Hasegawa Emiko

Tu peux influer sur les systèmes nerveux, que ce soit sur le tien ou celui des autres. Cela te permet notamment d’améliorer tes réflexes et la vitesse à laquelle ton cerveau peut recevoir et assimiler une information. Ça te permet surtout de ralentir les réflexes des autres, de les rendre plus lent, jusqu’à l’impotence. Ça te permet aussi de venir troubler leurs sens, que ce soit par une surcharge ou, au contraire, en tentant de les bloquer.

Discrète. C’est la première chose qu’on se dit en te voyant, Emiko. Parce que tu parles peu, que tu es peu expressive, sauf peut-être tes prunelles sombres qui s’éclairent parfois et laissent apparaître que derrière ce masque terriblement passif, tu restes très attachée à ton humanité. C’est seulement qu’on t’a appris à ne rien dire, rien laisser paraître. Parce que le savoir est une ressource inestimable, un pouvoir que tu ne peux pas laisser entre les mains de d’autres. Alors tu ne dis rien, ombre derrière tous ceux qui préfèrent être sous les feux des projecteurs. Et c’est une place qui te convient très bien, ces ombres dans lesquelles tu te complais.

Tu es attentive aux détails. Tous les détails. Attentive à ton environnement. À tous ceux qui t’entourent. À ce qu’ils disent. Expriment. À ce que leur silence sous-entend. À ce qu’ils font, aussi. Tu observes, sans pour autant laisser apparaître ton attention. Parce que tu es là sans qu’eux te remarquent et lorsqu’ils le font enfin, il est souvent trop tard. Car il n’y a que lorsque tu es sûre d’avoir l’ascendant, lorsque ta victoire est déjà gravée dans leur avenir, que tu apparais. Que tu les laisses t’admirer une dernière fois avant d’en avoir finie avec eux.

Appliquée. Dans tout ce que tu entreprends. Dans ces missions qu’on te donne. Ces ordres qui te viennent de ta famille. Mais dans tes apprentissages, aussi. Tu n’as jamais cessé de t’entraîner, et ce, depuis le début de ton adolescence. Tu n’as jamais cessé d’essayer de perfectionner ces pouvoirs qui sont les tiens, ceux qui se sont éveillés il y a plus d’une douzaine d’années désormais. Tu es assidue, parce que tu n’es pas celle à s’asseoir sur tes acquis.

Aussi talentueuse tu peux être, tu sais la perfection encore loin.
Et tu refuses d’accepter autre chose que la perfection.

On pourrait te croire passive. Croire que tu n’es rien de plus qu’une lame utilisée par d’autres pour effectuer le sale boulot. Et au final, ça ne serait pas totalement faux. Mais ça ne serait pas totalement vrai non plus. Car ton silence ne vient pas d’un manque d’intérêt. Ta discrétion se veut calculée. Parce que chaque parole qui n’est pas articulée est une information de plus que tu as enregistrée. Tu ne sors pas de tes gonds, refusant de laisser tes émotions te contrôler. De laisser quiconque te contrôler, finalement. Parce que tu es une tête forte, derrière cette docilité d'apparat. Ta position ne t’a jamais vraiment été imposée. Tu l’as choisi. Tu as choisi d’être utile à ta famille, peu importe la façon dont tu le serais.

Tout comme tu as choisi de rejoindre l’Ultima Necat, finalement.
Parce que tu as quelque chose à y gagner.

Une clope à la main, il fait déjà sombre alors que tu rejoins les stationnements souterrains de l’Arcānum. Tu as eu quelques jours de travail difficiles, quelques jours éprouvant, physiquement parlant, et tu as finalement mérité quelques jours de congé. Et si certains préfèrent rester cloîtrés sous terre, loin de la lumière naturelle du soleil, pour ta part, tu as besoin d’un peu d’air frais après un certain temps. C’est peut-être aussi ce pour quoi tu préfères être sur le terrain plutôt qu’en salles d’entraînements, ce pour quoi tu n’hésites pas à répondre, lorsque la présence d’un Sword est demandée quelque part. Finalement, tu déplores un peu vos installations et le sentiment d’étouffement qui te prend parfois. T’as jamais été très douée, avec cette sensation d’être emprisonnée. Et si ce n’est qu’une sensation, ça ne rend pas la chose plus agréable.

Gardant ta clope coincée entre tes lèvres, tu entres dans ta voiture, faisant gronder le moteur avant de prendre la sortie. Tu as quelques jours de congé devant toi qui ne seront pas vraiment des jours de congé. Car lorsque ton travail de Sword s’arrête, c’est celui d’Hasegawa qui commence. Et tu n’as aucun doute que ça serait encore le cas cette fois-ci. Qu’il va y avoir une mission qui t’attend. Une situation à régler. Un homme à éliminer. Une menace à neutraliser. Tu ne sais pas encore mais tu sauras bien assez tôt. - Hey. Ta voix se fait entendre tandis que la ligne s’ouvre, ayant répondu à la sonnerie qui se faisait entendre dans ta voiture. - Je peux rentrer à la maison où vous avez besoin de moi ailleurs ?

