where the secrets lie (kyoya)

Tu es passée par ton frère. Après tout, c’est la moindre des choses qu’il pouvait faire, ce service rendu, après t’avoir caché toute cette histoire ces dernières semaines. - T’es pas la seule avec des secrets. Tu as failli raccrocher la ligne sur ces seuls mots articulés avec une pointe de sarcasme, tentative de provocation de celui qui, tu le sais, ne fait que vouloir veiller sur toi. - Dis-lui vingt heures trente, que tu veux lui parler d’un truc en lien avec tout ça. Je te fais confiance pour trouver. Tu aurais pu toi-même lui demander, lui en glisser un mot en t’arrêtant à son bureau.

Or, tu aimes bien l’élément de surprise.
Peut-être le décontenancer un peu ?

Tu as des questions et tu penses fortement qu’il aura les réponses. Tu as attendu la confirmation de ton aîné te signifiant que vous auriez une table à un restaurant aussi chic que discret du centre-ville de Tokyo dans trois jours avant de le remercier. Et lorsqu’il t’a demandé pourquoi toute cette histoire et ce que tu voulais en tirer de cette rencontre, tu t’es contentée de rester évasive.

Comme tu le fais trop souvent.
Parce qu’il n’a pas trop, ton frère.

Tu as beaucoup de secrets.

Une robe classe, sombre, qui s’arrête un peu au-dessus du genou et s’ouvre le long de ta cuisse droite. Tes cheveux sont laissés détachés, tombant sur tes épaules et jusqu’au bas de ton dos, contrairement à l’habituelle tresse que tu arbores dans les couloirs de l’Ultima Necat. Tu as gagné quelques centimètres grâce à tes escarpins noirs et tu tiens dans une main parfaitement manucurée un sac à main hors de prix. Après tout, il te faut te fondre dans la place, respecter le code vestimentaire pour pouvoir atteindre cette table que ton frère a réservé pour théoriquement lui-même ainsi que son invité. Une table tout au fond de la pièce, à bonne distance des autres, près d’une immense fenêtre donnant sur la ville. Un bel endroit où a lieu sans doute plusieurs discussions importantes. Pour ta part, tu attends, le vin déjà sur la table pour aérer, jusqu’à ce que ton regard s’accroche sur la silhouette s’approchant de toi, sur celui que tu attendais patiemment ici.

- Bonsoir, Kyoya. Je suis désolée, mon frère n’a pas pu te prévenir de son absence.
Avec un sourire parfaitement innocent.

Se souviendra-t-il que tu es bonne menteuse ?

Un diner d'affaire. Un événement commun dans tout ce qu'il a à gérer.

Ce n'est que trop rarement pour gérer ses affaires de l'autre côté de la loi, cela étant. Peu de gens savent son investissement dans le clan Kodama. La plupart du temps, il officie à visage masqué, sous le nom d'Hebi. Une des rares personnes à savoir, c'est le frère d'Hasegawa Emiko. Et ça n'est pas un hasard s'il sait, ça n'est pas juste un vague gage de confiance donné sur un caprice...

Simplement, un clan est en passe d'en absorber un autre.

C'est ce dont il est supposé être question aujourd'hui. Le pourquoi il ne sait pas encore : le détail de ce genre de conversation mérite de ne pas être développé au téléphone. Tout ce qu'il sait, c'est le lieu de rendez-vous. Alors il y va au volant de sa voiture de sport.

Alors il y débarque dans ce costume sombre impeccable, ses longs cheveux attachés en queue de cheval. Ses gants et chaussures sont de cuir, sa cravate couleur bleue sombre, sa chemise blanc cassé. D'un pas tranquille, il avance jusqu'à trouver la table réservée... Mais il n'y trouve pas qui il pensait.

Pas l'Hasegawa qu'il pensait.

- Emiko. Une vague surprise sur ses traits, il reprend rapidement contenance. Son regard glisse sur elle, la détaille un court instant... Puis, il s'assied. - Je suis surpris. Pas désagréablement, mais surpris tout de même. Un sourire au coin de ses lèvres, un court silence. - Ton frère va bien, j'espère?

Tu prends la peine de l’observer, alors qu’il s’approche. Une démarche sûr de lui, rien de surprenant de la part d’un homme venait pour discuter affaire avec un collaborateur qui, très bientôt, devrait devenir plus proche encore. Un costume que tu imagines tout aussi cher que ta robe, gants de cuir recouvrant ses mains, ne laissant que la peau de son cou et de son visage apparaître. Cachant ainsi ses cicatrices, que tu te dis. Ou, enfin, la majorité d’entres elles.

Il parait bien, dans ces tenues mondaines, cheveux ramenés vers l’arrière. Ça aussi, tu te le dis, alors qu’il s’arrête devant toi et que tu n’exprimes aucun sourire face à sa surprise, qu’une expression neutre se voulant tout de même polie. - Oui, il va très bien. Finalement un sourire, tandis qu’il prend place devant toi, de l’autre côté de la table. - Il n’a jamais eu l’intention de venir ici, à vrai dire.

Un serveur s’approche et tu te tais, le laissant remplir vos coupes de vin avant qu’il vous signifie qu’il vous laisse regarder le menu quelques instants.

Tu attendais qu’il soit plus loin avant de reprendre. - Je lui ai demandé de t’inviter ici. Tu ne joues pas aussi longtemps que lui, ne laisse pas la mascarade durée trop longtemps non plus. Surtout qu’il y a des questions qui te brûlent les lèvres depuis quelques jours maintenant. - J’avais besoin de te parler de quelque chose et les murs de ton bureau n’étaient pas assez sûr. Tout le quartier général de l’Ultima Necat, finalement. Tu es certaine qu’ils peuvent vous surveiller de partout. Tout entendre de n’importe où. Et il y a des détails de ta vie personnelle que tu ne souhaites pas étendre à tous.

Comme il y a des détails de ta vie au sein de l’Ultima Necat que tu ne partages pas hors du quartier général.

Tu as toujours été douée pour les doubles jeux.

- Quel est ton implication au sein du clan Kodama ? Tu ne passes pas par quatre chemins et tu poses directement la question. Tn regard rivé sûr lui, tu l’observes, guettes sa réaction initiale à ta question posée aussi franchement.

Pour ainsi mieux en comprendre la réponse.

Il écoute.

Il écoute, sans répondre, sans interrompre. Pas le moindre mot ne sort de sa bouche avant qu'elle explicite sa question, son intention, le pourquoi du comment de cette petite mise en scène. Il a déjà une idée, mais il attend de l'entendre. Alors quand finalement elle le dit, il rit doucement.

- Si c'est là le genre de discussion que tu veux avoir, mon bureau n'est certes pas le meilleur endroit, mais... Il pause, lance un regard aux alentours. - Ici n'est pas exactement mieux, par certains aspects.

Les murs ont des oreilles, comme dit le dicton. Pour autant, ils sont à une table isolée, alors... Alors il commence par regarder le menu.

- Prends ce que te fais envie. C'est sur la maison. Il lui dit ça sans relever les yeux, son attention toute consacrée au menu... Du moins en apparence. - Du reste... Est-ce là la question qui t'importe réellement?

