Los llantos del corazón [Borick]

Il venait de quitter ses deux serviteurs, chacun ayant été rencontré à un intervalle différent afin qu'ils ne se croisent pas. Sa décision était désormais prise et il ne lui restait qu'à mettre ses affaires en ordre avant de déclencher son opération. La Terre attendrait toutefois encore un peu. Au moins le temps pour Farasha de constituer le parfum qu'il lui avait commandé. Un parfum permettait de briser les esprits faibles afin de mieux les manipuler.

Car si l'Immaculé avait son projet personnel, il préférait autant que possible s'éviter les combats inutiles. La violence n'étant pour lui qu'un des nombreux aspects que l'on prêtait aux bêtes et aux faibles d'esprits. Seuls ceux qui ne possédaient aucune répartie se laissaient aller à la violence et il n'était pas de ce genre.

Pour l'heure, seule sa place dans l'Espada l'empêchait de poursuivre sa route. Une position qu'il avait choisi pour se rapprocher des Grands de ce monde mais qui était aussi une entrave à sa propre liberté. Tandis qu'il traversait cette étendue désertique, la Primera perçut une présence à proximité. Plus massive que les faibles hollow qui arpentaient cette région. Suffisamment pour attirer son attention comme la flamme attirait le papillon. Une image qui aurait certainement plu à Farasha.

La silhouette se dessinait enfin tandis qu'il s'approchait. A mesure que la distance se brisait, l'Espada comprenait un peu mieux la scène qu'il voyait. Une chasse qui avait abouti visiblement. Un repas prit sur le pouce, pouvait-on dire. Il s'arrêtait enfin, sourire aux lèvres.

- Je suis navré de te déranger en plein repas. J'ai senti une présence et ma curiosité m'a poussé à venir jusqu'ici. Je suis Borick "El Emperador", Primera Espada.

S'il n'appréciait pas donner son rang, il se devait de le faire afin d'éviter toute ambiguïté possible. Ne serait-ce que par respect pour l'Acuerdo.

Qu'il était amusant de voir un animal en dévorer un autre. Plus amusant encore de voir à quel point ces créatures ne savaient pas respecter les convenances les plus élémentaires. Alors que l'inconnu prenait la parole pour lui répondre, Borick n'afficha aucunement son désappointement. S'il était effectivement agacé que la personne puisse lui parler ainsi, il savait garder pour lui ses pulsions primales. Heureusement pour le Sexta d'ailleurs. On accueillait décidément de plus en plus de sauvage dans l'unité. Sans doute par besoin de compléter l'armée qui devait défendre ces terres désolées.

Réajustant simplement son col blanc, l'Empereur pencha la tête sur le côté, étudiant l'Arrancar face à lui comme on pouvait étudier une oeuvre impréhensible. Cherchant à déceler chez lui une trace qui lui permettrait de trouver du "beau" en lui. Il poussa simplement un soupir alors que la seconde question tombait. Toujours de cette manière si agressive. Quel dommage vraiment.

- N'as-tu donc pas entendu la première fois ? Je n'ai pas pour coutume de me répéter, moins encore quand je sens une telle agressivité.

De nouveau, il lui adressait un sourire. D'expérience, l'Empereur savait qu'il existait un fossé entre les premiers numéros et la deuxième partie du classement. Un fossé qui ne s'évaluait pas seulement sur la force. Mais aussi et surtout sur l'intelligence. Et visiblement le Sexta ne semblait pas s'apercevoir de la place précaire qui était la sienne. Il ne serait pas le premier à disparaître dans les dunes du Yermo. Au même titre que la carcasse dont il se délectait, lui aussi pouvait finir en nourriture. Mais pas pour l'Empereur. Un tel met ne ferait que le rendre malade, il en avait conscience.

Ne possédait-il aucun instinct de survie ? Etait-il suicidaire au point de vouloir ouvertement défier celui qui était à la première place d'une unité réputée pour posséder en son coeur les meilleurs guerriers ? La folie de ces bêtes avait toujours été un sujet de débat pour l'Immaculé. Il comprenait face à ce genre de personne que son propre travaille serait long et difficile. Faire en sorte qu'ils mettent de côté leur agressivité, qu'ils deviennent plus "humains". Après tout, si ce masque n'était plus présent, n'était-ce pas pour se sortir de cette apparence animale ? De laisser de côté ces plus bas instincts ?

- Je vais mettre cela sur le compte de la surprise. Je présume qu'il n'est jamais agréable d'être dérangé ainsi en plein repas. Ne sois pas tant sur la défensive, il existe même en ce monde des personnes qui sont capables de converser sans tirer l'épée du fourreau, non ?

