Il s'était posé la question, et la réponse s'est imposée d'elle même.
Jabberwock sait chasser.

Il l'a mis sur la tâche, dés la conclusion de leur première rencontre. Se mettre sur la piste de Kichigai Ganryū, l'ancien King of Swords. Traquer, trouver, puis rapporter. Le reste serait une action de groupe, afin que l'affaire soit expéditive. Kyoya ne souhaite pas un combat : il vise une exécution. Quelque chose de trop vif, trop soudain pour que la cible ait réellement le temps de riposter, et donc d'ajouter à la longue liste de dossiers "dommages collatéraux" qu'il a accumulé jusqu'ici.

Alors l'Ace a traqué, puis l'Ace a trouvé.

Le rapport parle d'un Ganryū qui enchaîne les planques provisoires, à vivre sa vie libre de toutes attaches, toute morale : Rien pour l'arrêter, rien pour l'encadrer, il cherche le plaisir immédiat, répond à ses instincts, répand le sang dans son sillage, sans trop s'attarder sur la question de qui est-ce qu'il fait saigner. En ça, indirectement, il s'est rendu utile, lors de l'attaque de Menos. Or, très directement, il s'est rendu coupable de plusieurs crimes et brèches de sécurité qui mettent l'organisation en danger. C'est bien le problème des profils dans son genre.

Sans discipline, donc imprévisible, donc incontrôlable.

Le genre qui ne respecte que la force.
Il a lu les rapports. C'est une laisse de force qui l'a contraint jusqu'à son poste chez les Swords. The Fool, son chef de l'époque, dans ce groupuscule extrême d'il y a quelques années. Peut-être que c'était trop tôt, pour passer par la case promotion... Peut-être qu'il aurait dû rester en laisse.

Peu importe. Chien muselé qui brise ses chaînes deviendra bien assez tôt chien sauvage maîtrisé, puis piqué.

Emiko à ses côtés, il marche dans les rues du quartier d'Akihabara, encore marqué par les événements récents : Les rues et bâtiments troués d'impacts et peuplés d'ouvriers affairés à reconstruire. - Récapitulons. La cible a été aperçue la dernière fois entrer dans ce bâtiment. Dans leur oreillette, tous les membres de la mission pourront entendre sa voix, et tous pourront voir un plan se matérialiser devant leurs yeux, par quelconque outil ont-ils choisis d'utiliser pour recevoir les informations. Le plan d'un vieux bâtiment résidentiel, avec à son rez-de-chaussée une salle d'arcade vieillissante, modeste comparé aux géants qui existent dans le quartier. Kyoya et Emiko ne sont plus trop loin de l'entrée. - Il a une planque sur place. Sans doute que le King of Cups saura nous donner plus d'informations. ?

Une question qui n'en est pas une : le scientifique a déjà vu le plan, et Kyoya espère déjà qu'il ai pu préciser la position de Ganryū, et qui sait, peut-être plus ?

- Rappelez vous. L'homme est instable et dangereux. La ville a assez souffert des attaques récentes, et les Coins ont assez de travail de nettoyage tel quel.

à ce rythme, même les miracles de l'Ultimat Necat pourraient finir par ne plus suffire à tromper la masse.

- Agissons vite et bien. Qu'il n'ait pas même le temps de libérer son pouvoir.

"Mort ou vif", disait l'ordre de mission.
De toute évidence, Kyoya s'est déjà fait son avis en la matière.

Certaines missions ont un goût particulier par rapport aux autres. Allez chasser des Hollows n’était rien en comparaison avec ce qui les attirait aujourd’hui. Mettre fin aux agissements de l’ancien king of Swords, alias Kichigai Ganryū, ni plus ni moins. L’homme avait renoncé à une mort paisible dans son lit le jour où il avait tout plaqué pour s’enfuir de l’organisation. Avec tout ce dont il avait connaissance, il était tout simplement impensable de le laisser libre dans la nature. Pour l’avoir déjà croisé après sa fuite, Tanjô savait qu’il ne s’agissait pas quelqu'un de discret. Ils s’étaient rencontré par hasard et le ton était monté, mais l’homme simiesque était parvenu à s’enfuir.

En effet, et les différents rapports le confirmaient, la cible avait tendance à parler haut et fort, à faire mine de ne craindre rien ni personne et surtout, il était porté sur l’alcool. Autant dire que les secrets de l’Ultima Necat étaient en sursis tant que cet homme se baladait dehors. À la moindre occasion, pour séduire une femme ou impressionner des passants, il était capable de déballer tout son passé en tant que chef de la section combat du groupe non officiel. Ils ne pouvaient se permettre de prendre ce risque plus longtemps. Tanjô s’étonnait même que cela ait été aussi long.

Toutefois, il avait fait une erreur. Paradoxalement, la faute qu’il a commise est d’avoir tenté de défendre la ville contre l’invasion des arrancars il a quelques semaines. Ce jour-là, il est apparu sur le détecteur de Reiatsu, sa signature spirituelle s’est clairement affichée et depuis, Tanjô ne l’avait pas lâché. Une fois la trace identifiée, il avait pu focaliser toutes les ressources de son appareil pour ne pas le perdre, même s’il masquait au maximum sa pression. Entretemps, certains membres des Swords avaient effectué des missions de reconnaissance et le filet s’était resserré petit à petit jusqu’à ce jour. Il était planqué dans une vieille bâtisse qui donnait sur une rue peu fréquentée dont l’enseigne du rez-de-chaussée présentait de nombreux jeux vidéos old-school. L’endroit idéal pour se cacher, la salle étant déserte de tous clients.

