Service Après-Cendres [PV Artemio]

Ils pensaient à consolider leurs défenses autour de la place forte sécurisée en territoire ennemi, quand ils auraient dû penser en priorité aux défenses de leur propre monde.

Il a lu les rapports, vu les enregistrements, entendu les mots de la bouche d'agents, témoins. Il y a eu les Hollows, il y a eu les Arrancars et les Shinigamis. Puis... Il y a eu ces choses. Ces inconnus à l'équation, ces étrangers dans un monde déjà Alien. Puis, au milieu de ces acteurs, il y a eu ruine, flamme et mort. À l'origine, une action des Hollows et Arrancars. Puis, le chaos.

Dans l'esprit du Kurosawa, une leçon à retenir : ils ne sont pas prêts.

L'Ultimat Necat peut gérer le flux d'attaques et incidents spirituels tel qu'il existe en temps normal. Couvrir les incidents, éliminer les menaces, avancer l'agenda de l'organisation. Or, les événements d'il y a quelques semaines ne sont pas « en temps normal ». L'ennemi s'est décidé à un attentat, un assaut coordonné, et alors la défense humaine n'a pas suffit. Par sa nature, le conflit détruit : les forces en jeu sont trop démesurées pour ce terrain de jeu pleins de fourmis et de châteaux de sable. Car c'est bien là ce que représentent les mortels et leurs bâtiments, dans les batailles de l'autre monde.

L'ennemi peut apparaître de n'importe où, n'importe quand. Alors ceux qui ne voient pas meurent, et leur monde tombe en ruine, sans qu'ils n'en comprennent même l'origine.

Parfois, il se demande s'il ne faudrait pas que le public sache.
Que les aveugles deviennent au moins borgnes, si pas clairvoyants.

Il y songe, les mains croisées sous son menton, son regard qui passe sur chaque homme autour de cette grande table ovale. Des hommes en costume noir, une certaine tension dans la pièce. Par la grande baie vitrée en face, une vue de choix sur le quartier d'Akihabara et ses arcades... Ainsi que sur les dégâts, et sur les travaux déjà entamés dans la rue et sur les façades des bâtiments.

- Les réparations vont coûter une fortune. Nos projets pour les deux prochains trimestres sont compromis jusqu'à nouvel ordre, les gens ont peur.
- Il faut relancer le marketing, donner envie aux clients de revenir. Il n'y a pas beaucoup plus à faire, la fuite de gaz-
- Fuite de gaz ? Vous y croyez vraiment à cette histoire ?
- Quoi d'autre sinon, Kohira-San?
- Peuh... J'en sais rien, mais on nous dit pas tout. Il y a quelque chose de louche, dans cette affaire.
- Peu importe.

Sa voix est forte, mais son ton est calme, froid. Les regards se tournent vers lui.

- Le mal est fait. Des experts ont été dépêchés pour vérifier la conformité des bâtiments, des mesures de sécurité et pour déceler toute éventuelle faille. À tout niveau. J'entends vos doutes, Kohira-San. Et vous savez que des gens ont déjà été dépêchés pour enquêter sur l'affaire.
- Je... Oui. Je sais. Mes excuses.

le Kurosawa adresse un signe de tête à l'homme. Il ne ment pas. Des gens ont été dépêchés pour enquêter sur l'affaire. Mais pas ce que ceux autour de cette table pensent. Ils n'ont pas besoin de savoir... Pour l'instant.
Durant l'assaut, des intérêts du groupe Kurosawa ont été touchés. Alors l'y voici, à cette réunion de gens qui parlent sans savoir. Comment pourraient-ils ? Ils ne voient pas.

Mais lui, il voit. Mieux encore, il sent.

Ses yeux se plissent, ses sourcils se froncent subtilement. Une présence. Puissante.

- Pardonnez-moi. Je dois m'éclipser.
- Mais il faut enc-
- Continuez sans moi.

Une œillade par-dessus l'épaule, un regard qui reste. Et pour une fois, Kohira n'insiste pas.
Le King quitte la pièce, puis commence à courir, direction les escaliers. Une mains dans une poche, une pression sur un bouton, et les caméras autour n'enregistreront pas son image. Alors il commence à courir plus vite. Trop vite.
En réponse à sa course, la sonnerie de son téléphone.

