Bouclier et Épée [PV Noda]

Opportunités, idées et ambitions.

Le monde spirituel est un terreau fertile pour ce genre de choses. Il offre des solutions aux problèmes du monde actuel, tant qu'il pose ses propres problèmes. Riche en ressources, riche en nouveauté, riche en concurrence.... En menaces. Parmi la plus pressante pour le commun des mortels, les hollows et leur voracité sauvage, leurs assauts imprévisibles. Invisibles, donc invincibles pour le commun des mortels. Imprévisibles, faute à ces trous qu'ils peuvent déchirer dans le tissu de la réalité, n'importe où et n'importe quand. Aux yeux de Kyoya, la menace la plus immédiate, la plus récurrente... Mais surtout, celle où ils manquent de solutions.

Ironiquement, l'Acuerdo et leur semblant d'organisation permet d'aborder leur cas de façon traditionnelle. La guérilla éternelle des hollows sauvages ? C'est une autre question.

Il y songe, tandis qu'il monte les étages de l'Eiichi Tower. Là, dans les locaux d'un autre géant du monde des affaires. Potentiel associé, potentiel rival. Or, ce n'est pas en sa qualité de représentant du groupe Kurosawa, qu'il marche le sol de la tour. Aujourd'hui, il vient gérer les affaires du King of Swords.

Même si l'un n'empêche pas nécessairement l'autre.

Une visite sur invitation du PDG, pour discuter de son propre plan, concernant la défense des intérêts humains. D'autres choses, peut-être, mais la priorité semble être à deviser du projet Egide, et la priorité du projet égide semble être à protéger – Comme le nom l'indique. De nouvelles solutions, pour un problème qui n'est pas réellement nouveau... Mais jadis, les hommes n'avaient pas réellement le luxe de penser à la défense contre les Hollows à grande échelle. Aujourd'hui ? Aujourd'hui, les choses sont différentes.

La société surnaturelle du Japon s'organise désormais sérieusement, à grande échelle, et avec l'appui de la technologie adéquate, les bienfaits de l'industrialisation en bonus. Aujourd'hui, les guerriers de ce monde invisible peuvent penser plus loin qu'un rôle autoproclamé de héros improvisés, capables de prévenir le mal que là où ils sont présents pour le combattre.

Être un héro, c'est bien. Être l'homme qui arme les autres pour leur donner le pouvoir d'être leurs propres héros, c'est mieux.

Noda laissa échapper un long soupir, ayant achevé sa lecture des derniers rapports parvenus. Tokyo avait subi, en leur absence, un assaut d'une rare violence, mais il ne s'agissait là pas de la pire nouvelle qu'il avait pu lire. Non, le véritable cauchemar était l'interaction directe entre l'Ultima Necat et quelques shinigamis, visiblement particulièrement forts de surcroît, qui s'étaient retrouvés là au même instant. Il était difficile de savoir à quel point les fullbringers avaient été discrets, mais ces échanges avaient très certainement déclenché des interrogations chez les dieux de la mort, et Noda s'attendait presque à voir un portail géant s'ouvrir dans le ciel de Tokyo pour laisser passer des milliers d'hommes en noir. Cela devait arriver à un moment ou à un autre, mais ils n'étaient pas prêts.

Heureusement, il n'était pas seul. D'autres avaient conscience de l'urgence de la situation au sein de l'organisation. C'était notamment le cas du King of Swords qui se montrait, selon les rumeurs, particulièrement proactif sur tous les fronts. Noda se félicitait d'avoir réussi à capter son enthousiasme, ou ce qui servait en tout cas de moteur au Kurosawa, autour du projet Egide. Les paroles de Recca à Pandora l'avait quelque peu fait douter de sa capacité à la convaincre, mais il espérait que le support de deux des trois Kings saurait lui forcer la main.

Bien sûr, les origines socio-professionnelles de Kyoya représentaient elles aussi un atout de taille pour le projet Egide, mais le PDG aurait tout le loisir de lui en parler à son arrivée. Et justement, voilà qu'on l'informait d'une discrète notification sur son téléphone, que le King sortait de l'ascenseur menant à son bureau. Noda se redressa et se dirigea vers la porte, qui fut ouverte de l'extérieur par son assistante.

"Je vous remercie Ayami, vous pouvez nous laisser."

La jeune femme s'éclipsa, avant que l'héritier ne verrouille son regard sur son invité, puis ne s'incline très brièvement comme il était coutume de le faire dans le milieu des affaires au Japon. Se redressant, il indiqua d'un geste de la main quelques sofas disposés autour d'une table riche en boissons plus extravagantes les unes que les autres.

"Soyez le bienvenue, King. Installez vous et choisissez votre poison, nous avons beaucoup à nous dire."

Noda, lui, se dirigea vers l'immense baie vitrée qui offrait une vue époustouflante sur Tokyo, puis, d'un mouvement de la main, la rendit parfaitement opaque et noire. Quelques instants plus tard, un logo semblable à un bouclier y fit son apparition.

"Je crois me souvenir d'une de vos remarque sur notre bassin de candidats envisagés, mais parlons d'abord, si vous en avez quelconque, des autres interrogations qu'auraient pu soulever dans votre esprit le bref résumé que vous avez reçu au Hueco Mundo."

Il ne s'attendait à aucune objection en particulier, mais il était toujours bon de garder le champ des possibles ouverts. Tout génie qu'il était, Noda gardait bien à l'esprit que ses plans pouvaient toujours être perfectionnés.

Il y l’ascenseur qui s'ouvre, il y a l'assistance, il y a la porte. Puis, enfin, il y a Eiichi Noda.

- Eiichi-San. Merci de me recevoir.

