a glimpse of the past (artemio)

Artemio avait connu bien des noms. Celui-là était le dernier d'une longue série.
Le seul qu'il ait choisi lui-même, en vérité. Tous les autres lui avaient été donnés par d'autres, attribués presque malgré lui. Porteur de Flamme. Grand Brûlé. Autant de sobriquets qui étaient presque devenus des titres de noblesse, finalement. Des marques de respect.
Il ne s'était jamais choisi de nom, parce qu'il n'en avait pas eu besoin : tout le monde savait qui il était, avait déjà mille et une manière de parler de lui - de lui adresser la parole - sans qu'il soit nécessaire de le nommer directement.

Les temps avaient changé, et il ne pouvait hélas plus compte sur une telle reconnaissance - d'autant que l'apparence inoffensive qu'il affichait désormais n'était assurément pas la plus reconnaissable.
Or, tant qu'il ne serait pas plus au clair sur la situation actuelle, il était hors de question pour lui d'errer sous la forme qui avait fait sa fierté et sa gloire.

En contraste, son apparence « normale » - sa nouvelle normalité - était autrement plus passe-partout, et pour l'heure, il s'en contentait parfaitement.
Il y avait quelque chose d'amusant à redécouvrir le monde, son monde sous cet angle, bien plus humble - bien plus humain - que celui depuis lequel il l'avait vu tout au long de sa vie passée. Il était si petit, désormais... Du moins aussi longtemps qu'il le voudrait.

Bien sûr, il ne pouvait sceller entièrement ses pouvoirs. Même sans dévoiler sa Resurrección, ce qu'il était avait la fâcheuse tendance de transparaître dans ses moindres arcanes, même les plus ordinaires.
Pas aussi librement que quand il était en pleine possession de ses moyens, évidemment, mais son affinité pour les flammes et la chaleur deviendrait très vite évidente à quiconque pourrait le voir en action.
Aussi évitait-il de se trouver mêlé à quelque scène de violence que ce soit, lorsqu'elles éclataient aléatoirement dans l'Arbolada de los Menos - mais même comme cela, il fallait parfois savoir se faire entendre.
Ne pas jouer cartes sur table et se faire passer pour plus insignifiant qu'il n'était ne voulait pas dire qu'il accepterait de laisser qui que ce soit lui manquer de respect... Son ego n'était pas aussi fragile que celui de certains de ses pairs, mais il y avait néanmoins une limite à ce qu'il pouvait admettre.

Heureusement, la plupart du temps, ses « camarades de chambrée » choisissaient de le laisser tranquille. Même les moins réceptifs aux variations dans l'énergie spirituelle pouvaient dire rien qu'à le voir qu'il n'était pas quelqu'un avec qui l'on veut traîner, pas si l'on tient à la vie.
Cela lui convenait très bien ; il pouvait ne se mêler aux autres que quand il en avait l'envie. Le reste du temps, il vaquait à ses occupations, et préférait alors ne pas être dérangé.

Occupations qui, en l'occurrence, consistaient à lancer dans les airs et à rattraper un galet de quartz - à s'habituer un peu mieux à ces mains minuscules qu'il n'avait, finalement, eu que trop peu l'occasion d'utiliser.
S'il n'entendait aucunement se familiariser avec le combat au corps-à-corps, force était d'admettre qu'il y avait trop de choses pour lesquelles il s'était habitué à ne compter que sur ses facultés. Une approche plus manuelle l'aiderait à parfaire son camouflage, le temps qu'il durerait.
Du moins était-ce le but de la manœuvre avant qu'une voix ne l'apostrophe, et pas par le nom - le seul nom - qui était censé être le sien désormais. Le caillou explosa en vol avant qu'il ait pu le rattraper.

Amie ou ennemie ? Peu importe ; dans le doute, il paraissait de bon ton de faire passer un message. Par-dessus son épaule, il jeta un œil torve dans la direction d'où la voix était venue, sans quitter le rocher plus massif sur lequel il était assis. On l'aurait cru sans défense, et quelle erreur c'aurait été.