Il lève les yeux, l'interroge du regard. Elle a une question plus précise que ça. Il le sait. Pour avoir programmé ce petit rendez-vous surprise avec l'assentiment de son frère, c'est sans doute... C'est sans doute qu'ils en ont déjà parlés en famille, au moins un tant soit peu. Mais le frère n'a pas toutes les réponses. Une partie des réponses se trouve de l'autre côté, dans l'autre clan. Chez les Kodama.

- Ou est-ce que tu veux plus simplement savoir mon implication dans les quelques affaires qui concernent nos deux familles?

Il parle à demi-mot, dit les choses de telle façon à ce qu'elle comprenne, mais qu'un éventuel rat à l'oreille trop curieuse ne puisse pas exactement comprendre les contours de la conversation. Kyoya se méfie des rats. Ils existent dans le monde des affaires, il existent dans le monde du crime, et ils existent même dans le monde des esprits. Après tout...

Il a bien réussi à se dégoter un rat dans le Désert, récemment.

Tu retiens une pique, voire une blague qui pourrait presque être déplacée compte tenue de votre situation, à savoir que face à toi se trouve ton supérieur. Du côté professionnel, déjà, au sein de l’Ultima Necat, et sans doute sur le plan familial aussi, prochainement, si tu te fies aux paroles de ton aîné et aux projets de ton clan, ainsi que du sien. Alors tu te contentes d’hausser des épaules. - Ça me semblait être un terrain suffisamment neutre, et relativement discret, pour ce genre de discussion. Tout simplement. Tu ne voulais pas à l’Ultima Necat, dans l’un de vos deux camps ne te semblait pas neutre et avec aussi beaucoup trop d’oreilles et tu n’étais pas à l’aise de l’inviter chez toi.

Contrairement ce qu’aurait laissé sous-entendre cette presque blague qui n’a pas franchi tes lèvres.

Alors c’est très bien, ici.

- Je ne sais pas si c’est l’habitude de dépenser sans compter ou l’envie de m’acheter ? Tu parcoures rapidement le menu des yeux, sachant assez rapidement ce que tu comptais prendre. Tu prends ensuite une gorgée de vin, menu déposé devant toi, tout en te montrant très honnête quant à la raison de cette rencontre ici et maintenant. Son implication dans la famille Kodama. Enfin, là est ta première question.

Et lui comprend bien vite où tu veux en venir.
Tch.

- La première question m’aurait donné une idée à quoi m’en tenir pour la suite. Mais si tu insistes, alors oui. Le serveur revient et tu lui donnes ta commande, un plat dispendieux mais pas celui au prix le plus indécent, laissant le temps à celui se trouvant devant toi d’en faire de même avant de reprendre, une fois le serveur reparti plus loin.

- Quelle implication as-tu dans toute cette histoire ?
Et ce que tu ne dis pas : les démarches ont-elles été commencées avant ou après qu’il ait appris pour ta présence au sein de l’Ultima Necat ?

Dois-tu y voir un lien ?

- Mets ça sur le dos d'un sens de la galanterie j'imagine dépassé de nos jours.

Il répond ces quelques mots sans quitter le menu des yeux, encore en train de passer en revue ses options. Dire qu'il a l'habitude de dépenser sans compter n'est pas loin de la vérité, cela étant : ses efforts lui ont permis de se constituer une fortune qu'il ne rechigne pas à dépenser aujourd'hui. Ce serait difficile à deviner lorsqu'on le voit comme ça, mais Kyoya a des origines plutôt modestes, quoique nobles. Il a vu les deux revers de la médaille : il a vécu la vie dans la peau d'un homme qui travaille la terre, puis dans celle d'un homme qui influe sur l'économie à l'échelle internationale.

Tout ça pour dire : il aime se faire plaisir, pourvu que ça ne veuille pas dire devenir complaisant.

Le serveur arrive, et alors le Kurosawa donne sa commande : des ramens de bœuf Wagyu. Une gorgée de vin, une oreille accordée à l'Hasegawa, Kyoya sourit doucement, puis répond à voix plus basse.

- L'Oyabun du clan Kodama a agit selon mes recommandations. La décision officielle vient de lui, l'idée vient de moi. Il n'en dit pas plus : il ne dit pas qu'il est Hebi, dans la hiérarchie du clan. Il dit juste qu'il est assez impliqué dans les affaires pour avoir l'oreille de l'Oyabun. - Les territoires des deux familles sont frontaliers, or, le clan Kodama est plus influent. Plus puissant.

C'est là l'avantage de Kyoya sur le reste de la concurrence : c'est le même esprit avec des siècles d'expérience qui dirige le clan dans l'ombre depuis toujours. Alors il sait avoir une longueur d'avance. Tout est dans l'art d'être influent, mais pas trop voyant, grand, mais pas trop : si le clan Kodama était le plus grand du japon, cela attirerait trop de regards... Alors non : Kodama est dans la cour des grands, mais assez éloigné des noms connus du public pour garder profil bas. Le reste est un jeu d'influences et d'informations, de manigances et réactions...

- Vous autres avez quelques tensions avec le clan Noruka, une autre famille avoisinante. Vous êtes sur un pied d'égalité avec ceux-là... Mais sous l'égide du Kodama, vous n'auriez plus rien à craindre d'eux.Autre gorgée, sans la quitter des yeux. - ça, et quelques autres arguments pratiques, disons... Commerciaux, sont la base qui a servi de négociation pour les termes du contrat.

Quelque chose de simple dans son esprit : Petit organisation absorbée par une plus grosse, pour bénéficier mutuellement aux deux partis. Si l'arrangement est égal ? Bien sûr que non, de la même façon que la valeur des deux clans ne l'est pas. Est-ce que le clan Hasegawa s'en sort à meilleur compte avec, ou sans le soutien des Kodama ?

Là aussi, la question ne se pose pas.

Une galanterie dépassée ? Cette fois-ci, tu laisses un sourire un peu plus vrai, un peu plus amusé, venir étirer tes lèvres. - Je choisirai un restaurant plus cher encore, dans ce cas, la prochaine fois. Tu as conscience du sérieux de la situation, de la discussion que tu as l’intention d’avoir avec lui, cependant, tu as aussi besoin, de ton côté, de détendre un peu tes nerfs mis à vif depuis quelques jours. Alors tu te laisses aller à une plaisanterie, chose assez rare chez toi en règle générale, surtout entre les murs de l’Ultima Necat où tu ne fais preuve que d’un sérieux implacable.

Peu te connaissent plus que ce que tu laisses apparaître.
Le milieu dans lequel tu as évolué n’a jamais été très propice à laisser d’autres personnes voir plus qu’un professionnalisme sans faille.

L’idée de lui, donc. Un geste nerveux, une prise plus solide sur ce verre que tu portes à tes lèvres. Ton expression se veut plus sérieuse, ton regard un peu plus intense alors que tu essaies d’y comprendre quelque chose, essaies de savoir pourquoi est-ce qu’il a eu une telle idée. Rationnellement, tu pourrais te dire que c’est dans l’intérêt de vos deux familles et que sa position au sein de l’Ultima Necat, ainsi que la tienne, n’ont rien à voir dans cette idée.

Or, il y a cette petite fois dans ta tête qui te dit de te méfier, cette même voix qui se méfie de lui et du lien qu’il a avec cet univers que nul de ta famille ne connaît. - Je vois. Il y a un léger agacement qui n’est pas tant dirigé vers lui que vers la situation dans son entièreté. - Dis-moi…

Tu cherches tes mots.
Cherches comment formuler la suite.