- King Kurosawa, vous êtes l'agent le plus proche. Signature spirituelle détectée au n-
- Je sais. Vous êtes en retard.

Il a appris à se servir de cette technologie qui représente l'avantage des humains, dans ce conflit. Mais il n'a pas oublié tout ce qu'il a appris avant les inventeurs et leurs gadgets. Il n'a pas besoin d'eux, pour ressentir, reconnaître et localiser.

- Envoyez une équipe. Prévenez les Coins : Nous allons peut-être avoir besoin d'un Effaceur.

C'est comme ça qu'il les appelle : ceux qui font oublier, ceux qui inventent un tissu de mensonge pour que le monde ne découvre pas la vérité.

Mais il ne se voile pas la face : ils ne viendront pas à temps. Alors quand il arrive sur le toit, là où il aura bonne vue sur l'origine de cette énergie étouffante, il sera seul.

- Exact. Cette même vigilance qui vous fait trop défaut à vous autres. Il lève les yeux vers le ciel, une neutralité froide dans le regard. - Trop fiers et arrogants pour prendre l'ennemi au sérieux. La première fois, ça vous a coûté un morceau de votre grande étendue de Rien. La Grande Cataracte : l'origine du conflit. - Aujourd'hui, ça vous coûtera un Arrancar.

Il sait reconnaître les prémices d'un combat. Ici, il n'y aura pas de négociations, de pourparlers, de « peut-être que l'on peut s'arranger ». Et pour cause : Déjà, il lève la mallette à son flanc, presse sur un bouton. Le contenant tombe au sol, le contenu trouve sa place dans la main du Kurosawa : Un Tachi, rangé dans son fourreau. Plus grand, plus courbé qu'un katana, une lame de guerre plus courante à l'ère Sengoku. Le bois laqué noir du fourreau brille d'un éclat qui trahit un entretien assidu, les motifs et décorations rouge et or parlent d'une arme qui indique un statut. Un expert moderne parlerait d'une pièce de musée.

- Pareillement. Nous aussi, nous avons des questions. Un geste, pour doucement sortir la lame de son fourreau. - Pas celles avec les réponses qui s'arrachent à un bavard, si ça peut te rassurer.

La lame achève d'être dégainée, un tranchant certain se devine à la qualité du métal. Le regard de l'Éternel ne quitte pas sa cible, mais sa posture reste décontractée. Celui-ci est puissant, il peut le sentir. Celui-ci sera un problème. Ce ne sera pas la balade de santé que ça a pu être contre quelques autres de ses congénères, par le passé.

- Plutôt celles qui s'arrachent sur un corps amorphe.

Amorphe, pas mort.
C'est comme il avait dit au King of Cups : Pourquoi les tuer si vite, quand leur vie peut enfin servir à quelque chose ?

- Peu importe.

Peu importe qui il représente.
Peu importe qu'il s'imagine une idée selon laquelle il agit selon son propre agenda, plutôt que celui de l'organisation Arrancar. S'il est parmi eux – ou même s'il a été parmi eux à un moment dans le passé -, alors il saura... Se montrer utile.

Le Kurosawa parle un discours confiant, mais son esprit n'est pas dupe. Il sait que l'apparence ne vaut rien, dans le monde des esprits : qu'il n'est pas rare qu'un physique adolescent cache une existence pluri-centenaire, une puissance bonne à soulever des gratte-ciels. Il ne fera pas l'erreur de sous-estimer cet adversaire. Tout l'inverse : il va le prendre au sérieux jusqu'à l'excès.

- Alors viens.

Seul, en ton nom, tu comprendras la nouvelle réalité de ce monde.
Il pourrait se défendre. Il pourrait esquiver – voire dévier – le Bala qui arrive. Le projectile est rapide, mais il se sait l'être infiniment plus. Il pourrait réagir à la présence dans son dos : là encore, le mouvement est rapide, mais au jeu des surhommes et monstruosités, il sait sa vivacité autrement plus insensée. Pourtant, ni défense ni esquive aux deux assauts.

Ainsi, il y a les brûlures sur sa peau. Déjà, l'effet des deux attaques sur sa forme en dit assez sur sa constitution : ce qui aurait tué un humain lambda ne fait que laisser des blessures certes concrètes, mais finalement superficielles. Une question se pose alors : pourquoi est-ce qu'il n'a pas bougé ? Sans doute qu'un combattant corps-à-corps dans le monde des esprits se doit d'avoir les réflexes qui vont avec... Le sabre est-il un leurre ? La confiance de plus tôt est-elle usurpée ?

