[Intervention #5] Into the Void

Seuls sont autorisés à poster les joueurs inscrits, soit Matryona, Nataniel et moi-même.

Le mot avait été donné.
Suite au dernier passage des humains en leur monde, il convenait d'aller voir comment se portait ce que l'on nommait déjà « la Grande Cataracte ». Apparemment, un phénomène aurait eu lieu - en plus de celui qui donnait son nom à ce lieu -, requérant qu'ils s'y penchent de plus près.
N'ayant pas mieux à faire, Artemio s'était porté volontaire pour se rendre sur place. Après tout, rares étaient les membres de l'Escoria à présenter un haut niveau de combat ; preuve en était faite en cela qu'il était le seul d'entre eux à avoir su se hisser parmi les Dix Épées.
Or, il était, à ce qu'il en avait compris, préférable de disposer d'une certaine force pour ne pas être happé par le gouffre qui s'était créé au beau milieu du Yermo. Pour cela, mais aussi pour pouvoir se défendre au cas où les envoyés des autres factions décideraient d'affaiblir la leur, en dépit de la trêve déclarée suite au tournoi.
Par conséquent, si quelqu'un se sentait des velléités de révolte, il aurait affaire à rien moins que le Primera Espada ; il avait bon espoir que cela suffise à les dissuader. Et dans le cas contraire... Il aurait tout le loisir de voir ce que donnait un corps jeté dans la faille.

Ainsi donc, ils s'étaient retrouvés sur le chemin, en plein cœur du désert. Artemio les avait laissés venir à lui, ne cherchant pas à cacher sa pression spirituelle. Il était désormais trop tard pour se faire passer pour moins qu'il n'était, et il n'avait à ce titre plus de raison de se cacher ; cela ne lui avait jamais réussi, de toute manière.
S'il eut la surprise aigre-douce de retrouver celle qui avait été son adversaire lors de la finale du tournoi - de fait nommée Segunda Espada -, le second émissaire était quant à lui inconnu au bataillon. Son physique n'était néanmoins pas sans présenter les étranges caractéristiques que l'on ne retrouvait que chez ceux d'El Rebaño ; le Primera l'identifia donc comme tel avant même qu'il ait ouvert la bouche. D'autant que la seule autre option ne lui convenait guère.

▬ Et bien, on dirait que seuls nos amis de La Cámara n'ont pas jugé bon de nous honorer de leur présence... constata-t-il à voix haute. J'imagine qu'ils auront jugé que la tâche était indigne d'eux. J'aimerais dire que c'est étonnant de leur part, mais...

Il laissa sa phrase en suspens et haussa les épaules. Néanmoins, les deux premiers Espadas de nouvelle génération pour ce qui devait n'être qu'un contrôle de routine paraissait tout de même quelque peu excessif.
N'était-ce qu'une simple coïncidence ? Est-ce que, comme lui, Matryona s'était portée volontaire plus qu'elle n'avait été choisie pour se rendre sur place ? Ou est-ce que leurs différents « chefs » s'attendaient à ce qu'ils rencontrent des obstacles sans avoir cru bon de les en informer ?
Les Espadas étant - tous autant qu'ils sont - des pièces importantes sur l'échiquier politique du Hueco Mundo, les envoyer à la mort serait une grave erreur stratégique, mais Artemio ne plaçait assez de confiance en aucun d'entre eux pour les en juger incapables.

Nous ne devrions plus être très loin, crut-il bon de préciser, ignorant s'ils étaient familiers de l'endroit - plus que lui, en tout cas. Je ne suis encore jamais venu jusqu'ici. Je me suis dit que c'était l'occasion ou jamais.

Ensemble, ils parcoururent les dernières centaines de mètres qui les séparaient encore du point d'extraction. Se rapprochèrent un peu plus de la frontière qui les séparait encore du néant - du portail vers nulle part.

Les évènements s'enchaînent étrangement vite ces derniers temps, tout juste à peine le temps de se remettre de cet étrange tournoi destiné à réorganiser l’Espada, que je me retrouve à foncer à travers le désert en direction de cette source impressionnante de Reiatsu qui m’appelle, me guide. Un tournoi étrange dans son déroulement, jusqu’à son déroulement. Très peu de combat sérieux, finalement, la plupart des duels se soldant par des abandons par faute de motivation, ou autres raisons mystérieuses non dévoilées par les responsables. Pourtant le moyen le plus efficace pour se montrer aux yeux de tous, mais surtout auprès des chefs de clans. Pour qui désire une place au sein des Dix, prouver sa force devant le Conseil et bon nombre de ses semblables est l’une des options les plus séduisantes.
Les participants semblaient voir la chose autrement, à en juger l’issue des combats. Certaines des Espadas en place au moment du tournoi n’ayant même pas jugé nécessaire d’y participer afin de défendre leur place. Un manque de respect à mes yeux pour ce que représente cette unité, pour ce qu’elle doit incarner. Le tri avait été nécessaire, mais les nouvelles Lames laissaient une désagréable sensation en bouche, montreraient-elles aussi peu de volonté à tenir leur nouveau rang qu’elles en avaient montré pour l’obtenir ?

Moi qui n’avait pas jugé bon de me présenter, ne me sentant pas prêt, avait assisté en tant que spectateur au tournoi. J’en étais ressorti plus interrogateur que réellement convaincu, bien que tout n’avait pas été que déception ou mauvaise surprise.
Le temps n’avait pas été assez long pour permettre de réfléchir à tout cela, le tournoi terminé depuis peu, qu’un grondement sourd avait déchiré les cieux, ne laissant aucun doute quant au fait que ce n’était pas anodin. Le Conseil de l’Acuerdo avait immédiatement pris les mesures s’imposant, constituant un groupe en effectif réduit pour recueillir des informations sur place. Quand l’information arriva jusqu’au Ziggurat, c’était sans hésitation que je m’étais porté volontaire auprès de la Grande Prêtresse, désireux de me rendre utile et surtout, de découvrir l’origine de ce coup de tonnerre. Tant de mystères entourent la zone de la Grande Cataracte et l'opportunité d’en apprendre davantage se présentait enfin.