- À quel point est-ce que tes responsabilités au sein du clan sont liées à celles de l’organisation ? L’Ultima Necat, tu penses qu’il saura comprendre ce que tu ne dis pas. - Parce qu’eux n’en savent rien. Rien de ce que tu fais. De l’organisation. De ce monde dont tu es témoin depuis de longues années sans qu’eux n’aient jamais rien vu. Et tu ne veux pas que les choses changent. Tu ne veux pas qu’ils en sachent plus. Qu’ils se retrouvent impliqués d’une façon comme d’une autre, sans trop savoir ce que le Roi a en tête.

Et peut-être que tu exagères. Que tu te fais des idées.
D’où tes questions.

- Fais donc.

Il le dit sur un ton détaché, comme si ça n'était que de peu d'importance pour lui : comme si l'argent n'était pas un problème.

Après tout, ce n'est pas le véritable sujet de leur conversation – pas ce qui importe réellement. Ce qui importe réellement, ce sont ces doutes que la Ten amène, quant à ces mouvement entre les clans. Le sien, celui du Kurosawa... Il la fixe, et il comprend : elle veut compartimenter. Séparer clairement cette vie parmi les Yakuza, et cette vie à l'Ultima Necat.

- Présentement ? En rien. Une gorgée, un regard. - Enfin. Rien ou presque. Il m'arrive parfois d'user de mon influence dans le milieu si ça peut faciliter une opération sur le terrain. Mais c'est l'exception plutôt que la règle.

Va de même pour ses liens au gouvernement, dans le monde des affaires... Parfois, il a sa carte à jouer pour faciliter les desseins de l'Ultima Necat. Le plus clair du temps cela étant, ces deux facettes de son existence n’interagissent pas – Elles n'ont pas besoin d'interagir, tout simplement.

- Une raison particulière à cette question?

Il sait déjà qu'il y a une raison particulière, mais il attend d'elle qu'elle explicite sa pensée. Autant poser des mots concrets sur ces choses qu'elle pense, sur ces doutes et éventuels inconforts. Autant savoir où ils en sont l'un et l'autre.

Le serveur arrive avec leurs plats. - Bon appétit. Sans se faire prier, il commence à manger, lentement, sans se presser. Il savoure, tout en même temps qu'il pense... Que son regard glisse sur elle, au fil de sa réflexion. - J'ai l'intention de mener une opération chez nos amis masqués, d'ici quelques jours. Il enchaîne, sans rapport, sans transition - il amène la discussion vers ce qui l'intéresse lui. - J'aurais besoin de toi. Quelqu'un de discret dans l'équipe sera un atout de choix, et je crois savoir que tu corresponds. Tant sur le plan physique que spirituel.

Car bouger comme une ombre est une chose, mais ça n'est rien si l'on ne peut masquer sa présence aux sens spirituels.

En rien. La réponse aurait pu te satisfaire s’il ne l’avait pas précisé d’un présentement. Est-ce quelque chose qu’il souhaite faire dans le futur, impliquer sa propre famille dans toutes ces histoires qui les dépassent sans doute ? Quant au pourquoi, tu ne pensais pas la question nécessaire, or, tu n’as pas le temps d’y répondre que le serveur revient, déposant devant vous vos plats respectifs. Tu préfères donc rester quelques instants supplémentaires silencieuses, attrapant tes ustensils pour continuer à manger.

Autant profiter d’être dans un restaurant hors de prix.

- À toi aussi. Tu prends une première bouchée alors qu’il reprend la parole sur un tout autre sujet. - Tu veux aller directement là-bas ? Tu n’es pas spécialement surprise, sachant que vous aviez des installations au Hueco Mundo, cependant, tu n’y as personnellement jamais mis les pieds, considérant que ta place était ici, à la surface, à protéger les humains de forces ennemies qu’ils ne pouvaient pas voir et encore moins se défendre de. Puis ça te permet d’être plus accessible, aussi, de pouvoir répondre si ta famille a besoin de toi, chose que tu doutes pouvoir faire si tu venais à quitter ce monde. - En effet. C’est quelque chose que je maîtrise bien et qui a souvent été nécessaire. Dans les différentes sphères de ta vie. - Une raison à cette infiltration chez nos amis masqués ? Pour reprendre ses mots.

Tu prends une autre bouchée puis une gorgée de ton vin. - Enfin, tu me diras, mais d’abord, pour répondre à ta question… Ton regard reste quelques instants posés sur ton assiette avant de se relever vers Kyoya. - Ma famille ne sait rien de ce que je fais et il est absolument hors de question qu’ils se retrouvent mêlés à toutes ces histoires. Donc si c’est quelque chose que tu as l’intention de faire pour je ne sais trop quelle raison… Et bien, je vais seulement m’assurer que cette alliance ne se fasse pas. Tu n’as peut-être pas ton mot à dire sur le sujet, pas directement, mais tu n’es pas sans ressource et s’il te fallait mettre des bâtons dans les roues ou encore discréditer les tiens, alors soit.

Tout pour les protéger.

- Oui. Disons, peut-être trouver quelques Volontaires pour la science sur place... Il mange, s'interrompt, puis reprend. - Ouvrir un second site d'exploitation, aussi.

Plus de cobayes pour que la science avance.
Plus d'énergie pour avancer plus vite.

Pour plus de sécurité.
Kyoya n'aime pas que leur principale source de Reishi soit instable, et donc potentiellement compromise en un claquement de doigts. Une mauvaise manipulation, une mauvaise réaction de la Grande Cataracte, et leurs ressources pourraient d'un coup se réduire à peau de chagrin. Une situation à éviter... D'où la nécessité de voir ailleurs.
De prendre plus.

Mais plus tard, le désert des monstres. D'abord, ce monde et ses problématiques terrestres.
D'abord, Emiko et ses inquiétudes tout ce qu'il y a de plus humain, banal, naturel. Elle a peur d'exposer sa famille aux dangers du spirituel, aux rouages politiques de l'Ultima Necat. Il reste silencieux, un instant. Il comprend. Toutefois...

- Pourquoi es-tu si opposée à l'idée de dévoiler la vérité à ta famille? Il pose la question, et elle pourra sentir que ça n'est pas une question rhétorique, ni un jugement, ni quoique ce soit du genre. Une authentique question, motivée par une authentique curiosité. - Le meilleur moyen de se prémunir de la menace reste encore d'en être conscient.

Une pause, une gorgée à son verre.

- Imaginons un scénario d'attaque. Deux possibilités : Les tiens ne comprennent pas ce qu'il se passe, meurent aux griffes d'une menace invisible sans même avoir un début d'idée quant à ce qui leur arrive... Ou alors les tiens savent, et comprennent la situation. Ainsi, ils peuvent agir, réagir et se protéger en connaissance de cause. Une pause, un rictus. - Peut-être même que nos bienfaiteurs pourraient fournir un armement adapté à combattre la menace, va savoir.

Il pose son contexte, continue de parler à demi-mot, de cette façon qui n'en dit finalement que peu à une hypothétique oreille qui traîne. Puis, il la fixe, toujours cette curiosité dans le regard.

Curieux de sa philosophie quant à ce problème posé.