Pas exactement.
Il avait simplement besoin de ces quelques petites secondes supplémentaires pour libérer son pouvoir.

S'il n'a pas démontré sa vitesse au moment de se défendre, il la dévoile lorsque vient le moment de contre-attaquer : d'un seul geste, d'un mouvement vif, fluide, il se retourne. Déjà la lame est prête à frapper, mais surtout... Il y a un changement subtil dans l'air.

Le coup part : une frappe à l'horizontale qui cherche le torse. Puis, presque simultanément, un Reiryoku vert vif explose soudainement : une aura verdâtre qui enveloppe l'Éternel, accompagne son mouvement. Volatile, instable, l'énergie rend compte d'une puissance à peine contenue. Ce n'est pas un Reiatsu. Il n'y a pas ce poids sur les épaules, cette impression étouffante qui suit dans le sillage de ces libérations d'énergie habituelles...

C'est un courant d'énergie brute, dans sa forme la plus pure et dangereuse.

Qu'on ne vienne pas dire qu'il prend leurs invités à la légère. Le soir de l'attaque – là où il aurait été le plus utile – il était absent. Aujourd'hui, il a à cœur de compenser ce manquement...
Il n'y aura pas de cadeau.

Chair ouverte, sang versé, plaie confirmée... Puis lentement brûlée, renfermée. Kyoya observe, un songe dans le regard. Naturellement, de la régénération. Un don en vogue chez les habitants du monde mort: il l'a constaté à ses dépends plusieurs fois par le passé. Soit. S'il ne faut que ça : il déchirera la forme de cet Arrancar à un stade où la régénération ne sera plus envisageable. Il ne sait pas encore... Il pourrait ouvrir une pluie de plaies, au point que les refermer finisse par devenir une épreuve à part entière... Ou il pourrait ouvrir un unique trou béant au centre de sa forme.

- C'est tel que tu l'as dit. Une pause, un regard qui fixe. - Tu as des questions auxquelles j'entends ne pas répondre... Et tu comptes faire ce qu'il faut pour obtenir ton dû. Au coin de ses lèvres, un fin sourire, mauvais. - Tu es encore loin de « ce qu'il faut ».

Il ne lui doit rien. Ni son nom, ni son rang, ni son titre. Il ne lui doit rien, sinon le tranchant de sa lame. Ils sont nombreux à vouloir clamer attributions et pseudonymes, lors de ces duels au sommet. Kyoya n'est pas un bavard – et il ne donne son nom que s'il est amené à servir plus tard. Or, il n'a pas pour projet de laisser l'occasion à l'Arrancar de vivre un « plus tard » en liberté.

Il écoute, il observe. Les mots lui permettent de deviner le spectacle à suivre : peau qui craquelle, qui brise, qui brûle. La forme mensongère du presque-adulte disparaît pour une apparence tout autre : un géant de feu, une bête de démesure. La chrysalide inversée des Arrancars : du papillon vers la chenille - Un nuisible dans tous les cas.

- Voilà qui est plus proche de la réalité.

Il le dit avec ce quelque chose de doucement acide dans la voix. Ça lui rappelle une discussion d'il y a quelques siècles... Pour libérer leur plein pouvoir, les masques brisés doivent abandonner l'illusion de leur humanité retrouvée. Revenir à la vérité de leur nature profonde : des monstres de prédation.

Il fait chaud, terriblement chaud. C'est comme un poids sur les épaules, une chape de plomb. Néanmoins, l'aura du King ne faiblit pas : plus concentrée, elle suit ses mouvements comme une seconde peau. À l'inverse, le feu lui se propage, s'étend... Jusqu'à ce qu'il y ait les colonnes de feu. Là, sous les pieds de Kyoya, le brasier se lève partout sur les vestiges du toit. Il n'y a pas d'échappatoire, pas de route d'esquive... Alors quand l'Éternel doit se déplacer, sa route est toute trouvée : droit devant.

