Le temps des changements [2017][Acquisition Segunda Etapa]

Dans un coin reculé du Hueco Mundo, Noh Ran Im déambule. Elle avance à l’aveugle, laisse le hasard – et sa chance également, peut-être – guider ses ailes. Ses prunelles, bien que dorées, ne resplendissent pas au milieu de cette nuit éternelle. Pas cette fois. Si cette condition la dérange uniquement d’ordinaire, cette fois, c’est un orage intense qui gronde dans son regard. Alors, elle agite ses plumes ; plumes qui supportent déjà les aléas et la puissance du vent. Somme toute, l’ombre d’un arbre encore debout auquel elle rajoute son propre poids. D’instinct, alors qu’elle se pose à peine, Sa serre gauche emprisonne la branche qui craque sous la pression. En dépit du bruit, sa prise ne se desserre pas ; elle se renforce. Au pire, si celle-ci se casse, le corbeau n’aura qu’à voler de nouveau pour en dénicher un autre. Peu importe, ça lui casse les oreilles, les pattes, l’once de rationalité qu’elle conserve encore tant bien que mal !

Et puis quoi encore ?!

Entre ses dents, l’Arrancar crache des insultes, des noms d’oiseaux qu’elle a entendu maintes fois dans le monde des vivants et qui, d’ordinaire, la feraient sourire. Avec le temps, les mots ont changé et elle a appris à en reconnaître les nuances, mais aussi à placer des contextes. Pourtant, aujourd’hui, Noh Ran Im ne sourit pas. Elle continue d’arborer cet air sévère, après s’être assurée que personne ne traîne dans la zone. Sans doute ne se priveraient-ils pas de gausser et de répandre des rumeurs pénibles. Elle voit ça de loin : un membre d’ El Rebaño devient problématique ; depuis quand peuvent-ils se mettre en colère ; au final, ils sont juste chiants au possible. Même les Hollow s'y mettraient s'ils le pouvaient. Et après ? Ce n’est pas ce que redoute l’Iris Blanc.

Elle ne veut simplement aucun témoin.
Elle ne veut pas avoir à se justifier de quoi que ce soit.
Elle refuse de briser le masque qu’elle a réussit à conserver durant plus de mille ans.
Plus que cela, elle veut – non, voulait – qu’on lui foute la paix.

Je vais vous égorger, vous éventrer, vous torturer et, lentement, vous réduire en miettes si fines que vous n’en reviendrez jamais ; je voudrais, ça oui ! Seulement, je n’ai aucune piste concrète concernant votre nouvelle cachette. Comme si ça ne suffisait pas de nous déloger, de transformer et de détruire nos paysages sur votre passage. Mes paysages. Vous vous pointez, apportez votre merde avec vous, foutez le bordel, et disparaissez comme si de rien n’était…

Non, vraiment, préparez-vous, sales merdes que vous êtes, parce que le supplice promet d’être long. Pour vous, j’entends. Exceptionnellement, je prendrai un plaisir immense à vous dépecer, quitte à me punir moi-même par après. Quoi que, ai-je vraiment besoin de me punir ? Je ne fais que rétablir la justice et le droit qu’on nous a arraché. Où est le mal ?

Ô mes chers, je ne compte pas m’arrêter en si bon chemin. Certainement pas ! Je me doute que des habitants du Hueco Mundo vous ont ouvert la porte. Quelle belle trahison ! Je leur arracherai les yeux, leur langue, leurs membres pour que la balance retrouve un juste équilibre. Je ne vois pas comment vous auriez pu avoir autant d’influence et de tranquillité ici autrement. Ne mentionnons pas votre suffisance, à moins qu’elle dépende de votre stupidité sans limites. Je suis sûre que vous êtes là, quelque part ; après tout, on ne se débarrasse pas de nuisibles aussi facilement !

Ma patience à des limites – hautes, certes, mais elles existent ; bien joué, abrutis en boîte, vous les avez outrepassées. Maintenant, faut-il encore assumer.

Je hurle de l’intérieur, à défaut d’être capable de l’extérioriser davantage. La guerre. Les conflits. La guerre. Encore la guerre. Toujours la guerre. Toutes ces merdes n’auront jamais de fin.

Comme un écho, mon ire et mon désir d’équité résonnent ensemble. J’ai mal, ma tête. Une chaleur sur mon front, comme si mon corps brûlait face aux rayons du soleil. Pourtant, j’aime cette lumière, je la préfère à cette saleté de nuit qui ne se couche jamais. Je l’aime encore plus lorsqu’elle danse avec mes ailes, mes plumes noires et blanches qui me semblent plus nombreuses. Mon dos aussi. Je grimace violemment lorsqu’une douleur vivace me prend ; comme si quelque chose pousse depuis les trous rougeâtres qui ornent mon dos. Mes plumes ne sont plus immaculées, mais teintées d’un rouge qui, pour l’instant, m’indiffère. La branche cède enfin, mais, même sans déployer mes ailes, je ne m’effondre pas. Dans la surprise, je baisse la tête pour regarder mes pattes ; pattes qui se tiennent au sommet d’une boule de plumes immense. J’ai envie de les arracher, juste pour voir ce que ça fait.

Non, Ran, reprends-toi. Commence pas.

J’éclate de rire. Peut-être est-ce nerveux, aucune idée. Avec ça, j’ai l’impression que le Soleil me donne son accord. Comme si de piètre soldat, j’en devenais finalement le représentant. Laisse-moi raconter n’importe quoi ! C’est donc cette fameuse deuxième Resurrección dont les autres parlent, cette chose qu’ils appellent Segunda Etapa. Je n’en avais jamais eu besoin jusqu’à présent… Eh bien, soit ! Yatagarasu prend son envol et, accompagnés de sa fidèle Karasu, ils trancheront de sorte à maintenir l’ordre. Ils vengeront ce qui doit l’être, pour que l’intégrité ne disparaisse pas des mondes.

Je quitte mon soleil et virevolte sur moi-même, à la recherche de tous les détails et de toutes les possibilités que m’offre cette forme. Je prendrai le temps qu’il faut pour la maîtriser, pour en faire une arme acérée et un bouclier inviolable.

Je me sens enfin complète. Mon Soleil ne me quittera plus.

Vous avez gagné. Vous l’aurez, votre conflit, votre guerre. Une guerre qui n’a pas de race ni de monde ; une guerre qui éradiquera les imposteurs et les ordures. Le juge n’a qu’une parole.

Ne t’emporte pas, Ran. Chaque chose en son temps.

Peu importe le temps que cela prendra. J’ai déjà vécu plus de mille ans, alors, j’ai le temps. Une chose est sûre, je ne peux plus rester complètement à l’écart. Alors, entrons en douceur dans la danse. La première étape est de se préparer à entrer en scène, de mettre les pions en place.