Artemio Vittoria

Resplandor est le nom donné par Artemio à sa forme vraie.
Si, comme tout Vasto Lorde qu'il se respecte, il conserve - ou plutôt retrouve - une forme essentiellement humanoïde au moment de sa libération, la sienne le voit tout de même grandir considérablement, faisant rapidement oublier la taille dérisoire de son apparence humaine. Soudainement beaucoup plus élancé, il se pare de cornes et d'avant-bras massifs mettant immédiatement en évidence le danger qu'il peut représenter, et ce dès avant que les flammes commencent à jaillir de toutes les parcelles de son être.
Quoiqu'aussi carapaçonné que le sont tous les membres de son espèce, il se distingue toutefois par un aspect plus lisse et moins angulaire - mais aussi et surtout par une couleur écarlate qui ne manquera pas d'attirer l'attention dans ce monde en noir et blanc, probable fruit de son pouvoir.
Bien que son masque soit clos à l'instar de ce qu'il était avant de briser son masque sans que cela l'empêche de s'exprimer, il peut se « déchirer » pour laisser jaillir des rafales d'énergie si le besoin s'en fait sentir. Il est clair que son pouvoir le lie intimement aux flammes - un feu qui peut tout détruire, même ce qui ne devrait pouvoir l'être. Le reiryoku lui-même n'est pas à l'abri.

Les débris du masque tombèrent sur le sol.
C'était une sensation étrange de pouvoir à nouveau respirer sans filtre, sans quoi que ce soit pour lui couvrir le visage. Cela faisait si longtemps qu'il aurait aussi bien pu la découvrir pour la première fois.
Ce n'était pourtant que l'un des nombreux avantages qu'avait cette transformation, s'il en croyait la rumeur... Voilà pourquoi il avait finalement cédé à son tour, s'abandonnant à la curiosité. Le risque importait peu ; il savait qu'il s'en sortirait. Ce n'était pas son destin de mourir de cette manière - ou de mourir tout court, en vérité.
Il passa les mains sur son visage - des mains d'homme, malgré leurs proportions - et repoussa les cheveux qui l'avaient recouvert ; il les avait longs, apparemment. Une longue crinière brune, assortie à ces yeux qu'il distinguait pour la première fois dans son reflet. Le reflet de cette lame qui gisait à présent à ses pieds, concentrant dans sa lame tout ce qu'il était, avait été et serait jamais ; l'essence-même de son être.
Il fit la moue en se découvrant aussi frêle, aussi petit. Il se serait vu plus grand, à la hauteur de sa majesté. Peu lui importait la musculature - il n'en avait aucun besoin -, mais sa silhouette était si frêle qu'on aurait pu le croire atteint de malnutrition. Il est vrai qu'il n'avait rien mangé depuis longtemps, n'en ayant plus le besoin ; se pouvait-il que cela ait quelque chose à y voir ? Malheureusement, on ne peut pas tout avoir, et qui sait ? Cette apparence pourrait encore changer.
Passant les doigts sur sa nuque, il y découvrit l'ultime vestige de ce qui avait été son masque, protégeant la base du crâne. Voilà qui serait avantageux si quelqu'un décidait de l'attaquer par derrière, d'autant qu'une chevelure abondante masquait cela à la perfection.

Remis sur ses pieds, il tituba légèrement. Oh, il se sentait parfaitement en forme : il allait juste devoir s'habituer à... Regarder le monde d'aussi bas, supposait-il ; son point de vue allait rapidement lui manquer. Il n'allait pas passer beaucoup de temps sous cette forme, il pouvait le sentir. Soudain, alors qu'il inspectait dans les moindres recoins ce nouvel aspect, une exclamation de stupeur dans son dos captura toute son attention.

▬ J... Je suis désolé, seigneur, je ne voulais p... bégaya le pauvre Hollow.

Il fallait s'y attendre : ses fidèles commençaient à s'impatienter. Combien de jours avait-il passé à l'intérieur de cette chrysalide ? Il se retourna d'un bond, aussi preste qu'il l'avait toujours été, pour se diriger vers ce visiteur sur ses nouvelles jambes. Après tout, s'il avait été assez rusé pour passer outre les gardes alors qu'il avait demandé à n'être dérangé sous aucun prétexte, il méritait bien son attention.

▬ Au contraire, tu tombes parfaitement bien. Approche.

L'intéressé se prosterna immédiatement, sans qu'il ait besoin de le demander. D'ailleurs, il ne l'avait jamais demandé à personne ; ils avaient commencé à le faire par eux-mêmes. Dès lors, qui était-il pour les en dissuader ? Artemio - oui, c'était ainsi qu'il serait nommé - lui posa la main sur l'épaule, ou ce qui s'en approchait le plus étant donné sa physionomie biscornue.

▬ N-n-nous voulions juste savoir quand vous reviendriez, seigneur, s'empressa-t-il de se justifier. Déjà intimidé par la grandeur de la structure où il avait dû se rendre pour trouver sa trace, il l'était plus encore d'être en sa présence. Mais nous ne pensions pas que...

