Sors-toi les doigts du derche !

La lame le frôlait alors qu'il esquivait sur le côté, passant en dessous de sa garde pour frapper d'un grand coup de poing dans l'estomac. L'autre se plia en deux sous l'impact, lâchant son Zanpakutō. Une erreur qu'il paya aussitôt alors que la masse du colosse s'abattait sur lui, achevant le mouvement par un magnifique vol plané avant de voir son corps retomber lourdement sur le tronc de l'arbre.

Shinjiro observait le pauvre shinigami qui avait accepté de s'entraîner avec lui. Il se relevait déjà mais était sonné. Le colosse tendit simplement sa main, laissant sa lame qui était derrière lui revenir dans sa grande paluche. L'avantage de posséder le Shikai permanent, c'est qu'il pouvait allégrement rappeler cette dernière grâce à son pouvoir sur le magnétisme. Il poussa un simple soupir alors que l'autre tentait de se remettre en garde.

- T'es sérieux ? Arrête-toi là, Gwendoline. T'as l'air complétement K.O.

l'autre leva les yeux vers lui, visiblement étonné.

- Euh. Je m'appelle Ryo, Kiryū-Fukutaisho.

Il avait encore du mal à se faire à son titre. Non pas qu'il n'en soit pas ravi, seulement au sein de la Onzième personne ne l'emmerdait à l'appeler ainsi, sauf en cas d'opération officielle. Seulement ici, il faisait face à un des professeurs de la Septième division. S'il était doué dans son domaine, il faisait pas le poids face à un expert au Hakuda.

- Ouais, ouais j'sais bien. Mais j'm'en branle. Vas t'poser avant ton prochain court, j'vais m'entraîner solo. Et merci hein.

Merci... Merci de rien, ouais. Pas comme s'il avait été d'une utilité remarquable. Mais bon, il était habitué à s'entraîner seul et ce n'était donc clairement pas un problème pour lui. Alors que l'autre s'éloignait, le colosse reprit doucement ses exercices. Puisque sa lame mesurait dans les deux mètres et qu'elle était assez lourde, il devait s'entraîner à manier l'immense épée sans que cela ne le gêne. Histoire de ne pas se retrouver emmerder au cours d'un combat réel.

Mais surtout, c'était dans l'utilisation de son bankai qu'il voulait s'exercer. Seulement pour cela, il devait rejoindre une des salles protégées. Et pour le moment, elles étaient occupées par les élèves qui étaient en plein cours. Qu'ils finissent vite, tel était son souhait pour le moment.

Le cliquetis d'une paire de bottes qui résonne sur le pavé, annonciateur de l'arrivée de la Commandante en second du corps des Nécromanciens. Un instant plus tard, c'est bien le carré noir de jais de la demoiselle qui paraît au coin de la salle, encadrant la classique paire de lunettes vertes qui camouflent à grand-peine un regard arrondi par la surprise.

Ce qu'elle fout ici? C'est simple - un miracle s'est produit, et elle a du temps libre, alors elle a simplement décidé d'aller faire du repérage pour l'Association des Femmes Shinigami. Habituée à se balader à l'occasion dans les QG des autres Divisions dont le numéro n'est ni 2 ni 9, elle a aujourd'hui jeté son dévolu sur les environs de l'Académie. De quoi la distraire un peu au passage : voir les petits Shinigami en plein entraînement, ça lui rappelle un temps lointain où elle se trouvait à leur place, à jeter des Shakkahô et à se faire engueuler parce qu'elle foutait le bordel avec. Cette pensée l'amuse beaucoup : au final, les choses n'ont pas tellement changé, seulement décuplé en magnitude...

La surprise, c'est celle de voir une espèce de titan se trimbaler un machin en métal presque aussi grand que lui : le type détonne même plus qu'elle dans l'environnement - ce qui n'est pas peu dire. Elle dévie de sa route pour s'engager dans la salle, faisant de petits gestes du dos de la main pour signaler qu'elle n'a pas l'intention de faire des contorsions pour esquiver les duels et autres exercices d'échauffement. Sur son passage, des regards gênés : c'est sûr qu'une telle intrusion, d'un air si décontracté, a de quoi faire hausser quelques sourcils. Ceux qui la connaissent de nom se mordent la lèvre, certains se rappelant encore de la façon dont elle a fait sauter une partie de ces mêmes locaux, des décennies plus tôt. Et ceux qui ne savent pas vraiment qui elle est ne peuvent ignorer la veste violette qui flotte dans son sillage, alors qu'elle coupe au plus court, traversant les groupes en plein labeur pour rejoindre le gorille. Ses doigts viennent cueillir le kiseru planté dans son bec, et elle laisse échapper un petit sifflement.