Son radar portatif, implanté sur son avant-bras, scannait les environs en continu. Kurosawa Kyoya et Hasegawa Emiko s’approchaient de l’entrée. Dignes représentants de la section de combat, ils s’accaparaient la première ligne sans une once d’hésitation. Alice l’épervier s’était placée en position stratégique pour pouvoir l’abattre de loin s’il essayait de s’enfuir. De son côté, Tanjô s’approchait du bâtiment à bonne distance, repérant d’éventuelles mauvaises surprises. Il tapota son oreillette pour communiquer avec les autres membres.

-Cela fait maintenant trois jours que sa signature ne bouge pas de ce bâtiment. Les seuls déplacements qu’il a eus dernièrement faisaient moins de cent mètres, on suppose qu’il allait juste acheter de quoi se nourrir. Il est au deuxième étage, probablement ivre mort, mais restez sur vos gardes. Pour le moment, je ne remarque aucune autre source de reiatsu à l’intérieur, mais le radar est calibré pour se focaliser sur Ganryū, il peut donc manquer des individus doués pour masquer leur force.

Peu importait s’il avait engagé des larbins pour le protéger, il était peu probable que de simples hommes de bras puissent faire quoi que ce soit face à l’actuel King of Swords. Le seul danger était Ganryū lui-même. Comme il avait déjà été signalé, il valait mieux l’abattre sans qu’il puisse réagir, si cela pouvait être dans son sommeil, ce serait encore mieux. Cela éviterait d’éventuels dommages supplémentaires dont la ville meurtrie n’avait vraiment pas besoin. Tokyo était lentement en train de cicatriser et une nouvelle catastrophe serait dramatique. Point positif, ils avaient tous reçu l’ordre de mission de ramener Ganryū « mort ou vif », mais personne n’avait semblé intéressé par la seconde option. Ils ramèneraient son cadavre et rien d’autre.

-Alice ? Quelque chose de votre côté ?

Une nouvelle mission pour la fantassin, qui elle l’espérait sera moins catastrophique que la précédente. L’objectif était très simple, ramené, mort ou vif, l’ancien roi des swords. Même si, en écoutant ses compagnons pour cette mission, il était clair que la dernière partie des conditions de succès ne sera pas une option. Et pour être honnête, elle n’y voyait là que la pure rétribution karmique.

Il a déserté l’organisation, était présent lors du carnage des arrancars, et n’a rien fait ! Factuellement, il y avait devant elle à la fin de cette journée infernale autant d’arrancar qu’il y en avait au départ, donc l’ancien chef des troupes offensives de l’Ultima Necat n’avait pas réussi à fumer un de ces enculés lorsqu’une nouvelle recrue et un scientifique y étaient presque arrivés ? Connerie ! C' était une des raisons supplémentaires du nombre ahurissant de morts et de blessés.

Tanjô demandait la situation de la sniper, cette dernière contrairement à ses collègues, était dans un bâtiment faisant face à celui où se terre leur cible, dans un appartement loué par une société écran de l’UN. Elle pourrait prendre directement appui dans les cieux grâce au bringer light, mais il était mal avisé de le faire, elle se ferait vite repérer. Alors c’était à l’ancienne, postée à une fenêtre, profitant des avantages que son fullbring à sur une arme classique pour ne pas utiliser de visière et éviter d’attirer l’attention, mais gardant un œil sur le bâtiment.

“[Négatif], je suis en position, mais je ne vois aucune activité de son côté.”

Même en étant accompagné du King of Swords en fonction et du King of Cups, les précautions prises témoignent du niveau de dangerosité de ce Ganryū, et donc des mesures qui devaient être prises pour le faire disparaître le plus discrètement possible. Alice ne supporterait pas une catastrophe supplémentaire.

“Je couvre les dégâts matériels et humains, si affrontement il doit y avoir King of Sword, je m’assurerais qu’il n’aille pas plus loin que quelques murs détruits.”

Même si, en cas de nécessité, elle pouvait harceler avec ses collègues le déserteur pour le faire flancher en un temps record.

Finalement, que ce soit au sein de l’Ultima Necat ou encore au sein de ta famille, les choses ne changent pas vraiment.

Que ce soit ici ou là-bas, toujours le même travail.
Le sale boulot.

La mort d’un homme.

Tu es aux côtés de Kyoya, le chef de ta section, t’approchant d’un vieux bâtiment, ce qui ne manque pas de t’arracher un sourire en coin. Discret, mais bien présent. À croire que vous êtes destinés à travailler ensemble là où il ne semble pas y avoir âme qui vive. Tu ne dis toutefois rien, toujours attentive sans prendre la parole, que ce soit concernant les propos de ton King que celui des Cups, ce dernier un peu plus bavard. De l’information importante, sans doute, information que tu prends en considération et t’assures de garder en tête, or, tu n’as jamais été bien fan de ceux qui parlent trop. Ou alors peut-être que tu les préfères ?

Ce sont des cibles faciles, après tout.

Tu te demandes s’il n’y aurait pas eu façon plus facile de faire ça. Plus discrète. L’homme aime l’alcool, de ce que tu as su. L’homme aime les femmes, aussi. Tu te demandes si une soirée un peu trop arrosée aurait pu baisser sa garde, suffisamment pour qu’une seule personne, une seule femme de l’organisation, puisse l’éliminer sans créer plus de problèmes ou mobiliser autant de troupes. Sans doute que ça aurait été trop facile, et sûrement qu’il n’a pas usurpé son précédent titre de King of Swords, ne serait-ce qu’en termes de force.

Enfin, pas que ce soit la question. Après tout, vous êtes là et toi, tu t’assures de suivre Kyoya. - Combien d’accès y a-t-il pour le second étage ? Tu ne parles pas souvent, très peu, observatrice silencieuse, or, tu te dis que couvrir le plus de terrain possible, en plus de limiter ses possibilités de fuite, c’est sans doute la meilleure approche à avoir.

Tout ça en jetant un coup d’oeil à Kyoya, cherchant à t’assurer que l’idée de vous séparer lui convienne.

