Toi, t'as une gueule à aimer les 6.9 !

Il avait avalé une dernière petite pilule de soin de sa propre concoction, afin de se rétablir complètement après la rencontre avec l'autre monstre. Il était ravi de lui avoir montré que les humains, c'étaient pas que des tarlouzes même s'il restait déçu d'une chose. Il avait pas pu combler l'intégralité de ses trous d'arrancar. Cette réflexion l'amusait franchement et plusieurs blagues graveleuses lui venaient en tête.

Faut dire que cette petite virée avait eu de quoi l'amuser. Seulement il avait perçu l'explosion lui aussi. Du moins le matériel qu'il avait eu pour mission de planter un peu partout avait réagi très bizarrement. N'oubliant donc pas la mission réelle qui était la sienne, il avait remballé son bardas après avoir terminé les soins pour revenir vers la Grande Cataracte et les installations des équipes.

N'ayant pas été très disponible sur les différentes comm', il ne pouvait pas savoir qu'une partie des équipes était déjà rentrée sur terre. Alors qu'il approchait de l'extracteur de Reishi, il s'étonnait de voir l'ampleur du problème. Et surtout l'absence évident des personnes qui étaient normalement sensées être présentes. Ah si. A bien y regarder, il restait bien quelqu'un.

Il se souvenait de la tronche de la demoiselle, ils étaient partis ensemble. Toutefois il ne se souvenait ni de son nom, ni de son grade. Même pas sur que cela ait été dit d'ailleurs, ou alors l'info lui échappait complètement. Seule une chose restait. Son envie de s'approcher et de parler avec une autre personne que l'autre pétasse trouée.

- Yo ! Il s'est passé quoi ici putain ?

Il jetait le sac lourd sur le sol à ses pieds, avant de pousser un soupir soulagé. Il se gratta la tête un instant alors que son attention se focalisait sur l'inconnue. Pas de première fraicheur, mais ça pourrait faire l'affaire. Encore qu'elle pouvait limite se casser entre ses mains, fais chier. Il se mordit la lèvre pour ne pas rire à sa propre pensée.

- J'sais pas si j'me suis présenté quand on a déboulé ici, désolé. J'devais aller planter ces merdes dans le désert. Mais y'a eu comme un soucis. J'suis Mickael. Nine of Cups. Qu'est-ce que tu fous ici toute seule ?

Full regain stats

Finalement, je devais m’appliquer à une mission que j’aurais aimé repousser au plus tard. Avec tous les collègues de retournés à l’Ultima Necat, je me retrouvais seule à devoir évaluer les dégâts au niveau de l’extracteur. Alors, sans surveillance, j’aurais pu bâiller aux corneilles. Mais d’une, je n’aimais pas me tourner les pouces. De deux, je me savais attendue au tournant par mes supérieurs. J’avais mon caractère de merde. Et si je voulais qu’il soit toléré, je devais au moins montrer mon efficacité en pratique. Nombreux en étaient à penser que je n’avais pas ma place chez les Cups. Simplement, parce que j’avais pu me reconvertir comme Business Angel après mes études.

Alors quoi, ça remettait en question mes diplômes d’ingénieure ? D’accord, j’avais fini par l’acheter auprès du directeur de l’académie. Simplement, parce que je ne voulais pas perdre de temps. Je me savais de toute manière posséder ces capacités. La plupart des étudiants payaient des fortunes juste pour atteindre le Graal du titre sans forcément se soucier de sortir de là véritablement compétents. Alors pourquoi m’emmerder à suivre toutes les années d’étude ? À la place, je m’étais rapprochée des entreprises les plus innovantes pour jauger les plans d’investissement les plus prometteurs.

Ce faisant, je devais me mettre en veille technologique pour éviter les mauvais placements et tout ça, en compagnie de chercheurs renommés. En outre, mon bagage scientifique s’était bonifié, même si j’avais un peu perdu en pratique. Ce qui justifiait que je galérais actuellement à quelques paramétrages pour correctement manipuler mes outils. Près de l’extracteur, j’avais branché mon ordinateur en vue d’activer le protocole SSH qui me permettrait de récupérer les logs du système et identifier les composants Hardware qui ne répondaient plus. Parfois, je tombais sur des fichiers corrompus qui me voyaient pester à voix haute.

– Putain !

Passablement agacée, je songeais encore au fait qu’au-delà du Software, j’allais devoir mettre les mains dans le cambouis dire d’évaluer l’état physique des différentes cartes électroniques permettant de monitorer l’extracteur. Des tâches qui seraient fatigantes car me forçant à sortir les tournevis, faire les allers retours, souder, dessouder des composants, sortir l’oscilloscope, le microscope, l’alimentation variable et autres joyeusetés de l’électronique qui me permettraient de constituer un rapport exhaustif sur l’état de l’installation. Passablement gavée par ce travail de petite main, j’étais interrompue par une voix derrière.

– Hein ? Mais t’étais passé où toi ?!

Le voix sèche, j’avais pris le parti d’ignorer sa question que je jugeais secondaire. Ce mec était censé faire parti de ma section. Il avait disparu le temps de la mission. Et le voilà qui se pointait là comme une fleur, la bouche en cœur. Il voulait pas que je lui apporte la tisane avec les gaufres au passage ? Je ne lui avais adressé qu’une rapide œillade, trop occupée à entrer mes commandes bash dans le terminal noir sur mon ordinateur.

– Uhum. Ouais. Vachement utile, je vois.

Ajoutais-je avec un sarcasme à peine dissimulé quand il me justifia le pourquoi de son absence. Le constat, c’est qu’il revenait sans résultat. En d’autres termes, un boulet.

– Miyu, Six of Cups. Ce que je fais là ? Je fais mon travail de Cups. Et toi, ça se passe comment tes vacances ?

Peu coopérative, je ne voyais pas pourquoi je chercherais à faire bonne figure devant un incapable qui en plus se trouvait sous moi dans la hiérarchie. Devant lui, j’avais pas à faire des efforts. Pourquoi me gêner, alors ?

- Pas trop mal en vrai. J'm'éclate bien.

Pourquoi répondre à la provocation autrement ? Elle avait du caractère et déjà il lui adressait un clin d'oeil. Visiblement, elle était un peu excitée la petite. Autant mettre cette émotion à profit pour faire de plus belle chose que simplement gueuler non ? Ou alors quitte à gueuler, autant que ce soit par plaisir ? Enfin qu'importe, il observait le reste de la place tout en se demandant ce qui avait pu se passer ici.

Et ce n'était pas auprès de la numéro 6 qu'il aurait des réponses visiblement. D'ailleurs... Elle était 6. Lui était le numéro 9. Serait-ce un signe du destin ? Là, ils étaient seuls ici et portaient des numéros complémentaires. Que demander de plus finalement. Seulement y'avait juste un détail à régler avant.