L'aura d'El Emperador gagnait déjà en intensité, comme un avertissement. S'il n'était pas homme à partir au conflit sans raison, il n'était pas non plus homme à se laisser marcher dessus par un simple d'esprit incapable de comprendre où était sa véritable place. Son regard possédait cette étrange lueur dorée.

Il ne put réprimer un sourire alors qu'il reprenait la parole, s'expliquant et s'interrogeant encore sur la présence de l'Empereur en ces lieux. Il est vrai qu'on pouvait trouver légitime de se poser la question. Mais cette insistance à vouloir une réponse soulignait surtout une chose aux yeux de l'Immaculé : cet arrancar se croyait suffisamment important pour croire que sa seule présence justifiait celle de la Primera. Amusante constatation, seulement il n'était rien de plus qu'un numéro aux yeux de Borick. Et il ne savait pas encore si Salvadorès méritait son attention.

- Je te l'ai dit. Simple curiosité. Des affaires personnelles m'ont menées à traverser ces terres et j'ai perçu ta présence, j'ai donc décidé de venir voir ce que c'était. Mon rôle étant de m'assurer que l'Acuerdo soit respecté, il est normal que je m'intéresse à une aura plus forte qui se trouve dans cette région. Histoire de m'assurer que ce ne soit pas quelqu'un de belliqueux pour notre cause.

Et donc de l'éliminer séance tenante. Il était vraiment amusée par le Sexta. Il n'était pas question ici de se mêler de ses affaires. D'autant qu'ici, on parlait simplement d'un repas. Sans doute un de ces animaux d'un des clans mineurs du Hueco Mundo, il ne pouvait pas lui en vouloir. Les instincts étaient forts chez eux.

A sa remarque, Borick pencha légèrement la tête sur le côté, plaçant son index sur sa bouche, visiblement en pleine réflexion. Il est vrai que les Espada étaient choisi au terme d'un tournoi, qui permettait au vainqueur de prétendre à l'une des places disponibles. Est-ce que cela signifiait pour autant qu'il ait du sortir son arme ? Borick cachait les pouvoirs qui étaient les siens, et pas sans raison. Ainsi n'aurait-il pas fait l'erreur de dégainer et de se dévoiler devant un public aussi important lorsqu'il avait combattu.

- C'est en effet une bonne remarque. Seulement, je n'en ai pas eu besoin en réalité. Après tout, certains d'entre nous n'ont nul besoin d'une lame pour combattre.

Et c'était son cas en effet. La forme de son sabre n'était pas ainsi sans raison. De la pointe de sa lame au manche, il était aussi blanc que la neige elle même. Immaculé, comme s'il n'avait jamais eu besoin de verser le sang. Sa lame n'était là que pour libérer son véritable pouvoir. Et même là, il ne le faisait pas sans un cas de force majeur. Il disposait d'autres capacités autrement plus redoutables. Estimant même qu'il y avait quelque chose de sauvage à combattre avec des épées. Cela ne lui ressemblait pas. Mais Salvadorès paraissait différent. Rien qu'à voir son épée, il était aisé de saisir le caractère de ce dernier.

- Je n'ai pas faim, je te remercie. Et pour répondre à ta question, cela dépend aussi des individus. Pour ma part, je ne ressens plus vraiment la faim. Je ne suis donc plus l'esclave de mes pulsions. Mais il y en a qui continue de chasser, comme tu l'as visiblement fait. Ou d'autres qui se nourrissent de l'énergie spirituelle, tout simplement.

Il fit quelques pas sur le côté, ne s'approchant pas de la lame plantée entre eux, comme si elle formait une frontière qu'il ne fallait pas franchir. Si la tension était retombée, l'Empereur n'en restait pas moins prudent. Les propos n'étaient pas passés inaperçus. "De cette époque", avait-il dit. Se trouvait-il face à ceux que l'on appelait "Revenant" ? Il ne serait pas le premier mais cela l'intéressait. Encore qu'il n'en soit pas persuadé encore.

- Es-tu un de ceux que l'on nomme "Revenant" ? Tu as parlé d'époque, ce pourquoi je m'interroge. J'ai rencontré quelques âmes comme toi, il y a peu. J'espère que l'acclimatation n'est pas trop difficile. A en croire ton numéro dans l'Espada, je vois que tu as déjà adopté les préceptes de cette ère. Le Monde Creux a t'il beaucoup changé entre les deux époques où tu as vécu ?

Pour la première fois depuis le début, on pouvait voir un réel intérêt dans le regard de l'Empereur. Même sa façon de se tenir avait légèrement changé, comme s'il était plus ouvert à la discussion.