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Sadako Takezo

Données Spirituelles
Grade: Vice Capitaine de la Septième division
Dim 11 Déc 2022 - 16:59 - La volonté de la princesse condamnée - Acquisition de Bankaï [année 2017]

Le pas lourd Takezo avançait sillonnant les forêts qui bordaient le 37ème district, le Ryūgon. Une pluie torrentielle, typique de la mousson japonaise du cœur de l'été, fouettait les feuilles dans un vacarme assourdissant. Le vent lui, soufflait avec force, balayant les frondes et les pétales qui n’avaient pu supporter la chaleur de la saison. Le tout donnait un spectacle tropical étouffant et noyant toutes choses sur son passage. Et alors que le soleil crépusculaire était recouvert par d’épais et lointains nuages, le shinigami continuait d’avancer, le pas déterminé et la mine sévère. Takezo avait un but. L’eau épaisse et dense se mêlait à son kosode noir qui semblait pesait tout le poids de la culpabilité du monde. Sa chevelure complètement détrempée, peinait à tenir en accord avec sa coiffure et même son catogan menaçait de disparaître à tout moment, emporté vent. Pour finir, son Zanpakutō fermement cramponné à la taille, oscillait tout de même légèrement, s’enfonçant par accoup dans le flanc gauche du vice-capitaine fraîchement nommé.

Vu de l’extérieur la silhouette inondée et immense du lieutenant déambulant à travers l’épaisse forêt, était aussi menaçante qu’un ours à la recherche de vivres. De toute manière, par ce temps, il n’y avait pas âme qui vive dans cette futaie et déjà par plus belle saison, les âme errantes s’y faisait rare, surtout avec les rumeurs qui pouvaient porter sur ces lieux. D’ailleurs, en cette fin de journée la plupart des habitants du Rukongai s’étaient réfugiés bien au sec, à l’abri du déluge et des intempéries. C’est d’ailleurs pour cette raison que le shinigami avait choisi de s’aventurer en ce lieu précis et en cette journée précise. Il ne devait en aucun cas être dérangé et surtout, personne ne devait être témoin de ce qu’il allait faire.

À mesure qu’il s'enfonçait, Takezo revoyait des images de son enfance, combien de temps avait-il passé à jouer dans cette forêt ? Il connaissait chaque recoin, lui et Naru avaient vécu tellement d’aventures, leurs rires avaient accompagné le bruissement et la pousse de chacun de ces chênes, de ces hêtres et de ces ormes. Il avait grandi ici, c’était un lieu familier, un lieu qui même en ce lugubre instant transpirait de son monde intérieur. C’était en quelque sorte sa propre extension du jinzen. Le shinigami après un temps se stoppa à l’orée d’une petite clairière que la tempête avait entaillée à travers le bois. C’était l’endroit parfait, suffisamment enfoncé et à la fois dégagé pour pouvoir y voir quelque chose.

Inspirant profondément, Sadako dégagea quelques mèches qui lui giflaient le visage puis desserra légèrement son obi qui laissa s'entrouvrir légèrement le haut de sa tenue. Son torse était encore marqué par les stigmates des batailles passées, le jeune vice-capitaine n’avait pas encore refermé toutes ses blessures, qu’il reprenait déjà l’exercice. Attrapant fermement le fourreau de son Zanpakutō, il tira ce dernier hors de sa ceinture puis l’enfonça fermement, d’un seul geste vif, directement dans le sol devant lui. Le vent continuait de souffler avec force mais rien ne semblait pouvoir faire basculer le sabre ancré dans le sol comme une colonne de marbre. Le shinigami inspira une seconde fois et ferma les yeux. La pluie tambourinait et agressait chaque centimètre de peau dévoilé, ses cheveux étaient secoués avec violence et l’eau s’introduisait dans chaque recoin de son corps. Tous ses sens étaient en alerte, son être entier était délaissé à la nature, plus rien ne lui appartenait, il était… transi. Et dans cet état, il appelait, il scandait un nom, toujours et encore le même nom. Depuis son fort intérieur, il implorait.

