des armées susceptibles de représenter un danger pour eux. Ce qui était le cas en réalité.

Elle lui offrait son aide en tout cas et cette marque lui plaisait. Après tout, il l'avait dit, il aurait besoin de soutien. Cela ne souffrait d'aucune contestation possible. Las Manadas possédaient des membres puissants et étaient nombreux. Sans doute plus qu'eux, à La Cámara. Cela ne voulait pas dire qu'ils étaient en position de faiblesse pour autant. Mais la prudence était de mise et Borick était une personne qui prêtait attention à ce genre de genre, l'anticipation étant sa meilleure arme.

- J'apprécie cela et je ne manquerai pas de te demander ton aide le moment venu.

Après tout, il était de son devoir d'organiser cette armée dont il avait besoin.

- Et puisque tu me le demandes, j'ai effectivement un projet que j'aimerai conduire. Puisque nous ne connaissons que peu de chose sur cette Grande Cataracte, et que je suspecte que les humains y sont pour quelque chose, j'aimerai me rendre sur Terre sous peu avec quelques membres en qui j'aie confiance. Serais-tu intéressée par cela ?

Il marqua un temps d'arrêt.

- Sache qu'il y a un danger à se rendre là-bas et que nous même n'y allons pas seulement pour avoir une discussion passive. Il est possible que nous soyons dans l'obligation d'user de nos armes. Serais-tu prête à cela ?

La Glaciale fronce très légèrement les yeux. Cette Cataracte ne lui dit rien qui vaille. Effectivement, il y a là un phénomène dont l’on doit se préoccuper assez rapidement. Cependant, la Grey ne saurait quoi faire sans connaissances scientifiques. Il faudrait certainement du matériel pour étudier les variations d’énergies ou autres.

Tel qu’il présente son projet, l’Argentée n’y voit pas le lien direct avec les soucis de la Cataracte mais se rendre sur Terre dans tous les cas l’intéresse grandement. Depuis le temps qu’elle veut voir cet endroit de ses propres yeux et pas juste à travers les livres. Peut-être même pourra-t-elle en profiter pour étudier et interroger quelques spécimens dans leur environnement. Oui, voilà qui pourrait bien arranger ses affaires.

- Intéressée oui. Mais dis moi en plus. Pourquoi se rendre là-bas ? Tu veux une entrevue avec leurs responsables ? Ne suffirait-il pas d’aller les voir ici dans ce nid qu’ils se sont construit chez nous ? Peut-être qu'eux ont des réponses concernant ce phénomène ?

La diplomatie est l’une des prérogatives de l’Espada et elle ne doute pas qu’il s’agisse là d’un devoir à accomplir, cependant elle se demande comment tout cela se passera, et comment cela se terminera. Et puis il y a une partie de sa phrase qui l’interpelle. « Pas que pour avoir une discussion passive » que peut-il bien entendre par là ? Elle verrait bien sur place à moins qu’il ne soit disposé à lui exposer les grandes lignes de son plan. Qu’importe à ce stade, rien que le fait de quitter le monde creux la motive. Elle qui aime les voyages, en voilà un qui a de beaux airs exotiques.

- As-tu sondé un peu l’avis des autres de l’Espada à ce sujet ? Je me demande s’ils vont entreprendre quelque chose de leur côté. Il n’est pas impossible que nos actions se croisent.

Puis de revenir sur ce qu’il a pu sous-entendre.

- Pas que pour discuter dis-tu ? Qu’as-tu prévu d’autre ?

Il y avait pensé. Mais ici, ils ne répondraient pas. Pas directement. Qui prendrait le risque, sur un territoire inhospitalier, de dire qu'ils étaient responsables des désordres qui secouaient ce monde ? Seul un fou s'y risquerait et de ce qu'il avait vu de ces humains, ils n'étaient pas fous. Curieux et avides de Savoir, oui. Mais pas idiots. Il y avait aussi une autre raison qui l'empêchait d'aller au devant de ce groupe. De ce nid comme l'appelait l'Argentée.

- Je doute qu'ils en aient et même si c'était le cas, ils n'auraient pas laissés à leur nid une personne susceptible de nous en apprendre plus. Car s'ils s'avèrent qu'ils sont responsables, ils savent que notre courroux les balaieraient sur place. Pourquoi prendre un tel risque ? Là-bas, nous pourrons observer et interroger ceux qui possèdent certainement ce savoir.