- Par contre si le taff que j'faisais te pose problème, t'as qu'à en parler à Hanae. Les ordres venaient d'elle. Donc avant d'ouvrir ta gueule comme ça, réfléchis un peu avant. Alors fais joujou avec ton ordinateur et emmerde pas les grandes personnes.

Après tout, il n'était pas là pour se faire emmerder par une petite conne qui avait ses règles. Ou qui avait le mal du pays. Pas question de rentrer dans le jeu d'une gonzesse après tout. Il était crevé, son combat contre l'autre Arrancar l'avait quand même mis sur les rotules, il n'avait pas de temps à perdre comme ça.

Il se posait déjà tranquille, attrapant une gourde d'eau pour se désaltérer un peu. Putain, ça faisait du bien. Il l'observait travailler, jouant avec une carte à lui. Y'avait eu du grabuge ici et il devait admettre être inquiet pour les autres. Mais si la meuf paraissait pas inquiète, c'est que c'était cool non ? Juste une chose qu'il comptait mentionner quand même.

- T'as une tronche à pas avoir des masses de pote toi. J'vais te donner un conseil gratos, parce que j'suis un mec bien. Tu devrais apprendre à rester à ta place. T'es que la numéro 6 hein. Alors la ramener comme ça face à un de tes supérieurs, c'pas malin. Techniquement, si j'te dis que tu dois fermer ta gueule, t'es sensé obéir j'pense. J'suis sûr qu'il y a une règle comme ça dans le règlement. Faudra que je check ça.

Et le voilà qu'il parait à se marrer. Une discussion des plus courtoises non ?

Ah ? Possible que ça dégénère finalement...

J’arquai un sourcil à son clin d’œil. Sur quel genre de clown venais-je de tomber là ? Si ce type cherchait à m’agacer, il s’y prenait de la meilleure des manières. J’étais déjà on ne peut plus tendue par la quantité de merdes à gérer quasi seule, j’allais pas non plus tendre amicalement l’autre joue tandis que j’essuyais la condescendance vulgaire de cet abruti. Alors oui, dans un premier temps, je gardais les yeux sur mon écran à entrer une par une mes lignes de commandes. Et déjà que sans perturbation, j’en chiais à l’irruption de messages d’erreur que je devais traiter en l’absence de documentation ainsi que d’internet… alors avec le singe qui venait me les briser à côté, pas évident de cacher la frustration montante qui me faisait me mordre la lèvre inférieure.

Je monta brutalement en tension à la dernière salve de remarques désobligeantes du mongolo. Mais d’où il se permettait de me parler comme ça ?! Depuis mon arrivée chez les Cups, j’avais déjà dû supporter les sermons de la Jack, puis ceux du King, et à présent, je devais encore baisser la tête tandis qu’une tanche qui se prenait pour mon supérieur me crachait au visage ? Il me faisait l’effet de ces Office Managers stupides qui ne se sentaient plus pisser sitôt que la hiérarchie leur donnait un semblant de pouvoir sur le reste de l’équipe. Soudainement, je cessa de pianoter sur mon clavier, la main directrice alors légèrement tremblante. Un énervement que j’essayais d’intérioriser, les paupières closes. Un tic nerveux était visible à la commissure de mes lèvres, forçant un sourire peu naturel.

Brusquement, je fis tomber mon ordinateur au sol. Deux coups de talon pour en exploser les touches qui virevoltèrent autour. Un coup de sang ? Non, seulement un prétexte. Il voulait jouer au plus con ? Très bien. Me retournant vers lui, j’entrais dans une colère noire.

– Non mais ça va pas ?! D’où tu te pointes du trou du cul du désert pour me déranger dans mon travail, m’insulter et maintenant, me péter mon matériel ?!

Essuyant la poussière de mes manches, je les remettais soigneusement en place. Impeccable sur moi, un pas vers mon estimé supérieur. Le sourire mauvais qui revenait sur mes traits.

– Alors, je veux bien que chez les Cups, on aime pousser les expériences jusqu’à observer le comportement des macaques sur des postes directifs, mais il ne faudrait pas pousser le bouchon trop loin !

D’un signe de main, je désignais les restes de mon ordinateur.

– Tu crois que ça c’est acceptable, Tarzan ?!

L’instant suivant, je levais mon index inquisiteur en sa direction.

– Tu attends de moi que je te pardonne ? Je peux être arrangeante, va savoir !

Puis, dans le mouvement descendant de mon bras, je fis un coup sec de poignet qui sortit de ma manche une pistolet dissimulé que j’attrapais dans la main. Dans l’effet de surprise, je tirais une première fois au jugé au niveau de sa cuisse. L’instant d’après, je visais son pied.

– Mais commences par baisser les yeux, tu veux ?!

Il voulait me remettre à ma place ? Il devrait le faire de force. Pour conclure, un sourire de petite peste dont j’avais le secret.

– Ça aussi, c’était gratos ! J’suis également une fille bien, comme tu peux le voir.

J’aurais ponctué ma phrase d’un « connard » que ce serait revenu au même.

- Te péter ton matériel ? Oh putain... J'suis tombé sur une cinglée. Une cinglée avec une tête de castor.

OK, il savait qu'il pouvait parfois être un peu limite dans ses interventions. La politesse ne faisait pas parti de son set de départ et il faisait avec. Pour autant, c'est elle qui l'avait cherché. Elle qui avait commencé à mal lui parler. Et voilà qu'en plus, elle s'inventait une vie. Et le pire dans tout ça ? C'est qu'elle n'arrêtait plus.

En plus, clairement, il n'avait rien demandé. Pas de pardon, pas d'excuse. Juste une chose : qu'elle ferme sa bouche. Mais ça aussi, visiblement, c'était un doux rêve. Et il ne se faisait plus d'illusions : cette petite conversation amicale allait dégénérer très clairement. Il devait calmer les choses. Lui montrer qu'il était capable lui aussi de faire un geste dans sa direction pour apaiser la situation.

- Ecoute moi bien, vieille truie sur le retour ! Moi, j't'ai juste demandé de fermer ton claque-merde. J'sais pas d'où tu sors mais j'ai l'impression que t'as passé des années la tête enfoncée dans le derche d'un gros lard. C'qui expliquerait que tu racontes autant de merde. C'est logique. Alors t'es mignonne, tu vas prendre tes p'tites affaires et tu vas retourner dans ta télé. T'as la réf' ? Oui, non ?

Il se marrait comme un con. La tronche de "face de castor" lui rappelait ce fameux film, The Ring, qu'il avait vu quelques années auparavant. Sauf qu'ici, il était un peu dégouté quoi. Car techniquement, il n'avait pas répondu au téléphone. C'était pas à lui d'être hanté bordel de merde.