à son tour, il s'incline légèrement, puis ne tarde pas à trouver son chemin jusque vers un des sofas. Une œillade sur la collection de boissons, avant de trouver un whisky à son goût. L'alcool coule, tandis que l'homme parle, et que l’éternel écoute.

- Je m'interrogeais sur le Comment du... Recrutement. Entre autre. - Le milieu Yakuza s'est transformé ces dernières décennies. En funambule entre les activités criminelles et business légaux, ils gardent une certaine influence, mais la répression gouvernementale et les loi anti-crime restent ce qu'elles sont. Une chose n'a pas changé, cela étant : le respect absolu envers l'Oyabun. Influencer les clans, ça devra sans aucun doutes passer par eux, d'une manière ou d'une autre.

Kyoya entretient un songe, depuis maintenant quelques temps : Il se dit que peu à peu, les mortels devraient ouvrir les yeux quant à la menace spirituelle. Quelque chose de progressif, incomplet : ils sont aveugles, et en un sens, c'est une bonne chose. S'ils devenaient clairvoyants du jour au lendemain, ce serait un problème.

Ce serait le chaos.

Mais qu'ils soient au moins borgnes, plutôt qu'ignorants ? Ou au moins, certains d'entre eux. Ceux qui pourraient être utiles... Les Yakuza par exemple, oui. La réflexion a fait son chemin dans son esprit, alors il a eu le temps de peser le pour et le contre.

- Comment comptez-vous gérer l'introduction des effectifs aux affaires spirituelles ? C'est déjà un procédé complexe pour les rares Fullbring naturels ou artificiels... Alors des milliers d'ignorants?

« Ignorant » ne sonne pas comme une injure, dans sa bouche : simplement un fait. Alors il questionne. Il a ses propres idées, mais il attend de voir celles de l'homme derrière le projet Egide, dans un premier temps.

- Des ignorants intéressés, qui plus est. Travailler avec le Yakuza, c'est travailler avec une main d’œuvre à l'allégeance double.

Il est bien placé pour le savoir : il place ses pions partout où il le peut, et si l'Ultima Necat offre des opportunités, il n'aura pas de scrupules à les saisir pour ses propres intérêts, pourvu que l'échange se fasse dans les deux sens. Mais comment est-ce que ça se passerait, avec les familles ?

Il songe, le regard fixe, la voix calme. Ultimement, ce sont les gens comme Noda qui feront bouger la scène spirituelle pendant trop longtemps inerte, du côté des hommes. Bientôt ? Bientôt, les autres acteurs sauront. Tous, Shinigamis inclus.

Alors ils doivent être prêts.

Le King s'assied, choisit un whisky. Décidément, il semble que ses collaborateurs de l'Ultima Necat raffolent de cet alcool. Rejetant à demi-mot la proposition du PDG d'aborder d'autres questions mineures en premier, le Yakuza met les pieds dans le plat et exprime à nouveau ses doutes sur la docilité des siens, craint leurs potentielles trahisons.

"Travailler avec le Yakuza moderne, c'est avant tout travailler avec des groupes déracinés qui réalisent bien le décalage entre les légendes qui traversent les âges et les clans et leurs activités quotidiennes. Travailler avec le Yakuza, c'est opérer avec un groupe qui a depuis longtemps perdu la confiance du peuple, le respect de la police, l'intérêt des médias et la faveur des riches. Travailler avec le Yakuza, c'est opérer avec des parias perdus et dont personne ne veut entendre parler."

Il marque une pause, se sert du même whisky que son invité, prend une gorgée et continue.

"Personne ne veut plus entendre parler des clans tombés en disgrâce, et c'est justement la raison pour laquelle ils sont, pour nous autres êtres semi-spirituels, une cible facile. Ou plutôt des cibles faciles. Séparons les familles en deux, voulez-vous ?"

Comme pour illustrer son propos, il balaya de la main l'air entre lui et la baie vitrée, et le logo d'Égide disparu alors, laissant place à quelques profils organisés en quatre pyramides.

"D'un côté, la hiérarchie. Orgueilleuse, datée, nostalgique d'un âge d'or qui ne reviendra pas, à tel point qu'elle se permet encore de vivre comme si elle y prospérait toujours. De l'autre, plus de vingt mille hommes désespérés en quête de sens, de gloire et de yens que les clans ne semblent pas pouvoir leur donner. Si les premiers s'invitent ça et là dans quelques réceptions et clubs privés grâce à leurs fonds, les seconds sont, pour ainsi dire, proprement coupés du monde."

Un autre mouvement de la main entraîne cette fois-ci un zoom sur les visages des 4 Oyabuns, et un 5ème portrait fait son apparition dans un coin.

"Quand bien même les Oyabuns oseraient refuser nos demandes, il serait aisé pour des assassins bien informés comme le sont les swords de décapiter en quelques heures l'intégralité de la hiérarchie des familles Yamaguchi-gumi, Sumiyoshi-kai, Inagawa-kaï et Kobe Yamaguchi-gumi. Je préfère pour l'heure garder le Tōa Yuai Jigyō Kummiai hors de mes prédictions, car ses traditions mixtes nippo-coréennes ajoutent des variations uniques à mon précédent bilan."

Les profils affichés sur la baie vitrée disparaissent un à un, affichant à chaque fois les successeurs respectifs des clans qui, eux-même, laissent à leur tour la place aux suivants, jusqu'à ce qu'ils aient tous disparu.

"Le gouvernement sera ravi de voir enfin disparaître les familles qui, années après années, démontrent un peu plus la hauteur de son incompétence, comme ce fut le cas pendant les tremblements de terre de Kobe en 1995. Les médias, dépassés, auront bien du mal à comprendre ce qui a bien pu se produire, et aiguilleront bien volontiers, moyennant quelques informations bien choisies et quelques chèques bien ciblés, la police vers l'hypothèse d'un grand nettoyage par les coréens, par exemple."