Il écoute, il enregistre, il avance.

Quelques pas plus tard, il passe à côté de la devanture de la salle d'arcade, avance de dix autres mètres, et ouvre la porte d'entrée qui mène vers un couloir résidentiel.

- Passe par l'escalier de service.

D'un signe de tête, il désigne la ruelle sur le côté à Emiko. Si Ganryū choisis la fuite, il sera accueilli.... Tout du moins, si sa fuite n'implique pas de nouveaux trous dans les murs. Tout du moins, si la fuite lui vient seulement à l'esprit. « J'ai mes doutes », pense Kyoya. Mais mieux vaut être prudent à l'excès qu’insouciant. Les derniers événements en sont l'exemple le plus concret.

D'un pas pressé, il rentre dans le couloir, vigilant à son entourage. Il y a l'ascenseur en bout de ligne, qu'il ignore pour prendre la porte des escaliers, plus à droite. Un étage, puis deux, et l'y voici, dans ce long couloir, avec des portes vers différents domiciles de chaque côté. Si le dossier qu'il a lu est correct et toujours d'actualité, Ganryū n'a jamais été un expert en détection de présences et énergies spirituelles. À l'inverse, Kyoya n'est pas trop mauvais en la matière... Alors là dans ce couloir, ses paupières se closent, ses sens s'étendent.

Yeux fermés, pour mieux voir.
Pour tout voir.

Et pour que ses pas le mènent vers la porte derrière laquelle il sentira la présence de l'ex King of Swords.

Alice était à son poste, l'oeil dans le viseur. De son point de vue, elle pourrait détecter le moindre mouvement suspect, une ombre passant devant une fenêtre, le froissement d'un rideau. Chaque information, aussi petite soit-elle, pouvait donner un avantage supplémentaire. Accélérer la réussite de la mission. Diminuer les dégâts. C'était la priorité et tous les membres de l'escadron semblaient l'avoir bien compris. Le king of Swords avait déjà pénétré le bâtiment, accompagné d'un de ses subordonnés. Tanjô ne la connaissait pas. Silencieuse, invisible elle le suivait docilement sans faire le moindre commentaire. Difficile en soi de la cerner.

Le scientifique attendit quelques secondes et avança à son tour vers le bâtiment. Mais avant cela, il passa devant la salle d'arcade. Peu habitué à ce genre d'environnement, les lumières et les musiques rétros le frappèrent de plein fouet. Oubliant le temps d'un instant la mission, il se plaqua contre la vitrine et observa ce monde merveilleux. Depuis son retour du royaume des morts, il avait souvent entendu parler des jeux vidéos, mais n'avait encore jamais eu l'occasion d'en voir et encore moins d'essayer. Son regard tomba sur borne qui proposait une partie d'un jeu de combat. La vidéo de démonstration montrait un homme aux cheveux blancs semblant manipuler des éclairs faire face à un jeune homme lançant un chapeau au bord tranchant.

-C'est... trop.. cooool...

Cela ne dura que quelques instants. Le scientifique se souvint soudainement de ce qu'il était en train de faire. Il ralluma son radar et pénétra dans le bâtiment. Le king of Swords était déjà en train de monter l'escalier intérieur tandis qu'Hasegawa Emiko grimpait les marches extérieures. Il ne restait donc que l'ascenseur. Tanjô n'était pas assez bête pour l'emprunter. Un ascenseur était lent et prévisible. De plus, les anciens modèles comme celui-ci avaient la fâcheuse tendance de sonner en arrivant à l'étage désiré. Toutefois, cela restait une issue possible pour leur cible. Après s'être assuré que le compartiment se trouvait actuellement au rez-de-chaussée, il appuya sur le bouton pour en ouvrir les portes. Il fit pousser un de ses ongles et le brisa, avant de le placer dans l'embrasure pour l'empêcher de se refermer.

Il s'engouffra enfin dans l'escalier. Le silence était assourdissant, signe que Kyoya n'avait pas encore atteint l'objectif. La pénombre était quasi totale, Tanjo avançait en se fiant uniquement à son radar. Kyoya n'était qu'à quelques pas de lui, debout, immobile dans le couloir. Au fond à droite, une porte fermée d'où émanait la présence de Ganryū. Le scientifique s'approcha de son homologue et chuchota.

-Mais qu'est-ce que vos faîtes ? Avancez, il est juste là-bas. La porte à droite.

L’heure approchait, et la pression se faisait bien plus forte. Aujourd’hui, elle participe à l’assassination d’un homme. Sans avertissement. Sans procès. Sans appel. Elle ne regardait pas sans rien faire, ou était ignorante des raisons et des moyens utilisés. Non, elle allait faire partie des assassins lancés sur cet homme. De son plein gré. Et avec toute la sanité d’esprit qu’elle avait.

Ce n’était pas vraiment le genre de missions qu’elle pensait faire en temps que club, tuer l’un des leurs, mais elle se confortait dans l’idée qu’en temps que déserteur, il avait tourné le dos à l’humanité tout entière. Ses raisons n’avaient aucune importance, un soldat qui ne pointait pas son arme vers l’ennemi était un traître, alors si c’était en plus un chef, il devenait un paria, un nuisible, un problème au long terme.

Son existence était une menace pour l’association, même pour les fullbringers. Alice avait rejoint cette espèce que très récemment, et pourtant elle avait déjà un esprit de corps avec eux. Une partie de leur sécurité reposait sur elle maintenant.

“La fenêtre est dans ma ligne de mire, aussitôt vous avez la position de la cible dans la pièce, je vous prierai de me la communiquer pour que je vous assiste dans l'assaut.”

Elle ne sera pas un boulet, elle compte ajouter sa pierre à l’édifice, à assumer la mise à mort avec ses collègues, à s’assurer de leur sécurité et de celle des civils du quartier. Elle ne sera plus dépassée par les événements et ses émotions.