Des volontaires pour la science, plus de place pour l’Ultima Necat dans cet autre monde vous étant hostile et dont les informations te semblent être assez limitées. Ça peut être une bonne chose, notamment pour en obtenir plus, de ces informations qui manquent, alors tu hoches de la tête, semblant accepter ce qu’il te demande, ou ordonne de par le fait qu’il s’agisse de ton supérieur. - Tu n’as qu’à me dire quand tu veux y aller. Peut-être pas maintenant, que tu aurais envie de dire, ayant quelques trucs à gérer ici avant de partir si loin.

Comme cette histoire d'alliance, par exemple.
Son clan et le tien.

Un claquement de langue agacé, alors qu’il se lance sur ce sujet que tu ne voulais pas aborder, prenant une bouchée et mâchant lentement pour ne pas te montrer ton désagréable. - Ce n’était pas ouvert à débat. Que tu lui réponds finalement, portant une autre bouchée à tes lèvres, tes prunelles sombres posées sur lui, ayant perdu de ton calme habituel pour des vagues qui commencent à se lever. Tu es embêtée, tant par l’actuelle situation sur laquelle tu n’as que trop peu de contrôles mais aussi par lui. Par ce qu’il te dit. Ces questions auxquelles tu as déjà réfléchi et pour lesquelles tu as déjà trouvé ta réponse. - Si je suis partie du domaine familial, ce n’était pas que pour prendre mon indépendance. J’attirais ce genre de problèmes. De par ton énergie spirituelle. - Maintenant que je n’y suis plus, rien ne s’est approché d’eux. Tu commences par là.

- Et si tu insistes pour une réponse… Deux raisons. Les armer serait aussi attirer l’attention de… L’organisation, sur eux, et je ne serais pas surprise de les voir condamner des gens comme eux. Normaux, donc. - À de la chaire à canon. Chose que tu refuses. - Puis, outre les intentions de l’organisation. Tu parles toujours de l’Ultima Necat. - Je les connais, les miens. Plus ils vont en savoir et plus ils vont vouloir s’impliquer et, ultimement, plus ils vont se mettre en danger. Tu déposes finalement ton ustensile sur la table. - Alors non, ils ne se retrouveront pas mêlés à tout ça.

Avec cette lueur de détermination dans ton regard.

- C'est moi qui décide ce qui est ouvert à débat ou non. Il le dit sans encore lever les yeux vers elle, le regard vers son assiette le temps d'une bouchée. Il mâche, il mange, puis finalement, son regard rencontre le sien. - C'est une simple question, qui amène à une simple réponse. Je n'en suis pas encore au stade où je t'impose quoique ce soit.

« Pas encore ». La formulation laisse entendre qu'il n'exclue pas cette possibilité.
Il voit qu'elle est protectrice envers les siens. Une qualité qui l'honore, mais qui ne doit pas flouer son jugement... Qui ne doit pas la faire voler trop prés du soleil. Si elle pense avec son cœur, alors elle agira avec l'impulsivité des gens qui finissent irrémédiablement par faire des erreurs. Le genre d'erreur qui pourrait lui coûter cher. À elle, et à sa famille.

- Nous autres attirons ces problèmes, certes. Mais ils ne disparaissent pas comme par magie simplement parce que nous nous éloignons de nos proches. Quelque chose de plus sérieux, dans son regard. - Le risque zéro n'existe pas.

Il en a déjà été témoin. Il en a déjà été victime.
Les Hollows préfèrent les humains à haut potentiel spirituel, mais ils se contenteront d'humains et âmes normales aussi. Ainsi, son clan n'est pas à l'abri simplement parce qu'elle s'est éloignée. Ni leurs vivants, ni leurs morts.

- L'organisation n'a pas d'intérêt à s'aliéner ses rares agents qualifiés en mettant leurs proches en danger sans le consentement de tous les partis. Un songe, un rictus. - Il y a bien quelques initiatives en cours pour armer les civils... Mais ça ne se fera pas en un claquement de doigts. Une bouchée, un haussement d'épaules. - Si ça se fait tout court.

Il garde ses réserves sur la question.

Pour autant, il réfléchit. Lui, il sait comment il gère sa famille et leur rapport au surnaturel. Mais lui... Lui son cas est particulier. Il n'est pas un cousin, un frère, un père, il n'est pas cette figure familiale de proximité. Lui, il est l'Ombre, il est le marionnettiste de la lignée Kurosawa, l'homme derrière le masque du clan Kodama. Ses méthodes et sa longévité en font un cas à part.
Mais il y a tout de même des choses qui pourraient fonctionner chez elle aussi, à son sens.

- Tu devrais mettre au courant une poignée de gens parmi les tiens. Des gens de confiance, fiables, discrets. Ceux dont tu sais qu'ils ne répéteront pas. Qu'ils seront raisonnables. Un regard pour balayer la salle, un court instant. Regarder les gens, regarder la masse aveugle. - Porter seule le fardeau du savoir et de la protection, ce pourrait te coûter cher, plus tard. Par exemple, quand tu ne seras pas là, mais plutôt dans un désert sans fin.

Exemple anodin.

- Je ne conseillerai pas ça à un agent avec une situation familiale traditionnelle. Mais tu n'es pas un agent avec une situation familiale traditionnelle. Celui qui n'a que papa, maman et quelques frères et sœurs dont il doit s'inquiéter, il ne porte pas le même fardeau que celui qui doit s'inquiéter de toute un clan. - Penses-y. Ainsi, tu auras une poignée de gens qui savent comment agir parmi les tiens, si un jour le pire arrive. Un sourire plus sincère. - Et tu auras des gens à qui tu n'a pas besoin de mentir.

Tu le dévisages avant qu’un rire jaune s’échappe de tes lèvres, une fraction de seconde. - On reprend du début, tu veux bien, avant de parler de m’imposer quoi que ce soit ? Je ne rencontre pas mon supérieur, ici, mais un potentiel allié dont je veux m’assurer des intentions avant de laisser ma famille peut-être se jeter dans la gueule du loup. Tu serres légèrement de la mâchoire, ton agacement suffisamment présent pour qu’il soit plus difficile à contenir. - Alors personne ne va rien imposer à personne, j’ai posé une question simple et j’attendais une réponse simple de ta part avant de pouvoir prendre une décision. Et je n’ai pas l’intention de débattre ou de me justifier plus que de raison auprès de toi. Tout simplement.

Et s’il fallait que tu ne termines pas ton repas, alors tant pis.
Ce serait dommage, certes.

Mais tu ne comptais pas t’éterniser si les choses se compliquaient.

Après tout, tu penses savoir ce dont tu dois savoir et ton seul objectif, une fois sortie d’ici, sera de t’assurer que cette alliance ne se fasse pas. Peut-être que ça pourrait temporairement compliquer les relations de ta famille avec celles avoisinantes, cependant, tu préfères les savoir gérer des menaces humaines que celles venant d’un plan, d’un monde, dont ils n’ont même pas conscience. Et si tu sais que le risque zéro n’existe pas, tu n’es pas si inconsciente, tu restes convaincue que moins ils en savent et mieux c’est. Quant aux initiatives en cours… - Raison de plus de vouloir les tenir loin de tout ça. Peut-être qu’il n’a pas tort, lorsqu’il dit qu’ils n’ont aucune raison de s’aliéner une de leur agente, tu n’as pas non plus pleinement confiance en l’organisation pour laquelle tu travailles. - Surtout que s’ils arment des humains, ça ne sera pas que pour faire joli. Et pour ta part, tu ne veux pas qu’ils aillent se battre.