De nouveaux visages apparaissent sous forme d'hologrammes. Des journalistes influents, des chefs de police respectés, des héros divers et variés de la lutte antigang. Certains de ces profils sont agrémentés d'un discret marqueur vert, signe que Noda était déjà certain de pouvoir les mettre dans sa poche sans se compromettre.

"Nos nouvelles recrues, enfin, seront très certainement impressionnées autant que terrifiées par la démonstration de force. Si nos agents se débrouillent bien, ils sauront transformer cette terreur en espoirs. Celui, d'abord, d'accéder à une rémunération stable et descente. Celui, ensuite, de servir l'humanité au sens large par le biais d'une affectation à l'importance primordiale. Nous mettrons pour cela en valeur la récente attaque de hollows sur Tokyo. L'espoir, enfin, d'accéder à un autre statut en tant qu'être vivant. Ces fantassins malléables seront encadrés par des fullbringers aux capacités exceptionnelles, et galvanisés par la promesse d'accéder à un tel rang en cas de bons résultats à l'entraînement ou sur le terrain."

Les hologrammes positionnés face au King changent à nouveau, affichant encore une fois le logo d'Égide.

"Pour ce qui est de l'introduction de la masse aux affaires spirituelles, je préconise un filtrage lourd. Ils sont la première ligne de défense entre des spectres qui ont juré de détruire l'humanité et cette dernière, et ils n'en sauront pas bien plus. Si le sujet des shinigamis vient sur la table, nous les présenterons brièvement comme les gardiens incompétents qu'ils sont. La promesse d'informations plus détaillées peut aussi être un moteur pour certains à se dépasser pour accéder au rang de fullbringer."

Il écoute, attentif.

Le discours du PDG fait sens, mais aux yeux du Kurosawa, il est trop... Orienté. Il dit la vérité, mais seulement une partie de la vérité. Selon ses propres considérations, la situation est plus complexe. Pour autant, il laisse l'homme aller au bout de sa réflexion. Il écoute, sans interrompre.

Il pourrait y avoir la question de ses intérêts personnels. Le clan Kodama fait partie de l'Inagawa-Kai : sous la couverture d'Hebi, Kyoya possède une influence non négligeable au sein de l'organisation. Une bonne partie de cette influence, c'est ses contacts, les alliés du clan Kodama, les choses qu'il sait et les gens qu'il peut manipuler... Si ces gens disparaissent, alors il faudra tout recommencer. Ce serait une épine dans son pied.

Mais ce n'est toujours pas ce qui le préoccupe réellement.

- Trop soudain. Trop invasif. Trop concentré, surtout. Ce sont les premiers mots qu'il prononce, lorsque l'exposé se termine. Une gorgée de son whisky, un silence de réflexion, puis il continue. -  « Projet Égide ». Nous parlons donc d'un bouclier. Donc, d'une milice de protection, plutôt que d'une armée régulière, correct ?

Jamais il ne sera question d'attaquer l'Acuerdo avec les effectifs du projet Égide. Jamais ils ne seront une force offensive... Ou en tout cas, certainement pas à court terme.

- Dans le cadre de la création d'une force de protection contre les menaces spirituelles, recruter dans une seule strate de la société ne me paraît pas être la méthode la plus efficace. Déjà, vous autres chez les Coins devaient jouer d'influence, astuces et technologie pour couvrir les manifestations surnaturelles au travers du pays. Déjà, une bonne partie de nos ressources est investie à maintenir le voile, préserver le mensonge.

« Trop de nos ressources », pourrait-il ajouter. Mais cet avis se devine dans son discours sans qu'il n'ait à l'expliciter.

- Par la nature de leurs apparitions et méthodes, les Hollows peuvent être une menace partout et nulle part à la fois. Parfois, ils seront là où un Yakuza devra enfreindre les lois civiles pour agir. Dés lors, plus de travail pour les Coins. Plus de ressources investies.... Là où un agent des forces de l'ordre aurait la légitimité pour agir sans causer plus de soucis pour l'organisation. Une pause, un regard. - Un exemple parmi tant d'autres.

Alors enfin, il développe sa propre idée.

- Une force de protection tel que celle-là doit à mon sens exister à toutes les strates de la société, dans tous les milieux, ou au moins avec un accès à tous les milieux. Le Yakuza représente effectivement une main d’œuvre facile, que l'on pourrait mobiliser dans les rues efficacement. Va de même pour les forces de l'ordre, va de même pour mercenaires et autres profils militaires, qui eux auront un avantage d'expérience du combat. Je pense que nous ne devrions pas mettre tous nos œufs dans le même panier. J'entends vos arguments, mais je maintiens : S'arroger le contrôle de l’entièreté du Yakuza, c'est travailler avec des criminels qui portent une allégeance double. Et je ne parle même pas des quelques profils de loyaux excessifs, qui refuseront de suivre les meurtriers de l'Oyabun.

Il développe, lentement, calmement.

- C'est là le problème principal, à mon sens : ce monde n'est pas fait pour tout le monde. Il existe des gens qui ne seront jamais qu'un poids, si la réalité du spirituel leur était dévoilée. Des gens qui resteraient dans le déni, des gens que l'on pourrait changer, mais qui seraient... Difficiles. À l'inverse, il existe des profils plus susceptibles de correspondre au projet Égide. De la même façon qu'il existe des profils plus propices à la création d'un Fullbring Artificiel.

Il laisse peser un silence, il fixe l'homme en face. Noda est un exemple parfait.