Puis, peu à peu il se laissa aller, il s’abandonna totalement à la colère de dame nature et lorsqu’il en oublia même son existence, alors que plus rien ne semblait exister autour de lui et que le temps était comme suspendu, il sentit une petite étreinte le long de sa jambe droite.
Une enfant, tout de papier vêtue, grimaçait à chaque bourrasque et se cramponnait fermement contre le flanc du shinigami. Ses petites mains moites attrapèrent in extremis un auriculaire du vice-capitaine et tirant avec force, l’âme essayait tant bien que mal de rappeler à elle son shinigami : “Eh ! Eh ! Pourquoi tu m’as amené ici ? J’ai peur…”

Sadako Takezo entrouvrit les yeux, Senbazuru avait répondu à son appel. Le regard toujours sombre, le shinigami repoussa le bras de l’enfant et fit un léger pas de recul. C’était inhabituel, lui qui était toujours chaleureux et bienveillant, son regard trahissait de l’agacement et une certaine pointe d’appréhension.

“Tu veux jouer ?” - lança-t-il d’un ton sévère et définitivement inapproprié.
“N-non ! J’ai peur ! Qu’est-ce qu’on fait ici ? Il pleut, i’ fait pas beau… J’veux m’en aller d’ici…” répondit-elle, grelottante et scrutant l’obscur horizon comme si elle cherchait une issue.

Un rictus agacé se dessina sur le visage du lieutenant, tandis que ses larges sourcils sévères lui donnaient une allure guerrière insoupçonnée, Takezo retint de hurler et reprit.
“Cesse de faire l’enfant, Sen’ ! Tu sais très bien pourquoi je nous ai amené ici… J’en ai marre de voir les autres mourir, j’en ai marre de toute cette faib… Aller ! Test-moi, je suis prêt !”.

Le visage apeuré de la jeune fille sombra et laissa peu à peu place à un visage neutre, vidé de toute émotion, presque insensible à la limite de l'indifférence. “Les enfants ne devraient pas dire de mensonge. Petit Takezo a peur, nous le sentons, petit Takezo ferait mieux de fuir…” dit-elle d’un ton monocorde. Takezo resta circonspect, écarquillant les yeux pendant de longues secondes devant un Zanpakutō qu’il n’avait jamais connu sous ce visage. “Qu-quoi ?! Je…”
“Tu es faible Takezo, tu n’es pas fait pour cela, tu n’es pas fait pour te battre. Ton corps est plus fragile que le papier Takezo, tu n’es pas fait pour être un shinigami. Takezo devrait fuir, tu ne peux pas nous mentir, nous sommes là depuis le début, nous sommes tous les échos que tu ne veux pas écouter.”

Takezo serra les dents, il savait pertinemment que l’épreuve que lui imposerait son Zanpakutō ne serait pas de tout repos, mais parmi tous ces détracteurs, il ne se serait jamais attendu à ce que son propre sabre puisse penser ça de lui. “... Tu sais quoi Sen ? C-c’est vrai. Je suis faible, je fuis, je suis une honte pour les shinigamis.” À ces mots il repensa à toutes ces âmes qui s’étaient battues à ses côtés, toutes ces âmes qui étaient mortes à ses côtés, il vit les silhouettes de Komamura et Iba Taichō puis il entendit tous leurs encouragements. “Mais c’est pour cette raison que je peux devenir fort, très fort, j’en ai marre de fuir Sen’... Je te remercie de m’avoir prêté tes pouvoirs depuis tout ce temps mais aujourd’hui, je ne reculerai plus.” À ces mots, il avança pour empoigner la garde de son sabre.

Le visage impassible de l’enfant, se mua de peur et dégoût, elle recula pour chercher à nouveau une issue. Puis réalisant petit à petit que Takezo ne fuirait pas, son visage se défigura par la colère. L’instant d’après l’enfant arriva à portée du sabre et avant même que le shinigami, pourtant véloce, n’ait le temps de réaliser, cette dernière dégaina le sabre avant de se jeter sur lui. “Si tu crois que nous allons te laisser faire ! Tu crois que nous voulons te laisser maîtriser le bankai ?!”. Sadako n’eut pas eu le temps de répondre que le sabre dans les mains de cette version de Senbazuru s’allongea peu à peu. La lame se plia et se replia sur elle-même dans une myriade de petits enchevêtrements de papiers d’une multitude de couleur. La lame laissa place à un long nodachi qui détonnait dans les mains de la petite fille, définitivement trop petite et chétive pour normalement manier une si longue arme. Et alors que la mousson soufflait tout son pouvoir sur la clairière, toute l’eau que le sol et le ciel ne pouvait contenir fut comme happée, totalement absorbée par la lame, laissant dans son sillage un ciel gris perforé de quelques derniers rayons de soleil.