Il se permet des conseils et peut-être que dans d’autres circonstances, si tu étais de base un peu moins remontée par toute cette discussion, tu aurais pu y porter une oreille plus attentive. Tu manges, mâches lentement, bois un peu de vin avant d’incliner doucement la tête sur le côté, tes prunelles ancrées dans les siennes. - J’apprécie les conseils. Vraiment ? Non, pas spécialement, et sans doute pourra-t-il l’entendre. - Et tu as raison sur une chose, nous ne sommes pas issus de familles traditionnelles. Lui comme toi, finalement, compte tenu du milieu dans lequel vous aviez grandi. - Mais je les connais et j’insiste que le moins ils en savent et le mieux c'est. Tu restes campée sur tes positions, presque surprenant venant de quelqu’un comme toi.

D’ordinaire si calme. Si détachée. Pragmatique.
Sauf lorsqu’il est question de ta famille.

- Donc je vais réitérer ma question… À quel point comptes-tu impliquer ta famille, à l’avenir, si présentement ils ne le sont toujours pas ? Ce présentement qui t’a posé problème.

Qu’en serait-il de plus tard ?

- Tu t'inquiètes de l'éventualité selon laquelle l'organisation interférerait dans les affaires de ton clan. Naturellement, j'incarne donc aussi mon rôle au sein de l'organisation. Un rire à voix basse. - Tu ne peux pas simplement décider à quel « rôle » tu t'adresses.

Les choses ne sauraient être aussi simples.

- Mais pour être tout à fait direct, je n'ai pas besoin d'incarner le rôle du Roi pour imposer quoique ce soit. Un regard plus perçant. - Mon clan est plus influent que le tiens. Ma lame plus acérée que la tienne. Si j'avais réellement l'intention de forcer les choses, ce serait chose aisée. Pas parce que je suis Roi, mais parce que je suis Moi.

Menaces, diraient certains. Remise en contexte, dirait Kyoya. Qu'Emiko comprenne à qui elle parle, et qu'elle comprenne qu'il n'est pas question d'abus de position. Il est question de considérations finalement beaucoup plus simples : S'il voulait forcer son chemin, il pourrait le faire à la seule force de sa volonté, à la seule puissance de son clan... Et s'il le faut, au seul tranchant de sa lame.

- En somme : Ne te projette pas dans une logique de conflit, lorsqu'il est question d'un conflit que tu perdrais.

En somme : reste calme et rationnelle. Tu as vu comment je gère les gens indisciplinés et irrationnels.
Une réponse émotionnelle, plutôt qu'une réponse logique. C'est ce qui rend les conversations compliquées avec les Mortels, parfois. Kyoya reste humain, Kyoya reste traversé d'émotions, et parfois même d'émotions fortes. Mais cela fait plusieurs siècles maintenant qu'il a appris à être maître de ses émotions, et jamais ne laisser ses émotions être maîtres de ses actions. Il haït toujours les Hollows, mais avec le temps, il a appris à être méthodique dans son rapport aux créatures. Il est toujours fortement impliqué dans le bien-être et le développement de sa famille, mais il a appris à penser à long-terme, penser avec des plans, plutôt qu'avec des impulsions. Si la colère ne prendrait pas le dessus face au pire ? Sans doute que si. Mais même dans sa colère, il resterait froid, méthodique, pragmatique.

Même s'il devait céder à ses émotions, il ne leur cédera pas tout.

- Je n'ai pas l'intention d'impliquer ma famille directement dans les desseins de l'organisation. Mais je ne suis pas devin non plus. Il y a ses projets, il y a sa volonté... Et il y a cette façon qu'a le futur d'imposer les choses, parfois. - Cependant, parmi les miens, il existe ceux qui savent. Ceux qui tiennent le clan à l'abri, et qui gèrent les affaires que je ne peux pas gérer, quand je suis absent.

Cela fait quelques siècles maintenant, qu'il se dévoile à certains parmi les Kurosawa. Naturellement, le clan Kodama ne fait pas exception à la règle.

- C'est tout. Tu avais d'autres questions?

Ta question était simple et pourtant, voilà que le tout te semble plus compliqué. Parce qu’il te pose des questions, parce que tu as l’impression de devoir te justifier et, pire encore, parce que lorsque tu lui fais savoir que tu n’as pas envie d’en parler, de tout ça, souhaitant simplement savoir à quoi t’en tenir pour ainsi pouvoir agir en conséquence, lui n’hésite pas à te menacer. C’est sans doute mérité, tu ne dirais pas le contraire, mais ça ne t’empêche pas d’à nouveau claquer ta langue d’agacement avant de prendre une autre bouchée de ton repas, ayant ce sentiment désagréable d’être un peu coincée dans toute cette histoire.

Parce qu’il n’a pas tort. Il est plus fort. Plus puissant. Plus influent.
Et toi ? Tout ce que tu veux, c’est protéger les tiens.

Tu restes silencieuse, ne le provoque pas en outre mesure et accepte alors de te contraindre au silence, signe que tu as bien compris ses propos, et la menace qui gronde derrière ces derniers. Toujours attentive, tu ne rates rien de ce qu’il te dit, ton regard ayant tombé sur ton repas retournant vers son visage. - Ça fait longtemps que tu sais ? Il t’a demandé lors de votre première rencontre depuis combien de temps est-ce que tu savais, concernant ce monde et tout ce que tu pouvais voir qui était invisible aux autres. Qu’en est-il de son côté ?

- C’est trop… Récent. Dans ton cas. - Et il y a encore beaucoup trop d’inconnus pour que je sache seulement par où commencer, si je devais leur en parler. Trop de choses que tu ignores, et ce, même si tu as commencé à les voir, ces monstres, alors que tu étais assez jeune. Tu as seulement été chanceuse, suffisamment pour ne jamais y avoir vraiment été confrontée, jusqu’à ce que l’Ultima Necat te mette la main dessus.

- Et sinon non, c’est tout. C’est faux, tu as d’autres questions.
Mais pour le moment, avoir réponse à celle-ci te convient.

- Quelques siècles.

Il le dit sur un ton détaché, comme une banalité : pour cause, c'est une banalité pour lui.
Il sait qu'elle aura ses questions, il suspecte même cette réaction qui consiste à ne pas le croire. Mais il n'a rien à prouver. Si questions il y a, il y répondra... Peut-être. Peut-être aujourd'hui, peut-être un autre jour. Finalement, le constat n'a pas changé : Il est question d'ici et maintenant, plutôt que du passé, de l'ailleurs, du « autre chose ». Ici et maintenant, Emiko s'inquiète pour son clan, pour l'implication de sa famille dans les affaires surnaturelles. Une inquiétude justifiée, mais pour autant, pas une inquiétude qui justifie tout.

- Ils ne seront jamais vraiment « prêts ». Pour eux, ça sera toujours « trop tôt ». Il n'y a pas de « bon moment » pour dévoiler la vérité du monde aux aveugles. Du moins, c'est là la version courte. La version longue peut être plus complexe, mais il n'a pas l'intention de se lancer dans un grand exposé. - Quant à toi... Tu apprendras vite. Tu n'auras pas le choix si tu comptes survivre cette vie. Plus encore si tu m'accompagnes là-bas.