- Chercher et identifier ces profils au sein de multiples groupes, et entamer une phase de recrutement. Ainsi, nous auront des agents disséminés dans plusieurs milieux, capables de répondre à la menace peu importe d'où elle vient... Capables de faciliter l'accès à d'autres agents, s'il le faut. Un fin sourire. - Ce même Yakuza embarrassé dans mon exemple plus tôt, pourra plus efficacement compléter sa tâche avec un collègue de l'autre côté de la loi.

De nouveau, une gorgée de son whisky.

- Les agents auraient ainsi un devoir de confidentialité pas seulement auprès de la population, mais au sein même de leur groupe civil. Ils resteraient minoritaires dans leur organisation d'origine, ce qui diminue le risque d'un mouvement de résistance, la création d'une identité de groupe trop forte... Ce genre de soucis.

Diviser pour mieux défendre, certes : mais aussi pour mieux régner.

- Ces agents agiraient au nez et à la barbe de leurs contreparties civiles. L'on veilleraient à avoir quelques supérieurs hiérarchiques dans la poche pour faciliter le travail de cette milice, éviter la confrontation avec leurs obligations civiles. Ça nous épargnerait une opération d'assassinat de masse, qui aurait invariablement son lot de conséquences, ce même avec la meilleure couverture de la part de vos services.

Enfin, une plus longue pause, après cet exposé.

- Que pensez-vous de cette contre-proposition?

L'origine du désaccord apparaissait de plus en plus évidente au fur et à mesure que Kyoya dévoilait sa conception d'Egide. Il voyait dans cette initiative la volonté de créer un groupe d'observateurs omniprésents, de "patriotes spirituels” convaincus de l'importance de leur tâche et capables d'agir, séparément, à toutes les strates de la société. Ce n'était pas la vision de Noda.

"Il me semble que nos perceptions de ce projet diffèrent considérablement, King. Je ne parle pas d'infiltrer des forces de réaction rapide au sein de la société japonaise. C'est un processus de toutes façons en mouvement constant, car nous recrutons déjà et à chaque instant les profils qualifiés qui nous apparaissent les pour les élever au statut de fullbringer."

Il était certain que le rythme de ces recrutements allait de toutes façons considérablement augmenter en raison de la récente sauterie inter-factions qui avait eu lieu à Tokyo. Si l'Ultima Necat était au fait de l'intérêt des shinigamis pour ce qu'ils avaient vu et compris de l'organisation, alors elle recruterait en conséquence pour se préparer à toutes éventualités.

"Ce que je veux, King, c'est une armée. Des milliers d'hommes répartis en groupes discrets mais hautement mobiles aux quatre coins de Tokyo dans les environs directs des sites sensibles et des centres de population. Des groupes qui, comme nous l'avons établi, seront faciles à contrôler par leur ambition, et facile à cadrer en raison de leur situation sociale déjà déplorable. Des bataillons entiers capables d'alerter des agents plus puissants et capables de chaque incursion et de retenir, dans le même temps, le gros des forces adverses."

Une telle force aussi rompue au combat et bien équipée pourrait même permettre à l'Ultima Necat de progressivement solidifier son contrôle sur le monde humain, acquérir des gisements de ressource ou préparer les populations civiles à cette nouvelle réalité par l'instauration de gouvernements loyaux à l'Ultima Necat, mais le King n'avait pas besoin de tels détails pour l'heure.

"Recruter à d'autres strates de la société japonaise et à une telle échelle alourdirait immensément les coûts de contrôle de l'information, et mettrait en jeu des agents à la loyauté certes forte initialement, mais incontrôlable sur le long terme, tant leurs motivations et leurs intérêts pourraient varier sur le long terme. Enfin, King. Des mercenaires ? Ces hommes suivent avant tout l'argent, vous le savez bien. L'Ultima Necat est riche, mais le budget que nous pouvons allouer à Egide reste bien inférieur à celui de beaucoup de nations. Et ces hommes ne sont même pas les profils les plus cupides qui pourraient être concernés. Les risques de fuite sont bien trop importants."

Noda marque une pause alors qu'un fin sourire apparaît sur son visage.

"C'est après tout ma tête qui est en jeu, s'il faut le rappeler, et j'aimerais éviter de partager le sort des hommes déclarés comme des traîtres par les nôtres."

Il se souvenait encore de l'expression curieusement neutre affichée par Orias lorsqu'ils avaient abordé le volet des responsabilités de l'échec d'un tel projet.

"Quoi qu'il en soit, et bien qu'il soit légitime pour un Yakuza de douter de l'allégeance des siens en tant que tel, je veux que vous compreniez, King, qu'il ne s'agit pas pour nous de faire main basse sur les organisations. Nous les ferons exploser avec une force proprement surnaturelle contre laquelle ils n'auront aucune riposte littérale, juridique ou médiatique. Une fois leurs clans tout puissants brisés, ils n'auront aucun cercle social auquel retourner, aucune alternative professionnelle stable vers laquelle se tourner. Leurs alternatives seront la servitude, ou la clandestinité. Les quelques réticents réaliseront bien vite à quel point ils sont seuls quand leurs camarades partis se réfugier dans les commissariats ou les rédactions de presse disparaîtront en quelques heures."

A nouveau, il plongea son regard dans celui de son invité.

"Mais à leur désespoir se substituera bien vite une ambition dévorante. Ces mortels se retrouveront au pied de l'Olympe. Au-dessus d'eux voleront des guerriers aux capacités quasi-divines maniant des pouvoirs invisibles à la puissance renversante, et les recrues auront toutes leurs chances de mériter, elles aussi, leur entrée au Panthéon. Aux yeux du reste du monde, ils deviendront les bénéficiaires d'un généreux programme de réinsertion de la Fondation Mémento qui leur fera balayer des rues et ramasser des déchets sur les plages une fois par semaine. Le reste de leurs jours, ils incarneront en secret la première ligne de défense de l'humanité, capable d'accéder à un statut proprement divin en cas de bons résultats. Il n'existe, à ma connaissance, aucun groupe dans la société japonaise qui soit aussi malléable une fois que le frêle cadre dans lequel il inscrit sa vie aura été annihilé."