- Bah dis donc. Qu'est-ce que c'est que ce machin? Un Shikai? T'arrives à soulever ce truc? Me dis rien, ça a l'air balèze et pas subtil, t'es de la Onzième, non?


La question est directe, et semble peut-être un peu vexante, mais Yoru ne pense clairement pas à mal : à ses yeux, c'est un compliment. La Onzième a tout son respect, car on sait toujours à quoi s'attendre avec eux - de la force de frappe pure et radicale. L'observation a beau alimenter les clichés, elle possède un fond de vérité...

Soudain, elle bloque. Elle plisse les yeux derrière les verres de ses lunettes, se penche légèrement en avant, dévisageant le Hulk-pas-vert par en dessous.


- Attends, tu me dis un truc. On s'est pas déjà croisés?

Plutôt focalisé sur ses propres exercices, le colosse ne fit pas attention au début de rumeur qui parcourait les rangs des quelques autres pratiquants proche de lui. L'arrivée de la jeune femme semblait attirer les regards mais lui même étant souvent dans ce genre de situation, il n'y prêtait clairement aucune attention. Ce fut lorsqu'elle s'adressa à lui de manière frontale qu'il cessa pour se tourner dans sa direction.

S'il n'était pas le plus au fait des noms et des grades qui composaient généralement les élites du Seireitei, il n'eut aucun mal à reconnaître l'habit. Avant même de voir le visage. Tiens, tiens, ces Messieurs-dame de la Magie sortaient de leur grotte pour se mêler à la plèbe ?

Ce fut seulement en remontant un peu plus le regard qu'il eut un arrêt. Oh bordel de putain d'merde. Yoru ! La Boss de l'Association des Femmes. La même qu'il avait entourloupé pour rejoindre ce groupe en se faisant passer pour Mihane. Il avait peu à peu tissé un petit mensonge autour de cette "légende" urbaine, faisant d'elle une sorte de "soeur" de coeur auprès de Mizuki par exemple. Basculant la lame sur les épaules, il prit le temps de lui répondre :

- Yep, Onzième division. J'en suis l'Vice-Capitaine.

Maintenant qu'il lui faisait entièrement face, on pouvait distinguer la plaquette mentionnant son grade. Il faut dire qu'elle n'était pas toujours bien visible. Le colosse avait tendance à être quelque peu débraillé. Sa tenue restait ouverte sur son torse, dévoilant une musculature impressionnante, et ses manches étaient remontées jusqu'aux coudes.

- Quant à toi... Tenue flashy, une assurance à toute épreuve et... Attends, c'est quoi c'parfum !

Il pencha légèrement sa tête vers elle, comme pour humer l'air. Il prit deux ou trois secondes.

- Ouais, c'est c'que j'pensais. Une légère odeur de magie. T'es d'la section "Feu d'artifice" hein. Désolé, j'suis pas un fan inconditionnel de ta secte, même si j'nie pas qu'vous avez une certaine utilité.

Même si les propos pouvaient paraître limites, le ton restait calme et l'on pouvait même y distingué une sorte d'amusement. Il ne critiquait pas, il ne faisait qu'exprimer son avis de manière parfaitement naturelle.

- Par contre, j'pense pas qu'on se soit déjà croisé. Ta tête me dit rien. J'suis Shinjiro au fait, et toi ?

Et voilà. Ni vu-ni vu j't'embrouille. Bien sûr qu'il connaissait son prénom. Mais autant ne pas alimenter les impressions de Yoru. Il abaissa finalement sa lame sur le sol, laissant cette dernière s'enfoncer de quelques pouces dans le sol avant de reprendre, posément :

- On voit pas souvent ceux de ta division s'balader dans l'coin, t'es là pour former les étudiants ?