Usant de sonidos pour avaler la distance me séparant du point à atteindre, je fonce à travers le désert de quartz afin de la rejoindre, cette masse impressionnante de Reiatsu qui m'appelle, me guide. Je la connais désormais, ayant déjà pu la ressentir lors du tournoi, elle appartient à la toute nouvelle Primera Espada.
C’est rassurant en un sens, de se savoir accompagné d’une telle puissance, cela pourrait peut-être même bien se révéler salvateur si ce que nous découvrons là-bas nous est hostile. Comme nous ne savons rien de ces lieux, si ce n’est que la Grande Cataracte est le résultat d’un accord passé avec les humains, qui ont provoqué cette anomalie de part leurs expériences. Le coin serait devenu une vraie saloperie pour l’énergie spirituelle, pourquoi et comment ça, je n’ai aucune information dessus. Tout ce que je sais au final, c’est que je ne sais rien et que la zone peut être dangereuse.
Si je m’attendais à retrouver la Première Lame au point de rassemblement, je suis en revanche surpris d’y retrouver également la Seconde. Matryona, que j'ai également pu apercevoir lors de ce même tournoi, mais aussi au Bistro Mundo, duquel elle est la gérante. Ni plus ni moins que les deux plus puissantes Espada réunies ici, pour mener à bien cette mission. De quoi en faire frissonner d’appréhension, si le Conseil avait jugé nécessaire d’envoyer ses deux meilleurs éléments sur l’affaire, c’était que cette dernière leur apparaissait comme réellement préoccupante.

Je ne relève pas la remarque d’Artemio, préférant garder pour moi mes opinions sur de tels sujets. Que la Cámara n’ait pas jugé nécessaire d’envoyer l’un des leurs est regrettable effectivement, mais pas indispensable. Avec deux telles puissances à mes côtés, j’ose espérer que les ennuis y réfléchiront à deux fois avant de nous tomber sur le coin de la tronche. Quant à ce que je pense des membres de la Cámara… Eh bien, je n’en sais pas assez à leur sujet, si ce n’est quelques rumeurs et faits racontés au sein du Troupeau, ou de discussions animées dans des lieux douteux comme celui tenu par la Segunda Espada.
— Primera, Segunda… Un honneur de me retrouver sous vos ordres. Je me nomme Nataniel, Fracción d’El Rebaño. Ce qui ne serait une surprise pour aucun d’entre eux, un simple coup d'œil à mon apparence suffisait à discerner les caractéristiques des membres du Troupeau. Un simple Fracción donc, seront-ils déçus ? — C’est une première également pour moi, ces lieux me sont tout autant étrangers que pour vous… Il ne faut pas vraiment compter sur moi donc, pour une visite guidée des lieux. Et c’est avec méfiance que je les suis, que nous nous rapprochons de ce qui nous intéresse.
Les antennes qui pendent le long de mes oreilles s'agitent dans l’air, cherchant à capter la moindre trace d’une énergie spirituelle étrangère, d’une anomalie. Si quelque chose à provoquer le grondement terrible ayant déchiré le silence ambiant du Hueco Mundo, il se peut que ce quelqu’un ou ce quelque chose soit encore dans les parages, à guetter dans l’ombre.

Spoiler:

Ce simulacre de tournoi lui laissait encore à ce jour un goût amer, et des visions obscures tout droit sorties de l’esprit prématuré d’une larve enveloppée dans son cocon de soie quelque part au fin fond des terres calcinées. Les cycles suivant sa pathétique promotion au rang de Secunda défilèrent sans réel engouement pour la tâche qui lui incomberait désormais. Davantage focalisée sur la méditation elle observa longuement les cicatrices et autres brûlures diverses qui peu à peu se résorbaient à mesure que son lien spirituel gagnait en puissance. Très vite, Matryona recouvrerait sa force d’antan, comme si tout cela n’avait été qu’un rêve.

Mais l’image de la créature, elle, n’en était pas un. L’araignée blessée dans son orgueil pouvait encore sentir le souffle tiède de ses murmures vibrants jusque dans les tréfonds de son âme meurtrie. Un prédateur d’une autre ère, le nouveau Primera. Voilà quelque chose qui sonnait plus légitime à ses yeux que les misérables pantins couronnés qui prétendent gouverner ce monde éternellement plongé dans les ténèbres.

Il reste une promesse à tenir maintenant. Un duel dans les règles de l’art, où chacun pourrait se jeter à corps perdu dans la bataille sans chercher autre chose que l’ivresse de la chasse gardée. Du bout de son comptoir la poupée aux mille facettes s’en réjouissait d’avance, lorsqu’un ordre des hautes sphères lui fut transmis. Il était question de reprendre la route de la grande Cataracte, cette curieuse anomalie découverte plus tôt avec l’aide de Delila. Peut-être serait-elle également envoyée sur place, un e raison supplémentaire de suivre le mouvement.

Mais le véritable appel s’insinua entre les mailles de sa toile que plus tard, sous la forme d’un déchirement spirituel. Une odeur familière, tenace et imposante. Le démon de l’oubli les conviait à rejoindre la marche. Contre toute attente, l’Arrancar qui affirmait haut et fort ne jurer allégeance à quiconque ravala sa fierté au profit d’une curiosité maladive. Lors de sa dernière visite elle n’eut guère l’opportunité de mettre en pratique ses théories, l’occasion est bien trop belle. Et puis, il lui sera aisément possible de tisser des liens avec le principal intéressé. Qui sait s’il deviendra un allié potentiel, plutôt qu’un rival.

