Shades of the Past [Cimeriès - Artemio]

Le tournoi ne s'était pas déroulé exactement comme prévu...
Enfin, le plan n'était pas non plus particulièrement élaboré. Son but premier était de se faire une place dans l'Espada. Le numéro huit ou neuf aurait amplement suffi : assez pour se rapprocher, mais pas pour être l'une des vedettes de ce concours tribal.
Après tout, il fallait bien que La Escoria ait elle aussi ses champions de temps en temps. Ses résidents n'étaient peut-être pas les plus taillés pour le combat, mais cela ne voulait pas dire qu'il fallait les sous-estimer. Il n'aurait pas été si choquant qu'il se distingue, tant que cela restait de manière raisonnable. Et qu'il sorte de nulle part n'aurait pas été un problème : qui s'intéresse à ce qu'il se passe dans la forêt des Menos ?
Hélas, tout ça était rapidement tombé à l'eau. Il pouvait remercier Aviela pour ça.

Et s'il n'avait pas encore entièrement digéré d'avoir été manipulé de la sorte, qu'il allait lui falloir un certain temps pour s'accommoder de sa nouvelle situation, son objectif était resté le même : rencontrer les autres membres de l'Espada. Se faire une meilleure opinion de ce qui passait pour être la « crème » du Hueco Mundo à ce jour.
Bien qu'il n'ait pas eu le loisir d'échanger avec chacun d'entre eux, que ce soit des paroles ou des coups, au moins connaissait-il désormais leurs visages et leurs noms - ainsi que l'endroit où les trouver.
La plupart ne faisaient pas mystère de leur obédience ; certains la revendiquaient même avec une certaine fierté, éclaboussant le clan dont ils provenaient de la gloire de leur nomination. Une telle façon de penser lui était bien sûr parfaitement étrangère.

Or, à la différence de ces fanfarons, l'un des heureux gagnants avait quant à lui préféré rester discret - ce qui pouvait sembler contradictoire avec le fait qu'il ait remporté la troisième place ; tout portait à croire que lui non plus n'en espérait pas tant.
La vitesse à laquelle il avait renoncé à prendre part à la finale n'avait naturellement pas laissé à Artemio l'occasion de le voir à l'œuvre, pas plus qu'il n'avait pu voir son combat précédent ; tout ce qu'il en savait était que Borick s'était incliné face à lui, et c'était déjà plus qu'il n'en faut pour s'y intéresser.
D'ores et déjà familier de la Segunda Espada - et, pour tout dire, guère pressé de la revoir -, le Porteur de Flamme s'était donc plutôt penché sur le cas de ce Cimeriès Alastor. Ce dernier ne lui avait cependant pas rendu la tâche facile, disparaissant dès la fin du tournoi pour repartir Dieu seul sait où.
Chance dans son malheur, tant sa nouvelle place que le fait d'être démasqué - si ironique que ce soit pour un Arrancar - lui avait permis de recouvrer un réseau d'informations. Personne ne se poserait de questions en voyant un Espada tenter d'en retrouver un autre ; ils étaient censés collaborer, même si ce n'était que rarement le cas en pratique.

On lui indiqua donc qu'il pourrait le trouver dans les souterrains, où il semblerait chercher quelque chose ; les Hollows de bas étage à l'origine de cette information n'en savaient pas plus, mais c'était assez pour l'intriguer. Nombreux étaient ceux - qu'ils aient ou non retiré leur masque - ne pas vouloir s'aventurer de ce dédale, de peur de ne jamais en retrouver la sortie ou de faire une mauvaise rencontre ; dès lors, l'on pouvait légitimement se demander ce qu'il faisait en de tels lieux.
Ce pourquoi il se fit fort d'aller lui poser directement la question, s'aiguillant de son mieux vers l'endroit où l'on disait l'avoir aperçu pour la dernière fois avant qu'il replonge dans les entrailles du désert. À partir de là, plus rompu que nombre de ses congénères à l'utilisation de ce réseau méconnu, Artemio n'eut aucun mal à se faire une idée de la direction prise par son homologue, des traces d'un passage récent étant encore visibles ici et là. Apercevoir une silhouette au loin ne lui prendrait pas longtemps.

▬ Et bien, l'on ne peut pas dire que tu sois facile à trouver, lança-t-il, son timbre de voix juvénile se répercutant sur les parois du conduit. Il ne cherchait aucunement à le surprendre, annonçant ouvertement sa présence : le but n'était pas de paraître hostile. Au contraire. J'espère ne pas te déranger. J'avais quelques questions à te poser...