Il pointait du menton ceux qui les observaient au loin. Il était amusant pour eux de constater la présence de ces deux là. La première avait sa petite réputation et un passif avec la Septième tandis que le second avait aussi l'habitude de marquer les esprits. Et les murs depuis quelques temps à cause de la masse de son Shikai.

- Feu de...?

D'artifice. La Nécromancienne ne s'attendait pas à cette réponse, qui la désarçonne un instant. D'où il sort, le gorille? Du moyen-âge? Elle est parfaitement au courant que sa Division n'est pas la plus calée en Kidō, préférant le bouder au profit des bonnes vieilles tatanes à coups de sabre, mais quand même.

La surprise passée, elle éclate de rire. Bon, c'est de bonne guerre, après tout. Sa propre entrée en matière n'a pas été la plus subtile, avouons-le.

Shinjiro, donc. Vice-Capitaine de la Onzième, rien que ça. Vrai que maintenant qu'il le dit, on peut discerner sur son uniforme la plaque métallique aux armes de sa Division.


- Non, le parfum, c'est du Shiseido Ever Bloom - rien de bien magique, il est super populaire dans le monde des vivants. Pour le reste, j'imagine que le Kidōshū a toujours cette image très secrète auprès du reste du Gotei, mais crois-moi, les choses ont bien changé, depuis quelques années.


C'est le moins qu'on puisse dire. La volonté n'est pas forcément partagée par tous ses subordonnés, mais en ce qui la concerne, la brune s'est toujours affairée à ouvrir un peu plus son unité, démystifier l'aura d'inaccessibilité qui a tendance à la caractériser aux yeux du Shinigami lambda. En deux mots, l'intégrer officieusement au reste du Seireitei, au même titre que les Treize Divisions, malgré son statut un peu particulier. Vu le contexte d'après-guerre, et malgré les réticences que Yoru peut avoir concernant leur organisation militaire parfois trop stricte, c'est pas le moment de faire bande à part.


- Donc c'est toi le Vice-Capitaine, hein? Du coup, on est à peu près au même niveau dans la hiérarchie ! Moi, c'est Yoru, je suis Commandante en Second du Kidōshū. C'est notre équivalent. Pas de bol pour moi si le Kidō te parle moyen, mais en ce qui me concerne, je vous aime bien, à la Onzième. D'expérience, vous êtes souvent les moins prise de tête du Gotei.


D'autres auraient plutôt dit qu'ils sont souvent vus comme les débiles du Gotei, mais l'opinion de la brune sur la Division du combat n'est pas aussi réductrice : après avoir dû interagir de façon récurrente avec des Divisions telles que la Neuvième, pouvoir partir du principe qu'on ne craint ni arrière-pensée, ni manœuvre de manipulation quelconque de la part d'un interlocuteur est une trêve plus que bienvenue. Historiquement, la Onzième est connue pour pulluler de têtes brûlées au franc-parler déroutant, et ces vingt secondes d'interaction ont suffi à Yoru pour constater que la relève semble faite du même bois.


- Je viens former personne. Ca m'arrangerait bien de transmettre ma passion du Kidō, mais je pense que mes méthodes sont un peu trop directes pour être bien vues, par ici. "Faut s'le prendre pour comprendre", comme je dis souvent. La dernière fois que j'ai voulu former une Shinigami, elle a atterri à la Quatrième, et depuis, elle m'évite comme la peste. Non, j'ai un peu de temps libre, alors je viens faire ma pub pour l'Association des Femmes Shinigami. On recrute en ce moment - d'ailleurs, on a quelques membres de chez toi... Y en a même une qui est baraquée pareil, dur de la rater !


Mihane ! Voilà à qui l'armoire à glace lui fait penser. Même genre de traits durs, même physique intimidant. Bon, aucune chance que ce Shinjiro soit aussi doué qu'elle en cuisine - son fameux riz croustillant, c'est quelque chose -, mais il faut bien admettre que beaucoup de membres de la Onzième semblent provenir du même moule. Son regard descend le long de l'imposante lame maniée par son vis-à-vis, s'attarde sur l'entaille laissée au sol.


- Et toi, alors, tu viens traumatiser plus petit que toi? Un Shikai pour un entraînement... Tu dois leur coûter un bras en parquet...