C’est ainsi que les dunes se retrouvent à l’accueillir une énième fois dans un silence monacal. Aucune autre empreinte dans le vent ni le sable ivoire, aucun bruit sinon celui de ses pas lents et des jacasseries infantiles perturbant le calme ambiant. La route est longue mais face à l’infini tout paraît dérisoire. Finalement, elle le retrouve. Là, habilement dissimulé sous sa misérable coquille humaine, un brasier dormant. Il ne s’étonne pas davantage de sa présence, et ne sait curieusement pas où se rendre. Ce constat arrache à Matryona un sourire moqueur, tandis qu’elle se rapproche dangereusement de sa nuque.

- Faisons fi des allégeances, face à la mort point de titre. Un simple spectacle, allons voir !

Damian s’esclaffe, une telle sortie se fait rare. Retrouver cette immensité de vide le comble. Mais alors qu’il se trouve sur le point d’inviter son hôte à le rejoindre une seconde victime s’interpose timidement. Elle a l’air encore si faible, si fragile. Vestige de leur histoire perdue dans les limbes du temps. Un insecte soumis au reste de sa meute, c’en est presque touchant.

- L’honneur revient aux vaincus car les autres doivent, eux, continuer à se battre pour l’obtenir. Ne l’oublie jamais.

Cecilia virevolte autour de la créature, les mains croisées sur sa poitrine de porcelaine. Elle le dévisage de ses yeux cousus, puis repart d’un battement vif en direction de sa Mère qui déjà lui adresse un regard noir.

- Suivez-nous.

Relâchant son attention elle déploie finalement son escadrille à la manière de limiers volants et leur emboîte le pas, sans se soucier un seul instant de ce que ses compagnons de route auront à répondre. Ils auront tout le temps de se perdre en hypothèses une fois sur place.

« Primera ».
Artemio n'appréciait guère d'être désigné de la sorte, mais le garda pour lui.
Être résumé à ce poste, cette place qu'il avait obtenu pratiquement par hasard et sans vraiment le vouloir le hérissait quelque peu... Mais il ne gagnerait rien de bon à le mentionner, surtout en présence de « partenaires » à qui il ignorait encore s'il pouvait faire confiance.

Ne considérant déjà pas les membres de sa propre faction comme alliés - ni eux ni personne -, il allait sans dire que ce n'était pas davantage le cas les concernant.
Matryona était un être profondément déconcertant, troublant à bien des égards ; quant à ceux d'El Rebaño, la façon qu'ils avaient de se draper de mystère n'incitait pas à leur faire confiance... D'autant plus quand la notion de confiance lui était pratiquement étrangère.
Il s'était si longtemps tenu au-dessus de tout et tout le monde qu'il ne s'était pas une seule fois demandé s'il devait « croire » en qui que ce soit ; il consumait ceux qui lui déplaisaient et laissait les autres rester en vie, c'était aussi simple que cela.

Hélas, maintenant qu'il était entré malgré lui dans les intrigues politiques du Hueco Mundo - bien que ce terme lui paraisse un brin excessif, pour le peu qu'il s'y tramait en vérité -, il y avait à craindre qu'on ne le laisse plus simplement changer en tas de cendres tous ceux qu'il jugeait dérangeants - du moins, pas sans d'abord avoir vérifié qu'ils n'étaient pas d'une quelconque importance. C'était bien dommage.
D'une certaine manière, cette « nouvelle place » avait beau le placer supposément au sommet de la chaîne supplémentaire, elle le rendait aussi beaucoup moins libre qu'il avait pu l'être. Il se pouvait que cela finisse par lui peser. Si ça devait être le cas, il saurait à qui s'en prendre, il n'aurait pas loin à aller chercher - juste quelques numéros plus bas. L'un des étranges farfadets accompagnant la Segunda le tira de sa réflexion en prenant la parole.

▬ C'est vrai... Je suppose que je devrais déjà m'estimer heureux que nos amis du Ziggurat daignent enfin se joindre à nous. Eux au moins semblent avoir quelques manières. Dis-moi, Nataniel, qu'est-ce qui vous a décidé à sortir de votre trou ?

Si El Rebaño et ses soi-disant « Arrancars de la Lune » faisaient techniquement partie de l'Acuerdo au même titre que n'importe lequel des trois autres clans, le fait était que leur présence avait été au mieux discrète, au pire imperceptible. Oh, cela n'impliquait pas automatiquement qu'ils soient plus faibles, non... Juste qu'ils cachaient bien leur jeu. La preuve : l'un d'entre eux, pourtant inconnu jusqu'alors, ne venait-il pas de s'emparer du chiffre trois ? À ce titre, il n'était que rarement possible de discuter avec eux ; Artemio entendait donc bien saisir l'occasion, pour une fois qu'il en avait un sous la main.

Sous la guidance de Matryona, apparemment habituée des lieux - était-ce d'avoir trop regardé dans l'abîme qui avait fait d'elle ce qu'elle était ? -, ils se dirigèrent jusqu'au bon emplacement, celui où une perturbation avait été détectée. L'on attendait d'eux qu'ils trouvent ce qui l'avait causée.
Les paroles de Borick sur les agissements des humains en leur monde ne furent pas sans lui revenir en mémoire ; n'étaient-ils pas la cause de l'existence-même de cette anomalie ? Pendant encore combien de temps les laisserait-on continuer à faire à leur guise, alors qu'ils tuaient à petit feu un endroit où ils n'étaient dès le départ pas les bienvenus ?

Bien que n'étant pas le plus sensible aux fluctuations d'énergie, il perçut immédiatement la différence alors qu'ils arrivaient à portée du phénomène. Comment ne pas le faire, alors que le désert lui-même semblait perdre sa forme à proximité de cette aberration ? Même baisser le regard sur sa propre main lui donna l'impression que celle-ci se troublait sous ses yeux ; que sa netteté s'enfuyait, aspirée par le gouffre sans fond qui occupait le ciel en ces lieux.

▬ Je ne vois pas de traces d'explosion... constata-t-il néanmoins, malgré la visibilité altérée.