Il traverse les multiples cascades de feu à grande vitesse : une vitesse surnaturelle, inhumaine ; qui pourtant ne trouve pas son origine dans les miracles du Reishi. Ni Bringer Light, ni équivalent : seulement la mécanique d'un corps surhumain qui se met en marche. Sa forme sort d'entre deux colonnes enflammées : ses vêtements brûlent, sa peau brûle, mais toujours pas assez pour le faire ralentir... à vrai dire, il y a toujours cette impression qu'il devrait en souffrir plus, mais que ça n'est simplement pas suffisant pour l'entamer autant qu'un autre humain – voire, autant qu'un autre surnaturel.

Avec cette vitesse, il se sort de la fournaise, sans la contourner... Il se dirige vers le colosse, sans l'éviter. L'aura tout autour de sa forme s'agite. Sa lame pointée vers la créature, le Reiryoku volatile de son aura s'étend jusqu'à entourer le Tachi. Plus puissante, plus instable, la dangerosité du Reiryoku verdâtre se devine aux ondulations dans l'air autour du King, et surtout autour de sa lame.

Le temps de quelques secondes, Mugen est une extension de lui.

Dés lors, le géant pourra apprécier la menace qui approche, vive. Visage fermé, l'humain darde la créature du regard. Œil océan, œil abysse, ses deux yeux reflètent la même chose.
Une discipline froide, mise au service d'un effort pour détruire l'adversaire.

- Je sais qui tu es. Il s'est renseigné sur l'attaque de la Grande Cataracte : conséquence logique de ses projets récents concernant le monde des monstres masqués. S'il entend conquérir cette terre dans un futur proche, il doit apprendre les événements qui l'ont façonnés au moins dans son passé récent – au moins les événements qui concernent l'Ultima Necat. - Et si tu tiens à savoir mon nom, tu auras le loisir de le demander à celui parmi vous qui se fait appeler Borick. Une pause. - Enfin. Si tu en as le loisir.

Si tu sors de cet affrontement vivant et libre.
Reste à savoir si le blond se rappellera du Kurosawa. Une rencontre qui date de plusieurs siècles auparavant, mais Kyoya s'est assez renseigné concernant les derniers événements pour savoir que l'Empereur est impliqué dans plusieurs affaires récentes qui concernant l'Ultima Necat. Lorsqu'il s'est renseigné sur l'attaque de leur base du Désert, il a su qu'il était parmi les assaillants. Lorsqu'il a regardé les enregistrements et questionné le King of Cups, il a su qu'il était aussi présent lors de l'assaut sur terre.

- Port de Tokyo, an 1890. S'il se rappelle, il saura.

En temps et en heure, il se pencher sur son cas. Pour le moment, le géant de feu est la priorité immédiate.

Pour le moment, il est question de survivre à l'enfer. Les colonnes et leur supplice de feu, la peau qui brûle, la chair mise à nue. Kyoya doit couper court à ce combat rapidement. Plus leur affrontement dure, plus la ville en souffrira. Il doit être vif et brutal, sans pitié, sans retenue. Et s'il doit sacrifier sa propre intégrité pour amener son adversaire au sol, ainsi soit-il.
Trop longtemps, il s'est caché, il s'est retenu, il a fait profil bas pour ne pas s'attirer les foudres des arbitres de la balance spirituelle. Trop longtemps, il a retenu sa lame alors qu'il avait tant envie de trancher.

Ce temps est révolu. Il ne se retiendra plus. Plus jamais.
Et au diable la balance des âmes, si leurs garants sont incapable de faire leur travail correctement.

Son aura gronde de puissance. Ça se concentre autour de sa lame pointée vers l'ennemi, ça la grandit alors qu'il charge en sa direction. Il voit le Cero qui charge dans la main du monstre, il devine le brasier à venir... Mais il n'esquive pas. Il affronte ce nouvel enfer de front, parce qu'il a déjà investi toute sa puissance dans l'énergie verdâtre destructrice qui le suit. Il ne peut reculer, il ne peut pas retourner en arrière : s'il veut ouvrir la bête, il doit se jeter dans la gueule du loup.

Le Cero détonne.
Les vitres éclatent.
Les gravats tombent.
La ville tremble.