Après le tournoi, Cimériès avait profité de l’aide d’Asteria pour se soigner et récupérer. Faire un peu le point également. Lui qui n’était rien aux yeux du monde – ce qui l’arrangeait bien, son anonymat ayant quelques avantages – s’était résolu à acquérir un nom au moins suffisant pour qu’on le laisse librement se rendre où il le souhaitait. Intégrer l’Espada voulait à la fois dire que sa puissance était mieux respectée, mais aussi qu’à l’œuvre pour l’Acuerdo, il était en quelque sorte protégé par l’institution. Certes, il ne s’attendait pas à ce que l’on envoie qui que ce soit venir à son secours s’il devait lui arriver des bricoles. Mais il se disait que ça ne pouvait pas avoir aucune influence d’aucune sorte non plus. De ce constat, et estimant que cela servirait sa quête, il avait fait le nécessaire pour rejoindre l’Espada. Se retrouvant avec le titre de Tercera, en ayant à peine combattu. Il s’en était bien tiré en somme.

Il avait profité de la compagnie d’Asteria en l’accompagnant sur les sommets rocheux sous influence de la Camará, et d’une pierre deux coups avait également rebondi sur l’occasion pour poser ses questions à Borick. L’Alastor ne s’était pas attardé plus que cela en vérité. Il n’était pas vraiment le bienvenu sur les terres d’un clan opposé, et il n’y trouverait rien pouvant faire avancer ses recherches estima-t-il. Comment imaginer des ruines antiques au sein de pitons qui avaient vu le jour par la volonté récente d’un Shinigami défait et défunt. Aussi, ses aspirations à l’errance en avaient fini par l’attirer à nouveau parmi les souterrains. Si le Ziggurat avait été complètement enseveli, sa meilleure piste n’était-elle donc pas de commencer à inspecter sous la surface afin de gagner du temps ? Exactement là où il s’était trouvé lorsqu’il avait rencontré Riful, et compris qu’il valait mieux pour lui de s’obtenir une assurance de pouvoir aller et venir un peu plus à sa guise.

Là, il pouvait se permettre de perdre complètement le sens du temps qui s’écoule. Déjà à la surface, la nuit éternelle n’aidait pas. Mais là, il pouvait passer des jours et des jours sans croiser aucune âme qui vive. Un pas après l’autre, d’avancer dans ces dédales, à la recherche du moindre indice. Et lorsqu’il en avait assez de marcher, de s’installer « confortablement » pour récupérer. Ce qu’il faisait en ce moment, assis dans le creux de ses mains de pierre géantes dont il avait pu faire étalage lors du tournoi. Malgré qu’il entende les pas s’approchant, il n’esquisse pas un mouvement, même s’il garde son attention focalisée sur l’arrivant. Il n’avait pas assisté à sa victoire, mais avait entendu le verdict lorsqu’il s’était vu confier lui-même le chiffre 3.

- C’est amusant. Il en est des choses en effet qui sont plus faciles à chercher qu’à trouver. Pour certains, c’est la compagnie. Souhaitiez-vous tant la mienne que vous vous en soyez donné tout ce mal ? Je pensais pourtant me trouver exactement où il serait logique que je sois : là où je pourrais aisément être oublié.

Il sourit légèrement. Chose qu’il aurait pu réprimer de coutume. Est-ce qu’il avait trouvé là une certaine forme d’humour suffisante pour le lui arracher, ou bien simplement n’avait-il lui-même que trop négligé sa propre compagnie et ce pour trop longtemps ? Après tout, qu’avait-il à y perdre ? Il avait débusqué l’ancienne Primera pour lui poser des questions, n’y avait-il pas une forme de compensation du sort pour qu’à présent ce soit la nouvelle Primera qui se donne tant de mal pour le questionner lui ?

- Enfin… peut-être qu’ainsi, la boucle serait bouclée. J’écoute vos questions, Primera Espada.

Le Tercera Espada n'était pas fermé à l'idée de le recevoir. Que ce soit parce qu'il se réjouissait d'avoir de la visite ou parce qu'il ne voulait pas quitter l'endroit qu'il était en train de fouiller - que cherchait-il ? -, Artemio n'en était pas moins heureux de ne pas avoir à insister pour qu'ils aient cette discussion. Tous ses « frères d'armes » n'auraient pas été aussi accueillants même en terrain neutre, Primera ou pas. Le remerciant d'un signe de tête, il répliqua :

▬ Je t'en prie, appelle-moi Artemio.

Si la place de numéro un lui revenait désormais, il n'en avait jamais fait le choix, et refusait que celle-ci le définisse. Son interlocuteur, lui, avait-il envie de n'être connu que par son numéro, d'être chiffré comme du bétail ? Avant de savoir quel prestige il pouvait bien trouver à son rang, mieux valait ne pas s'avancer ; une maladresse pourrait compliquer considérablement la suite de leur échange. Or, en effet, Artemio avait des questions.
Se sachant désormais bienvenu, fit quelques pas de plus dans sa direction, les pans de sa cape trop grande voletant derrière lui, laissant entrevoir à l'occasion un corps malingre d'adolescent à peine pubère. On aurait cru voir un enfant ayant tenté de s'habiller avec des vêtements d'adulte, ce qui ne correspondait probablement pas à l'image que l'on pouvait avoir de celui que le tournoi avait désigné comme « le meilleur d'entre eux ».