Il n'y avait bien sûr pas de barrière pour les empêcher d'aller plus loin - comment auraient-ils pu mettre en place un tel dispositif sans qu'il soit happé lui aussi ? -, mais il sut d'instinct qu'il valait mieux ne pas poursuivre en direction de la faille.
Or, c'est en se figeant sur place qu'il réalisa que quelque chose dépassait de la dune au sommet de laquelle il avait grimpé pour mieux observer cet horizon distordu.

▬ Quelle est cette chose ?

Du pied, il délogea sans subtilité l'objet en question, sorte d'appareil qu'il devinait trop avancé pour avoir été conçu ici - où auraient-ils trouvé les pièces ? - et l'envoya rouler au milieu du sable jusqu'à ses deux camarades. Peut-être seraient-ils plus à même que lui d'en déterminer la fonction, ou à tout le moins la provenance. S'il estimait s'être relativement bien mis à jour ces six années, ses notions de technologie contemporaine demeuraient lacunaire à plus d'un égard, après tout ; peut-être n'était-ce tout simplement rien.
Ou peut-être pas.

Spoiler:

Rapidement le convoi s’anime et se retrouve vers ce qui dans les souvenirs de l’Araignée ressemble approximativement à ce que l’on nomme désormais la Grande Cataracte. On pourrait s’imaginer tant de choses. Des installations sophistiquées, un vortex dévorant la matière, un gouffre sans fond au milieu du désert de sable blanc. Mais rien, si ce n’est ce flou ambiant et cette sensation de danger qui n’en est pas véritablement un.

Les enfants le savent, il ne fait pas bon trop s’en approcher aussi ils se tiennent à bonne distance tout en continuant leur ballet aérien histoire d’encadrer la zone et de repérer d’éventuels intrus. Pendant ce temps le regard laiteux de Matryona balaye l’horizon, elle lève le menton comme pour humer l’air vicié mais se ravise aussitôt que ses compagnons d’infortune franchissent le périmètre sécurisé.

Aucune parole ne leur a été adressée jusque-là par manque d’opportunité. Mais maintenant qu’ils sont sur place et doivent mener un semblant d’enquête, l’occasion s’y prête.

- Personne ne peut voir et pourtant on admire le voile qui essaye malgré tout de nous duper. Tout porte à croire qu’il s’agit d’une sorte de portail rejoignant le monde des humains. En témoigne vos trouvailles, Dieu de l’Oubli.

Damian avise ses interlocuteurs en s’exprimant sur un ton solennel. Le primitif ne montre aucune réaction visible, et se contente depuis leur départ de suivre religieusement sans oser imposer sa propre voix. L’autre en revanche sous son air désabusé montre clairement des signes d’incompréhension. Il découvre, tout comme eux avec Delila, l’ampleur du phénomène. L’étude scientifique au sens stricte du terme n’avais rien donné de concluant si ce n’est une anomalie dans le flux d’ether spirituel affectant le moindre grain de sable autour. De quoi rendre perplexe.

La présence signalée d’artefacts inconnus détourna un instant l’attention de l’Arrancar qui jusqu’ici s’était perdue dans des réflexions peu rassurantes. Elle avait un plan. Mais pour l’heure il faut déterminer ce qu’ils ont sous les yeux. Une sorte d’appareil, ou ce qu’il en reste, n’ayant rien de semblable à ce qu’elle avait pu voir ici auparavant. De quoi confirmer ses hypothèses, peut-être ?

- Il ne reste que des carcasses, une installation pour faire des mesures ? De survivants je ne vois aucune trace, que devons-nous en conclure ? Une tragédie, à n’en pas douter. C’est clairement ici que tout doit se jouer.

Les gémissements poétiques de Lola interpellent sa Mère. Il ne peut y avoir que ce seul fragment comme dernier témoin de la déflagration qui souleva tantôt l’intérêt des puissants. D’un claquement de doigts elle ordonne à ses fidèles d’entamer un vol de reconnaissance alentours, afin de signaler la présence d’autres éventuels indices.

Ses véritables intentions demeurent en coulisses le temps d’en apprendre plus sur la nature de la chose. Il serait malheureux de causer un nouveau traumatisme qui effacerait alors toute marque susceptible de leur dévoiler la raison d’une scène aussi énigmatique que désolante.

▬ Je n'ai pas l'impression qu'il s'agisse d'un simple Garganta... Ou quel que soit le nom qu'ils puissent lui donner. rétorqua Artemio en lorgnant le bout de sa chaussure, pour s'assurer que le dispositif n'y avait laissé aucune trace. Par-dessus son épaule, il avisa la faille, dont l'attraction lui semblait aller grandissante, alors pourtant qu'il veillait à ne pas plus en approcher. Ou alors, il est très mal calibré.

La théorie n'était cependant pas à exclure. Peut-être les humains avaient-ils essayé de créer un portail permanent entre leurs mondes, et ils avaient devant eux la conséquence de leur échec. Voilà ce que l'on gagnait à jouer avec des forces que l'on ne comprenait pas - à se croire plus que ce que l'on est en vérité. D'autres feraient bien d'en prendre de la graine.
Par ailleurs... Si c'était bien de cela qu'il était question, il était prêt à parier que leurs « invités » n'avaient pas demandé la permission avant de mettre en place ce passage - ou de tenter, à tout le moins. Voilà qui pourrait bien compromettre leurs relations, et Artemio n'irait pas s'en plaindre. Il n'appréciait guère l'idée de s'entendre avec eux - de jouer avec la nourriture, d'une certaine manière.
Cependant... À son époque, les Shinigami eux-mêmes, pourtant déjà ennemis jurés, avaient grand-peine à se rendre dans le blanc désert. Il avait fallu toute la prouesse scientifique de leur armée pour mettre en place des moyens d'y parvenir. Comment est-ce que les humains, éternels retardataires, auraient pu ainsi combler leur retard ? Il n'osait penser que cela puisse être par leurs seuls moyens.