“[Je vous dis merde.]”

- Silence.

Une autorité dans la voix, il n'ouvre pas les yeux, ne tourne même pas son visage vers le Cups. Il avance, les sens aux aguets, vigilant à d'éventuels imprévus. Invités. Peu de chances, mais Ganryū a déjà fait partie d'un groupe de Fullbringers indépendants. Peut-être a-t-il encore des contacts, peut-être des gens qui ne sont plus sous l'emprise de The Fool... Tout un tas de « Peut-être » qui encouragent à un minimum de prudence.

Mais ses sens ne lui disent rien, sinon l'homme qui s'approche de la porte. Qui ouvre la porte, qui s'arrête dans sa route, pack de bière au flanc. Il parle...

Kyoya ne parle pas.
La mallette à son flanc s'ouvre, tombe au sol, mais le Tachi est dans sa main. Rapide, vif, il lève sa jambe, décoche un puissant coup de pied au torse du déserteur, dans l'idée de le repousser à l'intérieur de la pièce.

À portée des fenêtres, donc à portée de tir.
À portée de l'escalier de service, donc à portée de coup de couteau dans le dos.

Toujours avec la même vivacité, il avale la distance entre lui et sa cible, lame prête à trancher. Un pas de côté, sur sa droite, et dans le même temps, un clone métallique qui se manifeste dans l'air, sur sa gauche. Le Kyoya de chair et le Kyoya d'Acier dégainent à l'unisson, deux lames qui visent le cou.

Deux lames qui se referment comme une paire de ciseaux.

La porte s’ouvrit pour laisser apparaître la face disgracieuse de l’ancien King of Sword. L’antipathie que Tanjô éprouvait pour lui se réveilla. Le même connard que la dernière fois. Les traces de son alcoolisme à la main, le gorille affichait un sourire arrogant à la vue de ses exécuteurs. Il s’attendait à leur arrivée. À vrai dire, tout le monde savait que cela allait se terminer ainsi. Peu importe, le temps que cela prendrait, peu importe les chemins qu’ils auraient du arpenter pour y arriver, tout ne pouvait mener qu’à ce moment-là. C’était la règle. On ne quitte pas l’Ultima Necat.

Kyoya ne perdit pas un instant et fonça directement sur son adversaire, lame sortie et prête à frapper. Pour autant, le scientifique ne comptait pas être en reste. Mais il n’allait pas monter au contact. Chacun avait son rôle à jouer dans cette opération et ils s’étaient suffisamment préparés pour ne pas être pris au dépourvu. D’un geste rapide du pouce, il ouvrit le compartiment secret de sa bague et trempa ses ongles dans le poison qui s’y trouvait. Cette substance avait la particularité de se mêler au reiatsu de la cible pour en perturber la circulation et le détruire purement et simplement. Si la formule était assez concentrée, il avait bon espoir d’empêcher complètement Ganryū d’utiliser ses capacités. Ou tout du moins de le limiter.

Tendant ses bras en avant d’un coup sec, il envoya une volée de griffes en direction du torse de l’ancien king. C’était la partie la plus simple à viser et cette attaque ne cherchait pas à toucher des organes vitaux. Il suffisait que les projectiles de kératine passent son épiderme pour laisser le liquide mortel s’immiscer dans son organisme et ravager son énergie.

Kyoya avait frappé le colosse pour le repousser à l’intérieur de la chambre. Profitant de cette opportunité, Tanjô envoya deux de ses mèches pour qu’elles s’enroulent autour de ses poignets et le maintiennent devant la fenêtre où le combattant l’avait propulsé.

Jusqu’ici, tout se déroulait bien. L’ivresse de Ganryū jouait en leur faveur, son temps de réaction était réduit.

Contact, ce mot était une bénédiction pour les unités postées à distance. Elle permettait de savoir quand est-ce qu’il se passait quelque chose, quand elle pouvait tirer, en quelque sorte, c’était le démarreur pour lancer sa partie du boulot. Mais elle ne l’entendait pas, et c’est pour ça qu’elle aurait aimé qu’un entraînement militaire plus classique soit instauré. Elle allait devoir faire avec ce qu’elle entendait dans l’oreillette, et communiquer avec ses alliées en première ligne pour éviter les friendly fire.

“Je vais tirer sur tout ce qui approche de la fenêtre, restez bien en dehors.”

En quelque sorte, elle se dédouane des conséquences avec cette directive. Elle savait le king of cups plus ou moins immunisé par des tires de balles simples grâce à ses facultés régénératives, mais c’était pas aussi certains pour ses deux autres compères. Au moins, ainsi elle était certaine de toucher le bon.

Et ça ne tardait pas, quelques secondes plus tard, premier accroc devant la vitre, et donc, première balle tirée dans le dos de la cible. Du moins, elle espérait que c’était la cible, tirer sur un être humain avec l’intention de le tuer pesait déjà suffisamment sur sa conscience, si en plus elle ne tirait pas sur le bon, bonjour la sale nuit. Mais vu que la même personne était plaquée à nouveau contre la fenêtre, elle allait assumer que son équipe faisait du bon travail, et ne pas se retenir.

“All eyes on you, just one bullet.”

L’objectif de la mission, en plus de neutraliser la cible, était d’éviter qu’elle ne puisse déployer ses pouvoirs, d’où la présence d’Alice. Elle ne pouvait pas sceller une libération, dieu non, mais elle avait tout un arsenal de balles d’entrave et drainante pour limiter ses offenses.

“Mes sigils sont en place.”

Maintenant, elle n'a qu’à essayer de le tuer avec les autres. Ce qui était … Bien plus compliqué que de tirer des balles restrictives. La détente était bien plus lourde d’un seul coup.