L'Éternel brûle.
Entre ses dents serrées, il grogne une douleur silencieuse, mais ô combien grande. L'adrénaline est bien la seule chose qui lui permet de continuer : l'adrénaline lui permet de recevoir l'information de la douleur comme un désagrément, mais pas comme un obstacle. Tant que son corps le pourra, son corps continuera cette élancée vers l'avant, vers le danger, vers la cible. Alors il progresse au travers du Cero, littéralement. Sa silhouette dessinée à l'intérieur du gigantesque faisceau d'énergie, il hurle au travers du supplice, hurle au-dessus de la déflagration. Il sent les brûlures à l'intérieur de son corps qui se réveillent, il sent son corps qui lui dit de céder, mais il impose à sa forme meurtrie de continuer.

S'il doit brûler, alors il fera connaître au monstre la même souffrance.

Dans la vague d'énergie, il progresse. Une ombre sombre, entourée d'une puissante aura verdâtre. Quand il sort du Cero, sa position n'a pas changée : toujours lame pointée droit vers l'Arrancar, toujours charge en avant. Ce qui a changé, c'est tout le reste : Il ne reste qu'un pantalon en lambeau, une peau noircie par le feu, zébrée de brûlures orangées. Son visage est méconnaissable, sa forme défigurée par le feu. Pourtant, ses yeux n'ont pas changés. Pupille d'abysse, pupille d'océan, toutes deux habitées de cette lueur déterminée, froide.

Il est à portée, et alors, son aura gronde.

Le Reiryoku autour de lui s'étend brutalement, et celui autour de sa lame plus encore : comme une extension d'énergie, l'aura s'allonge depuis la pointe, une forme tranchante faite de force pure, qui vise la bête au torse. Le coup part, et l'aura autour de Mugen semble faiblir...

Pour seulement redoubler d'énergie une fois encore.

Un sifflement strident dans l'air, alors que d'un mouvement à la rapidité indicible, la lame perce : ce même endroit où l'énergie de Kyoya s'est manifestée, il y plonge d'un coup perçant, pour transpercer la créature de son acier. La frappe est si rapide et puissante que c'est comme un coup de canon dans l'air, un Boom perceptible des centaines de mètres aux alentours.

Enfin, les contours aux allures de flammes vertes s'éteignent autour de sa lame... Mais ils ne disparaissent pas de sa forme. Pas plus que cette dangerosité dans son regard n'a disparue.

Il attaque.

Il pousse son corps jusque dans ses dernières limites, et peu importe si ses muscles tirent : il s'essaie à une entaille du bas vers le haut, depuis là où il a asséné sa précédente frappe. Pourvu qu'il a réussi à percer la chair, alors il remontra le long de ce qui sert de peau au géant, pour ouvrir une grande en taille à son torse... Et le long de ce mouvement, arriver à son visage.

Là, Kyoya passe une main vive et discrète dans son dos, et dégaine ce qui ressemble à un revolver gros calibre... Il se décale sur la gauche, et dans l'air, là où il était, un clone métallique se forme, puis se décale sur la droite. D'un même mouvement, au même instant, le Kyoya d'acier et le Kyoya de chair appuient sur la détente.

Une grande détonation embrase l'air : l'arme, plutôt que de tirer une balle, tire une énorme décharge d'énergie bleutée.

Dans les cieux de Tokyo, comme deux éclairs qui se croisent, puis explosent en l'air.

Peu importe la douleur qui traverse ce corps brisé.
Peu importe le brasier qui court sous sa peau comme un feu de forêt.
Peu importe la chaleur écrasante de ce Reiatsu trop intense, trop puissant.

Peu importe : Sa lame percera.
Il n'en sera pas autrement – pas après les excès d'énergie et de sacrifice qu'il a investi à cette fin. Pas après avoir bravé l'enfer de ce cero pour obtenir la meilleure position d'attaque. S'il doit prendre autant de risques, alors ça ne sera pas en vain. Une promesse faite à son Ego, une exigence imposée au Soi. Alors pour sûr, quand sa lame frappe, elle ouvre cette béance dans le torse du monstre : une fournaise, le creux d'une forge qui s'ouvre à même la chair de la créature. Comme un soleil nain qui naît dans le ciel de Tokyo, juste un instant : juste le temps d'une folie démesurée.

Juste un instant, Kyoya oublie son objectif : juste un instant, il ne pense plus à garder en vie pour questionner, étudier, utiliser... Il y a ce moment au cœur de la fournaise où sa lucidité s'échappe, et où il n'y a que la violence de l'instant présent – ce moment où sa lame monte aller chercher la tête, comme pour la séparer des épaules. Or, le géant repousse, force la distance, force une pause au cœur de ce déchaînement de violence.