Sans surprise, l'envoyé d'El Rebaño demeura en retrait. Comme lui, une bonne partie de leur effectif provenait d'un temps lointain, n'avait pas encore eu le luxe de se familiariser avec la technologie telle qu'on la définissait aujourd'hui.
Dès lors, il y avait peu de chances qu'il soit d'une grande aide dans leur enquête, trop occupé à se demander comment une chose si petite pouvait avoir le moindre intérêt - sinon celui d'être un objet contondant. Le Primera le laissa donc à sa découverte, sachant trop bien, pour être lui-même passé par là, qu'il valait mieux le laisser faire à son rythme.

Constatant que l'appareil qu'il avait déniché existait en plusieurs exemplaires et qu'aucune rareté n'exigeait donc sa sauvegarde, Artemio n'eut aucun scrupule à le démanteler à l'aide d'un Bala, répandant ses pièces au milieu du sable. Ainsi pourraient-ils avoir une meilleure vue sur ce qu'il contenait, même si cela ne l'éclairait que peu dans son cas. D'autres que lui, plus versé dans la science des mortels, y trouveraient certainement un intérêt.

▬ À vrai dire, reprit-il, poursuivant le dialogue avec les satellites parlants de Matryona, j'ai plutôt l'impression qu'ils ont pris la fuite en se rendant compte qu'ils avaient commis une erreur... Ou nous trouverions d'autres signes de leur passage que les déchets qu'ils laissent derrière eux.

Des affaires, des traces de lutte pour ne pas se faire aspirer... Qui sait quoi d'autre ? Non ; à son sens, si les humains avaient simplement été happés sans crier gare, il y aurait plus de traces, de preuves du mal qu'ils avaient fait à leur monde.
Déambulant parmi les dunes, il piétina malgré lui une autre machine. Celle-ci étant déjà brisée également, même avant sa « découverte », il fut incapable d'en déterminer le fonctionnement ; tout au plus pouvait-il dire qu'elle possédait une hélice, et donc devait pouvoir voler. Faisant la moue, il se pencha pour le ramasser et poussa un soupir.

▬ Je suppose que l'on ferait mieux de ramener un échantillon. Je n'ai aucune idée de ce à quoi ces engins peuvent bien servir, mais peut-être que certains des nôtres seront peut-être plus à même d'en tirer des réponses...

Quant à savoir lesquels... Il avait cru comprendre que l'ancienne Segunda était portée sur ce genre de choses, mais elle semblait avoir disparu, ne s'étant pas même présentée au tournoi. Ils ne pourraient donc pas compter sur elle.
Si c'était regrettable pour leur intérêt commun, le nouveau Primera se réjouissait de ne pas devoir aller demander l'aide d'une membre de Las Manadas, outre celle qu'il supportait déjà dans le cadre de cette excursion.

▬ Vous voyez autre chose ? Je ne tiens pas à m'éterniser...

Un honneur, mais une situation particulière durant laquelle je devais me montrer prudent pour ne pas commettre d’erreur préjudiciable pour ma vie, ou l’entente entre mon clan et les autres. Matryona représentant Las Manadas, ceux prônant la force à tous les niveaux, ceux aimant régler les malentendus dans l’affrontement, quelques mots mal choisis à son égard pourraient entraîner la fin prématurée de ma jeune existence. Aussi, quand l’une de ses petites créatures intervient pour m’exprimer son opinion sur l’honneur, j'acquiesce simplement de la tête, gardant silence.
La Segunda ne s’en souvient probablement pas, mais ce n’est pas la première fois que je la vois. Il n’y a pas si longtemps de cela, j’ai eu l’occasion de découvrir son bar dans les alentours du palais en ruines. Là-bas, je l’ai aperçu, ainsi que ses petits enfants, virevoltant aussi vivement qu’ils s’expriment. J’en sais donc assez sur leur caractère pour ne pas m’essayer à trop jouer avec, si tant est que l’envie s’en faisait ressentir. Le mieux reste donc encore de suivre le petit groupe qui vient de se former, en retrait de quelques pas par rapport aux deux entités menant la mission.

Après avoir répondu à la question du Primera, bien évidemment. Ce qui m’a poussé à sortir de mon trou ? Personnellement, la curiosité. — Comme vous avez répondu aux appels de vos meneurs, j’ai répondu présent lorsque la Grande Prêtresse a lancé le sien. Là où elle a besoin que je sois, je m’y rends. Et avec plaisir, moi qui lui suis redevable en bien des manières pour m’avoir libéré de mes tourments. Sans doute pas la réponse qu’attendait la Première Lame, mais ce n’est pas à moi d’éclaircir les intentions d’Isielle.
C’est la première fois que je m’approche si proche de cette zone, la première fois que j’en constate cette magie qui s’en dégage, cette force qui y est installée. Nous ne sommes qu’à la limite, mais déjà un voile semble s’imposer à nous. Est-ce ma vision qui se trouble ou un effet d’optique lié à un phénomène inconnu ? J’en reste un moment perplexe, restant figé, tentant de comprendre ce qui se trame ici.

Les mots du Vittoria me rappellent à la réalité, tandis qu’une chose non identifiée roule jusqu’à nos pieds. Quelle est cette chose ? J’en ai bien aucune idée, à vrai dire. Si j’ai connaissance de l’histoire approximative de ces lieux, je n’ai jamais pu constater de mes propres yeux ce qui était ici autrefois, avant l’explosion. Je perds donc un peu mon temps en exploration, très brève et sans trop m’éloigner, de la zone. Tandis que les fouilles débutent du côté de mes partenaires, mes yeux se perdent en contemplation. Force est de constater que mis à part ce flou étrange imposant sa loi, il n’y a pas grand-chose d’autre à contempler.
C’est à mon tour de buter contre un appareil au sol, lui aussi dans un mauvais état témoignant qu’il a été la victime de la déflagration comme le reste. De la pointe du dard présent au bout de mon appendice caudal, je ramasse l’étrangeté en le transperçant pour mieux le soulever à hauteur de visage. Un mécanisme humain ? Je ne sais pas, je ne sais pas grand-chose des avancées technologiques de l’humanité, des dizaines et des dizaines d’années que je me cache au sein du Yermo. Ma dernière visite dans l’autre monde remonte à si longtemps…