Tu hoches de la tête en direction de ton King, quittant donc ta position à ses côtés pour rapidement faire le tour du bâtiment. Toujours en contact avec eux, tu viens couvrir vos arrières, essayant ainsi de s’assurer que votre cible ne parvienne pas à vous filer entre les doigts. Ce serait fort dommage. Et ça nécessiterait d’à nouveau déployer des ressources, ce qui se voudrait fâcheux. Il avait déjà assez fait de tort à l’organisation, mieux valait en finir cette fois-ci.

En position devant la porte du côté de l’escalier de secours, tu ne peux t’empêcher de froncer des sourcils maintenant que nul ne peut te voir. C’est qu’ils aiment parler, les deux autres. Surtout celle supposée être en mesure de couvrir les fenêtres. Quelle idée de mettre une arme entre les mains de quelqu’un qui risquerait de s’en prendre à vous, plutôt qu’à la cible.

Était-il si difficile que ça de tirer sur la bonne personne ?
Ton expérience te disait que non.

Enfin, tu ne dis rien, chasses toutes distractions de ton esprit en attendant simplement la suite. L’assaut de la part de ceux de l’autre côté de la pièce, tandis que tu suis les mouvements en étendant tes sens. Silence. Comme quoi tu n’es pas la seule à trouver qu’ils parlent trop.

Encore un peu de silence.
Puis, la porte qui s’ouvre.

Une voix. La sienne. Tu ouvres discrètement la porte, arme à feu entre les mains, te glissant dans la pièce alors que son attention est ailleurs. Puis vient le premier coup, puis les armes levées, alors tu en fais de même, levant ta propre arme dans sa direction, appuyant sur la détente avec cette froideur qui dénonce de l’expérience, dans le domaine. Il ne s’agit pas de ta première exécution sommaire. Qu’un mort de plus rapidement balayé dont tu ne te soucierais plus une fois ayant quitté les lieux. Tu en as profité d’être dans son dos, tandis que Kyoya lui fait face, pour tirer.

S’il venait à essayer de reculer pour esquiver, par exemple.

C'est tel qu'il l'a déjà constaté, tel que la réputation de l'homme le laissait entendre : Il est fort. Fort résistant, aussi. Selon les principes du Kurosawa, Ganryū n'était pas un bon meneur. Mais il ne peut nier qu'il est un bon guerrier.

Bientôt, qu'il était un bon guerrier.

La roche fait office de seconde peau, mais même derrière la solidité de la terre, le rouge coule. Ses mots mentent une confiance aveugle, mais son corps dit la vérité. Alors Kyoya sait à quoi s'en tenir : il faut continuer. Il faut passer à la vitesse supérieure, tout pourvu que la finalité des quelques prochaines secondes se trouve quelque part dans un « Ganryū tombe au sol amorphe, son dernier souffle imbibé d'alcool. »

Les bouteilles de verre trouvent leur cible : ça éclate contre la tempe du King, mais... Mais plutôt que saigner, un choc, une contusion. La peau ne s'ouvre pas : la peau est solide. L'un se recouvre de roche, l'autre a son corps comme forgé d'acier. Non pas parce qu'il commande les éléments, mais parce que son corps a eu le temps.

Le temps de devenir plus.
Et ça continue. Ça ne s'interrompt pas - à peine le coup encaissé, que Kyoya bouge : Un pas de côté, pour contourner la cible, ne pas obstruer la visée de ses alliés. Sa main libre se lève haut au-dessus de sa tête, dans un geste... Dans un geste comme si ça n'était pas sa main libre, en fait. Comme si c'était sa lame qu'il allait abattre sur le crâne du déserteur. Il y a un flottement, pendant une fraction de secondes, puis la magie s'opère : Comme se formant dans l'air, une nuée métallique prend rapidement les traits d'un marteau d'armes. Soudain, brutal, vif, le coup vient s'abattre sur le crâne de sa cible. Dans l'élan du coup, un nouveau mouvement, une nouvelle attaque, et l'arme qui semble changer de forme dans le même temps, la tête du marteau devient un pic dangereusement pointu. Le coup tombe, cherche à perforer, plutôt qu'à cogner.

Percer la défense, mettre à jour un point vital, que ses alliés puissent l'atteindre. Viser la tête, puisqu'ils visent sa mort. Dans le sillage du coup de pic, son Tachi suit. Pourvu que la roche ait été dévorée par son précédent coup, alors sa lame dévorera la chair par la suite.

Dans les yeux de l’Éternel, un calme froid, sans affect. Ça ne sera pas sa première exécution sale, sans honneur. Ça ne sera pas sa dernière. Dans cette guerre, ils n'ont pas le choix que d'être opportunistes, tant les enjeux sont grands.

Même avec les leurs. Surtout avec les leurs.

L’attaque avait été fulgurante. Chacun avait fait une parfaite démonstration de ses capacités pour offrir à l’ancien King of Swords une fin digne d’un guerrier. Les lames de son successeur se croisèrent pour le trancher en deux, les ongles empoisonnés le percutèrent tandis que des balles fusaient du coin de la pièce et à travers la fenêtre. Un véritable déferlement d’attaques qui auraient réduit n’importe quel humain normal en une petite masse informe sanguinolente. Mais Ganryū n’était pas un être humain normal. C’était un monstre taillé pour le combat.

Sa peau s’était recouverte de pierre en un instant pour le protéger de l’assaut. L’effet du poison de Tanjô n’était pas assez rapide pour empêcher qu’il ne pare la première salve. Ou bien peut-être que le gorille avait tant de reiatsu que ce simple poison destructeur ne suffirait pas à suffisamment l’affaiblir. Le scientifique n’était même pas certain que son attaque ait réellement touché sa cible, il était bien possible que ses projectiles aient été déviés par l’épiderme renforcé. Qu’à cela ne tienne, il avait d’autres cartes à jouer. Alice avait fait voler la fenêtre en éclat, ce qui laissait une possibilité au King of Cups. Il attendait simplement le bon moment pour éviter de toucher ses alliés. Kyoya fit un pas sur le côté pour prendre sa proie à revers. C’était tout ce qu’il fallait.