Noda émet un instant un ricanement sonore.

"A moins que vous ne préfériez une armée de SDF, mais ils n'auront ni la hargne ni la fraternité exacerbée de nos jeunes miliciens."

- Nous n'avons pas besoin d'une armée.

C'est le premier avis qu'il pose, dans la continuité des points développés par son discours d'un peu plus tôt.

- Nous n'avons aucun intérêt à utiliser cette force de façon offensive. Hors de question d'envoyer de simples humains vaguement équipés pour les menaces spirituelles dans un assaut au Hueco Mundo. En tout cas, pas avant un long moment. Peut-être quand la technologie pourra élever ces gens plus loin encore. De ce qu'il a pu voir se dessiner avec les Cups jusqu'ici, les moyens scientifiques permettraient essentiellement à un aveugle de voir, et à un impuissant de manier l'équivalent d'armes modernes contre les monstres masqués. Plus tard, lorsque ce sera plus que ça ? Peut-être, des projets plus ambitieux. En attendant... - Les deux principales menaces qui guettent prennent deux formes : premièrement, le flot constant d'Hollows de bas-étage, ceux qu'une milice entraînée et équipée pourrait exterminer sans trop de pertes. Ceux qui sont une menace par par leur puissance, mais par leur quantité, la nature imprévisible de leurs assauts. Une pause. - Détruire ces choses n'a jamais été un problème. Le problème, ça a toujours été d'être là au bon endroit au bon moment. C'est là qu'une telle force d'intervention trouve son intérêt.

C'est là qu'une milice omniprésente à chaque niveau de la société trouve son sens.

- Deuxièmement, les haut-potentiels spirituels. Les demi-Dieux du monde surnaturel, pour reprendre votre exemple. Les gens comme eux, comme les haute autorités du Gotei et les champions de l'Acuerdo. Sans parler des puissants Hollows errants, Adjuchas et Vasto Lorde, des partis indépendants, ou encore des Abyssaux qui viennent de se déclarer. - Face à ceux-là, les agents du projet Égide seraient tout bonnement inutile. Je doute qu'il y ait très honnêtement matière à retenir quoique ce soit, lorsque les petits soldats et leurs fusils lasers seront confrontés à un Cero capable d'engloutir un quartier entier. Il souvenir refait surface. Plusieurs souvenirs, en fait. - Les règles du conflit telles qu'elles existent dans notre monde ne peuvent souvent pas être appliquées à la guerre contre les monstres. Il existe des constantes, mais trop souvent, l'échiquier est faussé par l'existence des plus puissants acteurs de la scène spirituelle.

Un regard qui fixe.

- Ceux-là sont les ogives nucléaires du monde surnaturel. Ceux-là, un agent sans envergure n'est pas destiné à les affronter. Ni seul, ni en surnombre. Leur rôle serait tel que vous l'avez dit : alerter les haut-potentiels de notre propre organisation : nous. Rien de plus. En son temps, il a vu des hordes d'hommes équipés d'outils et armes archaïques se jeter tête la première face à un simple duo de gatling, opérés par une poignée de soldats. Il a vu le résultat d'une approche « quantité contre qualité ». Il l'a vu à l'époque des sabres, il l'a vu à l'époque des canons, et il l'a vu à l'époque des bombes qui tombent du ciel. Et il en a assez vu pour ne pas vouloir s'essayer à cette stratégie.

- Quant à la problématique des mercenaires, profils cupides et autres... Est-ce que vous pensez le Yakuza typique bien différent de ce portait? Une gorgée de son verre, un songe. - Il est question de contrôler des populations par milliers. Le risque zéro n'existe pas : nos deux approches ont leurs avantages et désavantages. La différence, c'est que je propose une méthode déjà testée et approuvée : je propose simplement d'étendre le processus de recrutement des Fullbringers artificiels à l'enrôlement de cette force défensive. Comme je l'ai dit : ça aura le mérite de dévoiler les potentiels aptes à recevoir l'amélioration. Il y a ça d'un côté. De l'autre côté... - Vous proposez une méthode qui implique de très larges, très invasifs mouvements dans un pan entier de la société japonaise. Il serait question de manipuler et les Yakuza, et les médias, et les forces de l'ordre, et l'opinion public tout d'un coup, dans le sillage d'un changement soudain et fatalement visible.

Sans grande doute possible : le King est perplexe.

- Un recrutement dilué n'implique pas de tels mouvements dans la société. Tant que la politique de l'Ultima Necat restera celle du secret absolu concernant le monde spirituel, j'encourage à aller en ce sens. Il pense, tout en même temps qu'il expose sa vision. Quant à la question des responsabilités, cette approche pourrait permettre disons... De partager la tâche. Plusieurs agents au sein de l'Ultima Necat possèdent une certaine influence dans divers milieux du monde civil. À chacun, l'on pourrait assigner la responsabilité d'un secteur de recrutement selon ses prédispositions. Moi parmi les Yakuza, vous dans le monde des affaires, par exemple. Un sourire. - Jabberwock pourrait gérer les profils militaires, et pour les milieux sans agent affilié, les Coins pourraient assurer la gestion courante en attendant qu'un profil adapté apparaissent parmi les recrues du projet. Auquel cas, ladite recrue reçoit l'amélioration Fullbringer, un Numéro dans une section, et la responsabilité de ses agents de la branche Égide.