▬ Comment m'as-tu appelé ?

Je te croyais mort, disait-elle.
À peine eut-elle prononcé ses paroles que le regard qu'il portait sur elle se fit plus perçant - pénétrant, au même titre qu'une flamme s'enfonce dans la chair pour la dévorer et ne laisse que des os. À supposer que ceux-ci ne soient pas eux-mêmes réduits en cendres...
Alors qu'il se redressait de toute sa hauteur, aussi limitée soit-elle, la température autour d'eux s'accrut brutalement, sans qu'il ait à faire le moindre geste. Une chaleur dans laquelle elle avait peut-être jadis pu trouver un certain réconfort - mais qui, à cet instant, n'avait rien d'agréable, bien au contraire.
Et peut-être un instant put-elle craindre que le brasier l'emporte.

▬ Tu m'appelles par ce nom et tu crois pouvoir me parler de cette manière ? déclara-t-il avec une pointe d'aigreur dans la voix. C'est courageux de ta part...

Sans qu'il s'attende à être vénéré - ça n'avait jamais été à sa demande -, il tenait en revanche un minimum au respect dû à son rang de la part de ceux qui en avaient encore connaissance.

Il n'était certes plus ce qu'il avait été, mais ce n'était pas pour autant qu'elle pouvait lui parler comme à un ami. Des amis, il n'en avait aucun : tous ceux qui s'étaient rassemblés autour de lui avaient toujours été soit des profiteurs, soit des faibles à la recherche de plus fort qu'eux pour les protéger.
Et s'il ne les avait jamais activement défendu, n'avait mené aucun combat en leur nom, sa présence seule suffisait à dissuader qui que ce soit de s'approcher - sinon pour trouver refuge dans sa lumière.
Mais ce n'était pas exactement là la définition que l'on pouvait avoir de « rapports amicaux ». Oh, certains savaient se rendre plus agréables que d'autres, mais dans l'ensemble, c'étaient eux qui avaient besoin de lui et non l'inverse ; dès lors, leurs relations ne pouvaient qu'être biaisées.
Il ne les haïssait pas pour cela ; c'était bien naturel que de chercher à se préserver... Mais il ne pouvait pas non plus les apprécier, pas alors qu'ils étaient si faibles, que la plupart d'entre eux n'avaient jamais cherché à progresser. Se contentaient de vivre dans son ombre - et cela, toute sa radiance ne pouvait rien y changer.

Néanmoins... Fermant les yeux, il s'efforça de ravaler cette hostilité. De se convaincre qu'elle ne pensait pas à mal ; que cet outrage à lui seul ne méritait pas une punition. Après tout, elle avait eu un millénaire pour perdre les « bonnes » habitudes ; pouvait-il vraiment lui en vouloir ? Son aura revint à des niveaux plus tolérables lorsqu'il se fut calmé, sans pour autant disparaître entièrement - il n'y arriverait jamais. D'autant moins alors qu'il portait encore quelques traces de son dernier affrontement, fussent-elles cachées par ses vêtements.

▬ Je sais que je ne suis plus aussi impressionnant que j'ai pu l'être, reprit-il d'un ton plus apaisé, au moins en surface, mais puisque tu sais qui je suis, je te prierai tout de même de surveiller la manière dont tu t'adresses à moi.

Car si elle ne lui témoignait pas naturellement le respect auquel il pensait encore avoir droit, il devrait le lui rappeler - et ce ne serait agréable pour personne. Si elle avait eu le malheur de le prendre à rebrousse-poil d'entrée de jeu, il n'en était pas moins curieux de voir que l'une de ses anciens adeptes était encore de ce monde.
Toutefois, s'il demeurait encore en elle le moindre doute, la sensation cuisante qui devait encore courir à la surface de sa peau après cette démonstration ne manquerait pas de le dissiper.

▬ Quand à tes questions... À défaut d'approcher, au moins daigna-t-il descendre de la pierre sur laquelle il se tenait encore. Si tu veux des réponses, je crains que tu doives être plus précise.

▬ deuxième post de repos.