Une mèche de ses cheveux se mit à tournoyer, libérant au passage la substance contenue dans un de ses ornements capillaires. Celle-ci, au contact de l’air se transforma en un nuage de couleur orangée qui fut envoyée à pleine vitesse vers Ganryū. Même le plus puissant des combattants devait respirer. Ce subtil mélange de curare et d’un dérivé d’héroïne avait la surprenante faculté de tétaniser le temps d’un instant celui avait le malheur de le faire pénétrer dans son système respiratoire. Les nerfs perdaient pendant un court moment leur capacité à transmettre l’influx nerveux aux muscles. Grâce à la fenêtre ouverte juste derrière, le nuage se retira immédiatement après avoir fait son office sur l’objectif. Le sorcier savait, inconsciemment, que Kyoya saurait tirer parti de cette ouverture.

Et il ne se trompait pas. Tanjô resta une milliseconde à observer les techniques de son homologue. Cela ressemblait fortement à de la nanotechnologie. Impressionnant qu’il arrive à manier des gadgets aussi complexes avec une apparente facilité. Ce dernier avait fait apparaître un marteau métallique et l’avait abattu avec force sur l’homme de pierre. Bonne stratégie. Face à la roche, les objets contondants étaient plus efficaces que les tranchants. Dans l’espoir que cette attaque ait réussi à percer la carapace, Tanjô trempa la pointe de son ongle dans une solution à base de toxine botulique. Radical, fulgurant, un milligramme de cette substance pouvait foudroyer un cheval en quelques secondes. Tellement précieuse, tellement dangereuse, tellement... magnifique. Il ne pouvait prendre le risque de la gâcher et encore moins de toucher un de ses alliés.

-Va ma belle, montre leur ta puissance.

Plutôt que de projeter son ongle à travers la pierre, il l’allongea pour venir le planter à l’exact endroit où le marteau de Kyoya venait de frapper. Espérons que l'impact ait été assez puissant pour briser son armure et permettre au poison de s’infiltrer.

L’ancien roi tient bon, insiste, et tu pourrais presque apparaître agacée si tu n’étais pas aussi impassible. Parce que quand bien même insiste-t-il, sans doute sait-il tout autant que vous que cette rencontre n’a qu’une seule finalité : sa mort. Il est seul, vous êtes quatre et il ne te fait aucun doute qu’il va finir par s’épuiser, sans doute plus vite que vous. Alors il ne fait que vous donner du fil à retordre, compliquer une situation qui ne devrait pas l’être autant, tout ça pour quoi finalement ?

Par égo ?
Qu’est-ce que l’égo d’un homme mort ?

Attentive, tu restes à quelques pas vers l’arrière. Les premiers coups de feu se sont contentés de ricocher sur sa peau devenue pierre et tu attends alors. Tu pourrais rejoindre ton King, sortir une autre arme, te battre au corps à corps, mais à le voir faire, tu préfères le laisser s’occuper de vous offrir l’ouverture nécessaire pour ainsi pouvoir frapper là où il serait de nouveau plus faible. Là où il serait de nouveau plus fragile. Et tu n’as pas besoin de grand chose, qu’une fissure finalement, ce que tu cherches et pas qu’avec les yeux, essayant de voir où son énergie, à votre cible du soir, se veut plus faible. Moins concentrée. Là où son énergie ne parvient pas à le protéger, à assurer une couverture nécessaire pour rester aussi imperméable qu’il pensait pouvoir l’être aux attaques.

Et c’est là que tu tires. À l’arrière de sa tête, là où le marteau a frappé. Tu tires deux autres fois aussi, là où tu penses détecter une fissure. Là où tu le sens plus fragile. Est-ce que ce serait suffisant ? Tu ne le sauras pas tant que tu ne le vois pas s’effondrer au sol.

Votre objectif de la soirée.
Car il ne sert à rien de le ramener vivant.

Il ne vous serait plus d’aucune utilité.

Ganryū était bon guerrier.

Mais face à quatre Fullbringers, un unique bon guerrier ne saurait suffire. Il chancelle, il perd cette lueur de combativité dans le regard aussi vite qu'elle est apparue. Les bras tombent, le front tombe, mais lui ne tombe pas. Pas encore. S'il avait dû tomber pour de bon, l'impact d'un des derniers coups aurait suffit à ce que son corps tombe amorphe au sol. Alors oui : il baisse la tête, mais ses appuis sont solidement ancrés au sol, de toute évidence.... à l'inverse de ceux du bâtiment. Kyoya l'entend, le sent : Les fondations qui tremblent, le béton qui gronde, le métal qui grince, les fenêtres qui brisent. Il voit, depuis la fenêtre dans le dos du roux : il voit la ligne de l'horizon qui bouge, le toit du bâtiment perdu de vue, avalé par le cadre...Un baroud d'honneur. Un dernier coup, que ça ne soit pas facile. Plusieurs vies condamnées, pour s'offrir le luxe d'une mort plus grandiloquente... Ou alors est-ce qu'il espère y trouver une opportunité de vivre ?

Kyoya ne prendra pas de risque.

- Evac, MAINTENANT.