C’est un rire grave qui te répond. - Tu sais que tu peux dire bonjour, hein ? Me demander comment je vais ? Tu roules des yeux. - Et tu sais que je suis fatiguée et que je veux donc savoir si je peux aller prendre un long bain chaud ou si j’ai un avion à attraper ? Un claquement de langue te répond. - Tu faisais quoi, déjà ? Un silence. - Ça te regarde pas. Tu l’entends que ta réponse ne lui plaît pas. - Ouai, ouai… Tu peux rentrer à la maison, y’a rien pour toi ce soir.

Et sans même lui dire merci, tu raccroches.
Il a l’habitude, depuis le temps.

Accélérant un peu, tu descends ta fenêtre pour profiter du vent sur ton visage. Tu fermerais bien les yeux mais la route a besoin de toute ton attention. C’est quotidien, ces petits appels. Tout comme le sont ces petites demandes de ta famille. Très tôt, tu as dévoilé des capacités pouvant s’avérer… Intéressante. Très intéressante, pour les milieux pas tout à fait légaux dans lesquels baignent ta famille depuis des générations. Hasegawa. Nom qui a longtemps été associé aux Yakuza et qui l’est encore à ce jour. Tu as grandi en portant fièrement ce nom, élevée dans les valeurs de la famille, loyauté et entraide. Tu as appris à être là pour eux tout autant qu’eux pouvaient l’être pour toi.

Tu as appris qu’il n’y a rien de plus important que la famille.
Que tu pourrais donner ta vie pour ceux portant ce même nom que le tien.

Tu arrives finalement au domaine familial, y stationnant ta voiture avant de rentrer dans l’imposante maison. Tes talons frappent sur le sol tandis que tu t’avances, ta route croisant celle de l’homme qui était à l’autre bout du fil. Ton frère. - Il y a une transaction qui a lieu demain. Il faudrait l’empêcher. Et récupérer la marchandise, si tu le peux. Tu esquisses un sourire. - Tu dis plus bonjour ? Moqueuse à son égard, ce qui te vaut un coup de coude de sa part pendant qu’il te dépasse.

- Profites de ta soirée. Ce que tu as l’intention de faire. Parce que les moments d’accalmie sont rares, dans une vie comme la tienne. Partageant ton temps entre ta famille et ce rôle que tu endosses depuis quelques semaines maintenant au sein de l’Ultima Necat. Partageant ton temps entre les vivants et les morts, surtout. Entre ceux qui se trouvent tout autour de toi, en chaire et en os, et ceux que tu peux voir depuis que tu es toute petite.

Ces âmes perdues qui ont souvent attiré ton attention, ayant rapidement compris, plus jeune, que tu étais la seule à les distinguer. Et si ça aurait pu effrayer tes parents, ta famille, ces derniers ont été tout aussi intrigués que toi tu as pu l’être, concernant ces capacités qui n’avaient rien de… Naturelles ?

Trop peu humaines.
Surhumaines. Ce que tu es devenue.

Une fois remplie d’eau brûlante, tu plonges dans la baignoire, pouvant sentir le contraste entre la chaleur glissant sur ta peau et celle plus froide du médaillon accroché autour de ton cou. Cadeau qui t’a été offert très jeune et portant gravé dessus le nom de votre famille, il est devenu plus important encore lorsque ces… Pouvoirs ? Se sont révélés. Désormais, tu ne t’en sépares plus, refusant de le retirer et ce, même pour quelques instants. Il est sans doute ta possession la plus précieuse, tant pour la valeur sentimentale que tu lui as toujours accordé que parce qu’il est devenu une extension de toi, en un sens.

Fermant les yeux, tu laisses un soupir s’échapper de tes lèvres tandis que tu t’enfonces un peu plus sous l’eau. Ton quotidien est devenu nettement plus chaotique, le rythme nettement plus difficile, depuis que tu as été recrutée à l’Ultima Necat. Ça n’avait pas été dans tes plans que de rejoindre une organisation autre que ta famille, mais lorsqu’ils t’ont promis des réponses concernant tout ce que tu ignorais quant ta propre condition… Tu t’es laissée tentée. Parce que tu veux en savoir plus. En apprendre plus. Sur celle que tu es. Ce que tu es en mesure de faire. Sur ces monstres qu’il t’arrive d’apercevoir, et ce, depuis enfant. Ceux qui hantaient tes cauchemars, mais aussi tes heures éveillées.

Tu veux comprendre.
Et plus que ça encore, tu veux prendre part à ce monde qui t’est encore inconnu.