« Là-bas ». Le Hueco Mundo. Oui, définitivement, si elle l'accompagne jusque dans la gueule du loup, alors elle devra s'adapter rapidement. Ce n'est plus une question de confort, d'habitude, d'efficacité : c'est une question de vie ou de mort.

- Bien. Profitons donc de ce dîner, alors. Les questions de demain peuvent attendre le prochain levé du soleil.

Chose dite, chose faite : Kyoya revient à son plat, baguettes en main. Quelque chose lui dit qu'elle n'en a pas fini. Qu'elle a d'autres questions... Qu'il a juste à attendre que sa langue se délie.

Une intuition.

Tu t’étouffes à sa réponse, lui adressant un regard aussi choqué que confus, l’air de lui demander si tu as bien entendu ce qu’il t’a dit. Quelques siècles ? Tu fronces des sourcils, le dévisageant davantage, scrutant son visage, son regard, l’air d’essayer de savoir s’il ne serait pas en train de se foutre de ta gueule ou s’il est sincère. Tu sais que certains individus peuvent vivre des siècles et des siècles, cependant, de tous ceux dont tu as entendu parler, aucun d’entre eux n’était… Humain.

Tu tousses alors un peu, pour faire passer ta bouchée, continuant de l’écouter parler alors que ton cerveau va à mille à l’heure, tentant d’y voir le mensonge ou essayant de comprendre ce qu’il vient tout juste de te dire.

Apprendre vite, pour l’accompagner, heureusement que tu sais t’adapter rapidement. Or, ce n’est pas vraiment ce qui te tracasse, en cet instant précis, pas ce à quoi tu penses lorsqu’il propose de profiter du repas, laissant ainsi les questions pour un autre jour. Tu restes silencieuse, faisant comme il dit, profitant de ce repas sans rien ajouter, avant que finalement ton impatience prenne le dessus. Ou alors était-ce ce silence que tu trouvais désagréable ? Difficile à dire. Toi qui d’ordinaire t’y complais, qui préfères même le silence, en cet instant précis, alors qu’il y a trop que tu veux savoir, c’est plus difficile de t’y faire. - Comment ça plusieurs siècles ? Que tu reprends finalement, après une autre bouchée.

- T’es quand même pas vieux de plusieurs siècles ? La voix plus basse, pour être certaine que personne d’autre ne puisse capter ce qui se disait ici. Car s’il était possible de parler de façons détournées pour les autres questions, celle-ci se veut un peu plus directe. - Je suis pas certaine de comprendre. Que tu lui déclares finalement, tes autres questions relégués au second plan maintenant qu’il a partagé cette bribe d’information le concernant.

Et maintenant, tu veux en savoir plus.

- C'est pourtant clair, non?

Il lui lance ces quelques mots, un sourire sur ses traits, l'air amusé. Une réaction normale, mais une réaction dont il aime jouer à chaque fois qu'il dit cette vérité qui passe pour absurde mensonge : la vérité de son existence. De qui il est, et ce depuis combien de temps.

- Le 8 Août 1423. Certains historiens spécialisés dans l'histoire du Japon de l'époque Sengoku pourront peut-être te dire que c'est le jour de naissance recensé d'un certain Kurosawa Kyoya. Il le dit simplement, entre deux bouchées. Puis, à voix plus basse, il précise. - Non. Je ne suis pas un Revenant.

Il n'est pas de ceux qui ont vécu, sont morts, puis ont été ramenés à la vie. Il n'a pas fait de bond dans le temps : il a vécu l'entièreté de ces 600 dernières années, sans en rater une seule, sans pause ni discontinuité.

- Disons simplement que le Pouvoir vient aux Hommes sous différentes formes. Un regard entendu. Par « Pouvoir », il faut entendre Fullbring. Par « Hommes », il faut entendre les gens comme eux. - La longévité n'est finalement qu'un don parmi tant d'autres, tu ne penses pas?

Longévité.
Éternité.

- Peu importe. N'accorde pas trop d'importance à ça. Une gorgée, puis, finalement, un regard plus sérieux. - Ou peut-être, penses-y, lorsque tu penses au conseil que je t'ai donné plus tôt. J'ai eu tout le temps du monde, pour voir ce qui arrive à ceux parmi les nôtres qui ne sécurisent pas leur entourage comme il se doit.

Ses yeux fixent de longues secondes. Il a vu, oui. Vécu, à certains passages de son histoire. Les gens comme eux attirent les Hollows, et les Hollows attirent le malheur dans leur sillage. Un temps, il a fait comme elle : il a protégé les siens par le voile de l'ignorance. Mais bien assez tôt, il a dû se confronter à la dure réalité d'un monde qui prend, qui vole et qui tue : un monde où ceux qui ne voient pas ne peuvent qu'être des proies. C'est alors qu'il a changé sa façon de faire. Ses descendants pour la grande majorité resteraient bénéficiaires de la rassurante étreinte de l'ignorance... Mais certains devraient porter le poids du Savoir. Certains devraient au moins comprendre, s'ils ne voient pas. Aujourd'hui encore, il y a ces gens de confiance qui savent son âge, qui savent la vérité du monde spirituel, et qui savent quoi faire si un jour l'air autour d'eux semble lourd, s'ils devinent les contours d'une créature presque invisible aux sens...

Des borgnes qui guideront les aveugles, dans le cas de figure où le Clairvoyant est absent. Et le fait est que Kyoya est souvent absent : ses nouvelles responsabilités lui empêchent d'être l'ombre omniprésente qu'il a longtemps été. Aujourd'hui il est toujours une ombre, mais son omniprésence est mensongère. Il est là, mais pas autant qu'il aimerait l'être. Pas autant que ce à quoi la lignée s'est habituée.

Et elle. Quand elle ne sera pas là, les siens seront-ils totalement démunis ?

Clair ? Tu lui jettes un regard désabusé, confus même, l’air de lui dire qu’il n’y a absolument rien de clair dans ce qu’il te raconte. Les gens ne vivent pas plusieurs siècles. Et si pourtant tu as rencontré certains individus venus d’un autre temps, tu sais son influence ne serait-ce qu’au sein de sa famille plus vieille que la poignée d’années depuis que ces derniers sont revenus à la vie. Alors qu’est-il réellement ? Un fullbring ? De toute évidence. Avec un pouvoir autre que ce dont tu as entendu parler, ce dont tu as pu constater, l’éternité s’offrant presque à lui sans qu’il n’ait à y sacrifier sa vie.

Tu t’es arrêtée de manger, le temps de l’écouter, toujours un peu choquée de ce que tu viens d’apprendre.

1423.
Il est né en 1423.

C’est un concept auquel tu as du mal à t’y faire, malgré tout ce dont tu as pu être témoin, malgré tout ce que tu as pu apprendre depuis le temps. Et il en profite bien évidemment, de cette longue vie qu’il a vécu, pour te ramener à un conseil qu’il t’a donné, très certainement en connaissance de cause. Tu te renfrognes un peu, piquant dans ton assiette sans que l’appétit ne soit vraiment de la partie, y laissant alors les dernières bouchées en décidant que tu ne finirais pas ton plat.

- C’est… Surprenant. Tu reprends finalement la parole, un faible soupir s’échappant de tes lèvres. - Comment est-ce que tu as fait, pour que ça ne se sache pas ? Ton identité ? Ta famille ? Tu hausses un sourcil, l’air surprise. - Tu as dit qu’un Kurosawa Kyoya est né à cette époque… Tu l’as changé, au fil des années ? Des siècles. Tu secoues ensuite doucement la tête, un peu désabusée.