La réplique sonne comme un reproche, mais le nouveau sourire qu'elle lui adresse est évocateur : elle sait parfaitement de quoi elle parle, puisqu'elle est loin d'être l'exemple à suivre en la matière.

Il joignit son propre rire au sien. La tension n'existait plus entre eux. D'ailleurs le colosse n'était pas homme à rester en retrait et une fois qu'il se trouvait face à une personne affable, il ne pouvait qu'être lui même lui aussi. le nom du parfum fut aussitôt oublié, alors qu'il ne retenait que la notion de "parfum terrien". Il ne savait pas que certains shinigamis prisaient les substances de la Terre et il prenait l'information avec plaisir.

- J'veux bien te croire.

La notion que l'unité changeait ne lui apparaissait pas comme aberrante. Il en était plus ou moins de même de la Onzième division et finalement, qu'importe l'unité, les aprioris étaient finalement nombreux. Alors même qu'on ne connaissait que trop peu de choses des autres. Il était d'ailleurs bien placé pour le savoir, même s'il avait de nombreuses connaissances au sein des autres corps d'armées du Gotei.

- Yep, j'avais cru comprendre que nos rangs étaient plus ou moins équivalents. Bien que pour ma part, j'me prenne pas trop la têt à ce sujet. Simple soldat ou Capitaine, on sert la même cause. OK, y'a la notion d'respect toussa. Mais perso, ça m'a jamais empêché de dire c'que je pensais, tu vois.

Il aimait la mentalité de la jeune femme. Il l'avait apprécié sous les traits de Mihane mais ici, il voyait une autre facette et elle lui plaisait bien. Une mentalité qui faisait écho à la sienne finalement.

- J'aime bien ta façon de penser. Et l'prends pas personnellement, c'est juste que j'ai jamais accroché à la magie, même si j'avoue que c'est utile. J'suis clairement pas un expert faut dire.

C'était peu de le dire. Beaucoup n'aimait pas le Kidō mais ils savaient l'utiliser. Lui n'était pas fichu de lancer le moindre sort. Et cela avait toujours été le cas, pour le plus grand malheur de ses professeurs de l'époque. Alors que Yoru s'exprime sur la raison de sa venue ici, il ne put s'empêcher de se marrer. On sentait pourtant que ce n'était nullement de la moquerie.

- J'ai un peu la même méthode. Si tu sais que ça peut faire très mal, tu feras tout ton possible pour évier de te faire toucher. Mais pour ça, faut l'avoir senti passer au moins une fois. Boarf, vu ta mentalité, si t'étais pas chez les Nécro, 100% tu serais d'la maison toi. J't'aime bien !

Là encore, sa franchise pouvait désarçonner mais on s'y faisait vite. Quant au fait qu'elle soit ici pour son recrutement perso, il n'y voyait aucun inconvénients. Seulement il allait devoir la jouer finaude car elle parlait clairement de Mihane là.

- Yep j'ai appris pour Mihane. Bah écoute, c'est cool si elle s'éclate avec votre petit groupe. De toi à moi, ça m'a limite donné envie d'ouvrir la même chose mais chez les bonhommes. J'sais pas si ça intéresserait par contre.

Quant à la question sur son shikai, il lui adressa un simple clin d'oeil alors que sa main passait le long de sa lame.

- Déjà, j'connais pas beaucoup de lascars qui soient plus grands que moi, de fait ça limite. Quant à Kaimetsu, disons que j'ai pas trop l'choix en vrai. Ce con s'est mit en tête de rester sous cette forme. Shikai perma, tu vois. Du coup vu la taille de l'engin, j'dois faire deux fois plus gaffe qu'avant. Ce s'rait con d'amputer un d'mes gars par accident. J'dois donc faire avec pendant les entraînements. Puis ça permet aussi aux miens d'être préparé en cas d'emmerdes. S'ils résistent à Kaimetsu et à moi, alors c'est que j'aurai bien fais mon job et qu'ils seront prêts pour aller au front. J'avoue que j'suis pas l'instructeur le plus cool mais c'est ma responsabilité qu'ils restent entier.

Il devait sans doute passer pour un bourrin mais l'assumait complètement.

- Pas si évident que ça, notre poste hein.