La suite ? Et bien simplement une agression caractérisée. Non content de s'en prendre à lui à peine arrivé, elle sortait désormais les armes contre lui. Prit par surprise, la première balle l'atteignit dans la cuisse alors qu'elle visait de suite une autre partie de son corps. Mais habitué à réagir vite, Mickael tissa autour de lui un rempart en se servant de l'âme de l'air autour de lui, permettant d'arrêter la seconde balle. Il baissa les yeux oui, mais pour regarder la première blessure.

- Nan mais t'es sérieuse ? Comme t'as zéro argument, tu sors un flingue contre un membre de ta propre équipe ? Popopooooo, toi, t'es dans une sacrée merde. Tu sais quoi, j'veux bien jouer avec toi un petit peu. Disons que j'aie pas pour habitude de m'laisse tirer dessus. Bah ouais, d'hab', c'est moi qui tire hein ! PAN PAN !

Clin d'oeil appuyé alors qu'il faisait mine de l'index de lui tirer dessus, soufflant ensuite sur son doigt comme s'il s'agissait d'un revolver. Sa seconde main farfouillait sa poche pour finalement en sortir un paquet de cartes visiblement usé. Il murmurait l'incantation. "Shuffle up and deal". Son apparence changea légèrement. Ses yeux devinrent rouge tandis qu'une étrange aura apparaissait autour de ses mains. Mais plus de paquet pour le moment. Il retroussait ses manches, dévoilant deux mécanismes particuliers autour de ses avant-bras.

Très rapidement, il levait ses bras et libérait le mécanisme. Une technique signature puisqu'elle portait un nom évocateur. Nine of Diamond. Son statut au sein de son organisation et son surnom personnel. Sa carte fétiche. Plusieurs cartes aussi tranchantes que des lames partaient déjà dans la direction du Six, essayant de trancher de multiples parties de son corps. Alors qu'il s'était mis à siffloter une chanson, avant de reprendre :

- Tu sais quoi ? J'baisserai les yeux quand tu seras là, toute proche de moi et à quatre pattes ! Ca t'dit, Tête de castor ?

– Oh, pov’ chou ! On a du mal à commander ? Terrible ! Heureusement qu’il te reste la télé ! Mais tu ne devrais pas être couché, à cette heure-ci ? T’as fait ton sac, au moins ?

Condescendante au possible, je me refusais à lui montrer que ses insultes vulgaires avaient raison de mon calme. Qu’est-ce que ça pouvait bien me faire, au fond, qu’un inconnu me vomisse au visage sa chiasse verbale ? Il n’était pas le premier et ne serait pas le dernier. Le sourire insupportable sur mes traits, je ne montrais aucune culpabilité envers la balle que je venais de lui tirer dans la cuisse. Il ne l’avait pas volé, encore que ça semblait quelque peu disproportionné comme contre-mesure. Ne l’était-ce pas carrément, d’ailleurs ?

À sa réaction, le trouble-fête s’indignait. Si j’étais dans la merde ? Peut-être bien que oui. Mais en l’absence de témoin, n’avais-je pas qu’à supprimer me débarrasser des preuves, quitte à le liquider ? À mon regard glacial, on était en droit de se demander si je ne prenais pas sérieusement en considération cette possibilité, quand bien même je gardais ce rictus insupportable sur les lèvres. Devant les accusations, je feignais la surprise, le regard ahuri vers mon arme.

– Hein ? Oh, pardon ! C’était un incident, un pur incident ! C’est un prototype ! J’ai glissé, chef ! Je vous assure ! Pardonnez ma maladresse, je vous prie !

D’une mauvaise foi évidente, il se voyait à des kilomètres que je ne possédais pas une once de sincérité en moi. Toutefois, je me prenais suffisamment à mon propre jeu pour manquer de vigilance dans ce qui suivrait ce coup de sang malencontreux. Si je ne souhaitais pas le laisser paraître, j’étais intérieurement folle de rage. Et dans cet état, je manquais de lucidité, aveugle de quelques détails pourtant dangereux. Comme ce paquet de cartes que mon vis-à-vis sortit pour se transformer soudainement.

– Hey… attends !

Pour ma part, j’étais prise de vitesse. J’eus le réflexe de chercher à me reculer d’un pas, mais il était déjà trop tard. Tout au plus, parvenais-je à lever les bras afin de protéger mes organes vitaux. Ce qui me vaudrait malgré tout de nombreuses coupures. De quoi me faire grimacer un peu sous la douleur. En parallèle, il continuait de m’injurier. Seulement, sur l’instant, je n’entendais rien à ce qu’il me disait, accaparée par tout autre chose. Inspectant mes plaies, je relevais le tissu déchiré de mon costume. Pas une seule… Plusieurs… Et à cette vision, je devenais livide.

– Non mais ça va pas ?! T’as idée de combien ça coûte ?! Un an de ton salaire minable ne suffirait pas à rembourser mon tailleur !

Enragée, je quittais l’hystérie au bénéfice d'une colère sourde. Les mains dans les poches, j’adressais un regard assassin qui hurlait silencieusement « toi t’es mort » à Mickael. J’entrais en mode combat et je serais moins gentille que pour l’entraînement avec Hanae.

– Fear blows wind into your sails.

Cette invocation énoncée, le tissu sur la poche avant de ma veste s’évanouissait dans l’environnement sans ne plus laisser d’indice visible de son existence. Contrairement à mon ennemi, aucun changement remarquable n’était apparu sur moi en dépit de ce petit spectacle. J’étais immobile. Et si je pouvais avoir l’air vulnérable comme ça, j’étais dans ma posture la plus solide. Une posture qui n’allait pas se faire prier avant de renvoyer la politesse, comme en témoignaient ces vapeurs ocres s’échappant autour de moi et venant viser ma proie.

– Tu veux me remettre à ma place ? C’est ça ? Tu m'excuseras, j’ai du mal à saisir le message concret derrière tes braillements de porc.

Retirant une main de la poche, je levais devant moi un voile invisible découvrant une brume écarlate qui cherchait d’évidence à mordre la chair de ma cible. Ah ça, je ne possédais pas la franchise d’un fusil, contrairement à lui. J’étais un poison, dans tous les sens du terme. Et ce serait sur la durée que je lui ferais mordre la poussière.

– Va falloir te montrer convainquant alors car moi aussi, j’ai plus d’une carte dans la manche.

Pour lui mettre à l’envers, bien entendu.

Mais qu'est-ce qu'elle racontait là ? Plus il parlait avec la donzelle, moins ce qu'elle disait lui paraissait clair. C'était comme s'il avait franchi une frontière invisible en arrivant ici. La frontière d'un nouveau pays, qui rendait complètement fêlé ceux qui s'y trouvaient. Un pays qu'il nommerait "Le Débilistant". Oui, ça sonnait plutôt pas mal en réalité.