- Et j’entends, hein, ce que tu me dis. Sur ma famille. Les mensonges. Sur ce que certains devraient peut-être savoir. Je l’ai entendu, tout ça, lorsque tu en as parlé… Tu pianotes doucement sur la table, peut-être un peu nerveuse. - Tu as mis combien d’années avant d’accepter d’en parler ne serait-ce qu’à une seule personne ne faisant pas partie… Du même univers que nous ? Combien d’années, de décennies peut-être, d’apprentissage et d’expérience s’est-il passé avant qu’il accepte de parler ? Des années auxquelles tu n’aurais jamais droit, ta propre vie plus éphémère que la sienne, les années déjà comptées depuis ta naissance, plus encore lorsque tu as rejoint les affaires familiales.

Plus encore maintenant que tu es à l’Ultima Necat.

- Je suis devenu une ombre. Une réponse simple, laconique. Développer ? Oui. Mais pas ici... Pas maintenant. - Ce n'est pas rare pour les gens qui descendent de nobles familles de reprendre le nom d'un illustre ancêtre. Le Kurosawa Kyoya d'aujourd'hui est simplement le fruit de la fantaisie de parents qui ont été chercher le prénom de leur fils dans l'arbre généalogique de cette grande lignée.

La version officielle, qui finalement n'est pas si éloignée de la vérité... Simplement, c'était le fruit de sa fantaisie, pas celle de parents morts depuis des siècles. Au jeu des faux papiers et fausses identités, il a une expérience certaine... Et des contacts. Le cumul de tout ça permet alors d'établir la mascarade qu'il maintient encore aujourd'hui.

Il écoute ses questionnements... Sa question, surtout, la dernière. Il voit où elle veut en venir. Il comprends, et un instant, son visage se fait plus sombre. Il ne la regarde pas elle : il regarde au travers d'elle, comme un point à l'horizon. Un songe, un souvenir.

- Trop longtemps.

Il a mis trop longtemps, avant de le dire.
Avant de les protéger comme il le fallait.
Il finit son plat, lance un regard à l'assiette de l'Hasegawa. Un regard vers la sortie... Un retour vers elle.

- Je te propose de continuer cette conversation dans ma voiture. On sera plus tranquilles. Il n'aime pas parler de ce genre de choses en public, même avec précautions et murmures. - Je te ramène quelque part ?

Une ombre. Un secret bien gardé. Tu hoches de la tête, comprenant ce qu’il te dit sans être toutefois en mesure d’en saisir l’ampleur. Plusieurs décennies. Plusieurs siècles d’existence. Voilà quelque chose de difficile à conceptualiser, pour toi dont l’existence se veut aussi brève qu’elle peut en être intense, une poignée d’année avant que ton corps ne t’abandonne toujours un peu plus à chaque année supplémentaire. Lui n’a pas eu à connaître ce problème. Ni l’affaiblissement du corps.

Ni la peur de voir les années lui manquer.

Enfin, pas de la même façon que toi tu peux t’en soucier, parfois, sachant avoir déjà dépassé la trentaine sans pour autant que tu ais vu ces années passées. Sans avoir vraiment accompli quoi que ce soit, finalement, rien qui pourrait faire survivre ton nom au-delà de la mort et rien dont tu es particulièrement fière.

Tes mains sont recouvertes de sang que tu regrettes parfois, moralité écartée pour les besoins familiaux. Et même ici, aujourd’hui, au sein de l’Ultima Necat…

Tu es une arme.
Sans plus.

Trop longtemps, de ces années auxquelles il a le droit et que tu ne possèdes pas, sans doute ayant dû vivre les conséquences de son inaction. Auras-tu, pour ta part, à vivre les conséquences de tes secrets dans cette vie ? - Je vais y réfléchir. Que tu lui réponds finalement. - Tout en moi hurle de ne pas leur dire et de m’assurer qu’ils en soient préservés. Cependant, tu l’as entendu. Lui et ses paroles pleines de sens, que l’orgueil t’a poussé à ignorer pour ne pas capituler, parce qu’il t’apparaît comme impensable de mettre ta famille en danger. Tu l’as entendu, donc. Tu l’as écouté. Et tu aviserais.

Tu as juste besoin d’un peu de temps.

- Ça me semble une bonne idée. Alors que tu as encore des questions en tête qu’il vaudrait sans doute mieux ne pas aborder devant un potentiel public. Tu te lèves alors, ton assiette n’étant pas terminée, faisant mine de réfléchir quelques instants. - Chez moi ? Si ça te va, bien entendu.

Au domaine Hasegawa, donc.

« Je vais y réfléchir ». Il n'ajoute rien de plus après ces quelques mots : il a donné sa vision, elle en fera ce qu'elle entend. Pour l'instant, il préfère ne pas rester ici : il a fini son assiette, et de toute évidence la sienne ne bougera pas plus. S'ils doivent continuer à parler de ces choses, autant que ça soit derrière une vitre opaque, dans l'intérieur insonorisé d'une voiture de luxe.

- Bien. Suis-moi.

Addition et pourboire laissés sur la table, le Kurosawa s'éclipse en compagnie de l'Hasegawa. Quelques pas jusqu'au parking, jusqu'à s'arrêter devant une voiture de sport sombre. Clé, bip, les portes se déverrouillent, et il passe côté conducteur. Une adresse rentrée dans le gps, et bien assez tôt, le moteur commence à gronder. Direction le chez-soi d'Emiko.

D'abord, dans le silence. Puis... Au bout de quelques dizaines de secondes, il y a ce feu rouge. - Si l'arrangement entre nos deux clans devait arriver au bout de son terme, je pourrais m'arranger pour que quelques uns de mes hommes... viellent à garder un œil. Une œillade. - Ils sont peu nombreux à savoir, au sein de ma famille. Mais je dois pouvoir demander à une ou deux personnes de disons, changer leurs habitudes.

Sous couvert d'une collaboration entre les deux clans – qui ne sera pas non plus un mensonge, mais un prétexte arrangeant. Une solution qu'il lance, une proposition. Un argument en faveur de cette alliance qui a déjà commencée à se mettre en place.

- Quoique tu décides, je te conseille de prendre tes précautions d'ici les prochains jours. Je n'ai pas encore de date exacte, mais notre expédition dans le désert ne saurait trop tarder.

Et alors il sera trop tard pour agir.

Tu le suis jusqu’à sa voiture, presque surprise, finalement, d’y voir une voiture de sport, moderne qui plus est, maintenant que tu as appris pour ses six siècles d’existence. Tu te dis qu’il s’est bien adapté, à tout ça, à l’évolution, aux changements d’époque, des moeurs. Qu’il a su s’y faire sa place et très certainement en tirer profit, de ce savoir que d’autres n’ont pas, en gardant cette place d’ombre au sein de sa famille. Tu prends place à ses côtés, sur le siège passager, ajustant ta robe tandis que tu t’assois, tes prunelles se posant sur l’extérieur quelques instants, laissant le silence s’installer tout en remettant de l’ordre dans tes pensées.