“Qu’est-ce que… C’est quoi cette forme Sen’ ?” balbutia-t-il.
“Tais-toi !” cria la petite fille. Puis à ces mots, elle se jeta sur le nouveau vice-capitaine, arme au poing.

Avec un dextérité et une agilité insoupçonnée, elle trancha en deux l’épaule de Takezo qui n’eut même pas le temps de réaliser avant que la douleur le saisisse. Il laissa échapper un cri de douleur tandis qu’il recula instinctivement en observant une blessure qu’il reconnaissait parfaitement. Sa plaie était complètement éventrée, le sang coulait abondamment, il posa par réflexe une main par-dessus mais il savait bien que cela était vain, Senbazuru avait la particularité de faire saigner toutes les plaies. Le shinigami avait lu, entendu et imaginé toutes sortes d’épreuves mais jamais il n’aurait imaginé que son propre Zanpakutō lui aurait imposé une épreuve aussi triviale qu’un combat. Un combat aussi déloyal qui plus est. Son corps se mit à trembler, était-ce le froid, l’anémie ? Non… il connaissait très bien ce sentiment… La peur.

“Tu commences à comprendre Takezo… Il n’y a aucun espoir pour toi.” souffla-t-elle avec dépit.
Bakudō n°30 ! Shitotsu Sansen !” D’un simple triangle à main levée le capitaine lança une attaque d’emprisonnement avant de commencer à courir en direction de la forêt. Il devait absolument réfléchir à une solution. Il devait d’abord récupérer son arme puis…
“C’est bien… Tu vois, tu ne prends déjà plus ce combat au sérieux.” - la voix de Senbazuru résonna dans sa tête.

Qu’était-il en train de faire ? Fuir, encore ? Où était passée toute sa bonne résolution ? Une voix dans sa tête n’avait de cesse de lui répéter que le combat était fichu, ses jambes étaient déjà en train de courir entre les branches et les racines pour trouver refuge. Il lui fallait donc un simple échange pour abandonner. Ses capitaines devaient se retourner de hontes dans leurs tombes. Une pensée l’effleura alors, depuis combien d’années avait-il arrêté d’essayer de gagner ? Ses jambes s’arrêtèrent. Aucune réponse ne lui vint. Il resta quelques secondes à essayer de réfléchir de manière rationnelle, puis il se mit à rire, un rire nerveux trahissant sa peur. N’avait-il pas fait une promesse ? Il devait aller de l’avant à présent, peu importe ce qui l’attendait. Même s’il devait y laisser la vie en essayant de satisfaire sa propre âme.

Le shinigami fit demi-tour et retourna dans la clairière où la petite fille au sabre était toujours là à l’attendre. “Désolé Sen’, je t’ai fait attendre. Promis cette fois-ci, je ne reculerai pas, je vais te montrer que tu peux me faire confiance. Alors attaque-moi avec tout ce que tu as !”.

Le visage de la jeune fille se déforma par la rage et le dédain alors que pour la première fois la gamine laissait transparaître de la colère dans sa voix : “Tu ne comprends vraiment rien. Crétiiiin !”. Elle chargea à nouveau.

~


Les derniers rayons ombragés avaient laissé la place à un ciel découvert où une magnifique lune trônait fièrement parmi les étoiles. La clairière auparavant jonchée de souche avait laissé place à une étendue de boue et de sang, digne d’un décor de l’ère Sengoku. La bataille qui s’était jouée ici avait été rude, très rude. Seules deux silhouettes restaient sur le champ de bataille : Sen’ dont le yukata restait vierge, immaculé de tout le sang versé, la naginata posée avec défiance sur son épaule faisait face à un Sadako bien mal en point. Son visage livide reflétait la pâleur de la tenue de son assaillante. Il peinait à tenir debout tandis que sa tenue de dieu de la mort était entaillée à de multiples endroits. Ses blessures béantes éprouvaient à verser les dernières gouttes de sang que son corps pouvait encore contenir et même sa magnifique chevelure, dont il était si fier, était mêlée à la boue et la sueur. Son catogan avait volé en éclat et disparu depuis bien longtemps et sa tignasse venait recouvrir tout son dos pour cacher quelques blessures. C’était une cuisante défaite. Pour autant, ce n’était pas le vaincu qui pleurait. En effet la petite fille sanglotait tandis que d’épaisses larmes coulaient le long de ses joues.