- Ah, t'as glissé ? Ouais, nan j'comprends t'inquiète la dinde. Et puis ça arrive même aux meilleurs hein. Moi aussi, tout à l'heure, ma main va glisser. Mais dans ta gueule !

Arf. Mais pourquoi insistait-il autant comme ça ? Il avait entendu un jour des parents dire qu'une bonne fessée, ça remettait les idées en place de leurs mômes. Et il paraissait donc logique pour lui de se dire que Miyu avait clairement manqué de fessées elle-même dans sa jeunesse pour être si conne. Il allait y remédier. Mais pour le moment, ses yeux rouges observaient la scène. Car s'il se permettait de libérer ainsi son pouvoir et ses petits gadgets, ce n'était pas sans raison. Elle savait se défendre et pas qu'un peu.

Car elle aussi libérait son propre pouvoir. Restait plus qu'à vérifier ce que cela amènerait en plus dans ce combat. Attentif en dépit de ce qu'il laissait paraître, il fut néanmoins pris par surprise par la suite des événements. Vapeurs et brumes l'enveloppaient déjà. D'abord étonné, il sentit immédiatement l'effet pervers de ce poison. Car c'en était, sans le moindre doute. Il posa le regard sur sa main et commença à voir les ecchymoses qui apparaissaient. D'un bond, il prit du recul mais il sentait que le mal était fait. Quelle purge. Il combattait une petite vicieuse qui générait des vapeurs toxiques. L'approcher, ça allait devenir coton.

- 'Tain mais c'est quoi cette merde, là !

Sans même s'en rendre compte, il avait déjà été blessé et de manière peu conventionnelle. Seulement en dépit des apparences, Diamond restait un scientifique. Il savait remédier à ce genre de chose. Sa main fouillait déjà ses poches pour en sortir deux petites pilules vertes qu'il avala dans l'instant. Si les dommages déjà subis n'en étaient pas amoindris, c'est surtout le poison que ces pilules cherchaient à neutraliser. Sa composition chimique lui permettait de neutraliser un grand nombre de toxine connue et de suite, il se sentit mieux. Il se redressait, regardant les ecchymoses se réduire. Un sourire aux lèvres, il redressa le regard vers elle.

- Marrant ça. Plus d'une carte dans ta manche, tu dis. C'est possible. Mais les cartes, ma jolie, c'est ma spécialité.

Il ne fallait pas oublier une chose : les premières cartes qu'il avait envoyé sur Tête de Castor, elles étaient toujours là. Autour d'elle. Il se mit alors à pianoter sur l'un des appareils se trouvant sur l'avant-bras. Ils n'étaient pas que des lanceurs visiblement. Une des cartes qui se trouvait au niveau des jambes de Miyu émit alors un petit "bip" sonore. L'instant d'après elle explosait. Si cette mini explosion ne causerait pas de dommage apparent, il avait fais en sorte de viser les jambes pour restreindre les mouvements futurs. Du moins en partie. Mais ce n'était là que le début.

Car la seconde d'après, c'était une pilule rouge qu'il avalait. Alors qu'il grimaçait - cette dernière occasionnait certains dérangeants physiques - son regard sembla s'illuminer légèrement. S'intensifiant. Il piocha très rapidement quatre nouvelles cartes d'un paquet. Si Miyu n'en voyait pas encore les figures, cela ne tarderait pas. Two Pair. Il eut un rictus. Le destin était étrange quand même. Paire de 6, paire de 9. L'instant d'après, il les lançait comme des shurikens dans la direction de Miss Poison. Actionnant au moment fatidique le fameux bouton rouge sur son appareil.

Les quatre cartes explosèrent, soulevant un peu de sables et de poussières. Si la gueule du terrain n'était déjà pas fameux avant le combat, il y avait fort à parier que ce serait pire apès...

- Et là ? Le message passe un peu mieux ou y'a besoin que je durcisse un peu le ton ? J'ai rien contre, tu m'diras. C'est que j'commence à peine à me dégourdir les jambes. Généralement, j'déteste cogner les dames. J'suis plutôt du genre "gros nounours tout câlin". Mais toi, j'sais pas. Tu m'inspires.

Et le voilà qu'il jouait de nouveau avec une carte, tel un magicien.

Sourde aux menaces et insultes de mon adversaire, je saisis de toute manière que la phase des provocations commençait à s’essouffler. Tous deux, nous arrivions à un stade où nous prêtions plus d’attention au combat qu’aux distractions des joutes verbales. De toute manière, nous étions arrivés trop loin pour désamorcer le conflit comme si de rien n’était. Cette histoire se terminerait à l’infirmerie. Si j’arrivais à me contenir, du moins. Car depuis quelques temps, les toxines de mon propre poison me rongeaient le sang. D’ordinaire, je pouvais être venimeuse, mais je possédais malgré tout mes limites. Or, à présent, plus j’avançais, plus je sentais le poids des conséquences m’indifférer, curieuse au contraire de ce que ça ferait si je laissais les choses exploser.

En face, mes effluves empoisonnées trouvèrent le chemin chez ma cible qui s’en inquiéta immédiatement. Cependant, deux pilules vertes suffirent à la canaliser. Ce qui me fit claquer la langue d’agacement. Lui aussi comptait parmi les Cups, après tout. Il fallait être naïve pour imaginer que je serais la seule à jouer avec des gadgets. Un junkie, donc ? J’aurais pu pousser la vanne, mais moi-même, j’avais de telles drogues dans mon arsenal alors autant s’épargner le retour de flamme s’il me contraignait à m’en servir.

Jusqu’alors, j’étais une pipelette. Cela dit, plus nous avancions et plus je me faisais taiseuse, de quoi peut-être surprendre mon vis-à-vis qui ne trouvait pas d’écho à ses punchlines. Dans le cliquetis de son appareil, je m’entretins dans ma position, prudente. Hélas, ce serait le pire coup à jouer, car les cartes qui m’avaient affligé quelques secondes auparavant explosèrent juste à mes pieds. Juste assez pour me déséquilibrer, en tout cas. Mais peu importe, car je n’avais pas besoin d’être correctement sur mes appuis pour me protéger. Dans le soulèvement de la poussière, je perçus trop tardivement quatre cartes voler en ma direction.

Les mains gardées dans les poches, j’eus seulement le temps de concentrer un peu d’énergie dans le voile invisible qui vint alors faire écran entre moi et l’explosion. Oh… bien sûr, une nouvelle fois, je n’avais pas réagi assez rapidement pour ressortir de là indemne, comme le montraient les traces de brûlure sur ma peau. Seulement, plutôt que de montrer immédiatement ma silhouette, le premier signe que je laisserais à la perception du Nine serait le cliquetis du briquet qui viendrait m’allumer la clope au bec. Tranquillement, je m’offrais une petite pause alors que j’entendais Mickael se congratuler lui-même. Le regard noir dans celui de mon opposant.