Alors il se rappelle.
Alors sa posture se stabilise.

- Je n'ai que faire du respect d'une bête. Sa voix est difficile, modifiée par la gravité de ses blessures. - Un prédateur trop habitué à confronter les proies de l'humanité. C'est ton erreur, Arrancar... Il parle, et l'aura verte autour de lui diminue... Disparaît, tandis que sa main libre se lève doucement, et que tout le Reiryoku l'entourant s'y concentre, puis s'y manifeste sous l'apparence d'une lame d'énergie verdâtre. - Tu as oublié que nous avions aussi des chasseurs.

Et que le prédateur est la proie du chasseur.
Vif, il revient à la charge, la lame de Reiryoku pure pulsant de puissance dans sa main. Arrivé à portée, son dos se voûte, sa posture change, car sa cible a changée : Il vise les jambes du géant, il va les chercher d'une large frappe à l'horizontale juste au-dessous des genoux – Il vise les pieds d'argile du colosse. Le coup part, et dans le sillage de la tranchade, autre chose : une puissante onde d'énergie qui se manifeste en un croissant de lune vert dessiné par le trajet du bout de son arme : une lame d'air verdâtre qui saura blesser le monstre quand bien même il devait esquiver le coup initial.

Puis, aussitôt s'est-elle manifestée que la lame d'énergie disparaît : l'aura change, reprend cette substance informe avant de se rassembler autour du poing de Kyoya : ce même poing qui s'abat sous le menton du géant, à la fin d'une vive remontée du King.

Aller chercher les jambes, pour handicaper sa fuite.
Aller chercher son menton, pour cogner plutôt que trancher...
Pour vaincre plutôt que tuer.

Le Kurosawa ne se fait pas d'illusions. Son corps ne tient qu'à un fil : il n'y a que son adrénaline pour le maintenir debout malgré sa condition. Il doit en finir sur cet assaut, ou alors, son adversaire en finira avec lui.

- Un temps, j'ai pensé à vous laisser le bénéfice du doute. Les mots sortent d'une voix asséchée par l'état déplorable de sa forme. Il se tient droit, mais déjà, l'adrénaline du combat redescend, et alors la douleur se fait plus concrète. Mais ça ne l'empêche pas de dire sa part entre ses dents serrées : la sensation se propage, désagréable, presque insoutenable... Mais pas assez pour qu'il tombe. Pas assez pour l'empêcher de dévoiler une espèce de seringue, la planter dans son épaule, et sentir la douleur s'amenuiser, l'énergie lui revenir au moins en partie. - Vous autres, masques-brisés. Je me suis dit que vous étiez peut-être différents. Que cette nouvelle forme n'était peut-être pas qu'une illusion.

Il en a croisé d'autres. Des Arrancars, si proches de l'humanité, au moins en apparence. La question alors : assez proches pour s'être débarrassés de ce qui faisait d'eux des Hollows ?

- Mais il y a le fragment de masque. Mais il y a le trou en lieu et place de votre cœur. Il dit les mots, et il approche d'un pas lent, mesuré – fatigué. - Ce n'est pas un hasard, si tout évolués que vous soyez, vous ne pouvez pas vous débarrasser des vestiges témoins de votre inhumanité.

Kyoya parle, et pourtant, il est bien éloigné de l'humanité lui aussi, par certains aspects. Trop vieux pour que ça soit naturel, trop puissant pour que ça soit normal. Mais dans son esprit, il y a une différence entre le surhumain et l'inhumain. Oh, sans doute que le monde aurait peur de lui, s'il se dévoilait... Sans doute que le commun des mortels n'est pas prêt à accepter l'idée des humains à pouvoir. Fullbringers, Quincys. Alors que dire des menaces venues d'un autre monde ?

- Ce n'est pas un hasard non plus, si votre première et seule réponse aux problématiques de la Grande Cataracte fut un assaut. Sa marche achève de l'amener en face du désormais adolescent. Le véritable masque. - Une existence solitaire, à vous cannibaliser pour évoluer. Vous vivez dans un monde vide de tout, sauf de conflit. Vous êtes programmés pour détruire. Des nuisances. Un sourire. - Je me demande... Comment est-ce que ça fonctionne, votre affaire de clans ? Un songe. - Rassembler toute une population de créatures individualistes par nature, et les parquer en quatre groupements vaguement liés par je ne sais quelles valeurs communes...