Deux uniques mots, crachés entre ses dents serrées sous la tension de l'instant. Qu'ils ne prennent pas de risque, qu'ils sauvent leur peau. Lui sauvera la sienne, et arrachera celle de l'ancien King par la même occasion. Sa lame va chercher le poitrail du Kichigai, là où son cœur devrait battre. Il vise à l'y enfoncer au plus profond qu'il puisse, d'un coup puissant, vif, précis... Puis il charge vers l'avant, emmène sa cible avec lui dans le sillage de sa course. À quelques pas seulement de la fenêtre, il assure ses appuis sur le sol à ses pieds, tant qu'il ne s'écroule pas lui aussi... Il prend sa détente, plie le genoux, rassemble ses forces. Puis, d'un unique mouvement, il saute.

Un puissant saut à l'horizontal, qui vise à tomber sur le toit d'en face, la lame toujours enfoncée dans sa proie. Si la lame ne suffit pas, alors il l'emprisonnera dans sa poigne.

Kyoya ne fait pas confiance aux exécutions sans corps à rapporter. Il entend bien voir la mort dans le regard sans vie du déserteur. Là seulement, la certitude d'une mission menée à bien apaisera son esprit méfiant.

L’attaque combinée avait fonctionné. Même un monstre tel que Ganryū et sa peau blindée ne pouvait résister à un tel assaut. Lames, balles, projectiles, poisons, marteau... Personne ne pouvait survivre à cela, pas même l’ancien king of Swords. Pourtant, malgré ce déferlement qui pouvait sembler carrément exagéré pour abattre un seul homme, il était encore debout. Dégoulinant de sang, la tête baissée et les bras ballants, mais debout. Si Tanjô n’avait pas éprouvé une telle antipathie à l’égard de ce titan, il aurait presque pu être admiratif. Presque. En définitive, ce n’était qu’une tâche d’urine particulièrement difficile à faire partir à ses yeux.

Il ne riait plus. En ses derniers instants, peut-être avait-il compris que l’arrogance et le cynisme ne lui apporteraient rien de plus. Pourtant, il semblait avoir une dernière carte à jouer. Le bâtiment tremblait, vibrait de façon inexplicable. Des fissures apparurent le long des murs et des débris tombèrent du plafond. La lumière du lustre vacillant donnait une dimension surréaliste à la cène. C’était trop gros pour être une simple coïncidence. Ses pouvoirs étaient liés à la terre, tentait-il le tout pour le tout en essayant de les emporter avec lui ? Voilà bien ses manières de faire.

Après avoir sonné l’évacuation, Kyoya fonca sur son prédécesseur et le frappa de sa lame pour entraîner dans sa course par delà la fenêtre. Il tentait surement d’atteindre le bâtiment d’en face. Les chiffres se mirent à défiler à toute vitesse à travers le crâne de Tanjô. Le poids de Kyoya, celui de Ganryū, leur vitesse actuelle ralentie par l’impact de la vitre, la distance de l’autre immeuble, l’angle de chute... Ça allait être très juste. Il se précipita à la suite des deux kings of Swords et fit pousser ses cheveux en vitesse.

-Pardonnez-moi Kyoya. C’est pour être sûr.

D’un geste, il lia deux dreadlocks entre elles et s’en servit pour pousser le sabreur dans le dos, dans le but d’augmenter encore leur vitesse. Ce ne serait peut-être pas très agréable, mais au moins, cela leur éviterait de risquer de s’écraser sur le bitume en contrebas. N’ayant pas le temps de regarder comment ils s’en étaient sortis, Tanjô utilisa sa dreadlock pour se saisir d’un lampadaire situé sur la chaussée d'en face. En se laissant glisser, il pourrait rejoindre l’autre côté de la rue, comme l’homme-araignée de ces comics qu’il a pu lire.

Il se retourna vers Emiko et lui tendit la main.

-Je vous emmène ? Ou votre fierté vous oblige à descendre par vos propres moyens ?

Quelle que soit sa réponse, il descendrait. Le temps pressait et il ne tenait pas à finir sous des tonnes de décombres. Cela serait bien trop fastidieux de sortir d’un tel fatras.

Comment elle allait pouvoir expliquer ce qu’elle voyait depuis sa cachette de sniper. Qu’alors qu’elle tirait tant de balle qu’elle aurait vidé des chargeurs à tour de bras, le bâtiment s’est mis à se décrocher du sol, est resté en suspension quelques secondes avant de s’écraser ? Bah elle n’allait pas avoir le choix, puisque c’était exactement ce qu’il se passait.

“[C’était bien la peine de rester discret …]”

Elle passait les jambes par-dessus la fenêtre, prenant une nouvelle prise sur son arme pour en changer l’objectif. Aucun débris n’atteindra le sol sous une autre forme que poussière. Alice prenait une inspiration, et se mettait au travail.

La mission était déjà aussi bien que finie, elle pouvait à minima faciliter le travail des coins en évitant que les débris volent trop loin. Et cela donnera moins de munitions à l’ex-king. Quoique, si il pouvait soulever un bâtiment entier dans ses derniers moments, ce ne seraient pas les munitions qui manqueraient.

Une fois ça fait, et voyant la trajectoire du saut du king en activité, elle s’en allait le rejoindre avec son bringer light. La situation était sous contrôle de son côté, apparemment, mais cela allait vite s’empirer.

“[Monsieur] les autorités ne devraient pas tarder, faites ce que vous avez à faire et décollons le plus vite possible.”

Elle ne comptait en aucun cas empêcher la mort de l’ancien roi. Si on omettait son baroud d’honneur, la mission avait été un succès, perdre du temps en le maintenant en vie foutrait tout en l’air.

Quel terrifiant adversaire en tout cas. Il aura fallu deux rois, un ten et elle-même pour le vaincre. Nul doute qu'il avait du être le plus puissant sword, mais L'ultima Necat ce n'était pas la soul society, on ne donnait justifiait pas toutes actions grâce à ta force.

Le bâtiment tremble sous tes pieds et tu comprends qu’il ne tiendra que quelques instants de plus. Ton premier réflexe est de diriger ton attention vers votre cible, désormais transpercée de part en part par l’une des lames de Kyoya, ce dernier bien décidé à l’amener avec lui. Comme quoi vous aviez les mêmes réflexes, qu’une cible n’était abattue que si le corps était vu et constaté mort.