– Ça se sent oui, le côté ours en peluche. Tu cognes mou, comme si t’étais fait de coton plutôt que d’os. Tu vas me dire que tu te retiens, là ? Vraiment ? T’es sûr que je t’inspire ?

Prenant une grande inspiration, je dégageais un moment la cigarette des lèvres avant de souffler la fumée avec le regard qui dévia sur le côté. J’étais frustrée et la nicotine avait du mal à apaiser cela.

– Tsss... j’en ai plus rien à foutre de tout ça.

Reprenant la clope au bec, je sortais de ma poche une munition spéciale. Actionnant discrètement le mécanisme intégré d’un infime mouvement d’ongle sur le minuscule switch se trouvant au niveau du culot, la cartouche se mit à dévorer brusquement une partie de mon énergie spirituelle. Le gant blanc sur ma main empêchait de voir alors quelles lésions internes cela provoquait dans ma chair. Des effets qui devraient se voir sur mon expression, mais je demeurais glaciale en dépit de la douleur. À la fin du processus, je fis un baiser sur la tête de la cartouche sans détacher mon regard de celui de Mickael. Pas de sourire. Juste, le signe non verbal du « toi, tu vas prendre ». Mais pas maintenant, car en attendant, je chargeais simplement la balle dans le petit pistolet que je tenais dans ma main droite.

– Si tu ne durcis pas définitivement le ton, je t’ouvre le ventre. Un indice ? Tu ferais mieux de me neutraliser maintenant.

Restait à voir si je bluffais. Une tension qui pouvait exciter un joueur de poker. Se coucherait-il ? Ou miserait-il sur le All-in ?

C'est qu'elle se défendait bien la p'tite. Ce voile agissait comme un rempart et Diamond poussa un petit sifflement d'admiration devant cette stratégie. Seulement à trop se défendre, on ne parvenait pas à contre-attaquer. Et malgré le fait qu'elle se cache derrière ces belles paroles, Mickael ne voyait venir aucun assaut. Au point qu'il se gratta la barbe, faisant une moue. Si le concours de répartie semblait baisser en intensité, il avait au moins espéré mieux de la part du Six. Mais pouvait-on vraiment en demander autant à Tête de Castor ?

- Te neutraliser maintenant ? En vrai, tu m'donnes juste envie de m'allonger et de m'assoupir hein. 'Tain j'ai déjà combattu une Arrancar qui était chiante au possible, voilà que je me tape contre une meuf qui est limite pire quoi. A croire qu'on brade les titres au sein de l'organisation.

Il n'était pour autant pas dupe et s'attendait à une réplique puissante. Après tout, ce qu'elle venait de placer dans son flingue risquait certainement de lui piquer le derche. Si elle attendait autant, c'était certainement parce que la préparation de son assaut prenait du temps. En un sens, il n'était effectivement pas idiot de la neutraliser directement. Seulement Diamond n'était pas comme ça. Prendre son temps. Après tout, il faisait face à une femme. Il était toujours mieux de prendre son temps avec les goumiches.

La pastille de soin agissait toujours sur lui et il ne ressentait désormais plus les effets nocifs du poison précédent. Ce qui le rassurait : il pouvait visiblement lutter contre ce genre de merde. Quant à la pastille rouge précédente, elle aussi agissait toujours. Seulement il en ressentait les effets sur le corps et sa respiration était plus hachée qu'au départ. Mais au moins pouvait-il continuer de frapper encore et encore, pour tenter de calmer la folle qui se tenait face à lui.

Une nouvelle fois, il projeta les cartes dans sa direction afin de l'entailler. Tout en préparant le terrain pour la suite des opérations. Car lui aussi avait de quoi faire. Discrètement, il avait armé une seringue hypodermique dans son lanceur et l'avait alors projeté en même temps que les cartes. En atteignant sa cible, le poison se déverserait. Un petit produit de sa composition qui ralentirait temporairement les mouvements de la jeune femme.

- Toujours pas décidé à t'arrêter j'suppose ? Alors vas-y, gamine. Essaie de m'ouvrir le bide, qu'on s'marre un peu.

Prendre ses précautions en absorbant un nouveau produit de sa composition. Il sentait déjà son énergie et son corps se renforcer pour la suite, comme s'il s'attendait au pire. Vu l'état mental de la gonzesse, il ne prenait pas de risques inutiles lui non plus.

À l’écouter, je recevais la confirmation qu’il avait bel et bien été l’adversaire de l’autre arrancar que j’avais retrouvé blessée quelques jours avant. Une conversation qui n’avait guère vraiment été très agréable. Mais qui ici, ne trouvait aucune espèce d’importance. Il s’ennuyait ? La provocation ne m’en ferait pas bouger une. Car si je le méprisais, je ne le savais pas suffisamment idiot pour se dire que je m’arrêterais à seulement me défendre. Très rapidement, j’avais saisi que ça ne servirait à rien contre lui de trop me défendre, même si je m’étais pas franchement ménagée jusqu’à maintenant. Ce pourquoi, j’avais pris les dispositions nécessaires qui exigeaient quelques préparatifs.

D’un coup d’œil, je vis que mon poison n’aurait pas grande efficacité sur son organisme. De quoi me conforter dans ma stratégie à venir. Jusqu’à maintenant, les attaques qui me menaçaient manquaient de virulence. Était-ce qu’il se retenait ? Ou bien, manquait-il de puissance de feu comme je le soupçonnais ? Je lui laissais l’opportunité de me dévoiler son jeu librement pour en aviser. Et alors qu’il aurait pu se donner à corps joie, il se contenta du même tour que tout à l’heure. Ce à quoi, je n’opposais pas de résistance. Je le laissais me blesser aussi profondément qu’il le désirait. De toute manière, mon costume était déjà bon pour la poubelle. Alors pourquoi s’emmerder, à présent ?

Il pouvait m’arracher quelques grimaces de douleur, ça restait supportable. Comme s’il misait sur autre chose plutôt que de me neutraliser comme je lui avais suggéré. À la piqûre qui vint m’atteindre, je me sentais gênée dans mes mouvements. Un dérangement désagréable mais loin d’être insupportable, même pour une brindille comme moi. Et après ça ? Des fanfaronnades.

– Grand parleur, petit faiseur. Je suis toujours debout, je te signale.