Ce processus - l'arrancarisation - était encore relativement tabou ; rares étaient ceux à s'y essayer, plus encore à y survivre. Ceux qui avaient la chance de l'accomplir sans encombres revenaient dotés d'une puissance considérable, mais changés à jamais : étaient-ils encore des leurs ?... Les controverses étaient si nombreuses que voir une figure aussi imposante que l'était Artemio se lancer dans cette démarche était voué à faire l'effet d'un séisme dans la communauté qui s'était rassemblée autour de lui.

▬ Oh, mais je ne suis jamais parti. dit-il en lui tapotant l'épaule, souriant - oui ; il pouvait sourire, désormais. J'ai juste fait quelques aménagements.

Par-dessus son épaule - nue ; il allait devoir trouver de quoi se vêtir -, il jeta un coup d'oeil aux vestiges du cocon. Ils se dissoudraient bien assez vite.

▬ Je dois dire que ça a été une expérience formatrice. Il dodelina de la tête, laquelle lui semblait plus légère que jamais, débarrassée de ses protubérances. À vrai dire, je me demande si nous ne devrions pas tous en passer par là. Après tout, il faut savoir vivre avec son temps. Qu'est-ce que tu en penses ?
▬ J... Je... articula péniblement la créature ; à l'évidence, il n'était pas très dégourdi. Ils l'étaient rarement, quand ils étaient aussi dévoués - aveuglés par sa lumière. ...Mais si nous faisons ça, beaucoup d'entre nous vont mourir !
▬ Allons. Ne sois pas bête. Il déplaça la main pour cette fois la poser sur le masque de son adepte, démesuré en comparaison. Crois-tu vraiment que je demanderais de vous un tel sacrifice ? Je trouverai un moyen de vous emmener avec moi dans cette nouvelle ère. Nous progresserons tous ensemble vers la prochaine étape de notre évolution. Son vis-à-vis parut soulagé d'entendre ces paroles. Hélas, pour cela... J'ai bien peur qu'il nous faille tout d'abord mettre au point une méthode. J'ai déjà ma petite idée.
▬ Seigneur... ? fit le Hollow d'une voix hésitante alors que la main sur son masque prenait en envergure et se dotait de griffes, rougeoyant de plus en plus à mesure que son hôte retrouvait sa grandeur au propre comme au figuré.
Puis il eut le feu, et il se mit à hurler.
▬ Nous ferons comme nous l'avons toujours fait, déclara doucement Artemio en regardant le masque se consumer. Nous avancerons dans les flammes.

Brûle
Car je l'ai décidé
Brûle
Car tu n'existes que pour cela
Brûle
Ne laisse que ta lumière derrière toi

Il se réveilla avec la sensation d'avoir dormi d'un sommeil trop long.
Plongé dans la nuit éternelle, le Hueco Mundo n'avait jamais été particulièrement clair, mais c'était pire encore que dans son souvenir. Seuls de rares rayons lunaires perçaient à travers la pénombre. Où était-il ? Une secousse l'incita à se relever, lui faisant constater qu'il était allongé sur le sol - fait d'autant plus étrange qu'il sommeillait d'habitude sur son trône.
C'était bien l'un des rares points positifs à ce que tous ces imbéciles en mal de guidance se soient rassemblés autour de lui : il ne manquait jamais de confort. À ce sujet, alors que passaient les Menos à l'origine des tremblements qui l'avaient réveillé, aussi hagards que dans son souvenir, il s'étonna de se trouver dans une relative solitude.

Pour la première fois depuis des siècles, il n'était entouré de personne, à l'exception de ces grotesques créatures - lesquelles, conformément à leurs habitudes, faisaient peu de cas de sa présence, comme de tout le reste. Il avait peine à croire qu'il avait pu un jour revêtir lui aussi une telle apparence - et, à vrai dire, préférait l'oublier ; c'était il y a si longtemps, après tout. Assez pour que personne à part lui ne soit plus là pour s'en rappeler.
Étant donné son mépris pour ces formes primitives, il n'était que plus surprenant qu'il se soit volontairement rendu auprès d'eux - car ceci était la Forêt des Menos, il en était à peu près certain désormais. Oh, il allait où il voulait, là n'était pas le problème... Mais quelle raison avait-il bien pu avoir de venir contempler le ballet paresseux de ces êtres inférieurs ?

D'aussi loin que remonte sa mémoire, il se trouvait face à ces Shinigami et... Il fronça les sourcils ; non, ça n'avait aucun sens. N'était-il pas ici en chair et en os ? Il se passa une main sur le visage, repoussant les longues mèches brunes qui lui voilaient le regard. Il allait lui falloir investiguer pour obtenir le fin mot de toute cette histoire.
Au moins n'y aurait-il personne pour le gêner, même si avoir des serviteurs aurait eu son avantage pour ramener des informations - à condition d'être efficaces.