L’abandonner ici serait lui donner une chance de s’en sortir.
Lui offrir l’opportunité de fuir.

L’ordre d’évacuation est donné et tu emboîtes le pas de ton supérieur, évaluant à ton tour le saut qui t’attend pour essayer de savoir comment t’y prendre avant que le bâtiment ne s’effondre sur toi. Tu n’es pas aussi solide que l’homme que vous êtes venus chercher ici, traître à votre organisation et terrible épine à votre pied, et tu n’as pas la force de Kyoya pour traverser autant de distance. Heureusement pour toi, un autre est toujours présent, main tendue vers toi, le commentaire t’arrachant un discret sourire, première expression autre que celle neutre et terriblement concentrée que tu exprimes de la soirée.

- La fierté n’a que très peu d’utilité si je ne sors pas du tout d’ici. Tu attrapes alors la main tendue, te laissant porter par celui capable de ralentir la chute et de l’amortir suffisamment pour descendre sans rien risquer. - On se rejoint au QG ? Une question adressée à tous, dans ton oreillette, tandis que deux se retrouvent sur le bâtiment en face et que, de ton côté, tu es avec l’autre King en contrebas. La seule chose dont tu étais convaincue, c’est que mieux valait ne pas s’attarder ici.

Avec le bâtiment s’étant ainsi effondré, nul doute que les autorités civiles ne tarderaient pas.

Corps amorphe, au sol, sans respiration, sans vie. C'est tout ce qu'il voulait voir. Ne pas lui accorder la moindre chance, ne pas se baser sur un « peut-être », sur un « normalement », sur un « il n'aurait pas pu survivre à ça ».

Un corps, pour confirmer une mort. Tout simplement.

Et de toute évidence il n'était pas le seul à vouloir voir. Il entend, il sent : l'aura, le feu, la présence. Un profil qui ne laisse pas de doutes sur l'identité : The Fool, ancien mentor de l'ancien King, actuel électron libre de l'Ultima Necat. Kyoya observe, analytique. Il le jauge.

La désinvolte arrogante de ceux qui se savent puissants. Pour cause, il l'est: la colonne de flammes le dit pour lui. Ganryū était déjà mort, désormais, il est noir charbon, la chair carbonisée par la chaleur du brasier.

Pas de mot, pas de réponse. Kyoya laisse l'homme faire son office et partir, puisqu'il n'a de toute évidence pas l'intention de s'éterniser. Eux non plus ne vont pas devoir s'éterniser : les autorités civiles ne devraient plus tarder, et il n'a pas l'intention de faire des heures supplémentaires à gérer le travail des Coins. Sans doute que oui : une fuite de gaz servira d'excuse à l'incident, ça ou autre chose de ce goût-ci. Après tout, ce coin de Tokyo n'est plus à ça prés, depuis l'attaque d'il y a quelques jours...

- On se disperse. Opération terminée.

Et sans un mot de plus, il fait exactement ce qu'il ordonne, disparaissant du toit pour devenir une ombre entre les ruelles du quartier.

L’atterrissage se fit sans encombre, la demoiselle ne pesant pas bien lourd, malgré son attirail militaire. Il la libéra à l’instant même où leurs pieds touchèrent le sol. Derrière eux, le bâtiment termine de s’effondrer dans un fracas terrible. Mais à cet instant précis, Tanjô ressentit une aura sur le toit au-dessus d’eux. Une aura supplémentaire. Une aura qui n’était pas inconnue, mais qui ne devrait en théorie pas se trouver ici. Cette chaleur, il l’avait déjà ressenti à de très rares occasions. The Fool en personne était venu s’assurer que Ganryū avait bien rendu son dernier souffle. Un moment de panique, Tanjô refit usage de sa chevelure pour s’agripper au toit et se hisser en quelques instants au sommet de l’immeuble.

Mais il était déjà trop tard. À peine le scientifique posa le pied sur le béton qu’une immense colonne de feu s’éleva en son centre, le forçant à protéger son visage de la chaleur intense qui en était dégagée. L’Arcane Majeure avait usé de son Fullbring pour carboniser définitivement l’ancien King of Swords afin de s’assurer qu’aucune ruse au monde ne lui permette de revenir à la vie. Pour le coup, il n’y avait plus le moindre doute. Le titan n’était plus que poussière. En un claquement de doigts, la légende avait pris fin.

Tanjô s’accroupit sur la dépouille tandis que le Fool s’éloignait déjà. Quel dommage... Dieu seul sait combien d’informations passionnantes il aurait pu tirer du cadavre de ce Fullbringer qui avait réussi à être en telle symbiose avec son Reishi. Les ramifications de son système de circulation d’énergie spirituelle, ses pores de libération de reiatsu, les modifications apportées à son corps par l’utilisation répétée de son fullbring... Toutes ces précieuses données s’étaient envolées au moment où son cadavre s’était embrasé.

L’ancien sorcier ausculta encore quelques instants la dépouille, espérant trouver une partie qui aurait résisté à la déflagration. Voyant qu’il n’y avait plus rien à en tirer, il le laissa retomber mollement au sol et tourna les talons. À l’aide d’une mèche, il envoya valdinguer le corps à travers le rue pour qu’il atterrisse dans les débris. Laisser ce corps brûlé sur un toit soulèverait trop de questions. Aux yeux de la population, il serait simplement mort lors de cette "explosion de gaz".

-Tant pis. Au moins, cette épine ne sera plus dans notre pied.

Sans ajouter un mot, il commença à s’éloigner. La mission était réussie, mais le cœur n’était pas à la célébration. Éliminer les traîtres était une nécessité, pas une joie.