Il hausse les épaules.

- ça, ou une autre approche. Dans tous les cas, je n'apporterai pas mon soutien au projet s'il continue dans la direction dessinée ici. Un geste de la main, pour désigner la baie vitrée devenue écran. - Je n'imposerai pas ma vision. Je suis capable de compromis. Mais alors je dois voir lesquels vous êtes prêt à faire, si vous voulez toujours gagner ma participation au projet.

"Je ne m'attendais pas à de si épineuses négociations. Reprenons point par point, voulez vous ?

Noda avait écouté, avec attention, recherchant activement un point d'accord sur lequel appuyer. La première partie de la réponse du King était pourtant absolument juste, et le Jack ne se souvenait pas avoir affirmé quoi que ce soit qui y soit contraire, en dehors peut-être du nombre d'individus concernés. Quoi qu'en pense son interlocuteur, rechercher des profils précis sans les élever au rang de fullbringers artificiels ferait office de gâchis et de perte de temps. Si l'Ultima Necat était capable d'accroître ses capacités de recrutement standards, et elle l'était, à condition d'y mettre les moyens, elle le ferait.

"Je ne préconise pas la mise en place d'une armée qui serait mobilisée par régiments de plusieurs milliers d'hommes au beau milieu du Hueco Mundo. Il s'agit là, s'il faut le clarifier, d'une force purement défensive, répartie en petites escouades mobiles aux quatre coins de Tokyo et autour de nos sites clefs."

Sur le sujet de l'utilité d'une telle force, Kyoya expliquait encore une fois, sans visiblement le réaliser pleinement, à quel point l'initiative était nécessaire. Si les fullbringers et quincys de l'Ultima Necat étaient pleinement capables d'annihiler des hordes d'adversaire, ils manquaient en effet pour l'heure de réactivité et risquaient surtout d'être pris, en cas d'attaque coordonnée adverse, par des ennemis plus puissants qui nécessiteraient toute leur attention.

"Ils seraient capables d'intervenir rapidement pour identifier et, dépendamment de l'écart de forces, engager les ennemis, mais je ne m'inquiète ni de l'apparition individuelle du premier type d'ennemis mentionnés, ni de celle du second. Je m'inquiète de leur apparition conjointe. Si les hollows disposent de ces deux types d'unités, nous n'avons accès qu'au premier, et en quantité sans doute bien plus limitée qu'eux. Nous ne savons pas grand chose des shinigamis, mais ils disposent à priori eux aussi de leurs propres montres, et j'imagine bien que les efforts que nous faisions jusqu'à présent pour rester loin de leurs yeux et de leurs oreilles disent bien quelque chose de la menace qu'ils représentent."

Noda n'est pas particulièrement pessimiste sur le futur du groupe, mais peut-être parviendrait-il à atteindre le King en usant d'un avertissement dystopique.

"Nous étions déjà en sous nombre évident face à l'Accuerdo, et il vous suffira de poser la question à n'importe quel de nos Quincys pour comprendre à quel point la Soul Society ne tolère pas les factions humaines. Qu'arrivera-t-il le jour où les chefs hollows verouilleront nos meilleurs combattants en combat singulier alors que leurs hordes déferlent sur un Tokyo vulnérable ? Serez vous prêt à tourner le dos à un adversaire redoutable pour protéger, le temps d'une attaque, un groupe de civils à la merci des démons ?"

Le PDG s'assied, joint ses mains sur ses genoux.

"Je crains de devoir rester sur cette position. Il nous faut une armée. Une armée sans défilés, sans médailles, sans registres officiels, mais une armée des ombres, élégamment fragmentée et prête à répondre à l'appel par ambition. L'accélération des recrutements traditionnels que vous proposez, King, est déjà en activité. Les nôtres craignent d'être bientôt exposés aux yeux de la Soul Society, et recherchent donc plus activement encore des profils favorables, mais jamais ils ne perdront de temps à en faire de simples observateurs s'ils s'avèrent être suffisamment crédibles pour être contactés en premier lieu."

Les recruteurs des différentes sections étaient plus actifs que jamais, mais Noda ne croyait pas à leurs gesticulations erratiques.

"Pour être clair, je doute de l'efficacité de telles mesures. Nous obtiendrons certainement de nouvelles recrues de valeur, bien sûr, mais l'immense majorité viendra rejoindre les membres sans numéros de nos sections, et je crains qu'une telle effervescence ne cause plus de fuites qu'autre chose. Puissant ou non, un fullbringer reste dôté de pouvoirs problématiques qui peuvent rendre sa capture compliqué en cas de désertion. Même dans le meilleur des cas, je doute que nos effectifs puissent ne serait-ce que doubler avant que les shinigamis ne s'intéressent à nous. Divisés ainsi sur deux fronts, préfererons nous alors disposer de 150 fullbringers en plus capables de vaincre chacun une dizaine de hollows de bas étage, ou de 20 000 soldats capables d'en détruire deux chacun avant qu'ils ne puissent réagir ?"

Que Kyoya ait été ou non convaincu, Noda ne saurait ajouter quoi que ce soit sur ce volet. Restaient, enfin, celui de la perception publique de ce coup d'État, ainsi que celui de la loyauté des criminels.