Il est finalement celui à briser le silence, revenant sur cette alliance qui t’agace toujours autant bien que tu ne puisses pas vraiment dire pourquoi. Pas rationnellement parlant, du moins. À sa proposition, ton regard revient rapidement vers lui, surprise de ce qu’il suggère, les sourcils légèrement froncés, l’air de dire que tu ne sais pas si tu dois, si tu peux même, lui faire confiance. On t’a appris à te méfier. Surtout des gens qui semblent avoir de bonnes intentions.

Des gens qui offrent sans rien recevoir en retour.
Il s’agit souvent d’un piège.

- Ce serait… Bien, oui ? Dans un premier temps. D’ici à ce que tu te décides, que tu essaies de lui dire. Que tu prennes la décision quant à si tu allais continuer d’entretenir le mensonge ou pas. Il est trop tôt pour dire et tu n’as pas encore eu le temps de vraiment y réfléchir. De te poser la question plus longtemps. Pas avec toutes ces nouvelles informations.

- Quelques jours ne suffira pas à ce que j’en parle à quiconque dans ma famille. C’est trop peu, quelques jours. Trop précipité. - Je ne veux pas risquer de mal faire en étant sous pression d’un départ imminent. Mieux vaut que j’aille préparer ce que je compte faire. Et peut-être leur dire. Peut-être. Sûrement. Tu ne sais pas. Tout ça t’apparaît soudainement comme beaucoup trop compliqué et ça t’épuise un peu rien que d’y penser. - Donc j’imagine que ton aide sur le sujet, avec un ou deux de tes hommes, serait appréciée. Le temps qu’on rentre du Hueco Mundo. Où tu n’as toi-même jamais mis les pieds. Un peu de temps, pour que tu puisses mettre un peu d’ordre dans tout ça, voilà ce que tu lui demandes.

- C’est pas difficile de vivre aussi longtemps ? Revenant sur les questions tout en ramenant tes prunelles vers lui. - Je veux dire, eh… Ça doit être assez solitaire comme vie, non ? Pour pas risquer de griller ta couverture ? Si des gens en viennent à constater qu’il ne vieillit pas. Si d’autres en viennent à voir les problèmes, dans toute son histoire.

Sans doute que l’Ultima Necat lui offre un environnement qu’il n’a jamais vraiment pu connaître.
Où il peut être un peu plus lui-même.

- Parfait. C'est acté donc. Tu pourras les rencontrer avant le départ si tu veux te faire une idée de qui est-ce qui veillera sur les tiens pendant ton absence.

Elle pourra bien changer d'avis entre temps, si elle trouve que tout va trop vite. Si elle laisse le processus se faire, alors l'alliance entre les clans sera scellée, et la protection des siens sera assurée, tant sur la scène humaine que sur la scène surnaturelle. Échange de bons procédés, intérêts communs : Chacun y gagne dans cette affaire. Les arrangements où personne ne finit perdant sont de loin les plus sûrs, les plus faciles à maintenir.

La prochaine question tombe, et il ne répond pas immédiatement. Il garde les yeux rivés sur la route, concentré. Pensif, peut-être. Ils arrivent sur l'autoroute, et le moteur de la voiture gronde tandis que l'engin gagne en vitesse. Dans la Tokyo nocturne, un bolide file au travers des lumières de la ville.

- J'avais une femme. Des enfants. Toujours les yeux sur la route, toujours ce visage neutre. - Quand je me suis rendu compte que les rides ne venaient pas, que le corps ne faiblissait pas... Il était trop tard. Trop tard pour ne pas se lier. Pour choisir une existence solitaire. - On s'habitue, à force. On se détache. L'on accepte que les gens vieilliront, mais pas soi. On le prend en compte dans notre rapport aux autres.

« On s'habitue », qu'il dit, et on pourrait le croire. Il est crédible, il ne laisse pas son masque se briser si facilement. Mais il ne dit pas ce qui relève pourtant de l'évidence : avant d'en arriver à « on s'habitue », il n'était pas habitué. Il a dû vivre les drames et difficultés d'une jeunesse d'éternel : l'adolescence d'une vie destinée à durer plus que ce que la nature a décidé. Il a dû vivre les traumas. Il a dû survivre ses proches.
Voir les rides sur leurs traits, mais pas dans son miroir.

Voir la mort les étreindre, mais jamais toquer à sa porte.

- C'est grâce à ça, que je peux guider ma famille au travers des âges. Ce n'est pas facile, mais c'est une chance. Un sourire. - Il n'y en a pas beaucoup ici bas qui peuvent prétendre influencer et protéger leur lignée depuis des centaines d'années.

Son héritage, sa dynastie. Ce qu'il laissera derrière lui, lorsque finalement la Faucheuse réclamera son dû.

- Enfin. Pour te répondre plus simplement : oui, c'est solitaire. Mais la solitude se supporte. Elle se trompe.

Le poids de l'âge ne pèse pas sur les relations superficielles. Les amis distants, les collaborateurs, les rivaux, les coups d'un soir... Ces gens qui ne durent pas dans sa vie. Ces gens qui lui permettent de garder une vie sociale, sans trop se confronter à la fatalité du temps.

Puis... Il y a aussi ceux comme lui, qui survivent le temps. Le problème, c'est qu'ils sont rares.
Le problème, c'est qu'ils sont systématiquement de l'autre côté.

Tu hoches de la tête, appréciant l’effort de son côté, un peu plus rassurée que tu ne l’étais au début de votre discussion, autour de cette table et de ce repas hors de prix. Tu te sens encore un peu nerveuse, voir même un peu ridicule, toi qui es d’ordinaire si composée, si maîtrisée, voilà que tu as l’impression d’avoir perdu la face devant ton supérieur, la panique ayant bien malheureusement pris le dessus sur toi. Tu n’es pas quelqu’un d'émotif, et pourtant…

Et pourtant, c’est différent lorsque ça les concerne.
Ta famille.

Et la sienne, qu’en est-il ? Lui qui a vécu si longtemps, tu ne peux pas t’empêcher de t’imaginer que ça doit être très solitaire, comme vie. Une vie pleine de secrets, que peu peuvent se targuer de posséder, de savoir. Une femme, des enfants. Une famille. Et des morts, sans doute. Beaucoup de morts. Des générations qui s’effacent pour laisser place à la prochaine et lui qui y reste, inchangé. Pas une ride de plus. Pas un cheveux gris. Éternelle jeunesse qui le confronte à une solitude particulière, où il peut être entouré tout en sachant que tous périront avant lui. Encore une fois. - C’est triste, quand même. Bien qu’il définit ça comme une chance. Celle de pouvoir continuer de protéger sa famille. - Tu les protèges sans même qu’ils le sachent, non ? Sans aucune reconnaissance ni réel regard, dans l’ombre. - Puis… Tu n’articules pas la pensée qui traverse ton esprit. Celle plus cynique. Plus égoïste ? Si tu étais à sa place.

À quoi bon les protéger, les sauver, si c’est pour encore une fois tous les voir mourir ?
Comment l’aurais-tu vécu, de tous les voir mourir ? Un à un.

Sans toi.

- Je vois. J’imagine qu’après autant de temps, ça doit être plus facile de se distraire. De tromper la solitude, celle qui s’installe sûrement par la force des choses. - Et tu as toujours chassé des hollows ? Ou tu les as longtemps vu sans vraiment intervenir dans… Ce monde ? Un geste vague, pour désigner ce qu’il y a plus que votre monde. Le Hueco Mundo. Les Hollows. Les shinigami.

Tout ce qui existe en plus de vous, dans l’ignorance des masses.