Alors oui, dans un piteux état. Mes habits blancs s’imbibaient de sang. Et j’étais loin d’avoir une condition physique exceptionnelle. Donc sans doute ne faudrait-t-il pas énormément plus pour me faire tomber. Seulement, c’était insuffisant. Pourtant, je l’avais prévenu. Qu’il ne m’en veuille pas, après ça, si la situation dégénérait pour lui. Levant mon flingue en sa direction, mon regard se faisait glacial.

– Se marrer ? Tu m’expliques pourquoi j’entends tes genoux claquer d’ici, alors ?

Car s’il montrait une attitude confiante, je n’étais pas dupe de quelques signaux qui montraient qu’il n’était pas si sûr de lui que ça, au final.

– Fais moi signe quand tu abandonnes. Je voudrais éviter d’avoir à gérer la paperasse si tu venais à disparaître.

Si je plaisantais ? Difficile à dire. J’étais ambiguë au possible. Et mes actes conforteraient mon adversaire sur le fait que je ne plaisantais plus, comme en témoignait le premier tir de nature à dévorer l’énergie spirituelle sur sa trajectoire pour tout relâcher au contact de sa cible. Une explosion retentissante viendrait secouer les installations non loin de nous. Et avant même que la poussière ne termine de retomber, je chargeais une seconde de ces munitions spéciales, quitte à aggraver les lésions internes au niveau de ma main. Balayant l’environnement du regard, je cherchais ma cible. Et dès qu’une silhouette se dessina, après m’être assurée qu’il s’agissait bien de ma cible, je le visais à nouveau.

– Prêt pour le deuxième service ?

Je ne m’assurais même pas de l’état dans lequel Mickael avait été laissé que je tirais à nouveau. Cette fois, l’explosion pouvait être mortelle. Mais peu importe, car monsieur ne m’avait pas laissé voir qu’il était en difficulté. Limite, il parlait de s’endormir. Donc je pouvais bien me lâcher, hein ? Moi, je ne pouvais pas savoir. Donc je ne serais pas responsable du manque de clarté de mon supérieur, pas vrai ?

– Alors ? On se marre ?

Et une nouvelle fois, de m’acharner. De dégager de ma position mes brumes ocres qui cherchaient leur proie en vue de le tourmenter davantage. Et peu importe qu’il soit déjà un cadavre.

– J’vous entends plus patron, un problème ?

Comme si je m’en souciais, au fond. Il avait tout intérêt à agiter le drapeau blanc s’il était toujours en vie, car mon état ne présageait rien de raisonnable pour les secondes à venir. D’autant plus s’il continuait de faire sa grande gueule après ça.

- Mais t'es décidé trop débile toi. J'ai jamais dit que j'voulais te coucher. Juste te donner une leçon. Fais pas ta grande, on voit que tu morfles toi aussi.

C'était un fait. Elle encaissait bien la bougresse mais il était perceptible qu'elle douillait elle aussi, même si elle se cachait derrière ses grandes paroles. Certes, lui aussi prenait drôlement cher dans cette histoire mais au moins ne s'inventait-il pas une vie comme la p'tite demoiselle face à lui. Folle, elle l'était assurément Seulement le Nine n'était pas là pour se laisser marcher dessus par une petite idiote trop sûre d'elle.

Quant au fait qu'elle l'ait mis en garde, c'était effectivement le cas seulement il n'était évidemment pas question pour lui de baisser les bras si facilement. Elle lui avait promis de lui ouvrir le bide non ? Et bien soit, lance-toi ma belle. Il répondit à ses propos par un large sourire alors qu'il avalait une nouvelle pilule. Cette fois, il pianotait aussi sur son ordinateur intégré dans le lanceur à son avant-bras. Il s'attendait à du sale, il devait donc déclencher son mécanisme d'urgence. Ca tombait bien, il était là précisément pour ce genre de situation après tout.

Et bien lui en fasse. Car la suite, ce fut un véritable déluge. Actionnant le fameux bouton d'urgence, un bouclier grandement renforcé vint apparaître autour de sa personne. Au meilleur moment alors que les tirs se succédaient. Seulement elle ne plaisantait pas la très chère Six. Le bouclier vola en éclat, emportant avec lui le corps du scientifique. Projeté au sol, il ne put rien faire pour contenir les autres attaques qui déferlaient. Ni pour contrer ces mêmes vapeurs toxiques qu'elle s'évertuait à utiliser. Il allait baisser les bras... Lorsque la voix du démon retentit à nouveau. Si sûre d'elle. Tant pis, il irait jusqu'au bout. Se redressant, il cracha au sol la gerbe de sang qui lui obstruait la gorge alors qu'il armait une nouvelle seringue dans son lanceur. Un poison qu'il n'aurait jamais cru utiliser sur une alliée.

- Aucune problème, ma belle. J'pense que tes flingues, ils t'ont niqués tes oreilles, ça explique ton problème d'audition. Car j'suis toujours là. D'ailleurs tu parles de moi mais t'es pas mieux hein. Bah quoi, j'étais sensé rester au sol juste pour ça ? Tu devais pas m'ouvrir le bide toi ?

Il ricanait alors qu'il s'approchait de nouveau, époussetant le sable présent sur ce qui restait de son manteau. Pas grande chose à dire vrai tant ce dernier avait pris cher lui aussi, dévoilant en partie le corps de Diamond. De la fumée s'échappait de son être d'ailleurs. Il levait déjà son bras droit, actionnant le mécanisme qu'elle avait déjà vu à de nombreuses reprises depuis le départ. Sauf que cette fois, une autre surprise se trouverait glissée parmi les cartes. La fameuse seringue empoisonnée.

- Prête pour un dernier tour de danse avec tonton ?

Les cartes fusaient. La seringue également. Il sentait le poison s'insinuer en lui mais pour le moment, il préférait placer son attention pleine et entière sur Tête de Castor. Il fanfaronnait encore. Et sans doute qu'il mourrait un jour ainsi. C'était là sa nature la plus profonde après tout.

– Et donc ? Je devrais te féliciter ? Te dire que oui, j’ai retenu la leçon et que je ne recommencerai plus ? Parce que tu t’imagines encore que je vais te respecter après ça ? Sans déconner…

Je soupirais profondément à continuer de l’entendre jacter. Oui, j’étais sens dessus dessous. En effet, il était redoutable. Et je ne pouvais pas non plus fanfaronner au vu de l’état dans lequel je me trouvais. Et alors ? Est-ce que ça avait été le but, ne serait-ce qu’une seconde ? Aux premières secondes de notre rencontre, il m’avait gavé. Et rien n’avait été fait des deux côtés pour que la situation soit apaisée. Au contraire, un circuit de surenchère. J’avais le caractère d’une peste. Un poison vivant. Mais lui ? Un porc. De ces boomers condescendants et beaufs qui faisaient une banalité de cracher leur vomi de vulgarités en s’imaginant derrière mériter de recevoir un bise sur la joue en remerciement. Où était le mal, après tout ?