Bizarrement (ou non), le courant a l'air de passer de façon très naturelle entre ces deux Shinigami que tout semble opposer - de leur parcours à leurs armes de prédilection. Tirant sur son kiseru, Yoru laisse son regard se promener sur les petits groupes s'entraînant dans les environs, n'en écoutant pas moins attentivement Shinjiro pour autant.

Un Shikai permanent, hein... Voilà de quoi encombrer son propriétaire, vu le volume (et, il faut s'y attendre, le poids) de l'engin. Heureusement que le Vice-Capitaine est un véritable tas de muscles, clairement gâté par la nature. Ou bien est-ce justement parce qu'il est si robuste que le Zanpakutō a adopté cette forme, que lui seul pourrait manier? Comme on dit - reflet de l'âme, tout ça... La brune serait curieuse de savoir de quel pouvoir une telle arme peut faire preuve, et quelque chose lui dit que Shinjiro n'aurait pas de problème à la mettre dans la confidence si elle posait ouvertement la question, mais elle reste muette. Chaque chose en son temps - et elle n'est pas pressée d'obtenir cette réponse.


- Hm, je vois. L'entraînement à la dure, hein? T'as du bol d'être dans la Division où on trouve justement le plus de gens assez solides pour encaisser un couperet pareil. Essaie de sortir ça près d'un rat de laboratoire de la Douzième, tu le coupes en deux juste en lui montrant le machin.


Elle souffle un nuage de fumée, jaugeant la lame en question d'un air amusé.


- Enfin, je peux parler, j'ai un peu les mêmes à la maison. Quand on pense "Kidōshū", on s'imagine des Nécromanciens de seconde ligne qui restent planqués derrière les autres et arrosent les cibles à longue portée, et souvent à raison. Pas moi. C'est comme tu dis - je suis loin de coller à l'image de la Division que je suis censée représenter. Je suis là où je suis par amour de la R&D et de l'expérimentation, pas parce que j'ai envie d'éviter le front.


Son style peu orthodoxe, elle en a fait les frais : on la dit trop directe, trop tape-à-l'œil, pas assez réservée. Sa tendance à se mettre en danger, à encaisser pour rendre au centuple, voire à se blesser elle-même, n'ont jamais fait l'unanimité. Pire encore, certains y ont vu, et y voient encore, une aberration indigne de la place des Nécromanciens dans l'organisation naturelle du Gotei. Des opinions qui se font plus rares qu'avant, depuis qu'elle a endossé la veste violette et démontré qu'elle en est digne - mais entre ça et son parcours très particulier, son autorité est parfois mise à rude épreuve.

Elle tire à nouveau sur son kiseru, faisant rougeoyer les yeux de l'horrible dragon métallique enroulé autour du long tube laqué.


- Tu sais quoi? Y a peut-être un coup à jouer. J'imagine que peu de gens chez vous utilisent régulièrement le Kidō, alors à trop vous entraîner entre vous, vous risquez de manquer de pratique contre tout ce qui évite le combat direct. Nous, c'est l'inverse : beaucoup de Nécromanciens font tout pour attaquer de loin et sont infoutus de savoir recevoir une claque - nos duels, c'est deux poteaux qui se jettent des trucs jusqu'à ce qu'un des deux manque de jus. On a des Divisions trop spécialisées pour varier facilement les adversaires. Du coup, on pourrait peut-être s'organiser des sessions communes? Pire type d'adversaire pour nous comme pour vous, tout le monde va détester, mais on leur demande d'apprendre, pas de s'amuser, non?


Elle hausse les épaules en évoquant ce faux problème. Elle entend déjà d'ici ses subordonnés revenir de l'entraînement couverts de bleus et râler à son sujet, mais si elle en avait, ça lui en toucherait une sans faire bouger l'autre : si elle peut profiter de l'avantage du grade pour marteler sa propre vision de la nécromancie à sa Division - une nécromancie agressive, explosive, irréprochable sur les bases, capable d'agir dans la masse sans crainte de prendre des coups -, alors autant ne pas se priver. Il faut bien quelques avantages à supporter le poids de cette veste et des tonnes de rapports à traiter chaque semaine, non?

- En vrai, c'pas de la chance. C'est clairement le destin. Perso, j'crois pas aux coïncidences. T'as vu la bête ? T'as vu l'arme que j'me trimballe. Tu crois vraiment qu'il y a que du hasard ?