Je n’y connais rien, mais mon intuition me dit que l’on ferait mieux de ramener l’un de ces dispositifs pour que nos scientifiques puissent l’étudier. Si ces bidules sont la cause de la détonation ayant fait trembler tout le Hueco Mundo, alors il est important de tenter d’en percer son fonctionnement. Opinion partagée par le Primera, qui confirme ce que j’ai en tête.
Est-ce que je vois autre chose ? Pas dans l’immédiat non, mais je n'ai pas terminé de fouiller. Les enfants volants de Matryona ont plus de chances de déceler ce que le sable peut en partie enfouir, la voie des airs offrant une meilleure vue d’ensemble. De mon côté, je suis les traces, du moins les débris. Peut-être que les petits me mèneront à quelque chose de plus gros, de plus parlant.

[quote="Matryona"]

Spoiler:

Alors qu’elle envoie son escadrille aux quatre vents avec pour mot d’ordre de lui transmettre la moindre anomalie ou présence de débris, Matryona tourne plante ses yeux aveugles en direction de celui qui se rapproche le plus d’un leader. Piégé sous sa carapace de chair il apparaît si maladroit et pataud que cela lui arrache un sourire. La chrysalide se laisse aller à quelques remarques d’une évidence relative, pas plus désarçonné que de raison. Elle approuve d’un hochement de tête silencieux.

Il est assez clair que ce phénomène n’a rien de commun avec la manifestation d’un passage inter dimensionnel tel qu’on peut se le représenter. Par ailleurs le fait qu’une déflagration si violente ait pu tout réduire en charpie peut vouloir dire deux choses : soit une expérimentation humaine s’est très mal terminée, soit l’acte en question est calculé. Dans tous les cas, l’origine n’est plus à prouver.

Pour autant l’Araignée ne prend pas en compte la thèse de l’erreur. Il est tout à fait probable que la complexité du maelstrom spirituel se soit emballée jusqu’à atteindre une phase critique, et que l’absence de créatures primitives lors de l’explosion soit simplement due au hasard. Mais elle ne le relève pas oralement, il est trop tôt pour tirer des conclusions. Et puis, elle n’a pas l’expertise de sa camarade Delila. Sa science se tourne vers d’autres horizons.

- D’autres débris, épars.

Le rapport vient juste de tomber, il n’y a rien de plus que ce qu’ils ont visiblement devant eux. Certains des bambins reviennent d’ailleurs avec des pièces détachées afin de ne pas revenir bredouille tout en apportant une preuve concrète de leur trouvaille une fois rentrés au palais d’ivoire.

C’est à ce moment que l’insecte souffrant sans doute de son complexe d’infériorité se décide à briser le mutisme qui le rongeait alors. Le pauvre est vraisemblablement habité par une ferveur qui dépasse sa misérable existence. En d’autres temps, d’autres lieux, il aurait clairement terminé par se répandre sur le sable et s’y désagréger dans l’indifférence la plus totale. Dans le Monde Creux, on ne doit pas permettre au vide d’avaler son libre arbitre. Jamais.

Elle le dévisage un instant, sourire de poupée sculpté sur un visage de porcelaine. Il lui est parfaitement étranger, tout autant que la Prêtresse qu’il mentionne. La Segunda devient pensive, se ferme. Il lui faudra reprendre les chemins disparus sous les dunes et confronter un jour tous ceux qui prétendent sans savoir, cachés derrière des titres et entourés par des fidèles sans raison de vivre. Nous vivons une époque curieuse, où les espèces signent des pactes, collaborent. Une forme de maintien de l’équilibre qu’elle ne comprend pas.

L’insecte n’est plus là. Parti lui aussi fouiller son trésor. Elle en profite pour interpeler son seul intérêt dans cette affaire.

- Nous devrons parler. Car j’ai vu ton visage, gravé dans les siècles. Mon invitation tient toujours, et si tu ne viens pas à moi alors je prendrais grand plaisir à te traquer, Dieu de l’oubli. Mais pour l’heure…

Ses paroles sont prononcées avec une tendresse anormale venant de celle qui toujours se refuse à la moindre intonation pouvant briser le masque du prédateur. Un élan de souvenir lointain, une onde véhiculée par ce con dormant au sein de la foret calcinée. Bientôt, son terme approche.

Matryona retourne son attention sur les chérubins, puis agrippe le filin spirituel la liant à Vinny qui, en pestant décide de la rejoindre. Elle lui offre un baiser maternel, avant de lui murmurer des mots qui illuminent les prunelles démoniaques du petit diable. Aussitôt elle relâche son emprise et le démon incendiaire repart à tire d’ailes, fonçant littéralement au cœur du vortex invisible.

- Ne partons pas sans savoir.

Il est grand temps de s’assurer qu’il ne s’agisse pas d’un chemin pouvant faciliter le mouvement de troupes humaines. S’il est question de passage alors l’enfant turbulent se fera un plaisir de leur offrir sa plus belle explosion en guise de réponse. S’il se fait absorber dans le néant et bien, elle le fera renaître sans problème. Par mesure de sécurité Cecilia se tient prête à dresser une barrière défensive. L’araignée, elle, commence à déployer ses multiples bras. Qui sait ce qui pourrait bien se produire.

D’abord fière de son initiative Matryona regarde, amusée, le chérubin qui se lance à corps perdu dans le cœur du maelstrom invisible. Elle avise son interlocuteur du regard, tentant d’y trouver une forme de réaction, lorsqu’un sentiment de malaise commence à crisper son visage de porcelaine.

Comme à son habitude il est convenu que le lien qu’elle partage avec ses enfants lui permet non seulement de se soustraire à certaines émotions tout en partageant ce qu’ils vivent ou ressentent. Pourtant, au fil des secondes cette sensation semble s’étioler dangereusement.