"Pour ce qui est de la différence de mentalité entre le mercenaire et le Yakuza moyen, je crois bien qu'elle existe, oui. Ces jeunes cherchent de l'argent, mais aussi un sentiment d'appartenance. Une justification concrète à leur statut d'exécutants, et un chemin clair vers l'ascension sociale et professionnelle. Chemin qui leur est fermé par des élites hiérarchiques complaisantes et par l'action de plus en plus restrictives d'autorités qui auraient tôt fait de tous les passer à la corde si elles le pouvaient. Nous leur offrirons l'échappatoire que la société japonaise discriminante refuse de leur accorder. Une porte de sortie derrière laquelle se trouve un monde de promotion au mérite, d'honneur, de gloire et de responsabilisation. Loin de moi l'idée de vouloir par ailleurs présumer de votre âge, King, mais j'ose espérer que vous n'avez pas oublié à quel point un peu de violence peut-être cathartique pour ces jeunes hommes."

Noda se gardait bien de dire à quel point lui n'avait jamais perdu appétence avec l'âge.

"La couverture publique de cette opération n'est d'ailleurs pas un risque, mais une opportunité. Les autorités publiques dont dépendent la police sont aisément contrôlables, les médias sont corruptibles, et l'opinion publique sera ravie de l'heureux dénouement que nous leur offrirons sur un plateau. Les citoyens, ravis, ne pourront exprimer leur gratitude qu'envers la Fondation Mémento, appuyée par l'Etat puisqu'il doit bien y trouver un avantage quelque part, sans quoi les rares politiciens intègres restants auront tôt fait de nous mettre des bâtons dans les roues. Les nouvelles donations engendrées par cet élan de gratitude nous permettront peut-être même, bien que j'en doute, de couvrir nos nouvelles dépenses. Je vous le répète, cette opération n'est pas un risque, King, elle est le moyen de nous attribuer une ligne de défense loyale qui sera désormais primordiale, et de renforcer par la même la perception publique de la Fondation Mémento, pavant donc le terrain pour de futures actions d'envergure.

Je crains, hélas, que ce plan ne puisse s'embarasser des compromis avancés, à moins que vous ne trouviez une solution effective aux problèmes que j'y ai relevé, ces derniers pouvant se résumer ainsi: trop peu et trop tard. Je conçois que vous ayez des doutes sur la population choisie, mais accordez moi au moins la confiance qu'un homme de mon expérience mérite sur le sujet de la couverture publique. Il ne s'agirait pas de l'acte le plus étrange ni le plus inhumain commis au nez et à la barbe d'une population civile."

Enfin, et puisqu'il fallait bien déposer la cerise sur le gâteau, Noda en vint à quelques mots plus personnels.

"Bien entendu, j'ai conscience que vous devez aussi y trouver votre compte. Sur ce point là, je suis parfaitement habilité à vous compenser en tant que PDG, ami des politiciens ou Jack of Coins. Vous pourrez même me considérer endetté pour un service futur. Mais attention, je ne paierais pas d'intérêts. Ce n'est bien sûr qu'une option abstraite à laquelle vous préférerez peut-être l'acquisition effective d'une branche de Mitsubishi."

Rompant sa pose réflexive, Noda vida ce qui restait de son verre.

"Ces vieux chefs de clan doivent aussi avoir quelques trésors dont on ne saurait remarquer l'absence. Après tout, personne n'a jamais prétendu qu'on ne pouvait sauver le monde que par bonté d'âme."

Les Shinigamis sont une épée à double-tranchant. Nulle doute que lorsque notre organisation sera découverte, nous entendrons parler d'eux... Et si Kyoya devait deviner, ce sera une prise de contact épineuse. Mais nulle doute également qu'ils interviendront face à une attaque à trop grande échelle de l'Acuerdo, ou de ces nouvelles créatures. Une pause, un songe. Après tout, c'est exactement ce qui est arrivé il y a quelques soirs de ça.

Il y a ça, puis il y a un autre bémol.

à ça, j'ajouterais que le surnombre de l'Acuerdo me parait finalement bien intangible. Une gorgée, un souvenir - une pensée pour l'une de ses cartes à jouer. Une bonne majorité des Hollows sont des indépendants sauvages qui agissent au rythme de leur faim. Puis... L'ombre d'un sourire. Disons que j'ai sécurisé une paire d'oreilles au sein de leur petite organisation, récemment. L'affaire est encore à creuser, mais j'ai l'intention d'en obtenir et une source d'information, et une sonnette d'alarme dans le cas de... Décisions drastiques de l'Acuerdo.

Dans le cas d'ordres d'attaque globale, même si Kyoya doute qu'un conflit ouvert de la sorte soit dans l'intérêt de n'importe laquelle des trois factions principales. Non, le véritable point d'interogation de cette équation... Ce sont ces abyssaux.

Il écoute le reste de l'exposé. Tentative de convaincre, argumenter, démontrer. Des arguments qui touchent, d'autres moins. Finalement, Kyoya ferme les yeux, le temps d'un instant de réflexion.

J'en conviens. Ce ne serait pas la première fois que la stratégie du "plus c'est gros plus ça passe" réussi aux médias et gens de pouvoir, dans la manipulation des masses. Cependant... Or, il ne s'agit pas d'un duo de tours qui tombent au beau milieu de New York, ici. Il s'agit d'un recrutement de masse dans le cadre d'une lutte contre les menaces extra dimensionnelles, invisibles et monstrueuses qui menacent le monde en secret depuis des siècles.

Façon de dire que la particule surnaturelle de la chose ne peut que compliquer les choses, quand bien même l'envergure du Mensonge peut être comparée à d'autres au cours de l'histoire.

Mais il a pesé le pour et le contre, lors de l'exposé du Jack. Alors, finalement, son regard revient vers l'écran.

Je préparerais le terrain quant à la question des Puissants du monde Yakuza. Je déciderais de qui doit disparaître, et qui peut-être rallié à notre cause sans effusion de sang. Il connaît presque tous ceux qui valent la peine d'être connus, dans ce milieu plus jeune qu'il ne l'est lui-même. Il a ses contacts, ses influences, ses alliés... Ses rivaux. Je gèrerais personnellement la transition des clans de l'Inagawa-kaï. C'est la clause non négociable de ma participation au projet.