Comme le disait Yoru, un simple rat de laboratoire en aurait bavé. A ses yeux, il n'y avait pas à douter : le hasard ne pouvait pas être seul responsable de cet ensemble de "phénomènes". Si la Onzième lui collait autant à la peau, c'est parce qu'il en était l'âme. Le représentant vivant. On avait parlé de certaines légendes du passé. Il respectait cela. Mais lui, il était l'avenir. De la division du combat. Mais pas seulement, il y croyait dur comme fer.

En tout cas, elle comme lui paraissaient clairement sur la même longueur d'onde. Faire ce qu'ils voulaient, quand ils le voulaient, et pas seulement parce qu'ils appartenaient à tel ou tel groupe. De cette femme se dégageait une réelle confiance en elle, une vraie force de caractère. Cela ne pouvait que coller avec le colosse.

- Marrant que tu fasses cette proposition.

L'idée de mêler les genres pour se forcer à combattre son pire ennemi, c'était évidemment d'une logique implacable. Il était seulement amusé parce qu'une de ses amies lui avait déjà fait la même proposition par le passé. Ils n'avaient pas eu le temps de pousser le truc mais ici, il ne pourrait pas reculer. Après tout, la nana était son équivalent chez les Magiciens. Leurs unités ne pourraient pas aller contre cet ordre. Par peur déjà.

- Perso, j'adore. J'adhère. Et j'peux te dire que mes gars vont peut-être pas kiffé mais qu'ils joueront le jeu. On va secouer un peu tout ça en vrai. Histoire de les renforcer, ces enfoirés.

L'insulte n'avait rien de péjoratif ici. On sentait qu'il aimait sa division. Sincèrement. Et il ne doutait pas que cela pourrait leur servir à tous. On demandait aux gradés de prendre des initiatives. C'est ce qu'ils faisaient ici.

- Faudrait même qu'on se prépare ça dans pas longtemps. Histoire de pas faire que causer dans l'vent. Puis j'serai ravi de t'montrer mon meilleur Hadō. Le numéro 11. Ma spé !!

Il lui adressa un clin d'oeil avant de se poiler comme un con. Une blague qu'il était seul à comprendre. Son Hadō n'en étant pas un, évidemment. Une grande mandale dans la tronche façon "Onzième". D'où le nom. Après tout, sa technique pouvait elle aussi régler tous les problèmes.

- Les grands pontes verront en tout cas qu'on fait le max pour que nos gars soient au top. Tu sais quoi, j'vais pas tourner autour du pot. D'habitude, je chie sur ta division. J'ai même peut-être une fois ou deux dit que vous aviez tous des têtes de fions et que j'vous chierai bien dans la bouche à cause de ça. Mais j'dois dire que t'as le mérite de m'faire douter. Y'a peut-être pas que des danseuses avec des cure-dents chez toi. C'est bien.

Un vrai poète.

Visiblement, le gorille semble intéressé par la proposition - enthousiasmé, même. Une très bonne nouvelle, en ce qui concerne Yoru : le type n'a pas l'air de faire dans la demi-mesure, et devrait envoyer ses péons s'exercer à grands coups de pied dans le fion si nécessaire. Elle-même a bien l'intention de procéder ainsi, en tout cas - sa cote étant ce qu'elle est, elle ne sera plus à une décision impopulaire près. Comme si elle en avait quelque chose à carrer, de toute manière... Un jour, ils la remercieront. A choisir, elle préfère commander des Nécromanciens vivants qui la regardent de travers, plutôt que des Nécromanciens crevés. Quel intérêt de s'entraîner, si c'est pour claquer à la première torgnole?

En tout cas, on ne peut pas dire que Shinjiro a un avis très nuancé sur le Kidōshū. Le sourire de la brune se change en grimace sous cette pluie de péjoratifs, mais cela ne dure pas - elle reprend une expression neutre, songeuse.


- Hm. Je peux même pas râler, parce que t'as pas forcément tort. Quand ça concerne le terrain, du moins. Dans nos rangs, on compte beaucoup de planqués qui pensent pouvoir rester loin des premières lignes. Sauf qu'avec ce que le Seireitei a traversé ces dernières années, et nos besoins militaires, ils vont forcément se retrouver déployés, et ce qui est puissant et fragile représente une cible prioritaire toute trouvée. Ils pourront pas se cacher éternellement derrière les autres Divisions.