Surtout, Borick ne voulait pas à ce qu'on sache qu'il s'intéressait autant à ce problème. Afin d'éviter les raccourcis trop rapides que ses ennemis feraient. Il n'oubliait pas que Las Manadas étaient sur ses talons, en quelque sorte. S'ils en avaient la possibilité, il ne doutait pas une seconde qu'ils sauteraient sur une occasion de discréditer La Primera Espada. Il avançait donc ses projets, doucement, précautionneusement.

Quant aux autres Espada justement, il en était en partie question dans les doutes qui l'habitaient. S'il est vrai qu'ils ne s'étaient pas concertés tous ensemble, il avait eu le loisir d'en rencontrer certains. Pour la majeure partie, il ne se fiait pas à eux. En dehors peut-être de l'Arrancar à la peau d'ébène, ce fameux forgeron, aucun autre ne lui avait fais forte impression. Des rapaces, tout au plus. Et des fous pour la plupart. Comme cette Matryona par exemple.

- Pour le moment, l'Espada ne s'est pas concertée sur ce sujet. Il faut dire que nombreux sont les ennemis de La Cámara à posséder un de ces précieux numéros. S'ils n'afficheront jamais leur désaccord ouvertement, grâce à l'Acuerdo, ils ne me prêteront pas main forte pour autant. Pas tant que nous n'aurons pas la certitude d'un danger réel pesant sur les clans du Monde Creux.

Et si les actions se croisaient, il s'adapterait. Mais il faisait surveiller ce joli petit monde et il savait qu'ils n'étaient pas un problème pour le moment. Sans doute trop accaparé qu'ils étaient par leur petite vie misérable. Donne un peu de pouvoir à un animal et il se croira le Roi de la Jungle. Borick aimait cette expression.

- Qu'importe si nos actions se croisent, nous verrons cela le moment venu. J'ai par ailleurs quelques compagnons qui seront utiles pour cette escapade et je me fierai à eux plus qu'à l'Espada pour cette expédition. Par ailleurs, il n'est pas dans l'intérêt du Hueco Mundo de se départir de ses forces vives juste pour lever quelques doutes. En cas d'attaque, ils se doivent de rester vigilants.

Quant à lui, il disposait des ressources pour aller et venir sans la moindre difficulté. Ses espions étaient présents et capables de l'informer du moindre problème très rapidement. Ne serait-ce que Farasha ou Alecto.

- Je préfère taire cette information pour le moment. Pardonne-moi, il ne s'agit pas là d'un problème de confiance. Seulement je me dois de garder certains détails pour moi tant que nous ne serons pas sur place, afin de ne pas vous mettre en danger. Mon devoir est de veiller sur le Monde Creux et sur ceux qui y vivent. Pour cela, je suis prêt à toutes les éventualités. Au moins puis-je te donner cette information.

En réalité, cela n'aidait sans doute pas vraiment la jeune femme mais elle saurait que l'Immaculé était prêt à prendre quelques risques personnels pour garantir la sécurité de son monde. Cela comptait plus que le reste.

- Sauf si tu as d'autres questions, je reprendrais ma route. Quant à toi, tiens-toi prête. Nous risquons de ne plus tarder à faire ce voyage.

Il attendait, voir si d'autres points viendraient afin d'éclairer la lanterne de l'Argentée.

Le raisonnement est logique, pas dénué de sens en tout cas, aussi, elle se contente d’opiner. Il ne souhaite pas détailler ce qu’il prévoit de faire sur terre et elle comprend pourquoi. L’Argentée ne s’était pas attendue à avoir de réponse de toute façon. Chacun ses secrets. Un concept qui lui est à la fois inconnu et habituel. N’ayant pas de position importante, pas de plan machiavélique ayant pour but de devenir le souverain du monde creux ou autre ambition de ce genre, la Grue n’a rien à cacher. Ses fins sont claires et bien qu’elle soit plus honnête que la plupart, elle n’est pas naïve. Si elle est prête à se laisser utiliser, ce n’est que parce qu’elle le veut bien et que ça arrange ses intérêts.

La discussion n’a pas vocation à se poursuivre. Tout semblant avoir été dit, alors elle ne retiendra pas le Primera qui a certainement beaucoup à faire d’ici le voyage sur terre. Un voyage qui sera reporté avec la tenue du nouveau Tournoi. Comme prévu, elle s’y rendra dans le but de participer. Si elle peut aider El Emperador, elle le fera. Curieuse également de savoir qui y participera. Et ensuite, qui sait, si rien d’autre ne leur tombe dessus, ils iront avec plaisir faire un petit tour dans le monde des vivants.