Il a trop investi de temps et de ressources à se placer confortablement au sein de l'organisation pour ne pas en profiter... Pour tout abandonner sur un coup de tête. En un sens, Noda a raison : il y a une opportunité, par-delà toutes les difficultés à venir de cette opération ambitieuse.

Il faudra également s'entretenir auprès du King of Cups pour obtenir des délais et projections réalistes quant à l'équipement de ces agents et leur déploiement. Au besoin, les chaînes de production du groupe Kurosawa pourront servir à cette entreprise... Mais s'il est question d'entraîner des aveugles à un monde invisible, alors il leur faudra au moins voir.

Au minimum, l'équipement dont il avait été question la dernière fois, avec Shikara Tanjo : quelque chose pour que les mortels puissent percevoir les créatures.

Aussi, en aviser la Queen of Clubs. Une fois cette force mise sur pied, ses prérogatives en feront la tête de section la plus impliquée dans le projet Egide au quotidien. Naturel alors qu'elle ait voix au chapitre. Sauf si... Sauf si la chose est décidée autrement en plus haut lieux. Et en parlant de ça... Je veux que le projet soit exposé aux Arcanes Majeurs selon les termes dessinés ici présent, et ceux qui pourraient s'ajouter avec l'intervention des autres partis impliqués. Seulement lorsque j'aurais la confirmation de leur feu vert, j'agirais.

C'est là le plus important : une confirmation des huiles quant à la version finale du projet, lorsque chaque acteur impliqué sera sur la même longueur d'onde.

Si le projet est validé, il y investira ses forces.
Si le projet est refusé... Il jouera ses propres cartes.

Noda réprima un long soupir. Enfin, il semblait être arrivé au bout de cette discussion. Jamais il n'aurait pensé le King of Swords si difficile en affaires, et il venait désormais presque à douter de sa capacité à convaincre ou à contraindre des individus initialement moins favorables au projet comme Recca. Pourtant, le naturel revint bien vite au galop, et le PDG chassa ces pensées défaitistes avec dédain, avant de se réfléchir aux conditions énoncées par Kyoya. Elles étaient toutes parfaitement raisonnables et atteignables, bien que celle concernant la bénéficiaire finale de cette armée puisse s'avérer compliquée, mais il fallait bien passer par là. Au moins Noda pourrait-il désormais brandir le nom de deux rois, et à n'en pas douter bientôt trois s'il fallait en croire ce qu'il entendait du chef des Cups, lorsqu'il arriverait à la table de la rousse.

La clause personnelle de Kyoya n'avait rien de surprenant, et encore moins de contraignant pour Noda. Il fallait s'attendre à ce qu'un Yakuza veuille s'impliquer le plus possible dans un tel projet, et l'héritier n'avait aucun mal à lui laisser les rênes sur ce terrain-là.

"Vous pouvez même prendre en charge la transition de tous les clans si ça vous chante. Il n'existe après tout probablement littéralement personne de plus communément qualifié que vous sur les sujets du monde spirituel et de celui du Yakuza. Les dossiers réunis sur ce sujet vous seront transmis à votre sortie, bien que je suspecte que les vôtres soient plus complets. Je crois aussi, peut-être un peu naïvement, que présenter une implication massive de toutes les sections dans le projet pourrait permettre de mieux faire passer la pilule auprès des arcanes majeures les plus sceptiques."

Noda était bien sûr loin de s'imaginer que ces derniers se sentiraient obligés d'accepter comme des parents qui reçoivent une requête commune de leurs enfants habituellement antagonistes, mais il supposait que cela aurait un impact non négligeable sur la décision finale. S'ils refusaient contre l'avis de l'entièreté de leurs forces, alors ils n'auraient plus aucune marge d'erreur à l'avenir, car le premier fiasco évitable qui pourrait ensuite survenir porterait à coup sûr un coup fatal à leur réputation.

"Ce n'est qu'une question de leviers de pouvoirs, King. Si l'accord d'Orias m'a permis d'assumer la mise en place de ce projet, j'espère maintenant que le vôtre et celui de Tanjo, ajoutés aux leçons tirées des tragiques événements récents que nous connaissons, permettront à Recca de voir ce que je vois en Égide. L'étape suivante, comme je l'ai déjà expliqué, sera de présenter un front commun à nos énigmatiques dirigeants."

Même dans le cas où son initiative serait au bout du compte refusée, Noda espérait bien pouvoir forcer les arcanes majeures à se révéler un peu plus. Leurs apparitions sporadiques faisaient naître plus de questions qu'elles n'apportaient de réponses, et le PDG commençait à en avoir assez de répondre aux ordres de fantômes insaisissables.

"Je ne manquerais pas, bien sûr, de préciser que votre plein support reste conditionnel à celui de The World et des siens. J'ose espérer que vous réalisez à quel point je tiens à ne pas utiliser votre nom, ou celui de n'importe lequel de nos associés, en vain."

Noda se redressa et s'inclina brièvement devant son invité, avant de se diriger vers la porte.

"Vous recevrez, en plus de nos dossiers, des coordonnées en quittant le bâtiment. Il s'agit de l'emplacement du site B2, aménagé pour servir de base d'entraînement à nos futures recrues. Elle se trouve sur le Mont Hotakadake. Je peux vous prêter un hélicoptère si vous le souhaitez, mais, si vous préférez y aller par vos propres moyens, tâchez tout de même de ne pas abuser de Bringer's Light directement dans le périmètre. L'équipe de rénovation n'est pas encore au fait des... réalités du monde spirituel."