Elle tire une longue bouffée sur son kiseru. Son regard se déporte sur la cour extérieure, visible depuis une fenêtre, et elle recrache lentement la fumée, les yeux perdus dans le vague.


- En tout cas, c'est pas ce que je leur souhaite.


Elle ajoute la précision sans plus de contexte, mais le lien peut sembler évident avec le sujet qu'elle a abordé plus tôt dans la conversation : encore une fois, casser l'isolement du Kidōshū est pour elle une priorité, quitte à sacrifier pour cela le mystère qui plane autour de leurs activités.

Finalement, son regard revient examiner la lame géante trimbalée par le gorille, trop grande pour être appelée une épée. Trop grande, trop lourde... Tout bien considéré, c'est plutôt un gros morceau d'acier. Qu'est-ce que ça fait de se prendre ce truc en pleine tête?

Et mieux encore : comment réagiraient ses subordonnés, si elle se révélait capable de la bloquer sous leurs yeux ébahis? Est-ce qu'ils pigeraient enfin à quoi ça sert, de s'entraîner au combat rapproché?


- Dis. Ca te va, si on ouvre le bal quand on organisera la première session? C'est pas que j'ai très envie que tu me jettes ça à la tronche - elle agite son kiseru en direction de l'arme de Shinjiro -, mais mon but reste de montrer l'exemple à mes chers blaireaux magiques, et niveau physique, je vois pas trop où je pourrais trouver plus intimidant que toi. Gagner ou perdre, je m'en fous, tant qu'ils ont le déclic en voyant que j'ai pas peur des coups...


Mais ses yeux pétillent, et ceux qui la connaissent le savent : pas question pour elle de donner moins que le maximum, même en entraînement.

Après, et même s'il ne le disait pas explicitement, il devait admettre qu'il en était de même de ses propres gars. Eux aussi se satisfaisaient parfois du minimum, sans réellement anticiper sur les différents types d'adversaires qu'ils auraient. Certains craignaient d'affronter les Nécromanciens précisément parce qu'ils ne savaient pas gérer leur magie. Même si parmi eux, certains pouvaient un peu manier le Kidō, ils ne le faisaient que trop rarement pour être considéré comme de simples utilisateurs.

C'est pour ça qu'à l'idée d'ouvrir le bal, il hocha la tête vigoureusement. Il n'était pas question de passer à côté pareille demande et cela pour deux raisons. La première, la plus évidente : pour se fritter à une Shinigami d'un tel niveau. Elle possédait son rang mais avait nettement plus d'expérience. Il se dégageait d'elle une vraie force et il avait très envie de tester ses limites. La seconde : donner une leçon à son unité.

- J'en suis. Et pour la même raison. Il est temps de montrer à mes gars que la magie, bien que puissante, est une des branches basiques du combat et qu'on peut apprendre à s'en défendre même sans pratiquer. Puis de toi à moi, y'a longtemps que j'me suis pas opposé à quelqu'un de ton calibre. J'suis comme toi, j'm'en balec de gagner ou de perdre.

Son regard se posa sur Kaimetsu qu'elle avait ainsi désigner. Sa lame aurait du travail, c'était une évidence. Et il avait déjà hâte à dire vrai.

- Par contre, j'compte bien tout donner et j'sens que tu vas faire pareil. Ce sera ça, la vraie leçon pour ceux de nos divisions. Tu sais quoi, on s'prépare ça vite. J'ai déjà envie de t'arracher la tête.

Il eut un bref éclat de rire avant de se reprendre.

- 'Fin, c'est une expression quoi. Donne-moi ton heure, ton jour et on s'prépare ça. En attendant, si t'y vois pas d'inconvénients, j'vais m'barrer pour aller les prévenir. J'ai juste hâte de voir leur tronche quand ils vont savoir ça. Mouhahahahahahaha. On va s'régaler.

En dehors peut-être de son pote Kyôken, le colosse doutait qu'aucun autre Shinigami puisse prendre plus de plaisir que lui à combattre.

Cela faisait parti de lui.

Fin rp du coup. On s'lance le rp combat. Tu peux prendre en considération que t'es déjà capitaine lors de ce rp à venir si tu veux, ça peut amener de belles interactions.