Les images transmises par le biais de Vinny deviennent aussi floues que le reflet de cette cataracte, ténues, grisâtres. Le lien qui les unit se tend brusquement, puis se rompt d’un coup sec. Il ne se produit rien. Aucun son, aucune déflagration, aucun retour susceptible de lui apporter la moindre réponse. L’araignée semble soudainement prise d’une douleur au niveau de la tête, qu’elle prend entre ses multiples mains tandis que ses jambes se font plus fébriles et peinent à la soutenir.

A genoux, paumes plantées dans le sable, elle se met à suffoquer. L’espace d’un instant elle est gagnée par une cécité totale. Pire, c’est comme si on venait d’aspirer tout l’air de ses poumons, comme si on lui avait arraché une partie de son crâne. Les autres angelots tombent ça et là autour d’elle, inertes.

- Qu’est-ce que… COMMENT ?

Elle pousse alors un râle bestial strident, brutal, qui soulève avec violence une onde se propageant dans le sable dansant. Machinalement elle tente de se redresser, prise de convulsions au niveau de son abdomen. Mais de sa bouche désarticulée ne sort aucun œuf, et sa peine s’en trouve décuplée. En un millénaire d’existence baignée dans la peur et la tourmente, jamais pareil constat d’impuissance ne lui a été imposé.

Une teinte mordorée gagne ses prunelles vides, desquelles coulent un liquide noir poisseux. La voilà prise d’un fou rire qui n’a rien de rassurant. Désemparée, elle s’engage dans un accès de folie. S’approche du Primera, avant de l’empoigner de tous ses bras et de coller son visage à quelques centimètres du sien.

- Ce n’est pas un passage ! AHAH… LE NEANT ! AHAHAH…. Ce qui rentre n’en ressortira jamais, voilà pourquoi il n’y a personne ! Voilà pourquoi Vinny n’est PLUS ! AHAH !

Entre deux hoquets mêlés d’une profonde tristesse, d’incompréhension et de colère froide Matryona relâche son emprise, titube en restant à bonne distance du phénomène, semblant hagard. Un voilé d’énergie pourpre commence doucement à l’envelopper de tout son être, ses yeux sont à l’image de deux soleils sur le point d’exploser.

Avec la disparition de Vinny, la haine retrouve doucement une place dans son propre cœur. Si la raison ne finit par l’emporter, elle risque de bientôt redevenir une bête assoiffée de vengeance. Et il n’y a pas pire qu’un prédateur Alpha blessé, endeuillé par la perte de sa progéniture.

▬ Si tu me connais, alors tu dois savoir que me menacer n'est pas vraiment une bonne idée... Pas vrai ? indiqua-t-il à Matryona, tandis que le troisième larron plantait son dard dans l'un des appareils pour l'examiner à son tour.

Si cela lui tenait tant à cœur, celui qu'elle n'avait plus, il comptait bien répondre à cette invitation - en temps et en heure, selon ses propres termes. Il ne craignait pas un nouvel affrontement, mais il était hors de question pour lui de se plier à ses caprices.
Ainsi donc, après un dernier tour d'horizon, Artemio se préparait à repartir - et à emmener avec lui les vestiges de ces inventions auxquelles il ne comprenait rien, dans l'espoir que quelqu'un de plus capable que lui saurait arracher des réponses à leur carcasse rutilante.
Comme il l'avait indiqué, il ne tenait pas à rester ici plus que de raison. Oh, ce n'était pas qu'il ait peur, non, mais il y avait quelque chose d'intimement dérangeant dans la façon dont ce vortex essayait de les attirer.
C'était la première fois qu'il la voyait en personne, et il ne regrettait pas de l'avoir fait ; ainsi avait-il pu mesurer la menace qu'elle représentait. Mais maintenant que c'était chose faite, il comprenait qu'il ne faisait pas bon rester à sa portée - qu'un accident était vite arrivé.
Et il n'était pas idiot au point de vouloir attendre de voir tout le mal qu'elle pourrait leur faire, s'ils lui en laissaient l'occasion.
Une prudence que ne semblait pas partager sa consœur, puisqu'elle se fit forte d'envoyer l'un de ses angelots en plein cœur de la faille. Déjà sur le départ, Artemio fit halte en le voyant prendre de l'élan et disparaître dans le néant.

▬ Je peux savoir ce que tu es en train de faire ? questionna-t-il avec une pointe d'irritation, ne cautionnant pas la témérité d'une telle entreprise.

Si elle voulait prendre des risques, grand bien lui fasse, mais qu'elle attende qu'ils ne soient plus là pour subir avec elle les conséquences si quelque chose devait mal tourner. Artemio n'était pas sans savoir qu'une bonne partie de ses pauvres congénères manquaient cruellement d'instinct de conservation, mais de là à entraîner les autres dans leurs pulsions funèbres...
Par chance, il ne se passa absolument rien - ou, en tout cas, rien de plus que ce à quoi l'on pouvait s'attendre. Conformément à ce que l'on disait de tous ceux à s'en être approchés de trop près, le minuscule cobaye fut aspiré - effacé, sans qu'aucun autre effet ne se fasse sentir.
D'une certaine manière, c'était une chance que Matryona dispose d'une technique lui permettant de procéder de la sorte ; un contact au travers d'une forme d'énergie spirituelle encore en lien avec son corps - comme un Cero - aurait peut-être eu de plus fâcheuses conséquences.

▬ C'est presque décevant, commenta Artemio, resté bien en place tout au long de cette expérience, en voyant qu'il ne se passait rien de plus.

Du moins pas du côté de la faille. Matryona, elle, venait de s'effondrer dans le sable, sans raison apparente - et son comportement erratique ne traduisait pas la bienportance.
Avant que le Primera Espada ait pu réagir, elle se jeta sur lui pour lui cracher ses élucubrations au visage, les yeux pleins de démence. Quoi que sa créature ait pu voir avant de disparaître, elle l'avait vu aussi - et de toute évidence, n'avait pas pu le supporter.