Il pose la question, mais il a déjà un élément de réponse. Cette Hethna, qui est venu le voir avec des projets de renverser l'Acuerdo. Des frustrations et conflits dans son bagage, des récits qui suffisent à se donner une idée de la « cohésion » qu'il existe au sein du groupe. Pourtant... Pourtant, ça ne coûte rien d'avoir une seconde version, au détour d'une question anodine.
En apparence.

Deux existences au bout de leurs forces. Deux silhouettes meurtries, là, au milieu des ruines d'un toit éventré. Pour autant, Kyoya n'est pas dupe : il a vu l'Arrancar se régénérer. Une capacité commune chez les Hollows, plus rare chez les Arrancars... Mais s'il l'a, ça veut dire qu'il pourrait recommencer, pourvu qu'il lui en reste la force – et le temps. Le King ne doit pas prendre de risque : il ne sait pas dans quels délais les renforts arriveront. Peut-être....

Peut-être que l'opération « garder l'Arrancar vivant » est trop ambitieuse, pour cette fois-ci.

C'est pendant qu'il se pose cette question, que les derniers mots d'Artemio se font entendre. Alors, la réaction ne se fait pas attendre : Le Kurosawa dégaine l'arme à feu qu'il avait dévoilé un peu plus tôt dans le combat – celle qui a craché cette large vague d'énergie bleutée. Canon à quelques centimètres du front, doigt sur la détente, yeux dans les yeux, l'Éternel actionne le chien du revolver dans un Clic caractéristique.

- Tu veux parier? Il n'y a plus l'ironie acerbe des mots précédent, ni ce sourire entre malice et férocité. Il n'y a qu'un visage fermé, déterminé. Il n'y a que cette arme terriblement humaine, qui menace cet adversaire terriblement inhumain. En d'autres circonstances, une menace vide... Mais l'Arrancar a vu que ce revolver ne tire pas des munitions ordinaires. - Plutôt que de jouer ta vie sur un « je pense que », tu devrais me donner une bonne raison de ne pas finir le travail ici et maintenant.

Il est affaibli, mais pas assez affaibli pour manquer d'appuyer sur la détente.

- Bien sûr. L'humanité a peur de ce qu'elle ne comprend pas. Il pense, il se ravise. - Non. L'être pensant a peur de ce qu'il ne comprend pas. Un regard qui fixe. - Vous autres inclus. La différence, c'est qu'un Fullbringer pourra vivre et évoluer sans jamais devenir une bête de destruction. Vous, votre survie et votre ascension dépend d'une œuvre de mort à votre nom. Une pause. - Pas de massacre, pas de Hollow. Pas de charnier, pas de Gillian. Ni Aduchas, Ni Vasto Lorde. Détruire n'est pas un choix, pour vous. C'est une nécessité.

C'est dans votre nature.
Néanmoins, il a raison, le faux adolescent. S'ils savaient, ils auraient peur. Bien heureusement, ils ne savent pas : la supercherie est maintenue par de solides fils de faux, de mensonges et de technologies d'effacement de mémoire... Pour l'instant. Plus tard ? Plus tard, peut-être que le monde saura. Pendant des siècles, une idée absurde... Mais aujourd'hui, dans l'ère du numérique, de l'information instantanée et des avancées à vitesse éclaire ? Rien n'est moins sûr.

- L'anomalie était consignée aux contours du territoire qui nous a été alloué. Avec du temps, le phénomène aurait pu être étudié, une solution trouvée. Peut-être que si vous aviez participé à cet effort, le processus aurait été facilité. Mais non. Vous avez vu l'ombre d'un risque, alors les Ceros sont tombés sans préavis ni pourparlers. Un sourire mauvais. - C'est comme je l'ai dit : programmés pour détruire.

Quant à la question des risques ? Kyoya en est conscient, là aussi. Mais s'il faut prendre des risques pour que l'humanité ne soit plus démunie, alors des risques seront pris. Moins de scrupules encore s'ils sont pris sur une terre étrangère... Dans la chose telle qu'il l'imagine, il aurait pu être envisageable d'agir avec la sureté des résidents du yermo à l'esprit. Maintenant ?
Maintenant, pourquoi freiner l'exploitation ? Il n'y a plus de locaux à satisfaire, plus d'accord à respecter. Il n'y a qu'une étendue de sable qui attend d'être prise, et ses défenseurs.
Un terrain plus familier, pour le King of Swords.