▬ Pour commencer, je suppose que je devrais te féliciter pour tes propres résultats. Arriver troisième au classement à sa première participation n'est pas donné à tout le monde... Surtout après avoir battu le précédent Primera. Un fait d'armes d'autant plus impressionnant que Borick occupait ce rôle depuis un certain temps - assez pour que certains se fassent à l'idée qu'il ne pouvait en être délogé. Et pourtant. Je suppose donc que je pourrais te demander comment tu as fait pour le battre.

Son regard survola les bras de pierre déployés par Cimeriès, sans vraiment s'y attarder. Une question vague, mais à laquelle il serait sans doute difficile de répondre - car que dire, hormis qu'il avait été meilleur que lui ? Les détails étaient, finalement, assez insignifiants ; se soucie-t-on de savoir comment, dans la nature, le prédateur l'emporte sur sa proie ? Cela ne change rien au sort de cette dernière. Seul compte le résultat.

▬ Mais... Distraitement, il passa la main sur l'un des murs du souterrain, comme s'il s'attendait à sentir sous ses doigts ce qui avait pu susciter l'intérêt de son congénère. Hélas, pour sa part, il n'y voyait que de la pierre. ...Je pense plus intéressant de te demander pourquoi t'être arrêté quand tu l'as fait, sans même tenter ta chance. Oh, j'ai entendu ta tirade avant que tu sortes du ring, mais le but n'est-il pas d'aller le plus haut possible ? Pourquoi te contenter du chiffre trois ?

Bien sûr, la question était hypocrite ; lui-même n'avait à aucun moment eu l'intention d'aller si loin. Pour ce qu'il était venu faire ce jour-là, arriver en queue de peloton aurait suffi. Mais les choses en avaient décidé autrement, et il lui fallait en assumer les conséquences. Et lui ? Quelles étaient ses raisons d'avoir préféré en rester là ?

▬ Tu n'avais pas l'air particulièrement blessé et tu avais déjà battu l'ancien numéro un. D'aucuns diraient que tu avais toutes tes chances. développa-t-il sa pensée. Force est d'admettre que pour des pacifistes, vous êtes loin d'être aussi inoffensifs que l'on pourrait le penser... À moins que tu sois une exception ?

- Comment ? Il a abandonné...

Limpide. À défaut de pouvoir fournir d’autres explications, Borick avait été défait par sa propre décision. Cela n’excluait pas la possibilité que Cimériès ait pu le vaincre à la loyale, jusqu’à ce que son adversaire ne soit plus en état de riposter – l’on ne le saurait jamais – juste qu’il fallait établir le fait tel qu’il était. L’ancienne Primera n’avait pas fait ce qu’il fallait pour poursuivre dans le tournoi, au risque d’hériter d’une place plus basse. En tout cas il ne relève pas sur les félicitations, tant au final les résultats avaient été faussés par les nombreux départs, dans toutes les étapes de la compétition. La question suivante le capte cependant.

- Le « Trois », c’est déjà bien plus que ce à quoi je me serais attendu. « Dix » aurait pu tout aussi bien être suffisant, pour ce que je comptais en faire. Plus l’on s’élève, mieux c’est, j’imagine. Mais être dans les quatre premiers m’assure déjà un certain confort. Tandis que trop haut cause invariablement un intérêt et une reconnaissance dont je me passe bien.

La Primera serait-elle venue le débusquer ici s’il n’avait été que dixième ? Le Vagabond était une créature discrète, qui ne cherchait pas à attirer l’attention. Peut-être était-il en réalité monté plus haut que ce qu’il aurait souhaité ?

- L’Espada n’a pas besoin de quelqu’un comme moi à sa tête. La guerre, la politique, la représentation et le goût du combat me sont étrangers. Servir une cause est une chose ; s’en faire l’étendard en est une autre.

Car malgré son individualisme et son souhait d’être à l’écart et de le rester, un part de lui croyait en l’Acuerdo. Ce ne serait sans doute jamais une unité parfaite, ce pourquoi les quatre clans demeuraient avec leur indépendance. Mais lorsque les doigts se referment, ils peuvent ensemble devenir un poing. « Together strong ».

- Les Arrancar de la Lune ont fait la paix. Avec eux-mêmes, tout d’abord, ainsi qu’avec les autres. Ce que nous fûmes auparavant ne disparaît pas pour autant. Avoir vécu autant de cycles pour finalement ne pas être capables de défendre notre bout de désert, c’est cela qui serait étonnant. Au final, est-ce que ça l’est plus ou moins que voir une scorie sortir de sa cachette pour se hisser au sommet ? Il m’étonne de te voir surpris par des faits de cette nature

La main prodigieuse qui lui sert de dossier pivote légèrement, les doigts se meuvent de manière à ce qu’il redresse un peu le torse, tout en s’accoudant désormais sur la pulpe d’un doigt de pierre, sa propre main posée négligemment sur son menton et ses lèvres, à l’écoute d’une riposte.