La raison pour laquelle il n'avait pas reconnu ce lieu immédiatement, c'est qu'il était bien plus peuplé que la dernière fois ; son Pesquisa l'informait que des dizaines, peut-être des centaines d'individus se pressaient auprès d'une puissance comme il n'en avait connu que rarement - mais brute et non raffinée comme la sienne l'était désormais.
Un semblable, croyait-il deviner, même si ce n'était que partiellement vrai : était-on encore Vasto Lorde - comme on avait choisi de les nommer - après être devenu un Arrancar ?
Toujours est-il qu'il décida d'aller voir également ce dont il était question. Quoi qu'il lui soit arrivé, il comptait bien le découvrir, mais pour l'heure, il allait profiter de cet anonymat.
Et, non sans avoir arraché la peau d'un Gillian pour s'en faire un manteau, il se mit en route, marchant parmi la plèbe, foulant le sable de ce monde qui l'avait oublié pour la première fois depuis le dernier millénaire.

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Il était mort. Il le savait désormais. Ça ne servirait à rien de le nier : quelle autre explication pouvait-il y avoir à ce qu'il ait tant manqué ? Depuis le toit d'un bâtiment plus haut que tout ce qu'on aurait pu rêver de construire à son époque, il regardait un de ces engins ailés - un « avion » - traverser le ciel étoilé.
Le Monde Creux avait changé par certains côtés, mais ce n'était rien à côté de la transformation qu'avait connu la terre des hommes. Cette ville ne portait même plus le même nom : de ce qu'il avait cru comprendre, on l'appelait « Tokyo » depuis quelques années.

Il était mort, oui... Lui, le titan flamboyant, le Prométhée des landes ensablées. Comment, pourquoi, il n'en avait pas la moindre idée. Il n'était pas sûr que ça ait une réelle importance : depuis le temps, il y avait de fortes chances que son bourreau soit mort également. Peut-être même de vieillesse, même s'il s'agissait d'un Dieu de la Mort.
Et s'il était encore en vie, et bien... Il ne serait pas dans son intérêt de s'en vanter auprès de lui, à moins de vouloir être à son tour renvoyé dans le cycle des âmes.
Tout Dieu qu'il soit, il n'avait jamais prétendu être immortel, même s'il y avait quelque chose d'assez religieux à être revenu de la mort. Il n'était pas seul dans ce cas, comme il avait fini par l'apprendre - mais le serait tôt ou tard, s'il continuait de traiter les autres miraculés comme il l'avait fait jusqu'alors.

Les pieds dans le vide, assis sur le bord de cet immeuble - ce gratte-ciel ; c'était tout un vocabulaire à réapprendre -, il se demanda s'il s'en trouvait également en ce monde... Et, si oui, s'ils seraient aussi délicieux que ceux qu'il avait déjà dévorés.

Aussi plaisante que soit la nuit terrestre avec toutes ses lumières - bien plus que celle, immuable, de son pays natal -, il estima s'être suffisamment attardé ; mieux valait rentrer avant qu'on se demande où il avait encore pu disparaître. Après tout, étant l'un des rares membres à visage humain de l'Escoria, ses absences tendaient à se remarquer.
Or, s'il n'avait pas l'intention de se cacher, il préférait ne pas attirer l'attention - du moins tant qu'il n'aurait pas de raison de le faire. Il en avait été au centre pendant assez longtemps pour ne pas être pressé de la retrouver.

D'un bond, il se remit sur ses jambes, et lança un dernier regard vers la cité lumineuse - cette magnifique, inflammable cité - avant de se retourner pour ouvrir le Garganta qui allait le ramener chez lui.

▬ Reste où tu es, démon !

Il arrêta son geste, la main encore dans les airs, et jeta un oeil par-dessus son épaule pour trouver un Shinigami flottant au-dessus du vide. Ni manteau, ni brassard : sans doute un simple garde en faction. Cela au moins n'avait pas changé. Le pauvre ; il n'avait aucune idée de ce dans quoi il venait de s'embarquer. Pivotant pour lui faire face, il le gratifia d'un sourire chaleureux.

▬ Bien le bonsoir ! Je n'ai jamais été très doué pour étouffer ma pression spirituelle... Je crois que ce n'est simplement pas fait pour moi.
▬ Un... Un Arrancar ?! Ici, sur Terre ?! s'étouffa le patrouiller, clairement peu préparé à cette éventualité, se cramponnant à son arme pour se rassurer.
▬ Tu as l'air étonné. À quoi t'attendais-tu ? Un vulgaire Hollow de bas étage ? s'amusa Artemio. Je suis désolé de te décevoir. Mais tu tombes bien ! Portant la main à sa ceinture, il en extirpa son propre sabre - un objet avec lequel il n'avait jamais eu la moindre affinité, bien qu'il fasse partie de lui et inversement. Ça fait un moment que je n'ai pas eu l'occasion de faire un peu d'exercice. Ici, personne n'en saura rien si je ne traîne pas. Alors, dis-moi... Ses airs affables devinrent prédateurs. Je suis d'humeur généreuse. Comment veux-tu mourir ?

Quel que soit son choix... Il n'échapperait pas aux flammes.