▬ Lâche-moi !

Ce qu'elle fit autant qu'il se dégagea, reprenant promptement une distance de sécurité par le biais d'un Sonido. S'il ne comprenait pas exactement la raison de ses maux - qu'avait-elle perdu, hormis un peu de reiryoku ? -, il paraissait clair que la crise en faisait danger pour elle-même et pour le monde. Après réflexion, il porta la main à son sabre, à l'abri des regards derrière l'étoffe, et libéra un premier centimètre d'acier de son fourreau.

▬ Va-t-en, adressa-t-il à l'Arrancar de la Lune, sans lui accorder un seul regard - il ne pouvait pas se permettre de détourner son attention. Emporte ces machines avec toi. Je vais faire en sorte de la calmer.

Définitivement, s'il n'avait pas d'autre choix ; quel gâchis ce serait. Mais il avait bon espoir que quelques coups sur la tête puissent lui faire entendre raison - la violence étant après tout la langue maternelle de leur espèce à bien des égards.
Et s'il ignorait quels pouvoirs pouvait bien posséder un être doté d'une telle apparence, il savait El Rebaño constituée en bonne partie de pacifistes convaincus - sans compter que toute instable soit-elle, Matryona n'en avait pas moins mérité sa place sur le podium de l'Espada. Il pouvait en attester personnellement.
En d'autres termes, Nataniel ne ferait que le gêner.
Qu'il parte donc et les laisse régler leurs comptes ; c'était ce qu'elle voulait, au fond.

▬ Segunda Espada ! s'exclama-t-il, jugeant adéquat lui adresser un dernier avertissement. Et puisqu'ils étaient en présence d'un tiers - jusqu'à ce qu'il déguerpisse -, il devait faire preuve d'un semblant d'étiquette. Je vous somme de reprendre vos esprits sur-le-champ. Un tel comportement n'est pas digne de votre rang... Sous couvert de sa cape trop longue, un peu plus de métal quitta son étui. Son regard se fit prédateur. Arrêtez donc ces enfantillages, ou bien j'y mettrai un terme à votre place.

Elle ne s’était pas risquée à prendre en considération les menaces sous entendues, les mises en garde jouant d’une autorité qu’elle jugeait illégitime. Elle avait agi de se propre chef car bien au fait de sa nature, libre de toute chaîne et ce peu importe l’affiliation qu’on lui donnait. Cette coquille portant le titre de Primera ne déroge pas à la règle. S’il est clair que jadis sa domination devait faire état d’un certain consensus à ce jour tout cela ne représente plus rien qu’une vulgaire peinture primitive cachée au fin fond d’une grotte au-delà du Yermo.

Du vent, des vestiges anciens oubliés de tous. Alors quand ce dernier se met en position de la réprimander elle sourit, comme pourrait le faire un prédateur face un adversaire de taille. Par chance le troisième sur ses ordres s’était rapidement défilé, sans quoi peut-être son existence se serait-elle éteinte brusquement dans un accès de colère froide.

Les mains toujours crispées sur son crâne hurlant de douleur Matryona ne reste pas en place, titube, tout en tournant autour de sa proie. Le sentiment qui la submerge gagne toujours plus de terrain, c’est une véritable lutte qui s’engage avec la raison qui habituellement siège au cœur de son âme. Et cette fois, aucun autre enfant ne peut lui venir en aide.

- Ohoh, mais quel joli spectacle nous pourrions offrir à tous ces misérables insectes, tu ne trouves pas ? Les rangs, les allégeances, tout cela n’est qu’un numéro de pantins et tu le sais aussi bien que moi ! Sur l’estrade nous sommes tous le clown de notre propre existence.

Curieusement cette situation lui procure un certain plaisir. Une forme de libération pour celle qui depuis des siècles se perd dans un mutisme profond à peine brisé par la seule volonté de ceux qu’elle materne. A tel point que personne ne peut encore prétendre l’avoir vue sous son masque, telle qu’elle se représente en ce moment même.

Instable, cruelle, dévorée par un appétit pour la violence pure. Ou alors ce ne sont que les échos du regretté Vinny, lui qui se fiche éperdument des codes qu’imposent la vie en communauté. Difficile à dire. Toujours est-il que sa souffrance est réelle. Il lui serait presque possible de matérialiser ce vide qui occupe désormais une place bien réelle dans son corps creux de porcelaine ébréchée. L’espace d’un instant son souffle se faire plus lourd, un vrombissement naît de la coquille ivoire. D’intenses flammes spirituelles écarlates l’entourent tandis qu’elle observe longuement la paume de ses mains tremblantes.

- Ce n’est pas ainsi que l’on s’adresse à une mère en deuil, Dieu de pacotille. Nous ne sommes rien l’un pour l’autre, nous ne connaissons rien du danger qui nous fait face. Je peine déjà à ne pas sombrer dans la folie, alors ne te jette pas dans des promesses que tu pourrais regretter amèrement.

Elle se redresse de toute sa hauteur, bras écartés et crispés dans une posture invitant clairement à la prudence. Un mot de trop, et elle pourrait bien fondre toutes griffes dehors sur le seul gibier encore présent alentour.

Les larmes noires et poisseuses continuent à tâcher son écorce immaculée pourtant, elle affiche une mine résolue qui ne laisse aucun doute quat à ses intentions. Le clown est sorti de sa boîte. Une de ses prunelles incandescentes perd progressivement de sa superbe et, au bout d’interminables secondes passées sous silence la voilà qui arbore un regard vairon. De toute évidence sa raison partage le siège de sa conscience. Il lui suffit d’un geste pour que l’un prenne le pas sur l’autre.

L’envie de soumettre l’arrogance de ce faux Dieu est aussi forte que sa volonté d’en finir avec le deuil et de comprendre ce qu’il vient de se produire. Il ne tient qu’à lui de choisir la route.

- Je peux être le pire comme le meilleur. Le rouge du sang, ou le blanc du sable. Que choisis-tu ?