- Si ça peut te rassurer, l'on aurait pris sans demander, si ça ne tenait qu'à moi. Il n'aurait jamais consenti à ces banquets, si ça ne tenait qu'à lui. - Tu parlais d'environnement saccagé, un peu plus tôt. « Déclaration de guerre ». ça fait des siècles maintenant que vous avez déjà déclaré cette guerre. Il était grand temps d'inverser les rôles.

Prédateurs d'un autre plan d'existence, qui volent les vivants et les morts de son monde à lui. Alors Kyoya n'a pas de scrupules, pas de regrets : ce n'est que de bonne guerre. Et ça ne fait que commencer.

Le sérum fait son effet, mais moins rapidement que la régénération du Masque-brisé. Quoiqu'il décide de faire, il doit décider vite... Une limitation à corriger, pour plus tard.

- Une organisation d'humains à pouvoir assez avancée pour pouvoir construire des installations telles, et vous « n'aviez aucune raison de croire que nous représentions un danger »... Il considère l'Arrancar, incrédule. - De toute évidence, vous êtes aussi programmés pour l'arrogance.

Vont-ils finir par prendre la menace au sérieux, à force de constater la puissance de l'Ultima Necat ? Déjà, l'attaque repoussée lorsque la base a été prise d'assaut. Puis le raid sur Tokyo, puis cette petite rencontre isolée... Il se demande combien de temps leur Ego va leur jouer des tours.
Longtemps, il espère.

Qu'est-ce que ce peut être d'autre que de l'arrogance après tout, la réaction de l'étranger face à l'arme de l'humain ? L'Éternel écoute, sans ciller. Sauf peut-être à une formulation en particulier.

- Un Revenant ? Sauf si le supposé Primera parle en métaphore, Kyoya ne connaît pas 48 façons de revenir de la mort. - Si c'est bien ça, alors tu devrais savoir que tu ne dois ta renaissance qu'à une grande loterie du monde spirituel.

Kyoya ignore les contours du phénomène, mais l'Ultima Necat a assez de ces cas pour qu'il en comprenne la base : plusieurs personnages du monde des esprits sont soudainement revenus à la vie, à peu prés en même temps. Si l'Arrancar pense s'être acheté à un ticket vers l'immortalité parce que le sort a décidé de le ramener une fois, il risque d'être deçu.

- Tu te méprends, cela étant. La protection des civils incombe à une autre section de mon organisation. Il n'a pas lancé un regard en contrebas. Il n'a pas cillé, face à la menace en filigrane du discours. Kyoya a vécu six siècles dans la peau d'un guerrier qui a connu tous les rôles du champ de bataille. Chair à canon, officier, général... Sacrifier cent vies pour arriver au bout d'un objectif, il l'a déjà fait. Il le referait. - Je suis Kurosawa Kyoya. King of Swords.

« Faire les présentations avant de s'entretuer », disait l'Espada. Dans l'esprit de Kyoya, les faire juste avant d'appuyer sur la détente se vaut...

Et pourtant, son arme se baisse. - C'est le nom et titre que tu donneras à tes maîtres. Je veux rencontrer un porte-parole de l'Acuerdo dans votre monde, en terrain neutre. Disons, dans vos sables, mais non loin de notre base. L'arme à feu est rangée, mais la lame reste en main. - Je veux parler du sujet des Abyssaux.

Il n'espère rien retirer de l'Acuerdo, sur le terrain de ponts déjà brûlés depuis longtemps : Pandora restera un point de tension, et il doute pouvoir changer ça – il doute même vouloir changer ça.

- Vois ça comme une chance de me donner tort. Un sourire désabusé. - Va, avant que je change d'avis. Je joue la sécurité, mais je n'en aurais plus besoin quand la cavalerie arrivera. Et ils ne devraient plus trop tarder. - Libre à toi d'ignorer ma requête. Mais mon intuition me dit que ces choses sont un problème pour vous aussi.

Programmés pour détruire, et potentiellement programmés pour l'arrogance... Mais avant toute chose, programmés pour survivre. S'il fallait trouver un point commun, alors ce serait celui-là.