Ça le faisait marrer, cette situation. Alors pourquoi prendrais-je la peine de calmer le jeu ? À l’écouter, il voulait toujours me remettre ma place. Donc, qu’il le fasse s’il en était capable, non ? S’il mourrait dans le processus, c’est qu’il l’avait bien voulu, pas vrai ? De toute manière, au terme de ce combat, je serais épinglée. Autant y aller à fond pour ne pas lui laisser le loisir de me regarder de haut caché derrière ses supérieurs, hein ? J’en avais marre. Ça faisait déjà un moment que j’avais cessé de jouer. Si ce n’était toujours pas clair, qu’est-ce que je pouvais bien en avoir à foutre que ça dégénère, à la fin…

Tandis que la poussière s’évanouissait à la suite de mes deux explosions, je constatais qu’il était dans un piteux état. Il faisait peine à voir, presque, mais le Nine possédait encore suffisamment de ressource pour me les briser un petit moment. Je l’observais froidement me dérouler sa petite complainte viriliste.

– Pfff… Tu ne sais jamais quand t’arrêter, je me trompe ?

Il s’avançait en ma direction sans que ça ne m’inspire la moindre inquiétude. Immobile, je gardais une main dans la poche et je n’avais pas l’intention de reculer devant la menace qu’il partait pour faire peser sur moi. Il me surpassait physiquement ? Quel malheur que la science vienne déjouer les pronostics entre un vigoureux alpha et une fragile matrice. Un dernier tour de danse ?

– Alors quoi, tu préfères crever que ravaler ta fierté devant une minette ? Tu vas vraiment y rester, à ce rythme.

C’était pathétique à en crever, littéralement. Dans l’histoire, étais-je mieux ? Certainement pas. J’étais une connasse. Une ordure que de nombreuses personnes avaient souhaité voir disparaître. M’en émouvais-je pour autant ? Absolument pas. Qu’ils aillent tous en enfer, ceux qui s’imaginaient me dominer. Peu importe la violence des coups en face, je serrerais les dents. Je ne perdrais pas la face. Je me donnais le droit de posséder ma fierté mal placée. Aux diables les conséquences.

Lorsque j’arrivais à sa portée, j’eus droit à ces nouvelles salves de cartes dont j’atténuais le tranchant grâce à mon voile de protection. Dans l’enchaînement, une aiguille traversa mes défenses en vue de se planter dans mon épaule. Je voulus enlever la seringue de ma chair. Seulement, dans mon geste, j’eus un moment de paralysie devant le choc électrique venant secouer mon système nerveux. Ce poison était mortel, contrairement au premier. Le signe que lui aussi, il cherchait à me tuer. De quoi nous mettre sur un pied d’égalité. À ce constat, je révélais un sourire fugace, ironique.

– Hé… Nous sommes sur le même bateau, à présent. Tu te plaignais de ne pas en avoir eu encore assez, hm ?

Sur ces mots, je sortais de mon statisme nonchalant pour marcher en direction de mon adversaire. En parallèle, j’ingérais moi-même une pilule régénératrice qui profitait d’une accélération de son potentiel grâce au produit passé dans mon sang au travers de cette cigarette grillée plus tôt. Une cigarette que d’ailleurs je faisais tomber par terre pour la laisser s’éteindre d’elle-même. Dans ma tête, je me fis un petit pari. Qui s’éteindrait en premier ? La clope ou Mickael ? Personnellement, je voulais que ce soit le second.

Et à cette fin, je soulevais l’anneau de détente de mon flingue puis le poussais vers le bas pour le charger de nouvelles munitions explosives. Celles-ci seraient moins dangereuses que les dernières. Elles n’en demeuraient pas moins potentiellement mortelles. D’autant plus que je visais son ventre. Je n’allais pas décevoir ses attentes, n’est-ce-pas ? D’un tir, une nouvelle explosion suivrait. Et le temps que la poussière s’évanouisse une nouvelle fois, mes plaies se résorbaient. De même, le poison qui parcourait mes veines se dissipait. Ma vie n’était plus immédiatement menacée. Je me plaçais pas moins à portée d’un mauvais coup qui permettrait à mon opposant de changer la donne s’il en était capable. M’approchant à son niveau, j’eus la gentillesse de lui donner un prétexte d’abandonner proprement en l’assommant avec le manche de mon flingue. Deux talonnades sur sa tête.

– C’est l’heure de se coucher, mon grand. Dernier avertissement.

- Oh putain, j'crois que j'ai capté... Tu fais parti de ces personnes qui s'remettent jamais en question. Du style "j'ai jamais tort, j'fais tout mieux que les autres, c'est ta faute à toi si ca a dégénéré". Et bah bordel, on est mal barré avec une gonzesse comme toi chez nous.

Il l'observait, pensant sincèrement qu'elle serait un poids pour l'organisation. Certes, il savait qu'en bien des points il était clairement pas meilleur qu'elle. Seulement à bien y regarder, ici, elle était la responsable du problème. Dès le départ, elle avait manqué de respect. Et elle avait été la première à dégainer. Ne pas savoir gérer ses émotions, voilà bien un truc qui la différenciait d'elle. Car s'il avait attisé les flammes de la haine, il savait se modérer lui au moins. Alors qu'elle ?

- J'suis comme je suis, ma grande. J'vais certainement pas changer juste pour faire plaisir à une folle qui s'invente une vie. Si j'dois clamser, alors ce sera avec le sourire !

Nouveau clin d'oeil. Allait-il réellement y rester ? En réalité, cela ne lui faisait ni chaud, ni froid. Il n'oubliait pas une chose élémentaire pour lui : il avait choisi cette vie. Contrairement aux autres, il avait décidé de devenir un Fullbringer. Il avait demandé à ce qu'on lui injecte ce fichu produit pour développer ses pouvoirs. Et il en était fier. Si tout devait s'arrêter aujourd'hui ? Et bien il partirait avec le sourire. Rejoindre sa soeur. Après tout, selon ses propres critères, il était déjà mort depuis plusieurs années en réalité. Il en avait bien profité.

Ainsi se préparait-il à la suite, gardant son précieux sourire sur les lèvres. Son bouclier s'activait alors qu'elle se déchaînait. Cette fois, il sentit que ce dernier résistait nettement mieux. Pas encore assez pour le préserver complètement mais suffisamment pour rester debout. Finalement, n'était-ce pas là la seule chose qui comptait vraiment ? Résister ? Si les coups de crosse étaient bien senties, il n'en était pas encore à perdre connaissance pour si peu.

- Le tout pour le tout, on a qu'une vie après tout !