“P-p-pourquoi tu pleures ?” étouffa le vice-capitaine avec un rire ironique.
“P-Parce que tu vas mourir Takezo ! Tu es née lâche, tu vas mourir stupide. Nous savions ce qui allait se passer mais tu n’as pas voulu nous écouter…”.
“Je ne veux plus fuir, Sen’... Je ne veux plus jouer les imposteurs.”
QU’EST-CE QUE T’APPORTERAIT LE BANKAI ?! De toute manière, tu affronteras des adversaires encore plus forts… Tu te blesseras au point de ne plus pouvoir guérir. Tu ne pourras peut-être même plus fuir. Nous ne le supporteront pas. Tu es un égoïste Takezo Sadako ! Tu n’as jamais pensé aux gens qui t’aiment, aux gens qui voulaient se battre à tes côtés. Quitte à te perdre, autant que tu meurs maintenant, non ?”.
“J-je suis désolé Senbazuru. Je ne peux plus f-”
“Dans ce cas, demande-nous !” le coupa la jeune fille.

Le regard de Takezo s’embruma, que voulait-elle dire ? Le shinigami avait beau y réfléchir, son cerveau avait dû mal à ne serait-ce qu’à rester éveillé. Toutes ses blessures, elles étaient si lourdes. Sen’ aurait pu finir ce combat depuis bien longtemps, il n’était pas un adversaire de taille sans son Zanpakutō. Alors pourquoi ne l’achevait-elle pas ?

La silhouette chétive et pourtant menaçant de la petit fille en yukata se rapprocha et alors qu’elle brandit son sabre dans les airs, prêt à l’abattre, le shinigami songea *Nous ?*. Son deuxième genou lâcha tandis qu’il s’effondrait face contre la boue et alors que son inexorable chute l’attendait, il rassembla le peu de force qui lui restait et implora avec des larmes : “Je t’en prie Senbazuru, aide-moi.”.

À ce même moment, une figure céleste et ailée fendit le ciel et de ses serres s’empara du shinigami avant que ce dernier ne touche le sol. De ses ailes immenses et majestueuses elle souffla la clairière et le sabre de l’enfant s’envola comme un vulgaire avion de papier. Puis avec douceur elle s’envola au-dessus du champ de bataille tandis que la voix enfantine de Sen’ résonna dans sa tête : “Ouvre-les yeux Sadako Takezo”.
Le shinigami au bord de l’inconscience aperçut alors sa sauveuse, la créature immense était aussi gracieuse que le jeune homme pouvait le souhaiter. Une immense grue de papier, tissée de mille-et-une couleur volait à présent au-dessus des nuages, chaque plis de sa robe de plumes étaient bordée de dorures et chaque couleur semblait dégager d’enivrants parfums d’agrumes et d’été. Chacun de ses battements d'ailes avait la délicatesse et la sonorité d’un froissement de papier.

“T-tu es magnifique, Sen… Tu as toujours ressemblé à cela ?” peina à articuler Takezo, tandis qu’une ribambelle de petites grues de papiers semblaient s’élever depuis le champ de bataille et rejoindre la danse aérienne de la grue.

“Mon petit, Takezo… Écoute-moi bien pendant que tu le peux. Tu ne pourras pas toujours fuir, mais tu ne pourras pas toujours vaincre non plus Takezo… Alors, il n’y a aucune honte à demander de l’aide lorsque tu en as besoin. Telle est notre volonté, la volonté de la princesse condamnée. Celle qui veut te protéger, toi et tes rêves de paix. Répètes après nous…”.

*Yami hime no ishi, Senbazuru*

Sadako Takezo

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