Deux nouvelles pilules furent avalées simultanément. Même pour lui, il savait que c'était trop. Une accumulation de ces produits dans son corps conduisaient forcément à des dégâts internes importants. Son visage se contracta sous la douleur. Même si la seconde pilule lui permettait de se régénérer un peu, annihilant le poison précédent, il prenait cher à cause de la première. La rouge, qui renforçait son corps. Puisqu'ils étaient si proches, il n'allait pas se gêner. Activant son pouvoir, cinq cartes apparurent autour de lui. Un tirage aléatoire qui lui permettait de renverser la vapeur. Alors qu'il levait les yeux, il poussa un soupir. Ses yeux rouges redevinrent normaux. Le tirage était le pire possible. Cinq cartes sans lien. Qui non seulement ne ferait rien à la femme mais qui en plus désactivait son pouvoir initial. Réellement le pire tirage possible pour lui.

- Fais chier. Mauvais tirage. La variance est contre moi, cette connasse ! Tant pis !

Levant la main, il ne chercha pas cette fois à jouer avec ses cartes ou son don. Une simple tarte dans la gueule de la nana histoire de la recadrer un peu. Il le savait. cette fois, c'en était fini pour lui. Sa fatigue et les effets des produits dopants qu'il venait de reprendre étaient tels qu'il ne sut même pas dire s'il l'avait touché ou non. Il laissait toujours ce petit sourire sur ses lèvres, fier de lui. Fier d'avoir tenu encore et encore. Et encore.

- Ca a été une belle vie ! Termine ton office, bourreau !

Déjà son regard se voilait. L'inconscience était proche.

Devant le sermon moralisateur, j’affichais une expression parfaitement indifférente. J’avais l’air de dire « Et ? » sans me fatiguer à bouger les lèvres. Oui, j’étais meilleure que les autres. C’était un fait. Et lui, à côté, ne faisait que confirmer mon point qu’il n’avait pas la force de me rabattre le caquet. En définitive, que de la gueule. Quant à son petit discours dramatique, je ne montrais pas plus de réaction. Ses mots ne faisaient plus que me glisser dessus, finalement. À me demander pourquoi je m’étais emportée pour un type qui se révélait ne pas en valoir la peine.

Glaciale à son clin d’œil, je compris rapidement quel piège il essayait de me tendre. Une chose, seulement, échappait à ma compréhension. Pourquoi aller aussi loin ? Ça lui cassait le cul à ce point de baisser les yeux devant moi après avoir été remis à sa place ? Je le voyais se démener pour un ultime chant du cygne. Une contre-attaque qui me mit sur mes gardes… pour constater au final un beau camouflet, de quoi me rendre on ne peut plus circonspecte. À mesures que filaient les secondes, il m’apparaissait de plus en plus fragile, insignifiant.

– … Tu te fais du mal, garçon.

Je voyais bien qu’il était au bout de sa vie. Qu’un rien suffirait à le souffler. Pour lui signifier, je fis un pas en arrière, les mains dans les poches et laissa ce voile invisible me protéger de son coup de poing qui se figerait alors juste devant mon nez. Ceci fait, je me paya le luxe d’un nouveau comprimé pour commencer à effacer les blessures qu’il m’avait infligé. Nous ne jouions pas à la même cour. Et s’il voulait s’accorder une fin de martyre, je me contentais de lui sourire avec suffisance.

– Une belle vie ? Tu viens de l’inventer, pas vrai ? Non mais regarde toi…

Je lui riais au nez tandis que je le sentais à deux doigts de s’évanouir. À reprendre contenance, je gagnais sur tous les plans, plutôt que de ruiner ma carrière à achever une loque trop gratuitement pendant une expédition où je me savais attendue au tournant par le King of Cups. Je me refusais à lui donner cette satisfaction de partir en m’entraînant dans une autre forme d’enfer. J’avais en tête un jeu bien plus divertissant.

– Voilà le plan : tu vas chouiner dans les jupes de ta mère. T’inquiète pas pour moi ! C’est pas une victime qui va m’inquiéter !

Ce serait sa version contre la mienne. Il pouvait bien entrer sur ce terrain s’il le souhaitait. Je m’assurerais alors de lui faire perdre toute crédibilité.

– Tu veux entendre la dure réalité ? T’aboies plus fort que tu mords. Tu ne seras jamais une menace pour moi. Alors, tu peux bien tenter ce que tu veux, à la fin, je t’écraserai. C’est triste à dire mais c’est comme ça coco, tu vas apprendre quelle est ta vraie place.

Et sur ces mots crachés avec mon air le plus détestable, je finis par me tourner, lui exposer mon dos. J’en profitais derrière pour lever un doigt d’honneur sans prendre la peine de le regarder. Il pouvait bien chercher à me frapper encore, je voyais bien qu’il ne possédait plus assez de ressource pour me blesser. Je n’avais qu’à surveiller son énergie spirituelle pour ne pas être prise au dépourvu.

– Allez, tchao le naze !

Je venais de me faire un nouvel ennemi mortel. Un de plus, un de moins, qu’est-ce que ça changeait au fond ?

C'était terminé. Plusieurs répliques lui venaient naturellement pour calmer les propos de la nana mais il les gardait pour lui. Pas par pitié ou par respect - il y avait bien longtemps qu'il avait passé ce stade et ce n'était pas ça qui le retenait - mais plutôt parce qu'il avait du mal à réfléchir. Il venait de se faire une grande ennemie. Une personne qui appartenait à son propre groupe, et il savait que jamais les choses ne changeraient.

Car il n'oublierait pas l'affront. Une défaite n'était pas un problème pour un homme habitué au combat. Mais cette petite garce se croyait supérieur aux autres alors même qu'elle était dans un état aussi déplorable que le sien. Il y avait fort à parier qu'à l'avenir, chacune de leur rencontre serait une véritable catastrophe. Il eut même un sourire alors qu'il pensait à Hanae. Elle n'apprécierait pas que ses équipes puissent se foutre autant sur la tronche.

Le fantôme de sa soeur apparut à ses côtés. Il savait qu'elle n'était pas véritablement là et pourtant il eut comme l'impression de sentir sa main sur son épaule. S'il ne pouvait plus avaler de pilules de soin, il pouvait toutefois se soigner autrement. Se posant à proximité, il prit le temps de prendre les bandages et autres crèmes cicatrisantes qu'il emmenait avec lui, tout en repensant à cette rencontre étrange. Jusqu'à ce jour, il n'avait jamais eu autant envie d'enterrer une humaine que cette Miyu. Lui régler son compte serait une priorité.

- Fais chier n'empêche. Va falloir trouver un moyen de la calmer, cette connasse. Si elle s'amuse à vouloir dessouder tout ceux qu'elle croise, ça promet pour l'orga'. 'Tain, dans quoi tu t'es encore foutu, Hanae...

Fin combat
Premier soin : +750/jauges